* PREALABLES A UNE REFLEXION SUR L'AVENIR DE L'ECOLE

* IUFM

* SCIENCE PEDAGOGIQUE : la Méthode globale est à John Doggett ce que les extra-terrestres sont à Reinhardt Muldrek : une croisade monomaniaque.

* Un texte de Condorcet

* Commentaire de cette immondice référendaire (SOS Education)

* Méthode globale (suite et fin ?)

* Auto-construction

* Outils et prédictions

Complément 2007 : quelques extraits de 15 Mesures pour sauver l'école de Natacha Polony

 

PREALABLES A UNE REFLEXION SUR L'AVENIR DE L'ECOLE

 

1. Objectifs généraux

La formation des générations futures est la clef de l'avenir. Mais mettons nous bien d'accord : il faut la concevoir non comme un endoctrinement, mais comme une formation à l'esprit critique, à des méthodes de réflexion objective et à une réflexion morale non-dogmatique fondée simplement sur les valeurs humanistes (ce qui paradoxalement ne peut se faire sans établir des règles rigoureuses, là tient à mon avis toute l'erreur des pédagogies "libertaires", j'y reviendrai).

Notre génération ne doit pas avoir la prétention de former les suivantes en vue d'un projet de société donné. J'aime assez l'idée que l'éducation devrait simplement servir à former des gens qui seront moins cons et meilleurs que nous.

Ce sera déjà pas si mal.

 

2. Savoirs ou Pédagogie ?

On ne pourra pas éviter cet éternel débat, et pourtant ... sur quoi repose-t-il essentiellement ?

(attention je vais frapper un peu fort...)

Sur le dogmatisme des pédagogistes (j'insiste sur le terme péjoratif : « pédagogistes » et non « pédagogues ») qui dominent les sphères décisionnaires de l'éducation depuis des décennies. Ce dogmatisme arrogant semble avoir entraîné chez les « traditionnalistes » un rejet presque total de tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la pédagogie. Ce qui se comprend quand on constate qu'au milieu de quelques réflexions intéressantes, la recherche pédagogique, généralement totalement déconnectée de la réalité, n'est le plus souvent qu'un moyen d'acquérir un triste renom d'originalité en disant n'importe quelle ineptie, pourvu qu'elle soit neuve.

Résultats : des consignes pédagogiques érigeant une méthode en dogme absolu pour la remplacer par son exact contraire trois ans plus tard ; une méthode globale d'apprentissage de la lecture qui a pourri l'avenir de générations entières en en faisant des illettrés : etc.

Bon, quittons un peu la polémique. Construisons :

Pour moi, la pédagogie ne peut pas être érigée en science : c'est un art, une technique, qui s'acquiert avant tout sur le terrain et qui pourrait se résumer à ceci : améliorer peu à peu, patiemment, par l'expérimentation prudente (marre de voir des profs ratés mais ambitieux, reconvertis en pédagogistes, transformer en cobayes des générations de jeunes !) et l'observation, notre capacité à accomplir notre mission d'enseignants, mission que je définirais ainsi :

« Fournir à l'élève un ensemble de savoirs aussi fiables que possible, tout en développant en lui l'aptitude à compléter ensuite cet ensemble d'informations, mais surtout l'aptitude à les interpréter, à les analyser, etc. ». En d'autres termes, « donner à chaque élève les moyens de COMPRENDRE au mieux le monde dans lequel il vit et de trouver de façon autonome des solutions pour y vivre mieux. ».

Vous l'aurez compris, je suis un des ces réactionnaires qui pensent qu'il faut redonner toute leur importance aux contenus (et ne me dîtes pas « comme Luke Ferry » : Luke Ferry ne s'est rallié à cette vision des choses que très récemment, j'imagine par opportunisme, et quel que soit son degré de sincérité sur ce point, ce n'est pas ce que je lui reproche pour ma part).

La formation dispensée par les IUFM a généralement délibérément négligé les savoirs au profit de formes vides, de prétendues recettes-miracle pour enseigner bien comme il faut.

Désolé d'avoir à le rappeler, mais pour bien faire son boulot, pour bien jouer aux échecs ou pour bien jouer du piano, il faut BOSSER. Faire des efforts. Apprendre n'est pas une partie de rigolade permanente : ce n'est que lorsqu'on maîtrise la chose que ça commence à devenir agréable ! Et ce que je dis là est valable pour les élèves comme pour les apprentis-profs. Avant de se mêler d'enseigner une discipline, il faut la maîtriser aussi parfaitement que possible, par respect pour soi et pour les autres. La politique IUFM a globalement été de dire : « Contentez vous d'un minimum : ce n'est pas le savoir bêbête (ouais, ils parlent comme ça, des fois : rien que ça, c'est dingue, non ???) qui compte, c'est la PEDAGOGIE ! ». La pédagogie ! Forme ordonnée et rigoureuse servant à transmettre du vent.

