THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG

POLITIQUE

"Soyez résolu de ne plus servir, et vous voilà libre !" (La Boétie, Discours de la servitude volontaire)

Cf aussi MANIPULATIONS

Cette section réunit surtout des commentaires d'ordre plus ou moins général. Les commentaires plus nettement liés à l'actualité ont été laissés dans les archives par années.


"Nous, Athèniens, sommes les seuls à ne pas considérer un citoyen qui ne s'occupe pas de politique comme un citoyen tranquille, mais comme un citoyen inutile." (Périclès, cité par Thucydide)


"Les hommes ne seront jamais libres. Parce qu'ils sont faibles, corrompus, indignes, et agités." (C.G.B. Spender)


"La démocratie est l'art d'agiter le peuple avant de s'en servir." (Talleyrand)


Venise est une des rares villes dont le peuple ne s'est jamais révolté. Au temps de sa grandeur, ses riches marchands prenaient bien soin de redistribuer assez de richesses au peuple pour maintenir une paix sociale indispensable à leurs affaires.


ENGAGEMENT

Que l'on se sente ou non militant, la solidarité humaine minimale consiste à reconnaître la réalité du malheur des autres et non à le nier ou à l'atténuer pour cautionner sa perpétuation.

Cela dit, nul n'est obligé de faire preuve de cette solidarité minimale et l'on a parfaitement le droit de choisir d'être moralement une bouse.


ECRITURE MILITANTE

Dans le Degré zéro de l'écriture, au sujet de l'écriture intellectuelle militante, Barthes observe qu'elle "tend à devenir le signe suffisant de l'engagement" : "L'écriture devient ici comme une signature que l'on met au bas d'une proclamation collective (qu'on n'a d'ailleurs pas rédigée soi-même). Ainsi, adopter une écriture - on pourrait dire encore mieux - assumer une écriture -, c'est faire l'économie de toutes les prémisses du choix, c'est manifester comme acquises les raisons de ce choix."


Quelques définitions du Dictionnaire du Diable, d'Ambrose Bierce (1842-1914) :

Electeur : Celui qui jouit du privilège sacré de voter pour l'homme choisi par un autre.

Impunité : Richesse.

Ministre : Fonctionnaire doté d'un très grand pouvoir et d'une toute petite responsabilité.

Politique : Conduite des affaires publiques en vue d'un avantage privé.


Laurent Gerra parodiant "Qui veut gagner des millions" :

"Pour être Président de la République, il ne faut pas :

A - Avoir des casseroles au cul.

B - Etre convoqué chez le juge.

C - S'être fait sucer dans un bureau.

D - S'appeler Jospin.


ELECTEUR FN

Dans Le Combat ordinaire, Larcenet fait parler ainsi un électeur populaire du FN en 2002 : "Je m'en sors plus. J'ai peur. Alors la vérité, c'est que le premier qui passe et qui me dit que ça peut changer, eh ben je vote pour lui."


QUELQUES MOTS DE BAKOUNINE

"Un bourgeois qui n'a pas le pouvoir est préférable à un prolétaire qui l'a."

"La liberté sans le socialisme, c'est le privilège, l'injustice ; et (...) le socialisme sans la liberté, c'est l'esclavage et la brutalité."



11 juin 2005

La campagne pour le OUI au référendum ("il faut absolument voter OUI sinon ce sera une catastrophe") et les réactions médiatico-politiques au lendemain de la victoire du NON (en substance : "Les Français sont vraiment des gros cons ; maintenant ça va être coton pour réparer leur connerie !") sont très révélateurs de la nature de nos systèmes simili-démocratiques.

Sans se faire trop d'illusions sur les formes passées de la démocratie (la part de manipulation, à tout le moins de tentatives de manipulation, a toujours existé), on peut tout de même considérer que la démocratie consiste en la possibilité pour une population donnée, en certaines occasions données, d'exprimer sa volonté et de faire des choix engageant son avenir collectif.

Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'exprimer sa volonté mais simplement d'adhérer, d'exprimer son acquiescement sans réserves, à la volonté d'une élite dirigeante. Le devoir civique n'est plus un devoir de décision et d'engagement, mais est devenu devoir d'acquiescement.

Il ne s'agit plus d'imposer ses choix, mais de trouver la bonne réponse. La démocratie est devenue un jeu télévisé et les Français ont perdu : ils ont donné la mauvaise réponse. Pourtant, ce n'est pas faute de la leur avoir soufflée sur tous les tons.

En 2002, c'était moins difficile : il y avait deux bonnes réponses possibles, Jospin et/ou Chirac, fondamentalement équivalentes sur l'essentiel ; mais les Français se sont là aussi trompés, en tous cas lors de la première manche. On a beaucoup glosé sur l'aspect le plus impressionnant de ce premier tour : l'extrême-droite présente au second tour. Mais avec le recul et les résultats de ce second tour, il semble assez évident que Le Pen n'a pas fait beaucoup plus que d'habitude et que les Français n'étaient pas devenus subitement et massivement fascistes. Ce n'est pas Le Pen qui est monté : c'est Jospin qui, après avoir lâché les électeurs de gauche, a été fort bellement lâché par eux. Mais l'analyse officielle reste la même, toujours : "les Français font n'importe quoi, votent n'importe comment, ... Ils sont cons : il faut leur expliquer mieux, il faut être plus pédagogues, ...". L'hypothèse que les Français en ont simplement marre d'être pris pour des cons et que, quand on se prend baffe électorale sur baffe électorale , il ne faut pas être "plus pédagogue" mais rentrer se coucher, cette hypothèse-là ne sera évidemment jamais formulée.

Les scrutins de 2002 et de 2005 sont les signes d'une réflexion, d'une compréhension, en tous cas d'une conscience, de plus en plus grandes de l'imposture politique en place.

Certes, l'opposition à la clique libérale UMP-PS est extrêmement variée. Certes, il y a aussi dans les 54% du NON une part de voix d'extrême-droite, et le NON de gauche est à lui seul déjà terriblement hétéroclite. Mais il n'empêche que c'est une première défaite majeure pour la pensée unique. Et si rien ne semble encore capable de constituer une alternative électorale crédible (et cela sans doute pour longtemps encore), ce qui est essentiel, c'est de constater l'échec d'un système que l'on croyait capable de tout engloutir. Non. Malgré le pouvoir énorme et omniprésent des medias, la machine orwellienne ne fonctionne pas. L'humain en nous finit par sortir de cette glu et par se réveiller. Patrick McGoohan présentait son N°6 comme le dernier homme résistant au formatage : il s'avère que le N°6 a fait des petits.

Et les jeunes justement, que l'on pensait voués au crétinisme béat, élevés qu'ils étaient depuis toujours dans un univers de télé et de pub, les jeunes non plus ne se sont pas laissés définitivement engluer.

Il faudra beaucoup d'efforts d'information, de formation, de débat, de compréhension mutuelle, pour qu'une véritable alternative intelligente émerge, si jamais elle émerge un jour de nos propres dogmatismes (qui ne paraissent aujourd'hui sympathiques que parce qu'ils ne sont plus ou ne sont pas encore triomphants). Mais il y a de l'espoir.


16 octobre 2005

Etrange démocratie, où toute réflexion politique est quasiment absente et où seule la peur du pire jette les électeurs vers l'à peine moins pire ... Sans revenir sur les faillites en grande partie programmées de l'école en matière de formation à l'esprit critique (on se reportera si l'on y tient vraiment à la section pédagogie de ce site et surtout à certains des liens conseillés), il est tout de même effarant de voir la France soumise pour cinq années au moins à un véritable pillage ultra-libéral mené par des individus qui n'ont été portés au pouvoir que pour ne pas y voir arriver le Front National. Aucune alternative ne semble évoquée, du moins dans les principaux médias. Il semble tout naturel d'accepter cette curée. Et de la même façon, en 2007, on risque de ne porter au pouvoir le PS libéral que pour sanctionner la politique à peine plus libérale menée aujourd'hui. Ou pire encore, et plus absurde, on risque d'y conduire un Sarkozy, encore plus libéral, lui, simplement parce qu'il est plus habilement démagogue que tous les autres et donne l'illusion de l'efficacité, et parce que, malgré le rejet massif (du moins j'ose le supposer) de l'ultra-libéralisme, le plus grand champion actuel de cette doctrine est forcément plus médiatique et plus enthousiasmant que tous les tocards et pleutres réunis que le PS s'obstine à mettre sur les rangs.


20 février 2006

Etats-Unis : contrée surréaliste dont le président a failli mourir étouffé par un bretzel et dont le vice-président a tiré sur un type qu'il avait pris (je cite) "pour une caille".

Le monde étant ce qu'il est et les chances de le changer étant ce qu'elles sont, je me demande après tout s'il ne faut pas se réjouir de voir la droite au pouvoir. Quitte à ne rien faire, autant que le pouvoir soit assuré par des crétins qui nous font rire. On repense encore avec émotion au temps où la Russie était dirigée par un ivrogne absolu qui titubait en permanence : il n'a pas mené une politique plus ignoble que celle de Poutine, après tout, et au moins, lui, il était rigolo.

Les socialistes français, par exemple, qui ne sont ni plus efficaces ni moins libéraux que la droite française, manquent singulièrement de dimension comique. On n'imagine pas Jospin s'étouffer avec un bretzel (alors que Chirac oui), Hollande descendre un type en chassant la caille ou Ségolène Royal tenir (du moins en public) une cuite de l'acabit de celles d'Eltsine. Il n'y a qu'à droite qu'on a encore de bons gros cons capables de choses pareilles, ou encore de dissoudre l'assemblée nationale et de se retrouver en minorité, ou de se faire arrêter avec une prostituée mineure comme l'ex-conseiller de Raffarin, ...

Il faut en profiter, parce que la nouvelle droite sarkozyste sera je le crains moins pitre et plus sournoise, moins bonhomme et plus fascisante.


