THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG

EDUCATION

Cf. aussi : Archives 1998-2005

"Rien ne pourrait être plus déraisonnable que de donner le pouvoir au peuple, mais en le privant de l'information, sans laquelle se commettent les abus de pouvoir. Un peuple qui veut se gouverner lui-même doit s'armer du pouvoir que procure l'information. Un gouvernement du peuple, quand le peuple n'est pas informé ou n'a pas les moyens d'acquérir l'information, ne saurait être qu'un prélude à une farce ou à une tragédie - et peut-être même aux deux."

(James Madison)

"Supposons qu'on eût employé, pour éclairer les dernières classes, le quart du temps et des soins qu'on a mis à les abrutir (...)"

(Chamfort)

 

Ordre chronologique, de haut en bas.


"Un esprit libre ne peut rien apprendre en esclave", disait Rossellini, reprenant plus ou moins une phrase de Platon ; mais la phrase me convient mieux venant de Rossellini que dans le sens où pouvait l'entendre un connard aristocrate et élitiste comme Platon.


Le pédiatre Aldo Naouri me confirme dans l'idée suivante : "Si vous voulez faire de vos enfants des démocrates, traitez les en tant qu'enfants comme un fasciste ; si vous les traitez en démocrate lorsqu'ils sont enfants, vous pouvez être sûr que vous en ferez plus tard des fascistes."


LIBERTE PEDAGOGIQUE

"Si on conduit son affaire à la façon d'un autre, on y risque sa peau à tous les coups." (Harry Callahan, Magnum Force)


11 janvier 2006

Alain Viala samedi dernier dans Répliques de Finkelkraut : encore un beau Meirieu, sans aucun remords et continuant éhontément à se poser en expert ! Evitant de répondre sur les causes de la dégradation massive de la maîtrise de la langue, il répète à satiété que lui-même défend depuis longtemps l'étude de la langue au lycée. Heureusement, l'autre invité, le mathématicien Laurent Lafforgue, ne manque pas de lui faire observer qu'il ne serait pas nécessaire de faire de la grammaire au lycée si, comme autrefois, la langue était apprise et maîtrisée AVANT. Ce à quoi Viala répond évidemment en changeant de sujet et en continuant à pontifier.


INTEGRATION

Les définitions de l'intégration étant fort variable, considérons-la ici comme un juste milieu entre acculturation et communautarisme. S'adapter au pays pour y vivre au mieux et en respectant ses valeurs essentielles, tout en conservant si on le souhaite tout ou partie de ses spécifités d'origine dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les lois du pays d'accueil.

Une piste évidente pour favoriser l'intégration est la mixité sociale et "ethnique" au sein de l'école. L'observation et un peu de bon sens suffisent à indiquer que quelques individus issus de minorités (si possible diverses) placés dans une classe majoritairement "autochtone" ont plus de chance de réussir à s'intégrer (et tout simplement plus de chances de développer l'envie de le faire) que s'ils sont parqués entre eux dans une classe-ghetto.

Faute de mieux, on pourrait au moins créer pour ceux qui en manifestent le désir davantage de possibilités (et dès le collège au moins) de quitter leur ZEP et de fréquenter des établissements de type centre-ville. Le problème du relatif éloignement se réglerait par un hébergement en internat si la situation l'exige vraiment, mais plutôt (car l'objectif ne doit évidemment pas être de couper l'élève de sa famille) par des solutions de transport (scolaire ou non, mais gratuit) adaptées.

Il est facile de voir l'impact positif de telles mesures en matière d'intégration, facile aussi d'objecter que cela coûterait de l'argent. Oui, comme presque tout ce qui est (serait) efficace en matière d'éducation (des classes moins chargées par exemple), cela coûterait de l'argent. Et comme on sait, l'impôt a moins de charme que l'évasion fiscale, alors ...


5 février 2006

Un article du Monde sur une nouvelle méthode pédagogique américaine, consistant à faire la lecture à un chien (mais je pense que cela peut marcher aussi avec une poule ou un rat). La chose présente certains avantages réels, comme celui d'inciter l'enfant à essayer d'expliquer tel ou tel mot à l'animal pris comme intermédiaire : mais on retrouve surtout les aberrations habituelles aux pédagogistes. Je cite :

"Les enfants sont en confiance. Ils n'ont pas peur de faire de fautes, (le chien) ne va pas corriger les élèves, ou les reprendre. Il les accepte tels qu'ils sont. Ce n'est pas lui qui irait reprocher à (tel élève) de dire planète pour pacifique."