Pour conclure (provisoirement ?) sur ce point, je dirai donc que l'avenir du système éducatif passe par une « désacralisation » de la pédagogie et un retour aux contenus. Après, que les collègues expérimentent et échangent des idées pour améliorer la transmission, oui, bien entendu ! Et même, on peut continuer à payer des feignasses (j'emploie évidemment ce terme de manière unisexe) pour élaborer des théories patagogiques en laboratoire, du moment qu'ils nous exposent leurs résultats sans nous les imposer.

 

3. Propositions concrètes

Du point précédent, je tirerais d'abord deux propositions liées à ce problème de la pédagogie :

* revenir à une plus grande liberté pédagogique des enseignants (certaines méthodes marchent avec certains profs et pas avec d'autres, chacun doit rechercher sa voie avec un minimum de bon sens et d'humilité).

* axer la formation des nouveaux enseignants sur la maîtrise disciplinaire (ce qui n'exclut pas de leur fournir des conseils pédagogiques non-dogmatiques, mais laissons les trouver leur voie eux aussi !) : je pense qu'à tout prendre, un prof qui transmet un savoir fiable de façon un peu chiante est moins pire (même si ce n'est pas un idéal, évidemment !) qu'un prof « fun » qui ne transmet rien. En plus, sauf exceptions, les profs pédagogistes ne sont souvent guère moins chiants que leurs adversaires.

Et puisque j'ai déjà « repris » une des idées du bouquin de Luke Perry, et puisque de toutes façons nous défendions déjà ces idées avant qu'il ne s'y rallie (?), eh bien oui, allons-y :

* restauration de l'autorité !!!

Je ne parle évidement pas de flicage à la Sarkozy. Je n'aborde même pas ici le fait qu'il faut d'abord régler les problèmes sociaux : faire de la prévention si vous voulez, mais je parle pas d'installer des panneaux de basket par ci par là, je parle de donner à tous des conditions de vie décentes et non plus les abandonner face à la seule et unique perspective d'une vie pourrie. Mais là, on sortirait du sujet. Je tenais simplement à poser ce préalable d'une action sociale : ainsi, ceux qui voudront me traiter de facho parce que je parle d'autorité pourront le faire en toute connaissance de cause.

Donc, autorité.

Autorité administrative d'abord. Le boulot de prof est suffisamment compliqué pour qu'on ne doive pas en plus jouer les garde-chiourmes. C'était jadis la fonction de l'administration, de maintenir dans les établissements le respect d'une discipline élémentaire nécessaire à toute vie en collectivité et à tout travail efficace. Sans parler de revenir à la discipline quasi-carcérale de l'école d'avant 68, il y a tout de même une marge entre ça et ce qui se passe aujourd'hui dans de trop nombreux établissements, où la démagogie et le désir de ne surtout pas faire parler de son établissement entraînent un laxisme qui peut conduire au pire.

Mais autorité également à tous les niveaux. Cette restauration de l'autorité concerne évidemment également les enseignants et les parents, même si au cas par cas, ce n'est pas forcément facile pour tous. C'est pourquoi je pense que l'administration (non-décentralisée !) a un rôle crucial à (re)jouer sur ce plan.

J'aimerais simplement fixer sur ce sujet quelques principes qui ne feront certainement pas l'unanimité, qui feront même grincer bien des dents :

* l'enfant n'a pas tous les droits

* l'enfant a besoin de se constituer à partir de règles qui le confrontent à la réalité.

Mai 68 (pour simplifier) a jeté aux orties les morales et les contraintes traditionnelles, généralement arbitraires et/ou servant à asservir les masses : et TANT MIEUX qu'on ait enfin balancé tout ça !!! Mais il fallait ensuite constituer une nouvelle morale, une morale de la vie collective, reposant sur la réflexion et non plus sur des dogmes, une morale en action dont le principe de base serait que ma liberté n'est limitée que par celle des autres (mais donc, limitée quand même !). Faute de cela, l'idéal libertaire tourne vite à l'idéologie ultra-libérale actuellement dominante. Sans parler des psychopathes que nous fabriquons avec cette éducation fondée sur le principe de l'enfant-roi.