27 mars 2006

J'ose espérer qu'un jour on se rendra compte de l'erreur colossale qu'a été en 2003 le choix de ne pas entraver le déroulement du bac. Au nom de l'affectif à court terme, on a ouvert la porte à un avenir de merde pour nos élèves. Enfin, même si ça me soulagerait que ceux qui ont fait ce choix s'en mordent un jour à juste titre les doigts, j'espère plus encore que le mouvement de 2005, non content d'obtenir le retrait du CPE, balaiera la racaille UMP, la racaille PS et toutes les régressions sociales qu'on nous impose depuis des années.


25 avril 2006

Il y a quelques semaines, on nous répétait que 63% des français étaient contre le CPE. Aujourd'hui, les sondages nous affirment que Sarkozy (qui, malgré sa démagogie permanente, est le représentant le plus offensif de la logique ultralibérale à l'oeuvre dans le CPE) l'emporterait aujourd'hui au 2° tour des présidentielles face à Ségolène Royal (et plus nettement encore devant tout autre candidat PS).

On peut en déduire qu'au moins 12% des sondés sont des crétins incohérents.

On peut constater une nouvelle fois que Sarkozy se révèle un excellent stratège.

On peut surtout souligner que, sans avoir la moindre envie de voter Sarkozy, je n'aurais moi-même pas la moindre envie de voter pour Ségolène ou quelqu'autre de ses amis. Quitte à voter pour une racaille libérale, autant voter pour une racaille libérale qui s'assume : ça donne moins l'impression de se faire arnaquer. Ce parti qui s'accroche à sa position mensongère de "leader de la gauche", alors qu'il devrait en toute honnêteté fusionner avec l'UMP et laisser la place à gauche à des mouvements qui ont quelque chose à proposer, c'est certainement la chose la plus écoeurante qui soit dans la vie politique actuelle, plus écoeurante encore que l'écoeurante ambition de Sarkozy.


8 mai 2006

Déterminer la part de manipulation dans les sondages, dans la façon dont les médias rendent compte des faits et dont ils les analysent, n'est pas facile. Néanmoins, je crois qu'il serait temps que j'admette que cette manipulation a des limites et que ma tendance à considérer la France comme un pays massivement hostile à l'ultralibéralisme, à interpréter l'échec de Jospin en 2002 comme le désir d'une vraie politique de gauche, ... que cette mienne tendance relève essentiellement d'un délire personnel. Plus exactement, s'il est évident qu'une majorité de français rejette les politiques libérales en place, il est loin d'être aussi évident que la plupart aient la même idée que moi sur les alternatives envisageables (il se peut même qu'un certain nombre n'ait ni idée sur le sujet, ni même envie d'en avoir, à moins d'appeler "idée" l'espoir placé en quelque leader charismatique et démagogue, façon Le Pen ou Sarkozy).

Mon interprétation de 2002 n'est que l'interprétation de MON propre vote anti-Jospin, et de celui de quelques comparses ayant approximativement les mêmes aspirations et les mêmes lassitudes. Croire qu'il y a dans la population une vaste et consciente aspiration à une politique de gauche, et que seul manque le parti capable d'incarner cette politique de manière crédible, c'est très naïf. Beaucoup de gens sont hostiles au cas par cas à telle ou telle réforme, mais n'envisagent pas sérieusement de bouleverser un système dont on a réussi à leur faire intégrer l'idée qu'il est le seul viable, et surtout qu'il est celui dans lequel ils ont le plus de chances de tirer leur épingle du jeu. Equilibre difficile entre le confort égoïste et le souci du collectif (collectif qu'on défend souvent faute de pouvoir s'en extraire ...). Et à côté de ce paradoxe assez fréquent et très humain, combien de gens qui ont avant tout rejeté Jospin sur la base du sentiment d'insécurité dont les médias nous ont tant parlé. Pourquoi nier cete réalité ? Il est absurde de croire que des tas de gens ont voté Le Pen au 1° tour de 2002 parce qu'ils trouvaient que Jospin n'était pas assez à gauche ! Faudrait vraiment être con ! Même moi je ne l'ai pas fait !

Enfin bon, de toute façon, la grande inconnue qui rend fragile toute tentative d'interprétation de 2002, comme de toute élection d'ailleurs, ce sont les abstentionnistes, catégorie qui peut regrouper tout et n'importe quoi, du type qui ne sait pas pour qui voter à l'anarchiste qui sait très bien pourquoi il ne vote pas.


18 juillet 2006

Dans la configuration politique actuelle (qui n'est en rien plus encourageante qu'en 2002), le système d'une élection présidentielle en deux tours est particulièrement malsain, puisqu'il a conduit à l'élection d'un malfrat unanimement méprisé, et ce avec 80% des suffrages exprimés. La gauche étant plus morcelée que la droite et le FN restant certainement capable de faire le 2° meilleur score au 1° tour, on peut s'attendre en 2007 au même scénario qu'en 2002. Il est difficile d'avoir des certitudes sur les arrière-pensées des électeurs, mais l'hypothèse selon laquelle la France se serait retrouvée avec un duel Chirac/Le Pen tout en étant en réalité majoritairement plutôt à gauche, n'est pas totalement absurde. Du moins, il y a des jours où j'y crois ...

Quelle solution ? Unifier la gauche dès le 1° tour autour du PS ? Ce serait céder au chantage de celui-ci et renoncer à toute possibilité de retour d'une vraie gauche au pouvoir. Il est extrêmement naturel que de nombreux électeurs de gauche aient le coeur soulevé à l'idée de voter PS au premier tour (et même au second d'ailleurs).

Une solution plus judicieuse (mais qui n'a hélas aucune chance d'être mise en place d'ici là) serait peut-être de transformer l'élection présidentielle en un scrutin à trois tours, autorisant le maintien au 2° tour de tous les candidats ayant obtenu un score minimal (disons 10%). Cela permettrait à chaque électeur d'exprimer réellement sa volonté sans se sentir contraint par un quelconque chantage, et aux diverses formations politiques de former au 2° tour des alliances qui tiendraient compte des résultats réels. A l'issue de ce 2° tour seulement (et si bien sûr personne n'a atteint la majorité absolue) serait organisé un 3° tour ne mettant face à face que les deux candidats ayant obtenu les deux meilleurs résultats.

Dans un tel système, le FN, qui atteint un score important dès le 1° tour mais qui est heureusement impuissant à rallier ensuite hors de ses propres troupes, n'aurait aucune chance d'atteindre le dernier tour. Dans le pire des cas, on se retrouverait face au duel classique droite UMP/droite PS (on en pense ce qu'on veut, mais si ça correspond réellement aux attentes de la majorité, moi je veux bien). Dans le meilleur des cas (rêvons un peu), on peut imaginer qu'un candidat alternatif à gauche, réalisant un score supérieur à celui du PS, contraigne celui-ci à lui céder la place dès le 2° tour.


1° août 2006

Rediffusion d'une émission de Finkelkraut avec Philippe Muray et Philippe Meyer. Ce dernier propose une interprétation plus politique de l'hyper-festivisme : la génération de 68, portée au pouvoir ensuite par le mitterrandisme, occupe des fonctions politiques, "veut les grandeurs", tout en refusant d'en assumer les responsabilités ("je fais semblant d'être ministre mais je n'en exerce aucunement les responsabilités car elles sont contraignantes et un jour on pourrait être jugé sur ses responsabilités") ; "et cette perpétuelle fête permet de masquer l'absence d'exercice réel de la responsabilité politique", dans un système marqué en outre par le clientélisme. Il prend ensuite un exemple concret : la Fête de la Musique sert à masquer le fait que l'enseignement de la musique est quasi-inexistant, "qu'aujourd'hui une association de loi de 1901 à but non-lucratif qui organise des concerts est taxée comme une société commerciale parce qu'il faut prendre l'argent partout, précisément pour nourrir l'inflation clientélesque produite par ce système", ou encore pour masquer le fait qu'on fait la Fête de la Musique "mais on laisse la TVA sur les disques à 20,6 %".

Parlant plus loin du FN, Meyer signale qu'une étude (l'émission date de 1999, mais je ne pense pas que les données aient fondamentalement changé) montre que si les votes blancs étaient comptabilisés comme suffrages exprimés, les voix du FN seraient environ diminuées de moitié. Evidemment, personne dans la classe politique n'en a tiré la leçon : il est beaucoup plus confortable pour tout le monde d'avoir un FN qui puisse servir d'épouvantail et de ne pas laisser apparaître à quel point le problème actuel est moins une quelconque tentation fascisante de plus en plus grande qu'une crise de confiance grandissante dans les partis de gouvernement. Comptabiliser le vote blanc serait non seulement tuer le FN, mais aussi permettre à une part croissante de l'électorat d'exprimer clairement sa position, à savoir le refus des politiques menées depuis des dizaines d'années par le PS comme par la droite, et d'exprimer ce refus sans se sentir obligée de passer par le FN comme vote protestataire.


12 septembre 2006 : INUTILITE DE LA NUANCE

La dissertation n'est-elle pas un exercice scolaire périmé ? A quoi bon perdre son temps à introduire du débat et de la nuance dans un univers qui est au mieux, parfois, binaire (incapable dans bien des cas, lorsque l'existence d'un débat est tolérée, de trouver un juste milieu entre deux extrêmes), mais qui tend surtout à devenir de plus en plus monolithique, derrière une illusion de débat (très importante, l'illusion de débat, pour pouvoir dire qu'on est en démocratie). La seule pensée possible et sérieuse ("hors de l'ultra-libéralisme point de salut !", "Il faut absolument voter POUR la Constitution européenne sinon on est méchant et on provoquera un cataclysme, Ragnarok, le Crépuscule des Dieux",...) ne nécessite même pas d'être défendue par des arguments ; elle n'a plus à se justifier parce qu'elle a réussi à nous faire accepter comme un dogme l'idée qu'elle est la seule pensée possible et sérieuse.