Là, on retrouve vraiment en plein l'école libertaire et niaiseuse telle qu'on l'aime : celle qui se soucie de prendre les gens tels qu'ils sont et de ne surtout pas les faire évoluer.

Mais à l'heure où la tendance américaine aux procès gagne l'Europe et où, d'autre part, on commence enfin à reconnaître les dégâts massifs causés par les pseudo-sciences de l'éducation, il serait intéressant que des parents de plus en plus nombreux se mettent à assigner en justice les propagateurs de la méthode globale et autres Meirieu.


23 août 2006

Le réformisme d'Helvétius, défini par Onfray, suppose qu'on s'attaque à la racine (principe de l'éducationnisme), tout en changeant les choses, qu'on les améliore et qu'on réduise les injustices "au coup par coup, régulièrement, tranquillement, continûment, insensiblement et sans jamais s'arrêter".

Sur l'éducation, qu'il estime fondamentale, Helvétius prend soin de préciser qu'elle ne permet de constituer qu'une majorité éclairée (on est loin aujourd'hui de pouvoir parler de "majorité", mais passons) et qu'elle n'est en rien capable de créer des génies, le génie ne pouvant être que le fruit des hasards de l'existence, de "causes imperceptibles", et non d'une programmation parfaitement contrôlable. Sans rentrer dans le débat de la nature du génie, l'idée mérite notre attention, ne serait-ce que pour appeler à un peu plus de modestie les princes des "sciences de l'éduc" (comme on dit vulgairement) et de l'éducation totalitaire.


7 septembre 2006

Lors d'une des réunions réunissant les jurys après les épreuves anticipées de français, l'inspectrice-animatrice, après avoir demandé à une enseignante qui se permettait une réflexion de lui "rappeler son nom" (heureusement que la Gestapo a cessé ses activités), a reproché à certains correcteurs d'avoir des notes globalement trop basses par rapport à la moyenne académique. Même s'il m'en coûte d'abonder dans le sens d'une personne de cette sorte, et même s'il faut également considérer que le hasard fait que certains lots contiennent de plus mauvaises copies que d'autres, il faut bien admettre que certains correcteurs notent comme des fous furieux.

Cependant, en dehors de quelques crétins (dont le cas relève de la médecine) qui se persuadent qu'ils sont suprêmement intelligents en massacrant les élèves des autres, il serait temps que l'Inspection se penche sur les causes principales du phénomène, qui sont à mon avis :

- l'agacement de certains collègues devant la baisse du niveau général.

- leur tempérament de plus en plus irascible et vindicatif.

Or, il me semble que les hautes instances de l'Education sont en premier lieu responsables tant de cette baisse du niveau que de l'exaspération d'enseignants que l'on traite offciellement comme des chiens depuis déjà un certain nombre d'années, en particulier depuis la période Claude Allègre qui a ouvert les vannes à la caporalisation-infantilisation qui règne dans ce milieu.

Il est inacceptable que des enseignants exaspérés par la baisse du niveau et/ou par la façon dont ils sont traités par leur hiérarchie fassent payer des élèves qui n'y sont pour rien (et qui de plus sont déjà eux-mêmes les principales victimes des réformes qui ont contribué à la propagation de l'illettrisme). Certes. Mais il est également extrêmement insupportable d'entendre les véritables responsables de la situation, crapules de la pire espèce et délinquants relationnels notoires, venir ensuite leur faire la leçon.

Je ne sais ce qui me donne le plus envie de vomir. Entre les deux, mon haut-le-coeur balance.


17 octobre 2006 : THE RING (CAUCHEMAR CIRCULAIRE)

Il y a deux gauches actuellement. La gauche utopiste qui croit que la nature humaine est déjà assez évoluée pour qu'on puisse installer des systèmes de type libertaires sans que ça vire au carnage, et la gauche "réaliste" qui estime visiblement qu'on ne pouvait rien changer ni à la nature humaine ni à quoi que ce soit d'ailleurs (et surtout pas à l'hégémonie du Marché). Quant à trouver une gauche qui se fixerait comme objectif de créer les conditions d'un vrai changement (en particulier par l'éducation), on peut toujours rêver ...