Quitte à lancer encore un paradoxe, c'est au nom de l'idéal libertaire que je défends le principe de l'autorité en matière d'éducation. Non pas parce que nous, adultes, détenons, la vérité, mais parce que nous devons nous donner les moyens de transmettre à nos enfants ce que nos sociétés ont produit de meilleur (en tous cas à nos yeux) et surtout de leur transmettre les méthodes de réflexion qui leur permettront d'aller encore plus loin.

On ne lâche pas un enfant dans l'univers en lui disant : « vas-y, tu es libre, totalement libre, construis toi ! et construis toi-même ton savoir ! » On lui « impose » les savoirs et les règles qu'on croit être les meilleurs dans l'état actuel des choses. Cela finit par agacer les jeunes ? Cela leur donne envie de rejeter ces règles et ces savoirs pour en créer d'autres ? Et alors ? Où est le problème, si ce n'est pour un démago jeuniste avide de reconnaissance ? Comme je le disais au début de cet interminable pensum, le but n'est-il pas de former des jeunes qui seront moins cons que nous ? Le jeu en vaut la chandelle : ça ne me gêne pas d'être considéré comme un vieux con, si ma rigueur étriquée a donné à des jeunes les moyens de voir mieux que moi, et plus loin.

John Doggett (15/06/2003)


IUFM

Suite à diverses réaction, j'apporte ici quelques nuances, une fois n'est pas coutume. Les IUFM fonctionnent selon les endroits (et selon les disciplines !) plus ou moins bien. Ce que je leur reproche, c'est :

- d'avoir presque toujours entretenu (plus ou moins fortement, on va dire ...) un certain mépris pour les savoirs au bénéfice de "méthodes" qui n'ont pourtant de sens que si elles s'appliquent à quelque chose. Volontairement ou non, on donne ainsi aux futurs enseignants l'impression que leurs lacunes n'ont aucune importance du moment qu'ils appliquent sagement les grilles de lecture et autres ustensiles de la pédagogie de pointe.

- d'avoir créé entre les étudiants et les autorités académiques (rectorat, IPR, ...) un lien quasi-féodal. C'est très fort chez nous, en tous cas. Si je ne craignais pas d'être accusé de faire des amalgames scabreux, je dirais volontiers que, tel le Duce, le Führer ou le Conducator, "le Recteur (ou l'IPR) a toujours raison". J'ai l'impression que les profs pré-IUFM étaient beaucoup plus conscients de travailler pour la Nation (ou pour leurs élèves, ce qui revient au même) et considéraient aussi bien leur ministre que leurs IPR et recteurs au mieux comme de simples gestionnaires transitoires, au pire comme de vulgaires charlots (Luke Ferry a relancé cette mode). Les profs IUFM, un peu perdus, parfois entrés dans l'éducation sans vocation parce qu'issus d'une génération confrontée au chômage, souvent culpabilisant obscurément à cause de lacunes disciplinaires qu'on ne les a nullement incités à combler, ces profs-là semblent souvent se raccrocher à l'autorité rassurante de la hiérarchie. Beaucoup ont peur de faire grève.

Je suis bien conscient du caractère généralisateur de ce que je dis là. Je ne prétends nullement décrire l'entière réalité. Même dans mon académie, je rencontre des tas de jeunes profs qui sortent totalement "indemnes" des IUFM. Parce qu'ils avaient suffisamment de force en y entrant. De même que les enfants les plus doués au départ sont passés à travers les mailles du filet de (de qui ?... voyons combien il y en a qui ont suivi ....) de la méthode globale (bravo), parce qu'ils étaient capables de rectifier d'eux-mêmes.

 John Doggett


SCIENCE PEDAGOGIQUE

Loin de moi l'idée d'interdire, ni même de dédaigner, la recherche pédagogique, qui ouvre effectivement parfois des pistes intéressantes.

Je soulignais essentiellement :

1 - le fait que le passage à la pratique demande de la prudence.

2 - le danger d'imposer des méthodes pédagogiques, qu'on devrait se contenter de proposer à la libre appréciation des enseignants. Un enseignant responsable (ce qui, j'ose l'espérer, est un pléonasme) ne choisira jamais, s'il est libre de son choix, la méthode qui lui parait la moins efficace. En imposant certaines méthodes, on a obligé des enseignants à faire des choses dont ils ne comprenaient même pas le bien-fondé, et ce au nom de l'omniscience des gourous de la Pédagogie : "n'essayez pas de comprendre en quoi c'est mieux ! Nous, on le sait, contentez vous d'appliquer !". J'exagère à peine.

Je crois à la nécessité du bon sens en pédagogie.