23 septembre 2006 : DEBORD

Il me semble que Guy Debord est un auteur délibérément abscons (voir Bluff ?). Mais il paraît que ses Commentaires sur la société du spectacle sont plus lisibles que La Société du spectacle, et voici quelques idées qui ne manquent pas d'intérêt malgré tout, une fois traduites (en l'occurence par Guy Scarpetta).

* Le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes médiatisées par des images.

* Spectaculaire concentré = Etats totalitaires ; spectaculaire diffus = modèle libéral (USA) ; spectaculaire intégré = fusion des deux.

* Cinq critères :

- le renouvellement technologique incessant (création de besoins frelatés)

- la fusion économico-étatique (subordination de l'Etat au Marché)

- le secret généralisé (modèle maffieux envahissant tous les pouvoirs)

- le faux sans réplique (les maîtres du monde sont les maîtres de sa représentation)

- le présent perpétuel (abolition de toute conscience historique)

NB : Si on s'attaque seulement à certains de ces points, on ne fait que conforter le système.


Dans ce petit clip intitulé "le vrai visage de Sarkozy" - http://www.dailymotion.com/reso69 - on notera en particulier cette bonne blague d'un policier à un jeune qu'il est en train de contrôler : "Ta gueule ! Tu veux qu'on t'emmène à un transformateur ?"

C'est plein d'esprit, une ordure, quand ça porte un uniforme et que ça se sent en état d'impunité totale grâce aux discours d'un démagogue.


6 mai 2007 : EVOCATION DE DEUX CATEGORIES DE CRETINS MALFAISANTS

Commençons par les ultra-libéraux (dont nous devrions avoir encore plus loisir de parler dans les années à venir). J'avais entendu dire que Philippe Meyer soutenait Bayrou au premier tour, mais j'ignorais s'il s'agissait de raisons stratégiques (éviter Sarkozy) ou d'une réelle orientation à droite. J'ai voulu écouter son émission L'Esprit public ce matin pour peut-être en avoir une idée, mais il avait évidemment choisi de ne pas parler des élections et d'aborder un thème différent : l'avenir des jeunes. Cela dit, sans vouloir rien en déduire quant aux opinions de Philippe Meyer (mais bon...), c'était une sorte de réunion néolibérale où tous les invités étaient à peu près d'accord pour défendre le credo suivant : la France a voulu régler le problème du chômage par le partage du travail (retraite à 60 ans, 35h,... : chacun travaillant un peu moins pour partager le travail disponible), mais ça ne marche pas (constat indéniable) car seule une dynamique de croissance peut créer de l'emploi (chacun travaillant plus, on favorise la croissance et cela crée de l'emploi pour d'autres). Tout ceci est martelé comme une évidence durant toute l'émission.

Beau raisonnement. Je n'y ferai que deux objections :

- s'il est vrai que la croissance peut a priori favoriser l'emploi dans une certaine mesure, ces braves gens oublient une fois de plus de se demander si la croissance est un bien en soi, si la création perpétuelle de besoins nouveaux, tout en favorisant l'emploi, ne "favorise" pas également l'asservissement de l'être humain (ça encore, c'est pas bien grave, il l'est déjà, asservi) et la destruction de la planète. Les méfaits de la croissance : sujet TOTALEMENT laissé de côté. On pourrait en outre se demander qui récolterait en priorité les plus beaux fruits de la croissance, surtout en faisant bosser tout le monde plus et plus longtemps, mais ne faisons pas de mauvais esprit.

- constater que la solution choisie (le partage du "gâteau", si tant est que le travail puisse être comparé à un truc appétissant, mais retenons simplement l'idée d'un truc qui se partage) n'a pas donné les résultats escomptés n'implique pas qu'elle est mauvaise : le raisonnement n'a l'apparence logique que si l'on omet de tenir compte de tous les paramètres (de même qu'on a beau jeu d'affirmer que telle pilule amaigrissante est inefficace si, tout en la prenant, on continue à s'empiffrer quotidiennement). Quelles sont les paramètres ici ? D'abord, comme nous l'avons dit dans le premier point, la croissance n'est peut-être pas aussi souhaitable qu'elle en a l'air, en tous cas pas une croissance à tout prix et par n'importe quels moyens (renvoyons simplement ici à la notion de développement durable). Mais surtout, on oublie ici de dire que le partage ne marche pas parce que l'élite sociale n'a aucune envie que ça marche : le partage (du travail, j'entends ! je ne parle même pas de celui des richesses, faut pas déconner !) n'est pas une chose qui les intéresse, voilà tout, parce qu'il implique à la fois la limitation de leurs bénéfices (payer plus de gens sans produire pour autant davantage de richesses) et une contribution par l'impôt à l'équilibre social (contribution qui est non seulement mal perçue mais désormais "évitée" par l'élite économique). Bref, je ne suis pas certain que le remède du partage du travail ne fonctionne pas en soi : c'est juste que certains refusent de jouer le jeu et d'arrêter de s'empiffrer.

***

Passons à présent à une partie de l'extrême-gauche, qui se refuse "dignement" à ne pas voter Royal, sous prétexte qu'en gros c'est la même politique libérale de m... que celle de Sarkozy. Et c'est vrai. Tout est dans le "en gros". Je ne vais pas m'attarder une fois de plus sur les dérives politiques et les trahisons du PS, simplement m'intéresser un moment à ce comportement qui consiste à refuser de voter pour le moins pire : c'est oublier ici que "si tu ne t'occupes pas de politique, la politique s'occupera de toi", au nom d'un autre principe qui est que la véritable politique ne se fait pas par des élections mais dans la rue. Et c'est très juste. Seulement, lorsque le droit de grève aura été réduit quasiment à néant et les pouvoirs répressifs de la police renforcés, je souhaite bon courage aux esprits bucoliques qui voudront faire de la politique de plein air. En fait de plein air, attendons-nous plutôt à des "miasmes morbides". Pour cette raison, que je ne developpe pas davantage tant elle est évidente, je suis allé voter Royal, malgré tout le mal que j'en pense. Je ne crois guère à ses chances de victoire, mais j'aurai fait ce que je pouvais. Nous verrons bien, mais revenons au choix de l'abstention, car c'est cela qui m'intéresse ici.

Il peut paraître difficile pour quelqu'un qui se réclame comme moi de l'idéal libertaire d'affimer que les anars sont des crétins irresponsables. Mais en fait non, ça m'est très facile et je crois même que je l'ai toujours un peu pensé. Ce qui fait que l'anarchisme, idéal politique formidable, est irréalisable, c'est la nature humaine, l'incapacité pour la plupart des individus (et là je suis optimiste et généreux pour l'hypothètique minorité qui reste) sont incapables de vivre ensemble de façon apaisée et respectueuse s'il n'existe pas un Etat et des lois pour les y contraindre un tant soit peu. C'est triste, ça entraîne d'autres dérives parce que le pouvoir de l'Etat, c'est toujours un pouvoir, avec tous les dangers que cela suppose, mais dans un système démocratique, c'est viable. Et on peut même espérer qu'un véritable système démocratique, avec un véritable système éducatif (mais là je radote) pourrait conduire les individus à être de plus en plus capables de se passer de l'Etat. Voilà dans quelle vague mesure je reste fidèle à un idéal libertaire, et on peut estimer que ça ne suffit pas pour mériter l'étiquette. Toujours est-il que les anars purs et durs avec leur logique abstentionniste, tiennent dramatiquement peu compte de la réalité de la nature humaine, et que ça les conduit, au nom de beaux principes, à dire pas mal d'énormités.

Mais restons en uniquement à ce problème de l'élection présidentielle. Déjà depuis 2002, des types font les malins en disant : "on a été cons d'aller se salir les mains pour élire Chirac, de toute façon il aurait été élu sans nos voix, et en plus il a passé cinq ans à justifier sa politique pourrie par les 80% qui l'avaient conduit là." Sur le premier point, même si c'est aujourd'hui, évident, qu'en savions-nous à l'époque ? Il est facile de rejouer l'histoire après coup et d'assurer que Le Pen n'avait aucune chance de passer. Quant à ne pas vouloir qu'un candidat puisse ensuite fonder une politique contestable sur une majorité incontestable de voix, argument qui est repris aujourd'hui au sujet du vote Royal, il me semble que c'est à NOUS, électeurs, de continuer à nous faire entendre après les élections. Si la presse a largement oublié de rappeler à Chirac d'où il sortait ses 80% et quel score minable son programme avait fait au premier tour, c'était à NOUS de le lui rappeler, beaucoup plus souvent et beaucoup plus vivement que nous l'avons fait. Ce serait la même chose pour Royal : elle sait très bien quel score elle a fait au premier tour, et ce serait (foutu conditionnel !) à NOUS de faire en sorte qu'elle ne l'oublie pas, en combattant sa politique dans la rue si elle le mérite. Quand vous portez un type au pouvoir uniquement pour en éviter un pire, vous êtes en droit de lui rappeler qu'il représente non plus son programme mais une union sacrée contre ce "pire". Mais si c'est le pire qui est massivement porté au pouvoir, que voulez-vous faire ? Vous pourrez toujours manifester mais on aura beau jeu (en plus de vous matraquer copieusement) de vous dire que "la France a choisi".

Il y a un étrange paradoxe chez ces gens qui dénient toute valeur aux élections, et qui en même temps leur accordent une valeur tellement forte qu'ils s'estimeraient empêchés, en votant pour X pour faire barrage à Y, de contester ensuite la politique menée par X une fois élu. Les élections ne sont QUE des élections et elles permettent ici de choisir de cautionner totalement ou non l'évolution ultralibérale. Après les élections, la parole, le débat, la contestation si nécessaire doivent continuer (s'ils le peuvent encore). Donc voter Royal n'oblige pas à fermer ensuite sa gueule.