A propos d'éducation, un audit vient d'être réalisé qui conclut que l'éducation en France coûte de plus en plus trop cher. La logique du truc c'est qu'un collégien et un lycéen coûte de plus en plus cher, mais que ça n'en vaut pas la peine car les résultats sont certes en progression, mais cette progression n'est pas assez impressionnante aux yeux de l'audit, comparée à la progression du coût (ce qui est en soi un raisonnement parfaitement crétin, car s'il suffisait d'augmenter les coûts de l'éducation pour que tous les élèves deviennent géniaux selon une progression géométrique, il suffirait d'injecter massivement de l'argent dans ce secteur et en 10 ans la France serait peuplées d'Einsteins). La conclusion est qu'il faut trouver des solutions pour baisser les coûts, par exemple augmenter les effectifs des classes, éviter les classes dédoublées, réduire le nombre d'heures de cours, supprimer des options, c'est-à-dire créer les conditions optimales pour que la qualité de l'instruction publique diminue plus encore. Soit dit en passant, on peut s'interroger sur le fait que les résultats soient "en progrès" : en termes de résultats chiffrés aux examens sans doute, mais en terme d'efficacité réelle de l'enseignement, je n'en suis absolument pas persuadé. L'éducation nationale fonctionne extrêmement mal, malgré les dépenses ici incriminées, mais ce n'est certainement pas avec les méthodes préconisées (qui n'ont d'autre but que de réduire les coûts) que l'on va améliorer la qualité de l'enseignement, mais bien plutôt en commençant par faire le contraire : réduire les effectifs, redonner aux enseignements fondamentaux un horaire hebdomadaire suffisant. Et ce ne sont que des bases !

Reste le problème du pédagogisme, d'actualité en ces temps de remise en cause de la méthode globale. Publiant un article sur la politique du ministre actuel, le SNES ne trouve rien de plus stupide à faire que de donner une tribune dans sa revue à l'ineffable Meirieu, le top de la crédibilité en matière de pédagogie. Par ailleurs, concernant le flicage instauré par le ministre pour vérifier qu'on applique ses consignes en matière d'apprentissage de la lecture, des professeurs des écoles ont protesté l'autre jour en dénonçant notamment une "éducation qui refuse l'expérimentation". Même si je suis tenté de me ranger du côté de gens qui regimbent contre un type comme Gilles De Robien, même si le procédé du flicage m'écoeure fondamentalement (surtout lorsqu'il s'agit de faire fliquer les profs des écoles par leurs inspecteurs, c'est-à-dire ces mêmes pourritures qui les obligent depuis des décennies à employer les méthodes ineptes qu'on semble enfin rejeter aujourd'hui), le sujet est trop sérieux pour que je puisse avoir la moindre envie de soutenir des gens qui soutiennent des méthodes pédagogiques aussi nuisibles. "Non à une éducation qui refuse l'expérimentation" ? Mais une école n'est pas un laboratoire et les enfants ne sont pas des cobayes, il me semble. Que les auto-proclamés chercheurs en "sciences de l'éducation" cherchent et expérimentent, c'est leur travail et, aussi inutile soit-il, je ne m'oppose pas à ce que ces bougres se fassent grassement payer pour leur bluff verbeux, s'il plaît à l'Etat de financer ces parasites. Mais sur le terrain et sur des sujets humains, l'expérimentation se doit d'être prudente, progressive et limitée, en particulier dans des domaines aussi fondamentaux que l'apprentissage de la lecture. Les expérimentations novatrices qu'on défend ici, cela fait plus de vingt ans qu'elles existent, qu'elles se sont érigées en dogme et qu'elles font des dégâts : il serait peut-être temps d'arrêter le massacre. Il est triste de constater qu'après des générations d'instituteurs avisés qui ont eu dans leur grande majorité la sagesse de ne pas appliquer les méthodes hasardeuses qu'on tentait de leur imposer, la nouvelle génération de petits soldats issus des IUFM est dans sa majorité prête à se battre pour défendre le credo pédagogiste qu'on lui a mis dans le crâne. Dès la création des IUFM, de tristes sires "réactionnaires" annonçaient qu'ils n'avaient d'autre but que de créer des enseignants bêtes et disciplinés. Sans commentaire. En outre, un collègue me signalait cet après-midi que le programme de l'UMP en 2002 contenait le projet de contrôler au maximum le contenu des cours des enseignants. Malgré l'opposition de détail actuelle, nous sommes sur la bonne voie. la plupart des produits de l'IUFM sont mûrs pour se laisser conduire aux pires inepties et aux contrôles les plus douteux, comme des boeufs se laissent conduire à l'abattoir. La différence c'est qu'ils ne seront pas les victimes mais les exécuteurs de cette boucherie pédagogique.