 

Pour illustrer tout ça "rapidement", je voudrais dire quelques mots sur la méthode globale (c'est mon dada). Je vous préviens, c'est chiant : réservé aux plus motivés !

 

Je suis prof de Lettres en lycée, j'ai enseigné auparavant également en lycée professionnel : bref, je n'ai absolument aucune compétence pour parler d'apprentissage de la lecture. Un jour, en L.P., j'ai constaté que de nombreux élèves étaient incapables de comprendre le sens du texte pourtant simple sur lequel on travaillait. En creusant, j'ai compris qu'ils repéraient bien les mots du texte (mots qu'ils connaissaient tous et qui ne posaient aucun problème), mais qu'ils ne repéraient pas les liens syntaxiques qui reliaient ces mots et donnaient du sens à leur regroupement dans une phrase.

En gros, ils repéraient des "taches" de sens qu'ils reliaient intuitivement comme ils pouvaient, au lieu de lire le texte comme un enchaînement.

Exemple : "Ernest-Antoine ne raffole pas des radis". Ils comprennent qu'il y a un type appelé Ernest-Antoine, que ça parle de radis et qu'il est question d'en raffoler (NB : c'est un exemple fictif, ne me dites pas qu'ils ne connaissaient pas le sens de "raffoler"). De là, la plupart, interrogés, expliqueraient que le type aime bien les radis. Si vous leur expliquez : "oui, mais tu vois, il y a "ne ... pas", c'est une négation, donc en réalité le type n'aime PAS les radis", ils vous répondront : "ah ouais, c'est vrai." Mais avoir besoin d'un prof 24h/24 pour faire observer qu'il y a une négation ici et un pluriel ailleurs, ce n'est pas une solution pour avoir une existence autonome (enfin, je trouve).

Reprenons. Effaré, j'ai commencé à partir de là à me renseigner sur la méthode globale. Et, sans être le moins du monde un spécialiste, donc, je me suis dit :

- qu'il était quelque peu saugrenu d'enseigner une langue où consonnes et voyelles se succédent pour former des syllabes, formant elles-mêmes des mots, avec une méthode qui serait en revanche parfaitement appropriée pour l'apprentissage du chinois.

- que cette façon de nier la caractère syllabique du français écrit était peut-être à mettre en rapport avec l'incapacité de mes élèves de LP à envisager un texte dans sa continuité linéaire et à se contenter d'une approche intuitive qui ne leur réussissait que très médiocrement dans la mesure où ils étaient persuadés qu'Ernest-Antoine aime les radis (et donc tutti quanti : que les chats font des chiens, que Mussolini était un démocrate, que les étrangers volent le pain des français et les radis d'Ernest-Antoine, bref, vous imaginez à quel degré d'incompréhension du monde ça peut mener).

Voilà, à l'époque, ce que je me dis. Je ne sais pas si j'ai raison, mon raisonnement n'a aucune rigueur scientifique, mais c'est ce que me dit mon gros bon sens de non-spécialiste et moi, feignasse de fonctionnaire que je suis, je m'en contente.

Un jour, une orthophoniste à qui je parle de ça me répond comme une évidence :

- Ah mais bien sûr ! La méthode globale, c'est pain bénit pour nous autres, ça a multiplié notre clientèle !

"Tiens, je ne suis pas seul à penser ça", je me dis.

Les années passent. Il y a quelques mois,à la radio, j'entends ça :

- La méthode globale pourrait être responsable de graves dysfonctionnements cérébraux.

Ben merde alors ! Voilà que des scientifiques découvrent avec leurs études très poussées ce que j'avais trouvé depuis des années avec juste mon gros bon sens !

J'ai raconté cette histoire à la première personne, mais nous sommes des centaines, peut-être des milliers, à dénoncer cette méthode depuis des années, ainsi que les méthodes dites mixtes destinées ensuite à atténuer ses effets négatifs mais qui n'ont peut-être pour effet que d'augmenter la confusion dans l'esprit des enfants : on ne fait pas de cocktails avec de l'arsenic ! On n'empêche pas un poison d'agir en le diluant : on le met dans des flacons avec une tête de mort dessus et on le tient HORS DE PORTEE DES ENFANTS !

Personne ne nous a écoutés et le massacre des intelligences a continué, heureusement limité par l'inertie résistante des instits, mais que voulez-vous faire quand on vous impose une saloperie en vous assurant que c'est un produit-miracle !