14 juillet 2007 : CONFUSION DES DEBATS - RETOUR AUX FONDAMENTAUX

Incontestablement très habile et manipulateur, Sarkozy réussit à brouiller encore plus les frontières idéologiques, et par la même occasion à couler davantage encore le PS au moyen de sa "politique d'ouverture". On aurait cependant tort de juger sain et positif ce "dépassement" des clivages. Il ne s'agit absolument pas de faire une politique qui reprendrait idéalement ce qu'il y a de bon dans les idées de gauche et dans celles de droite (ça c'est l'image de carte postale qu'ont de la politique les gens de bonne volonté qui n'y comprennent rien) ; il s'agit simplement de faire passer une politique de droite dure en la diluant dans une rassurante apparence de diversité politique ("si c'est varié, ça ne peut pas être si à droite que cela", est-on supposé penser), apparence facilement obtenue en racolant quelques carriéristes qui n'ont de gauche que l'étiquette (il paraît que Chirac disait de DSK : "il est de gauche autant que moi je suis évêque") et quelques idéalistes naïfs (accordons le bénéfice du doute à Martin Hirsch et à Fadela Amara). L'essentiel est de brouiller les repères. Face à cela, les discours critiques et les propositions alternatives semblent creux et cafouillants et on a l'impression désespérante qu'il n'y a plus rien à faire contre ce discours dominant parfaitement manipulateur et parfaitement au point. Un seul espoir peut-être : commencer par revenir aux fondamentaux. Si l'on considère que la gauche, c'est tel ou tel parti, par exemple le PS, alors, en voyant Kouchner, Lang, DSK, venir se coucher aux pieds du nouveau maître, on en perd un peu son latin. Mieux vaudrait (enfin) revenir à une définition de base : la gauche est (devrait être) le camp du progrès humain et social, la droite celui de la conservation (et même actuellement de la restauration) des privilèges d'une élite sociale.

On évitera au passage les pièges sémantiques créés depuis des décennies pas la nouvelle droite, qui s'approprie la notion de progrès (appelant ainsi des réformes constituant en réalité des régressions d'un point de vue social, mais un progrès certain pour le MEDEF) et situe les "priviléges" dans le camp adverse (par exemple, un privilégié n'est pas un type qui ne sait plus que faire de son argent mais qui le planque tout de même dans un paradis fiscal pour ne pas avoir à en donner une miette à la collectivité : non, les privilégiés, ce sont les cheminots qui abusent de leur droit de faire grève alors que les salariés du privé ne peuvent plus guère se le permettre sous peine d'être virés : est donc privilégié celui qui n'est pas totalement esclave de l'élite réelle alors que dans l'idéal il devrait l'être).

On s'efforcera donc de juger des notions de progrès et de régression non pas à l'aune des appréciations portées (pardon : "quotidiennement matraquées") par les "journalistes" de TF1 (exemples de progrès : l'assouplissement puis la disparition du code du travail, l'allègement de la fiscalité pour les plus grandes fortunes / exemples de régression : les Français s'accrochant à leur droit de grève, à leur système de santé,...), mais à partir de définitions simples et claires : "mérite d'être considéré comme un progrès tout changement qui contribue à améliorer les conditions d'existence du plus grand nombre, sans pour autant nuire lourdement et injustement à qui que ce soit, y compris à une minorité". J'ajoute cette précision au nom de la règle morale fondamentale selon laquelle "la liberté de chacun finit là où commence celle des autres". Avec quelques petites lumières comme cela bien présentes à l'esprit, peut-être se donne-t-on une petite chance d'y voir à peu près clair dans le brouillard actuel (brouillard artificiel et savamment entretenu).

Rappel : On sait bien que l'une des techniques les plus habituelles de cette manipulation politico-médiatique est celle qui consiste à répéter qu'une chose est indispensable, nécessaire, inévitable.

Autre sujet de confusion de plus en plus présent : l'ethnicisation des débats. Toute réflexion sur le racisme, à commencer par celles qui prétendent le combattre, reposent sur une approche racialiste. On devrait rappeler en permanence la saine réalité, qui est que les races n'existent pas, que seules existent des cultures, des éducations et des histoires individuelles. Toutes vérités qui permettraient peut-être, si elles étaient enfin intégrées, de traiter un peu plus efficacement des questions que l'on s'obstine, au lieu de cela, à brouiller en ne dénonçant le racisme que comme l'agression commise par des races méchantes contre des races gentilles : on est là dans Star Trek et pas dans le réel. Méchants européens contre gentils arabo-musulmans et gentils noirs, ou alors méchants arabo-musulmans antisémites, ce sont à peu près les deux visions du monde que l'on nous propose actuellement. Chacune d'elle repose évidemment sur des faits réels (l'esclavage et la colonisation ne sont pas des mythes, le Front national existe, la politique d'Israël est contestable et les Juifs nous gonflent depuis des millénaires avec leur prétention à être un peuple élu ; d'un autre côté cela ne justifie pas les délires antisémites bien réels qui se multiplient, etc.) mais il s'agit d'une réalité partielle qui se trouve généralisée.

Celui qui tenterait d'assainir le débat en le débarrassant de ces éléments racistes drapés d'anti-racisme, qui oserait dire qu'un arabe ou un juif peuvent être aussi con l'un que l'autre ou aussi cons qu'un Français (surtout l'un que l'autre, en fait), serait accusé de racisme. Dire que l'humanité est la même partout, que dans toute culture l'individu peut s'avérer capable du meilleur comme du pire, qu'une ordure est une ordure qu'elle soit française, israëlienne ou saoudienne, qu'il n'y a que des hommes et des femmes victimes de logiques politiques et économiques auxquelles les question de race et de religion ne servent que de couverture, dire que la mémoire de la Shoah n'autorise pas l'Etat d'Israël à faire n'importe quoi, que la réalité de l'exploitation économique américaine n'autorise pas des fanatiques à faire exploser des innocents,... dire tout cela est devenu inacceptable. Nous sommes donc apparemment voués à choisir notre camp, c'est-à-dire, dans les grandes lignes, à cautionner l'antisémitisme et le terrorisme islamiste si l'on se veut de "gauche" (en tous cas de cette gauche radicale anticapitaliste qui se croit obligée de frayer avec les intégristes), à cautionner les politiques d'Israël et des USA si l'on est de droite ou si l'on refuse l'antisémitisme ... Tout cela est parfaitement grotesque.

Et pour célébrer la Fête Nationale, quelques réflexions politiques de Montesquieu.


20 juillet 2007 : BONAPARTISME ?

Il y a dans la volonté sarkozyste de dépasser les clivages politiques quelque chose qui évoque moins la droite pure et dure que beaucoup attendaient (et qui n'en est pas moins le fond de sa politique) qu'une sorte de néo-bonapartisme, de désir de rassembler toutes les bonnes volontés (comprenez : "tous les opportunistes") autour d'un homme providentiel que nous finirons par ne même plus envisager de remplacer.

Remplacer par qui, d'ailleurs, vu la désintégration du PS ? A la limite, un des rares côtés sympathiques de Sarkozy, c'est le cynisme avec lequel il a mis fin au petit jeu qui durait depuis près de vingt ans. La droite faisait gentiment semblant de considérer le PS comme un adversaire, entretenait l'illusion du duel. Et pendant que le PS déclinait parce qu'il avait perdu son identité et ses projets en s'alignant sur la vision du monde de la droite, cette même droite imposait peu à peu son discours dans tous les esprits. Aujourd'hui, triomphante, la droite n'a plus besoin de son adversaire factice et Sarkozy s'amuse à dégonfler cette baudruche pleine d'air ; sans la moindre précaution, il met fin à un mensonge de vingt ans en disant au PS "vous êtes comme nous". En acceptant de participer à son gouvernement ou aux diverses "missions" dont le nouveau président daigne les charger, les socialistes confirment qu'ils sont en effet de simples serviteurs de la même idéologie avec une autre étiquette. Face à la provocation de ce "vous êtes comme nous", on aurait pu, dans un autre univers, rêver d'une réaction, d'une rédemption : non, nous ne voulons plus être comme vous, ce fut une erreur lamentable et désormais nous allons nous reprendre, et combattre ! Mais il ne faut pas rêver : nous avons affaire à des Jack Lang, à des Bernard Kouchner, pas à des Anakin Skywalker.

En tous cas, il y aurait beaucoup de réflexions à tirer d'une observation des époques impériales et d'une comparaison avec l'époque que nous vivons. Lorsque l'élection de Sarkozy est devenue une évidence, j'ai d'ailleurs immédiatement pensé à La Curée de Zola pour imaginer ce qui attend le pays. Même s'il semblerait assez incongru de comparer les gouvernements socialistes que nous avons connus depuis 1981 avec des périodes telles que les révolutions de 1789 ou de 1848, dans tous les cas on assiste à un espoir fort mais rapidement déçu, qui précède l'arrivée d'un opportuniste cynique. Je laisse chacun libre d'explorer cette piste et je me contente de citer quelques lignes des Confessions d'un enfant du siècle de Musset :

"Ce fut comme une dénégation de toutes choses du ciel et de la terre, qu'on peut nommer désenchantement, ou si l'on veut désespérance ; comme si l'humanité en léthargie avait été crue morte par ceux qui lui tâtaient le pouls. De même que ce soldat à qui l'on demandait jadis : A quoi crois-tu ? et qui le premier répondit : A moi ; ainsi la jeunesse de France, entendant cette question, répondit la première : A rien.

Dès lors il se forma comme deux camps : d'une part, les esprits exaltés, souffrants, toutes les âmes expansives qui ont besoin de l'infini plièrent la tête en pleurant ; ils s'enveloppèrent de rêves maladifs, et l'on ne vit plus que de frêles roseaux sur un océan d'amertume. D'autre part, les hommes de chair restèrent debouts, inflexibles, au milieu des jouissances positives, et il ne leur prit d'autre souci que de compter l'argent qu'ils avaient. Ce ne fut qu'un sanglot et un éclat de rire, l'un venant de l'âme, et l'autre du corps."

***

Complément : à la lecture d'Umberto Eco, il me semble évident que la ressemblance avec le bonapartisme joue surtout dans le cas de Berlusconi. Même genre de pitre médiatique et fascisant. Eco relève en particulier dans le "système Berlusconi" la technique consistant à occuper le terrain médiatique en déclarant au moins une chose par jour, quitte à se contredire régulièrement. C'est d'ailleurs une technique de vente : accumuler le maximum d'arguments, même contradictoires, concernant votre produit, car le pigeon finira forcément par trouver dans la masse l'argument qui le touche personnellement et il ne retiendra que celui-là.


ROME

Toujours dans A Reculons, comme une écrevisse, Eco cite les conseils adressés à Cicéron par son frère lors de sa candidature à la fonction de consul. Très modernes, les conseils : ne surtout pas aborder les vrais problèmes politiques, promettre tout et son contraire car de toute façon les électeurs ont la mémoire courte, se soucier avant tout de l'image qu'on donne, etc.

Puis, Eco rappelle que peu après, César allait mettre en place les bases du remplacement de la République, fondée sur le consensus, par un régime fondé sur le coup d'Etat. Et de conclure :

"On ne peut donc s'empêcher de penser que la démocratie romaine a commencé à mourir lorsque ses hommes politiques ont compris qu'il n'était pas nécessaire de prendre les programmes au sérieux, mais qu'il suffisait de s'appliquer à paraître sympathique à leurs (comment dire ?) télespectateurs."


24 octobre 2007 : EQUILIBRE POLITIQUE

En m'apprêtant à écrire ce qui va suivre, j'ai deux impressions déplaisantes : celle que je vais énoncer des banalités et des évidences (mais je vais le faire tout de même tant les évidences semblent ne plus en être pour beaucoup dans ce monde quelque peu abasourdi par la manipulation médiatique), et celle que je vais traiter un sujet colossal de façon extrêmement rapide et simpliste (mais ce choix s'explique par le premier point : je veux bien rappeler des évidences, mais les développer durant des pages me semblerait excessif).

L'échec du communisme tel qu'il fut appliqué dans divers pays est considéré depuis les années 1990 comme la preuve que le communisme était le "mauvais camp", le camp de l'erreur et de l'horreur, par opposition au libéralisme désormais considéré comme la seule voie sérieuse. Je suis personnellement extrêmement réservé devant les excès et dérives révolutionnaires, ainsi que devant le collectivisme absolu des régimes communistes, incompatible pour moi avec la liberté individuelle (pas la loi de la jungle libérale, mais la simple liberté, celle qui, pour chacun, finit là où commence celle des autres). Je ne suis donc pas nostalgique de l'idéologie communiste, mais j'estime malhonnête de la rejeter en bloc et surtout de faire de son échec la preuve de la valeur du libéralisme, qui n'est qu'une erreur et une horreur différente, dont on se met tout de même peu à peu à entrevoir et à admettre les limites, mais certainement pas encore suffisamment.

Laissons de côté l'utopie anarchiste, idéale en théorie, mais qui ne sera envisageable que dans l'hypothèse fort douteuse où 100% des individus cessent un jour d'être cons, et ce définitivement. Donc, passons. Reste la solution d'un équilibre entre communisme et libéralisme. Il est intéressant de noter que dans les années 1930, c'est vers cette solution que se tournèrent, chacun de son côté, l'URSS avec la NEP et les Etats-Unis avec le New Deal, pour surmonter leurs problèmes : les résultats furent, il me semble, plutôt positifs de part et d'autre, mais aucun de ces pays n'a poursuivi dans cette voie de la recherche d'un équilibre.

En quelques mots, cet équilibre repose sur :

- la coexistence d'un secteur privé et d'un secteur public, les domaines cruciaux pour la Nation (santé, éducation, eau, énergies,...) étant réservés au second.

- le fait que l'Etat fixe certaines règles au secteur privé (et les fasse respecter !) afin d'éviter les excès naturellement produits par le désir de faire toujours plus de bénéfice à n'importe quel prix.

- corollaire : dans l'état actuel des choses, une telle politique de contrôle du secteur privé et la garantie que ce secteur contribue lui aussi à la richesse collective passerait pas une lutte radicale contre la fraude fiscale mais surtout par la fin des paradis fiscaux à l'échelle mondiale.

Ces quelques principes simples suffiraient à construire une politique équilibrée, soucieuse de l'intérêt collectif et efficace. On me répondra que cette voie moyenne existe déjà et que c'est celle de la social-démocratie. Malheureusement, nous sommes bien obligés de rétorquer que cela devrait être la voie suivie par la social-démocratie, mais que ce n'est plus le cas dans la réalité. Loin de contrôler l'ultralibéralisme, de lui fixer quelque limite que ce soit, le socialisme actuel se contente de gérer en surface une faible partie des dégâts qui résultent de cette logique écomique. Tout le problème est là. Et parce que ceux qui sont supposés détenir la solution ne se donnent pas les moyens de l'appliquer, la majorité mal éclairée se tourne vers autre chose, au mieux vers les excès de l'extrême-gauche, au pire vers les délires de l'extrême-droite. Ou encore, plus risible encore, vers le discours populiste et démagogique d'un représentant du libéralisme le plus radical, qui applique une politique plus à droite que jamais mais qui s'amuse à rendre hommage à Jaurès ou à Guy Môquet.


1er février 2008 : IMMIGRATION CHOISIE

Chose peu connue : dans les dernières années de son mandat, après l'arrivée du chômage, Giscard voulait mettre en place une politique de retour forcé de certains immigrés, en particulier algériens. Il s'agissait tout bêtement de ne pas renouveler un certain nombre de titres de séjours, puis de renvoyer les gens concernés. Cela suscita une grande résistance parmi ministres et fonctionnaires, qui firent valoir que ce ne serait pas du meilleur effet auprès de la presse et de l'opinion internationale.

En tous cas, c'est exactement la logique que développera Le Pen quelques années plus tard. La seule différence réside dans le plus ou le moins d'hypocrisie apporté à la présentation de la chose.


14 février 2008 : PLIER DEVANT L'OPINION (DES BEAUFS FASCISANTS)

Invité sur France Culture, Jacques Julliard signale que même un pouvoir totalitaire peut plier devant l'opinion, que même Hitler dut reculer en partie devant l'opinion lorsqu'elle se révéla massivement hostile à ses mesures à l'encontre des handicapés. C'est beau, le pouvoir de l'opinion. Dommage que l'opinion ait été moins sensible au sort des Juifs qu'à celui des handicapés. Pas de bol.

***

Sarkozy a quant à lui reculé devant la colère des taxis (30/01/2008). Extrait d'une interview d'un chauffeur de taxi sur France Info :

- Un taxi tout seul ne peut rien faire, mais tous rassemblés on plie la Capitale, on plie l'économie, de la Capitale, même de la France entière. Alors ... que ça se reproduise pas !!!

Le même Julliard, assez sidéré par ce ton menaçant, établit un parallèle assez juste avec les routiers en grève qui firent tomber Allende. Mêmes abrutis fascistes, incohérents, arrogants, dangereux.


Mars 2008 : LA GAUCHE CUL-BENIT

Le clivage entre "républicains" et "pédagogues" ne recouvre pas le clivage droite/gauche, j'ai déjà eu l'occasion de le noter. Lors d'un récent débat houleux, j'ai pu constater qu'aux yeux de certains les positions "républicaines" (qu'il s'agisse de méthode de lecture, de laïcité, etc.) sont forcément des positions de droite. Or je suis bien forcé de constater que, tout en soutenant largement ces positions, je ne me sens pas spécialement "de droite", et que la plupart des "républicains" que je connais sont foncièrement des gens de gauche, même si un certain nombre, ces dernières années, a parfois viré à droite, sans doute par écoeurement et lassitude (on les comprend) face aux trahisons et à l'arrogance du PS, face à l'irresponsabilité et aux divisions du reste de la gauche, face enfin à la déception de l'espoir qu'avait vaguement pu susciter Chevènement. On peut comprendre leur écoeurement et leur lassitude, mais on peut moins comprendre la solution qu'ils ont choisie : si on se sent de gauche, on ne règle pas le problème de l'incurie de la gauche politicienne en votant à droite, enfin il me semble ...

Toujours est-il que cela amène à se demander ce que c'est vraiment qu'être de gauche. La question n'est pas nouvelle et je l'ai déjà abordée ça et là, mais, en pensant aux vrais gens de gauche que je peux connaître comparé à ceux qui appartiennent à mes yeux à une gauche qui se tire dans le pied, je me proposais cette nouvelle formulation : la gauche, camp du progrès (je dis bien "progrès" et non "mouvement dans n'importe quel sens du moment qu'on remue"), est par nature névrotique, révoltée (avec ou sans violence, la question n'est pas là), insatisfaite du réel tel qu'il est, donc désireuse de le changer (progressivement ou radicalement, là encore ce n'est qu'une question de sous-catégories). La véritable gauche dit NON à tout ce qui la choque, la révolte. La pseudo-gauche aime dire OUI, elle ne dit non qu'à la réflexion personnelle (trop "prise de tête" ou "trop peu constructive") mais se plaît à dire amen à tous les jolis dogmes du catéchisme de gauche que lui servent ses leaders. C'est cela : la pseudo-gauche, qu'il s'agisse du PS ou de l'extrême-gauche dogmatique, adhère et croit au lieu de remettre en cause. En cela, elle est fondamentalement religieuse. Donc de droite.