Mais je n'ai pas fini : j'aimerais finir sur un détail mettant en jeu la science justement. La science opposée à mon gros bon sens. L'un des arguments des tenants de la méthode globale, c'était jadis que, quand on observait avec des instruments très très perfectionnés les mouvements oculaires de quelqu'un qui lit, on constatait que la personne ne décompose pas en lettres, syllabes, mots, etc. Non, non : la personne, elle repère, elle "photographie" les mots en tant qu'ensembles, sans les décomposer. Donc, comme c'est comme ça que lisent les gens (à ce que montrait la machine), il est aberrant d'apprendre à lire aux enfants en décomposant les mots (B-A-BA).

Le gros bon sens aura beau objecter pendant des années que le français est une langue analytique, qu'on le veuille ou non, et qu'on ne peut pas construire l'apprentissage de la lecture à partir d'observations faites sur des adultes, maîtrisant déjà parfaitement la lecture : en vain ! C'est forcément la science qui a raison.

Pourtant ...

Des dizaines d'années plus tard, la science a permis l'invention d'un ustensile encore plus perfectionné pour suivre les mouvements des yeux. Vraiment beaucoup plus perfectionné que le premier. Et là, qu'est-ce qu'on a constaté ? ... "Hum ... Ben merde alors ...En fait, c'est ... C'est imperceptible, mais, tu vois, là, l'oeil, et bien, il décompose bien les mots en lettres, syllabes, etc. Mais tellement vite qu'avec la machine d'avant, on avait l'impression qu'il prenait les mots en blocs."

Ben oui ! Etonnant, hein ? Un adulte lit une langue analytique de façon analytique ! Quelle découverte !

Un adulte décompose très très vite : pas possible ??????? Je n'avais jamais remarqué à quel point je lisais beaucoup plus vite aujourd'hui qu'au temps où j'apprenais à lire et où j'ânonnais péniblement les mots ! Mais maintenant que vous me le dites, c'est dingue !

Alors bien sûr, au bout du compte, c'est la science qui nous as "sauvé" sur ce coup-là. Mais il n'en demeure pas moins que cette machine récente n'a fait que confirmer les intuitions de ceux qui avaient fait marcher leur gros bon sens. Il n'en demeure pas moins surtout que, si la science a en permanence des tas de nouvelles choses passionnantes à nous apprendre, l'enseignement est une chose trop importante pour être livrée aux fulgurances de quelques visionnaires délirants.

On examine, on expérimente avec la plus grande prudence, et après on voit ce que ça donne.

 

Je me suis concentré sur un point précis, mais non des moindres. Je laisse chacun imaginer combien d'élèves ont été sacrifiés à cause de cette connerie de méthode globale, au nom de l'innovation, alors qu'on disposait d'une méthode analytique toute bête (B.A.BA) qui avait fait ses preuves (qu'on ne m'objecte pas qu'elle ne convenait pas à certains enfants : on crée des méthodes adaptées aux cas particuliers, mais on n'impose pas à toute une génération une méthode prétendument mieux adaptée, alors qu'elle n'est mieux adaptée - et encore, cela reste à prouver ! - qu'à quelques cas).

En pourrissant le système éducatif, ce genre d'innovations incontrôlées permet aujourd'hui de liquider l'école publique.

Complicité consciente ou pas, ce n'est plus le problème : il faut colmater !


C'était bien la peine de perdre la tête !

 

                                                                      Nature et objet de l'instruction publique

 

La société doit au peuple une instruction publique

 

1)comme moyen de rendre réelle l'égalité des droits : cette obligation consiste à ne laisser subsister aucune inégalité qui entraîne de dépendance. L'inégalité d'instruction est une des principales sources de la tyrannie.

2)pour diminuer l'inégalité qui nait de la différence des sentiments moraux

3)pour augmenter dans la société la masse des lumières utiles

 

La société doit également une instruction publique relative aux diverses professions

 

1)pour maintenir plus d'égalité entre ceux qui s'y livrent

2)pour les rendre plus également utiles

3)pour diminuer le danger où quelques-unes exposent

4)pour accélérer leurs progrès

 

La société doit encore l'instruction publique comme moyen de perfectionner l'espèce humaine

 

1)en mettant tous les hommes nés avec du génie à portée de le développer

2)en préparant des générations nouvelles par la culture de celles qui les précèdent

L'instruction publique est encore nécessaire pour préparer les nations aux changements que le temps doit amener

 

Motifs d'établir plus de degrés dans l'instruction publique

1)pour rendre les citoyens capables de remplir les fonctions publiques, afin qu'elles ne deviennent pas une profession (!)

2)pour que la division des métiers et des professions ne conduise pas le peuple à la stupidité

3)pour diminuer par une instruction générale, la vanité et l'ambition

.....