28 juillet 2008 : LE MEPRIS DU PEUPLE

Vieux comme le monde, exacerbé par le ressentiment depuis l'avénement de la démocratie (aussi incomplète soit-elle), le mépris envers la populace semble ces dernières années parfaitement justifié en France par l'actualité : il faut en effet que le peuple soit bien con pour faire arriver Le Pen au second tour d'une présidentielle ou pour élire un Sarkozy à 53%.

Mais je refuse de tomber dans cette logique facile (et rassurante pour les gens qui aiment à se sentir plus intelligents que la masse). Le peuple, ça n'existe pas. Il n'y a que des individus, tous appartenant à la même espèce (dite "humaine"), mais chacun étant conditionné par sa situation. Le peuple n'est con que parce qu'on ne lui a pas suffisamment donné (ou qu'on lui a retiré, ou qu'on les a sabotés) les moyens de s'élever intellectuellement. Les classes supérieures aimeraient pouvoir justifier leur domination par l'évidence de la connerie populaire, mais elles sont responsables de cet état de choses. Que l'on considère la régression du savoir, de la culture et de la réflexion durant ces dernières décennies, que ce soit à l'école ou à la télévision (comparer la télé des débuts, certes pompeuse et soumise au pouvoir, mais éducative, à ce qu'est aujourd'hui TF1) : ce n'est pas l'évolution culturelle d'un pays démocratique, mais celui d'une oligarchie à peine cachée derrière les apparences républicaines.

Commentaire d'Elmacdo, posté le 29/07 :

Cette notion m'a toujours posé problème (je n'ai jamais croisé le peuple au coin de la rue pourtant les termes "bas peuple", "petit peuple" ou "vain peuple" ont tous des sens bien distincts et précis pour moi). "Le peuple, ça n'existe pas." Mais où est donc le peuple français ? D'après mon ancien prof de philo, nous pouvons toujours nous brosser pour trouver ce qui fait son unité (modestement, je pense à l'attachement multi-séculaire au pinard et au camembert, conception limitée au pays des droits de l'Homme mais difficile à attaquer).

Dans le jargon philosophique, le peuple est une "idée métaphysique". Passé à la moulinette kantienne, on peut penser "le peuple" mais autant ne pas en parler car tout ce qu'on pourrait dire dessus est une connerie. Conséquence directe : il n'y a pas de peuple mais une population (un agrégat strictement statistique). Conséquence indirecte que -je pense- J.D. ne niera pas : la population française est gérée (alors qu'un peuple est gouverné). Nuance lourde de sens, la suite des conséquences est longue...

D'après certains, les Français sont parmi les plus individualistes au monde : fichtre, qu'est-ce qui font aujourd'hui le "vouloir-vivre-ensemble" ? Question que je me pose encore, et qui me revient fréquemment (surtout quand je fais du vélo, entre deux villages quelconques de la "France éternelle"). Car enfin, ce sont bien tous ces gens qui vivent sans idéaux, satisfaits d'avoir placé en chef le dernier des commerciaux vendeur d'aspirateurs-miracles : qu'est-ce qui les motive ? Travailler pour gagner le droit de consommer ? Marx pensait l'unité possible dans le prolétariat mais il ne connaissait pas la télévision, les portables ... etc etc... Vous voyez que ces considérations cyclistes ne m'encouragent qu'à une chose, pédaler plus vite pour arriver plus rapidement et penser à autre chose, faute de quoi je m'exposerais au risque évoqué ci-dessous.

"Le mépris envers la populace semble ces dernières années parfaitement justifié en France par l'actualité" : J.D. se garde de tomber dans cette logique "facile". En fait, il s'agit bien d'une logique favorable au populisme (ce qui à son tour pourrait expliquer les votes), puisque le populisme consiste à attiser le ressentiment contre les élites, tout en maintenant la distance entre les pseudo-élites populistes et le "peuple des humbles" (cf "n'ayez pas peur, entrez dans l'espérance" et tout le fatras biblique et rhétorique).

Cette logique est vieille comme le monde, comme vous dites, et a peut-être déjà porté ses fruits. Ce ressentiment pourrait être cause des derniers évènements politiques (je donnerai en exemple votre illustration des chauffeurs de taxis sarkozystes en grève, qui ont voté pour un brave gars à poigne, pas un toquard comme les autres).

Commentaire de John Doggett, posté le 31/07 :

Juste un mot sur la nuance entre gérer et gouverner, mais surtout entre population et peuple (compte tenu des sens encore plus variés de ces 2 termes) me paraissent hélas soumises à des tas d'interprétations possibles, en fonction de l'époque, mais plus encore du point de vue adopté, etc.

C'est très subjectif, mais par exemple, pour moi, "gérer" (avec ses connotations économiques) est un mot plus déplaisant que "gouverner" (terme plus dignement politique, sans revenir ici sur la distinction "être gouverné"/"se gouverner"). La connotation de domination n'y est d'ailleurs pas présente étymologiquement, puisqu'il s'agit de guider, de manier le gouvernail, pour faire arriver le bateau à bon port sans dommages : en ce sens (et "diriger" est du même acabit), il y est question (ou disons qu'il peut y être question) de l'intérêt collectif (tous sur le même bateau) et non de l'intérêt du seul "capitaine". D'ailleurs, sans vouloir le moins du monde défendre la monarchie (Dieu m'en garde !), il faut admettre qu'au temps où on n'en était pas encore à (re)concevoir d'autres systèmes, il s'est trouvé des gens pour s'en faire une idée tournée vers l'intérêt collectif (ou ce qu'ils estimaient du moins être tel). J'aime beaucoup notamment cette phrase attribuée à Saint Louis (par ailleurs abject cul-bénit médiéval et criminel de guerre), disant à son fils, avant de mourir :

- J'aimerais mieux qu'un Ecossais vint d'Ecosse et gouvernât le pays bien et loyalement, plutôt que de le voir mal gouverné par toi.

Mais passons. Tout ça pour dire qu'on peut faire dire un peu ce qu'on veut aux mots et que, s'il est indispensable, comme tu le dis, d'établir des distinctions, la distinction essentielle à faire ici est moins entre les termes (population/peuple ; gérer/gouverner) que dans la manière dont on gère ou gouverne, à savoir dans le souci de l'intérêt commun ou dans le souci de son intérêt personnel (on purra toujours trouver des variations subjectives dans la manière de définir ces deux options, mais elles s'y prêtent tout de même beaucoup moins facilement.

 


CONDITIONS DE DETENTION

Robert Badinter remarque qu'il existe une sorte de loi inconsciente : dans un pays, les conditions de détention en prison ne peuvent pas être meilleures que celles des citoyens les plus pauvres. Elles peuvent donc être correctes dans certains pays scandinaves, par exemple, mais pas en France.

2009


21 décembre 2008 : QUELQUES PRINCIPES POUR UNE REVOLUTION DIGNE DE CE NOM

- Renforcer les pouvoirs de l'Etat, en particulier sur la sphère économique.

- Renforcer la responsabilité des dirigeants de ce même Etat, son pouvoir renforcé ne justifiant plus son incapacité à agir.

A partir de là, tout politicien doit pouvoir être :

- renvoyé dans ses foyers au plus tôt en cas d'incompétence évidente.

- jugé (et lourdement condamné) pour haute-trahison si sa politique va à l'encontre de l'intérêt collectif et ne vise qu'au bénéfice toujours plus grand d'une élite.

A ce compte, évidemment, toute la clique Fillon-Sarkozy devrait déjà être en prison.


18 février 2009 : REVOLUTIONS

On a beau être sceptique face à la violence et surtout face à l'issue de toute révolution, l'arrogance du pouvoir sarkozyste et des élites économiques qu'il sert est telle qu'on ne pourrait que se réjouir de voir leurs abjections accumulées leur sauter enfin à la gueule.

Voir la France secouer le joug serait magnifique si ce n'était pas ridicule, après qu'elle ait élu Sarkozy à 53%. Mais on m'objectera que ce n'est pas la même France, qu'il y a la France égoïste et rassie qui a voté pour lui, et la France qui lutte. Admettons.

***

Le film réalisé il y a quelques années par Patricio Guzman sur Salvador Allende nous rappelle au passage qu'il existe (qu'il a existé, en tous cas) des leaders de gauche aussi intègres que charismatiques. La personnalité d'Allende, appliquant son programme sans violence et dans le respect le plus absolu de la démocratie, est une grande leçon de politique. On chercherait vainement au PS quelqu'un qui ait le millième de l'envergure et de l'intégrité de cet homme.

Trois années de réformes pacifiques mais radicales, jusqu'au coup d'Etat de 1973 et à l'assassinat d'Allende, orchestrés par la CIA. Puis la dictature de Pinochet, la répression et la torture, et le Chili transformé en laboratoire du néolibéralisme.

Aussi contestable que soit la dictature du prolétariat, force est malheureusement de constater que ceux qui, contrairement aux bolcheviks, ont voulu préserver la démocratie, dans l'Espagne du Frente Popular comme dans le Chili d'Allende, ont été éliminés sans aucune pitié. Désespérant.


4 mai 2009 : PARTAGE DES RESPONSABILITES

La tendance lourde depuis le triomphe du néolibéralisme est d'insister sur le fait que chacun est responsable à son niveau, surtout les insignifiants (qui sont très nombreux) et surtout pas les puissants (même très riches, même très dépensiers, même très pollueurs). Qu'il s'agisse de sacrifices financiers (pour sauver l'économie) ou de gestes écologiques (pour sauver la planète), c'est toujours aux citoyens lambda que l'on d'adresse. La chose ne serait pas choquante ni absurde en elle-même si la somme de tous ces sacrifices n'était en permanence annulée par les excès irresponsables des élites.

Pour rester plus ou moins sur ce sujet, Finkielkraut, dans son émission du 2 mai, critiquait l'usage du mot fraternité par le PS, lequel selon lui se contente de "se payer de mots" (point sur lequel on ne peut qu'être d'accord avec lui), puis ajoutait : "Avoir une politique vraiment fraternelle, au sens de Péguy (*), c'est-à-dire empêcher que les gens ne tombent dans l'exil économique, ça demande des mesures précises et la confrontation avec des problèmes extraordinairement difficiles." L'idée ne serait peut-être pas grotesque si elle était supposée opposer au PS autre chose que le sarkozysme. En l'occurence, l'insistance sur la nécessité d'actions précises et sur la "difficulté extraordinaire" des problèmes à traiter n'est là, comme d'habitude dans le discours libéral, que pour suggérer au bas peuple : "vous ne pouvez rien y comprendre, laissez donc faire les spécialistes, même si vous avez l'impression à première vue qu'ils vous entubent !". Le problème c'est qu'ils nous entubent bel et bien, Sarkozy et ses sbires, ou plus exactement qu'ils perpétuent et accentuent un entubage immémorial. Comment peut-on sans rire assurer que le souci de Sarkozy est d'éviter "que les gens tombent dans l'exil économique", alors que l'idéologie qui est la sienne n'a pas d'autre but ?

Je ne sais plus, à ce propos, si j'ai consigné ici la superbe déclaration de Jean Sarkozy, emblématique d'une vision politique moderne : "Sur le fond, il y a des riches et des pauvres et il ne faut pas opposer les gens les uns aux autres."

Il a raison, c'est méchant.

(*) : "Par la fraternité, nous sommes tenus d'arracher à la misère nos frères les hommes. C'est un devoir préalable. Au contraire, le devoir d'égalité est un devoir beaucoup moins pressant. Autant il est passionnant, inquiétant, de savoir qu'il y a encore des hommes dans la misère, autant il m'est égal de savoir si, hors de la misère , les hommes ont des morceaux plus ou moins grands de fortune. Je ne puis parvenir à me passionner pour la question célèbre de savoir à qui reviendra (?) dans la Cité future les bouteilles de champagne, les chevaux rares, les châteaux de la vallée de la Loire. J'espère qu'on s'arrangera toujours, pourvu qu'il y ait vraiment une Cité, c'est-à-dire pourvu qu'il n'y ait aucun homme qui soit banni de la Cité, tenu en exil dans la misère économique." (Péguy)


16 août 2009 : REGIS DEBRAY ET LA REPUBLIQUE

Régis Debray : "La République définit l'homme comme un animal par essence raisonnable, qui est né pour bien juger et pour délibérer de concert avec ses congénères, alors que la démocratie à l'anglo-saxonne tient que l'homme est un animal par essence productif, né pour fabriquer et échanger. Résultat : il y a deux lieux symboliques dans un petit village français, c'est l'école et la mairie ; il y a deux lieux symboliques dans un petit village du Texas, c'est l'église et le drugstore."

Extrait de Par Amour de l'Art : "La laïcité vraie n'est pas simple tolérance, accorte neutralité qui accueille indifféremment les idées de Darwin et les mots de la Genèse, le scientifique et la tireuse de cartes, l'anti-raciste et le raciste, parce que toutes les opinions sont respectables et doivent coexister gentiment : c'est la revendication du droit à la distance."

Elizabeth Badinter, invitée de l'émission du jour, met l'accent sur l'importance de l'exhibition dans l'Occident actuel : on exhibe son corps, son ventre de femme enceinte, mais aussi bien sûr ses opinions, ses qualités et ses défauts, ses signes d'appartenance religieuse bien sûr, bref tout ce qu'on peut exhiber, et le message est le suivant : "je suis comme ça et je vous emmerde (dixit E. Badinter) ! Je me fous de votre avis et la collectivité n'existe pas."

Debray dit avoir été frappé, durant la crise antillaise, par le français parlé par les politiciens locaux : "Diction, vocabulaire, syntaxe, se sont réfugiés outre-mer, chez les rejetons d'Aimé Césaire. Ils connaissent manifestement mieux l'Histoire de France (1793, 1802, 1848,...) que les membres du gouvernement, et nous rappellent l'époque déjà moyenâgeuse où nos officiels ne baragouinaient pas un franglais de 300 mots. Joli chassé-croisé que celui-ci : La Princesse de Clèves sauvée par les arrière-petit-fils et filles d'esclaves."

Christiane Taubira explique ainsi ce dernier point : "Je pense que nous avons une relation sensuelle à la langue. Nous avons envers elle des fidélités, nous l'habitons, nous nous y installons, et nous y prenons le frais comme sur un hamac, c'est-à-dire que nous explorons constamment ses mystères."


18 mai 2010 : HONGROIS, MONEGASQUES, ETC.

Bien avant la naissance de Sarkozy, les Hongrois n'étaient déjà pas tous des gens sympathiques. Ayant obtenu en 1867 une large autonomie au sein de l'Empire autrichien devenu austro-hongrois, la noblesse magyare gouverna de façon beaucoup moins démocratique que son ancien "tyran" ne le faisait dans son coin : tandis que l'Autriche élargissait le corps électoral, aboutissant même en 1907 au suffrage universel, et qu'elle accordait quelques concessions à ses minorités, la Hongrie conservait un suffrage censitaire très étroit favorisant largement les Magyars et menait une politique beaucoup moins souple envers ses propres minorités. Vers 1904, la Hongrie ayant vainement exigé de l'Autriche une autonomie encore plus grande, des députés manifestèrent leur colère en détruisant les meubles de la Diète (casser ses propres chaises, quelle idée !) et par diverses actions violentes. François-Joseph proposa alors d'établir le suffrage universel en Hongrie (fin assurée de la domination de l'élite magyare sur son peuple et ses minorités), ce qui calma aussitôt leurs ardeurs revendicatrices.

Cette saine réaction n'est pas sans rappeler celle du Général De Gaulle face aux caprices de Rainier de Monaco en 1962 : "Qu'on lui coupe l'eau, le gaz et l'électricité !"

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Ceux qui sont incapables de juger de la valeur des idées se contentent d'en juger les auteurs (leurs actes, leurs gueules, leurs cravates,...). Mais s'il est préférable qu'un philosophe se soit conformé à sa pensée, il serait toutefois absurde de rejeter, dans le cas où il ne l'a pas fait, ce que ses idées peuvent avoir d'intéressant. On en revient à la thèse de Proust dans son Contre Sainte-Beuve : jugez l'oeuvre et non l'homme ! En politique, la chose est plus délicate, car le politique est censé agir selon les idées qu'il défend. Cela dit, il est inepte de juger le socialisme (comme doctrine, ou plutôt comme doctrines) sur l'action du PS depuis 1981, ou encore de mettre la théorie marxiste dans le même panier que le Kampf de l'autre abruti sous prétexte que le régime soviétique a commis autant de crimes que le régime nazi.

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Après la guerre de Sécession, les Etats du Sud furent obligés d'accorder le droit de vote aux Noirs par le 15° Amendement, qu'ils se mirent à contourner à partir de 1890, par exemple en introduisant des clauses privant du droit de vote toute personne ne sachant pas lire, écrire, interpréter correctement la Constitution, etc. Cependant, pour ne pas pénaliser les péquenots bien blancs, il fut stipulé qu'on ne pouvait priver du droit de vote quelqu'un dont le père ou le grand-père votait en 1860 (ce qui excluait évidemment les Noirs). C'est parfois rudement malin, les cons.

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Mme Blandine Kriegel déclara en leur temps que les 35 heures étaient "une atteinte aux droits de l'homme". C'est parfois rudement con, les cons, en fait.


28 mai 2010 : SARKOZYSME ET REPUBLIQUE

En 2004 fut publié un Guide Républicain, contenant, outre divers textes fondateurs, des articles de quelques pages sur les principales notions républicaines (nation, laïcité, etc.), rédigés par des personnalités plus ou moins qualifiées et d'horizons divers, de Gilles Lipovetsky à Philippe Raynaud en passant par Régis Debray. L'ouvrage n'ayant aucune visée polémique, on n'y trouve guère que des choses raisonnables et sensées, surtout aux yeux de lecteurs eux-mêmes attachés aux véritables valeurs républicaine. Cependant, le soutien accordé par certains auteurs, à l'époque déjà à la République selon Chirac, et aujourd'hui surtout au sarkozysme (pas de majuscule, ce n'est qu'une maladie, rappelons le), posent problème. On est a priori d'accord avec tout ce qu'écrivent ces gens ; même dans l'article de Blandine Kriegel (!!!) je n'ai pu m'abstenir de relever une formule particulièrement bien choisie : le problème, c'est que ces belles déclarations sont fort peu compatibles avec la politique que soutiennent actuellement certains de ces auteurs, souvent d'anciens intellectuels de gauche par ailleurs. Finkielkraut n'a pas contribué à cet ouvrage, mais il y aurait eu sa place, défenseur acharné (et toujours sincère ?) des valeurs républicaines et soutien quasi-inconditionnel d'un sarkozysme dont il ne daigne tenir compte que des aspects (ou plutôt des discours) qui lui conviennent.

Quand Marek Halter, soutien d'un gouvernement traquant les sans-papiers, fait une belle apologie des Justes de la Seconde Guerrre Mondiale, ça me fait un peu tiquer.

L'article de Jean-Christophe Rufin consacré à l'Humanitaire se conclut ainsi : Que serait une société où, face à un drame humain proche ou lointain, la réponse serait : "Laissez-les crever" ? Je ne souhaite à personne de vivre dans un tel monde. Que c'est beau ! Et pourtant, tu vis plus que jamais dans un tel monde, ami Rufin, depuis que ton ami Sarkozy est au pouvoir, et tu ne sembles pas t'y déplaire tellement.