 

La puissance publique n'a pas le droit de lier l'enseignement de la morale à celui de la religion

Elle n'a pas droit de faire enseigner des opinions comme des vérités....

 

Condorcet (Premier mémoire sur l'instruction publique  1791)

 

(cité par Nadine sur la liste RdB, le 15/06/2003)


Commentaire de cette immondice référendaire (SOS Education)

 

La stratégie de ces gens est tout à fait comparable à celle du Front National ou de tout autre mouvement fasciste.

De même que le Front National soulève de vrais problèmes (chômage, criminalité) mais les explique avec des causes fausses (l'immigration), ces gens, à la suite d'ailleurs de Luke Ferry le fraîchement converti, indiquent des problèmes réels :

- illettrisme et (oui, désolé d'avoir à le redire) méthode globale

- problème de l'autorité

Mais évidemment selon eux les responsables sont les profs, et particulièrement les syndicats de profs. Certainement pas la logique ultra-libérale en oeuvre dans l'éducation depuis des décennies, et ce avec la complicité inconsciente (j'ose le croire) de pseudo-penseurs libertaro-pédagogogistes, branleurs patentés en mal de reconnaissance et prêts à tout pour ça, y compris à débiter n'importe quelle connerie et à saboter de facto un des meilleurs systèmes éducatifs publics du monde (ce qui évidemment permet désormais aux ultra-libéraux d'en suggérer le démantèlement).

Alors que la majorité des enseignants (et des syndicats enseignants, je crois qu'on peut leur accorder ça) a contribué par son bon sens et sa saine résistance à limiter les dégâts, ce sont eux qu'accusent les néo-blaireaux de SOS Education. Nous entrons ici dans une lutte idéologique particulièrement perverse car sur ce terrain ils ont entre les mains de quoi nous diviser.

Même si je défends la primauté des savoirs sur les méthodes, même si je considère que l'élève ne "construit pas son savoir" par enchantement, même si j'estime qu'une pensée libre ne peut se construire que sur les bases d'une discipline minimale (et éventuellement contre elle - mais c'est aux jeunes qu'il revient de se révolter contre l'autorité, si possible avec intelligence, et non à nous qu'il revient de leur dire de le faire, rien de tel pour les en dégoûter !), bref, même si je défends des idées qui sont dans le bouquin de Luke, je n'ai pas l'intention de jeter le bébé avec l'eau du bouquin.

Ces idées nous les défendions déjà il y a cinq ans lors de l'affaire Allègre (Claude). A l'époque, Ferry était plutôt dans l'autre camp, mais visiblement il l'a oublié. Il a retourné sa veste en devenant ministre et sa stratégie est claire : diviser pour mieux détruire. En ce qui me concerne, c'est raté. Ces valeurs que certains d'entre vous considèrent certainement réactionnaires, je les défends parce qu'elles sont selon moi les conditions essentielles du droit à une éducation de qualité pour tous, une éducation qui ouvre à tous les voies d'une réflexion critique et libre rigoureuse.

C'est pourquoi je ne parviens pas à m'extasier lorsque je vois reprendre ces exigences dans le cadre d'une réforme ultra-libérale. Mais ne pavoisez pas trop, les pédagos ! car le vent vient à peine de tourner : hier encore, c'est vous qui serviez d'alibi à la marchandisation de l'école et à l'accroissement de l'inégalité des chances.

Donc, pour résumer :

- nous avons les mêmes objectifs

- nous défendons des méthodes pédagogiques différentes pour y parvenir

- un débat entre nous peut-être fructueux, mais en son absence ou en attendant, considérons que personne ne peut prétendre être sûr d'avoir raison quant à ces méthodes (je suis assez tenté de croire que la meilleure méthode pédagogique est celle qui convient le mieux au tempérament de celui qui l'utilise) et donc, plutôt que de nous écharper, posons comme préalable en matière de pédagogie la liberté de chacun, exercée dans la prudence et le sens des responsabilités.

- considérons en revanche que nous sommes tous d'accord pour refuser les projets de marchandisation de l'enseignement menés par les ultra-libéraux (même si nos positions sont ou ont été utilisées par eux) et qu'il s'agit là d'une union sacrée qui prévaut sur nos désaccords.

C'est à ce prix que nous ne nous laisserons pas diviser comme des boeufs.

JD

24/06/2003

PS : n'empêche qu'il serait temps d'admettre que le laxisme et la méthode globale, au bout d'un moment, ça CRAINT !