On dira que de tels idéalistes ont été pour la plupart déçus par le PS, et ça se conçoit. Mais quand la déception incite à soutenir quelque chose de bien pire encore que ce qui nous a déçus, cela relève de la psychiatrie.

Même lorsque tout espoir de réalisation politique semble perdu, la dignité minimale pour un intellectuel consiste à continuer au moins à DIRE ce qu'il pense être vrai, ce qu'il pense être juste, quitte à ne plus s'engager dans l'action politique et en espérant qu'un jour viendra où l'on pourra à nouveau espérer un monde un peu meilleur. Rien que cela, le strict minimum : ne soutenir personne, mais ne pas transiger sur les Vérités et les Valeurs que l'on juge devoir être défendues. Mais ne tenir un discours sensé et généreux que pour servir de caution morale à une politique répugnante n'est pas exactement ce que j'appellerais de la "dignité".


2 août 2010 : DERIVE SECURITAIRE (Remix 2010)

Il est indéniable que le gouvernement reprend actuellement fort copieusement son discours ultra-sécuritaire, à la fois pour tenter de faire diversion quant à l'affaire Bettencourt et pour rassembler, en vue des prochaines présidentielles, ses électeurs quelque peu égarés. Mais les réactions parfois tout aussi caricaturales d'une partie de la gauche, là où un grand sens de la nuance serait nécessaire pour détourner les électeurs de semblables discours, risque au contraire de les y pousser en donnant l'impression de n'avoir le choix qu'entre Sarkozy et des crétins ultra-laxistes. Que l'on condamne les généralisations de Sarkozy sur les "gens du voyage", oui, mais il convient de condamner avec la même fermeté les violences commises à Saint-Aignan par des "gens du voyage", violences qui n'autorisent en rien la création de lois discriminatoires ou un quelconque acharnement particulier contre telle ou telle communauté, mais qui doivent être punies avec la même rigueur, quelle que soit l'origine des responsables. Il serait bon de rappeler que la loi républicaine est la même pour tous, au lieu de quoi quelques gauchistes illuminés ont déjà commencé à évoquer la déportation des tziganes par les nazis : il serait bon de continuer à faire la différence entre l'inacceptable stigmatisation d'une communauté entière suite aux actes également inacceptables d'une infime fraction de cette communauté (ce qui est ignoble et con), et d'autre part l'éradication massive de toute une communauté suite à rien du tout, par pure et simple idéologie raciste. Dénoncer les généralisations abjectes de Sarkozy est une chose, tout mettre sur le même plan en est une autre.

Par ailleurs, si le projet d'emprisonner les parents de mineurs délinquants me semble aussi grotesque que celui de celui qu'avait eu jadis Sarkozy de juger les fous, l'idée de déchéance de nationalité, si elle était utilisée avec précaution et discernement par autre chose qu'une bande de Hortefeux, ne me paraît pas si aberrante. Dans le cas de crimes présentant un caractère nettement antinational, par exemple le terrorisme, il semble évident que le criminel n'est pas un grand amateur de notions telles que le civisme, l'intérêt collectif, les valeurs républicaines,... La loi actuelle, qui concerne ce genre de cas très graves et limite évidemment la chose aux individus possédant une double nationalité, est déjà très bien faite. Cela dit, pourquoi effectivement ne pas envisager de l'appliquer plus souvent ? Je vois mal ce qu'aurait de choquant par exemple le fait de retirer la nationalité française à un Eric Woerth, à une Liliane Bettencourt ou à un Nicolas Sarkozy, dont tous les actes sont parfaitement antinationaux. Pour une Bettencourt, pour une Laroque, pour un Halliday ou un Pagny, la Nation est une notion parfaitement dépourvue de sens : de même que la seule patrie d'un terroriste est son idéologie à la con, leur seule patrie à eux, c'est leur pognon. Renvoyons donc la Bettencourt dans son "pays", que ce soit la Suisse ou quelque autre paradis fiscal, non sans avoir réquisitionné et nationalisé tous ses biens situés en France. Ca, c'est de la dérive sécuritaire comme je l'aime !


12 septembre 2010 : LE MONSTRE DOUX

Interviewé dans Le Monde Magazine, Raffaele Simone cite un passage de Tocqueville bien plus intéressant que ceux que ressassent généralement Finkielkraut et ses compères :

Dans De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville décrit une nouvelle forme de domination. Elle s'ingérerait jusque dans la vie privée des citoyens, développant un autoritarisme "plus étendu et plus doux", qui "dégraderait les hommes sans les tourmenter". Ce nouveau pouvoir, pour lequel, dit-il, "les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent pas", transformerait les citoyens qui se sont battus pour la liberté en "une foule innombrable d'hommes semblables (…) qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, (…) où chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée des autres".

Isolés, tout à leur distraction, concentrés sur leurs intérêts immédiats, incapables de s'associer pour résister, ces hommes remettent alors leur destinée à "un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d'assurer leur jouissance (…) et ne cherche qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance. Ce pouvoir aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il pourvoit à leur sécurité (…) facilite leurs plaisirs (…) Il ne brise pas les volontés mais il les amollit (…), il éteint, il hébète."

La façon dont il met ensuite l'accent sur la montée de l'individualisme et tend à absoudre un peu facilement l'incurie des partis de gauche socialiste mériterait discussion, mais on peut relever également son programme pour une nouvelle gauche :

"Affirmer le rôle de l'Etat dans la régulation des excès du marché et du capitalisme financier. Mettre en place des services publics forts. Investir dans des universités et des écoles de haut niveau. Défendre radicalement la laïcité contre les intrusions religieuses. Assurer durablement et sans laxisme la sécurité des citoyens. Soutenir puissamment la recherche. Appuyer la création de médias et de télévisions de qualité."


18 octobre 2010 : DEGRIFFER LE PEUPLE

Il y aurait une étude à faire sur l'évolution de la violence populaire et sur les méthodes employées pour annihiler peu à peu l'agressivité potentielle de la population, en lui faisant intégrer l'idée que la moindre violence de sa part serait inacceptable. Durant la Révolution, on décapitait la noblesse à tire-larigot ; aujourd'hui, on a mauvaise conscience quand on en arrive à devoir séquestrer quelques temps un patron, ou même à "prendre en otage" les usagers du simple fait de faire grève. La disparition des réflexes de recours à la violence serait une excellent chose dans un monde réellement pacifié où nul n'aurait d'intention mauvaise à l'égard des autres (*). Le problème est que les pouvoirs politiques et économiques profitent largement de cette placidité du peuple pour l'escroquer et le plumer dans les grandes largeurs. N'ayant guère l'âme sanguinaire, je n'irai pas jusqu'à regretter sérieusement cette fin de la violence (et d'ailleurs, une fois ressurgie, jusqu'où nous conduirait-elle ?), même si, comme je l'ai je crois déjà dit, Marie-Antoinette a été raccourcie pour bien moins que ça. Mais c'est un peu navrant de voir les pires ordures toujours s'en tirer. Sarkozy ne sera pas réélu en 2012 (?) : est-ce là une punition (si c'en est une !) suffisante ? A défaut de bain de sang, on rêve de prison ferme pour toute cette maffia. On peut toujours rêver.

On ne peut bien entendu pas souhaiter que toute cette colère qui éclate enfin, et à juste titre, tourne au carnage, et soit en outre récupérée par d'autres manipulateurs, comme ce fut toujours le cas dans l'Histoire. Mais il est tout de même triste de se dire que ce mouvement qui enfle ne débouchera, en voyant les choses au mieux, que sur un éventuel assouplissement de la réforme des retraites (qui sera simplement complété un peu plus tard que prévu), et non sur une refonte totale du système, sur une expulsion manu militari des squatters de l'Elysée (s'accrocher quand on est tombé en si peu de temps à 71% d'opinions défavorables, c'est bien la preuve que le goût du pouvoir peut être plus fort chez certains individus que le sentiment de leur propre dignité), sur un traitement radical de la fraude et de l'évasion fiscales (réquisitions, perte de citoyenneté,...) en vue d'une redistribution des richesses qui ne contribue plus, comme depuis plus de vingt ans, à enrichir toujours davantage les plus riches en appauvrissant tous les autres (cela fait beaucoup de dindons pour une seule farce),... On peut toujours rêver.

(*) : L'Ile aux Enfants, par exemple. C'est dans un univers de ce genre que semble vivre désormais un "philosophe" comme Alain Finkielkraut, pour qui la criminalité économique, financière ou politique n'existent pas (à l'évocation des scandales Tapie et Woerth-Bettencourt, il répondait dans sa dernière émission : "Mais Mme Bettencourt, ce n'est pas pareil : elle a toujours été riche." Vraiment ? Et comment s'est construite une pareille fortune ? Et cela autorise-t-il en outre à s'acheter un président de la République à sa convenance ?). Plus exactement, l'Ile aux Enfants qui ravit Finky, c'est le monde des élites, des monstres gentils et propres sur eux, le monde du gentil Sarkasimir et de son gloubiboulguesque cousin Bricepolyte, de Carla la gentille marchande de gâteries, qui héberge en son kiosque Léonard la fouine traqueuse de clandestins, c'est le monde de François F. le gentil marchand de jolis ballons pleins d'air et du wonderful facteur Eric qui distribue à tous les enveloppes de la gentille Madame Liliane. Mais c'est un paradis hélas menacé, car tout autour ce n'est plus du tout le pays des rires et des chants : jeunes de banlieue "incivils", journalistes qui remuent la merde chez L'Oréal et autres gauchistes qui n'ont rien compris aux vérités modernes et qui râlent tout le temps, anti-américanistes primaires, intermittents du spectacle parasites, prolos qui regimbent à travailler toujours plus pour gagner toujours moins, et surtout, un peu plus lointains mais de plus en plus menaçants, les musulmans, qui sont évidemment tous des talibans.



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