Méthode globale (suite)

Quand admettra-t-on enfin que le simple bon sens suffit à démontrer que le français s'écrivant et se lisant par l'utilisation de symboles associés à des sons et formant des syllabes, la méthode syllabique (B+A=BA) est la plus appropriée à l'apprentissage de la lecture EN FRANCE ! (je ne parle pas du chinois qui s'écrit, lui, en idéogrammes, un signe = un mot). Je sais que c'est dur à accepter parce que c'est une méthode toute conne et toute archaïque (beurk), mais faut-il absolument innover à tout bout de champ, y compris lorsque ce n'est pas nécessaire, y compris lorsque la maîtrise de la lecture, mais aussi de la pensée, en dépend pour les adultes de demain ? On peut aussi, pour innover, se nourrir uniquement de comprimés ou faire l'amour par éprouvettes interposées. On peut, mais je ne sais pas pourquoi, là aussi, je préfère les méthodes toutes connes et bien archaïques.

JD

25/06/2003


Méthode bretonne

Concernant les bonnes vieilles méthodes archaïques.

Deux de mes cousins par alliance sont instits en Bretagne. Il y a quelques années (2 à 3 ans ) une évaluation de CE1 avait été faite au niveau national. Résultat des courses les départements bretons arrivaient en tête.

Une étude a été diligentée par le ministère et horreur les instits enseignent de la même manière qu'il y a trente ans. La réaction du ministère a été immédiate : trop d'enseignants, certains seront redispatchés dans d'autres départements limitrophes et il faut imposer en Bretagne les méthodes nouvelles d'enseignement.

C'est à croire que l'on veut, en haut lieu, réellement casser le système.

Mais les bretons emmerdent les jacobins parisiens. ;-)

Eric

 

JD : Peux-tu préciser ce que tu entends par "ils enseignaient comme il y a 30 ans". Entre les consignes officielles et la réalité des pratiques, chacun risque d'y voir ce qui l'arrange. Il y a 30 ans, la plupart des instits employaient encore la méthode syllabique B.A.BA, mais officiellement, il y a 30 ans, la méthode globale (qui n'existe plus, paraît-il, depuis 20 ans ...) était la méthode recommandée. Compte tenu de la réussite des élèves et de la réaction négative du ministère, je suis pour ma part persuadé que tu voulais dire que ces instits utilisaient la méthode syllabique. Mais je pense qu'il ne serait pas inutile de le confirmer ...

Eric : Je confirme !


Méthode globale (encore !)

Réponse à un intervenant posant l'alternative suivante :

"Je ne sais pas ce qui est le mieux :

- former des lecteurs scripteurs compteurs

- former des élèves critiques, futur citoyens."

 

J'avoue que je ne comprends pas pourquoi tu opposes ainsi ces deux méthodes et ces deux objectifs. Je pense que si les élèves de 1935 manquaient, comme tu le dis, d'esprit critique, ça n'a strictement rien à voir avec la méthode d'apprentissage de la lecture mais avec d'autres contenus d'enseignement. Inversement, je ne vois pas en quoi la méthode globale (ou toute méthode dérivée) développerait davantage qu'une autre l'esprit critique.

Il ne s'agit nullement pour moi de réduire l'école à "lire, écrire, compter". Je dis seulement que ce sont des bases indispensables et qu'il est de notre devoir d'employer les méthodes les plus efficaces pour que tous nos élèves maîtrisent ces bases. Le reste ne peut venir qu'ensuite. On ne construit pas sur du vide.

J'enseigne le français en lycée. C'est l'endroit idéal pour encourager l'esprit critique. Même bridé par d'inévitables contraintes pédagogiques débiles, je peux confronter mes élèves à la pensée des Philosophes des Lumières, je peux les amener à réfléchir avec Montaigne sur la relativité des coutumes, etc. Je peux faire tout ça.

Mais en face, certains ne comprennent même pas les mots du texte. Pour certains, le simple fait de lire est un effort et une humiliation. Ils se sentent nuls, parce qu'on leur a fourni des outils qui ne marchent pas et que contrairement à certains de leurs camarades, ils n'ont pas eu le réflexe (ou leurs parents n'ont pas eu le réflexe) de rectifier le tir en revenant spontanément à la lecture syllabique.

Comment analyser en profondeur un texte (sauf à faire celui qui n'a rien vu), lorsqu'on se rend compte que deux tiers des élèves entrant en seconde ne comprend pas la structure (et donc le sens !) d'une phrase dès qu'elle contient plus de 2 propositions ? Les consignes sont formelles : plus de grammaire au collège ! Ou alors de la grammaire fun ! Pas des exercices chiants ! Mais c'est avec les exercices chiants qu'on finit par y comprendre quelque chose ! De même que c'est en faisant des gammes bêtes et chiantes qu'on apprend à jouer du piano.

Sur plusieurs candidats au bac, série S, interrogés sur "Spleen" de Baudelaire ("Quand le ciel bas et lourd ..."), presqu'aucun n'est capable de m'expliquer le sens du mot "opiniâtrement". Ce qui me choque ce n'est pas qu'ils arrivent en première sans connaître ce mot, c'est qu'ils n'aient pas le réflexe d'ouvrir un dictionnaire pour le chercher alors que le mot se trouve dans un texte qu'ils présentent au bac. Je pense qu'on ne leur rend pas service en transformant systématiquement l'apprentisage en jeu et en excluant toute idée d'effort et de travail.

Et là je parle d'élèves plutôt privilégiés ! Comment former l'esprit critique, développer une réflexion rigoureuse, chez des élèves en échec scolaire total et en totale rupture avec l'idée de discipline ? On peut au mieux leur transmettre quelques valeurs par l'exemple, mais ils sont totalement démunis face à toute pensée élaborée, et à plus forte raison face à toute manipulation ! Et c'est bien là le but des salauds qui ont mijoté cet effritement de l'école !

Je refuse radicalement l'idée qu'il y a un choix à faire entre transmettre des savoirs et former des citoyens.

Penser librement c'est faire son choix parmi des systèmes de pensée que l'on a au préalable compris. Ou mieux, c'est constituer son propre système de pensée à partir de là. Mais il ne faut pas donner aux élèves l'illusion que penser librement c'est "penser ce que je veux", que toute opinion équivaut à une pensée et a autant de valeur que n'importe quelle autre (sauf celles qui sont unanimement décrétées "mauvaises pensées", et encore !). Enoncer ses opinions sans la moindre rigueur critique c'est "s'exprimer librement", certes, mais c'est exprimer librement quelque chose qui n'a rien à voir avec une pensée, et certainement pas une pensée libre. Car sans rigueur critique, pas d'autonomie intellectuelle. La prétendue "pensée libre" de l'élève ne sera que l'imitation du discours de TF1, des parents, du curé, des profs ou de n'importe qui.

J'ai été sidéré, effrayé, l'an dernier par les interviews de nombreux jeunes manifestant contre le FN ! En nombre, certes : parfait ! Mais généralement incapables de dire pourquoi ils s'opposaient au FN ! Parce qu'on leur a assuré que "le FN c'est mal" et que Dieu merci ceux-là l'ont cru. Mais dans un pays où la plupart des gens et des medias sont incapables de condamner l'extrême-droite par des arguments et non par de simples incantations, il suffit de peu de choses pour que toute une partie de ces mêmes gens bascule brutalement de l'autre côté de la Force ...

JD

25/06/2003


Auto-construction

 

"L'enfant (l'apprenant) doit être l'acteur de sa propre formation. Les méthodes qui continuent à placer l'enfant en situation d'avaler des savoirs déversés par un adulte ne font que faire perdurer les rapports sociaux de dominant/dominés."

(citation authentique d'un intervenant, le 26/06/2003)

Je pense pour ma part que l'homme doit devenir producteur de ses propres aliments. La méthode consistant à ingurgiter des fruits et légumes, de la viande, etc ... ne fait que faire perdurer la dépendance de l'homme par rapport à la nature. Ceci est particulièrement vrai pour l'enfant, qu'il faut habituer à l'autonomie dès son plus jeune âge.

JD


Outils et prédictions

L'école doit :

- fournir (savoirs et outils)

- évaluer, c'est-à-dire vérifier le degré d'acquisition des éléments précités.

Mais en aucun cas je ne vois en quoi elle est habilitée à PREDIRE. Or, c'est ce que prétend faire de plus en plus l'école. Mine de rien, la tentation de prédire ce que chacun doit logiquement devenir est une tentation totalitaire, que l'on prédise par l'évaluation scolaire (évaluation des acquis mais aussi de plus en plus évaluation du comportement : de quel droit ????), par le décryptage du code génétique ou plus sommairement (mais guère plus ignoblement) par la simple considération de l'origine sociale ou "ethnique" (la méthode est moins "scientifique" mais le principe reste le même). J'ai à fournir aux élèves un éventail aussi large que possible d'outils pour que chacun puisse se construire librement : je n'ai pas à me mêler de ce que chacun voudra devenir, ni au nom de méthodes prédictives, ni au nom des besoins ponctuels d'un "bassin d'emploi" comme ce sera de plus en plus le cas dans une éducation décentralisée.

JD

28/06/2003


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