Pour en revenir à l'apprentissage de la lecture, on ferait mieux de se demander si les mesures ministérielles vont réellement conduire à un retour efficace à la méthode syllabique ou si elles ne sont que de la poudre aux yeux. Il semblerait que les textes officiels ne soient pas si clairs que cela quant à un retour au syllabique. N'étant pas spécialiste de la question, je me contente de signaler cette zone d'ombre et de conseiller aux personnes intéressées par ce problème de suivre ce qui se dit sur des sites tels que "Sauver les Lettres". Je ne crois pas aux bonnes intentions d'un ministre UDF-UMP (pas plus d'ailleurs qu'à celles d'un ministre socialiste), et les propositions faisant suite à l'audit évoqué plus haut le montrent bien : l'éducation continuera à être sacrifiée. Et nous sommes condamnés à assister au duel stérile entre ceux qui estiment qu'on ne peut rien changer et que l'école n'est qu'une institution à gérer en termes comptables, et ceux qui croient que l'école peut fonctionner de façon libertaire, sans exiger d'effort de la part de l'élève (et accessoirement en laissant à des clowns pédagogistes toute latitude d'expérimenter à gogo). Quant à envisager une école qui se donne pour tâche de créer les conditions d'un avenir meilleur construit par des individus moins stupides que leurs aînés, on peut toujours rêver ...


24 décembre 2006 : L'EDUCATION NATIONALE, SON MASSACRE ET SES VAUTOURS

Lorsque sont apparues il y a plusieurs années les premières pubs pour Acadomia, dont les émétiques slogans étaient diffusés quasiment en boucle sur certaines ondes, on pouvait déjà comprendre qu'il s'agissait d'une campagne massive pour créer un besoin nouveau et le rendre indispensable, d'autant que cela coïncidait plus ou moins avec le discrédit jeté sur les enseignants par leur propre ministre Claude Allègre et avec le constat de plus en plus évident de la faillite du système scolaire sur les générations soumises à la méthode globale et autres délires ludico-pédagogiques d'irresponsables autant que pontifiants Meirieux. Abstenons nous de soutenir la théorie, toujours ridicule, d'un complot prémédité, où seraient acoquinés apôtres crétins du pédagogisme libertaire, financiers avides de créer un juteux marché de l'éducation et politiciens soucieux d'éviter toute réelle formation des masses à l'esprit critique. Cependant, le résultat est là. Consciemment ou non ("Si c'est exprès, c'est des salauds ; s'ils savaient pas, c'est encore pire", comme chantait Gilles Servat), les théoriciens du pédagogisme ont de toute façon fait l'ignoble boulot que les autres n'osaient sans doute même pas espérer.

Pourquoi revenir une fois de plus sur tout cela ? Parce que récemment, le gouvernement a décidé de restreindre au soutien scolaire les crédits d'impôts liés à l'aide à la personne. Outre qu'on supprime donc les crédits d'impôts sur les aides touchant les personnes âgées ou handicapées, la position de l'Etat concernant l'éducation est donc la suivante : au lieu d'utiliser les impôts pour redonner des moyens à l'école (après avoir pendu ses pitres verbeux et ses théoriciens véreux), nous préférons :

- réduire les impôts de ceux qui ont les moyens de claquer du fric chez nos amis d'Acadomia.

- encourager par là-même toujours plus cette charmante entreprise pour laquelle l'éducation est une marchandise comme les autres.


PSYCHOPATHOLOGIE DE L'INSPECTION

Tout professeur qui a choisi ce métier par goût sait très bien qu'il ne peut pas en être de même d'un inspecteur, que les motivations de celui-ci ont fatalement quelque chose de douteux et d'obscur (inaptitude à l'enseignement, besoin maladif de se sentir en position de domination ou autres...). On peut devenir professeur par vocation (même si la réalité actuelle de l'école peut occasionner bien des déconvenues), de même qu'on devient médecin, menuisier, écrivain, pilote de ligne ou avocat par vocation. Mais aucun enfant (sauf très atteint psychologiquement) ne "rêve" de devenir inspecteur, de même qu'aucun enfant ne rêve de devenir éboueur ou de poser des PV sur les véhicules mal stationnés (je ne considère ici que la nature des motivations, et non la dignité de l'activité : il n'y a pas de honte à être éboueur, car c'est une activité utile à la collectivité, contrairement à celle des inspecteurs de l'Education nationale).

N'être ni assez servile ni assez agressif fait de vous le défouloir idéal d'un inspecteur sociopathe (pléonasme ?). L'agrégation est une circonstance atténuante, qui permet au moins d'être insulté poliment. Pour les autres, le jeu de massacre peut être total.


10 février 2007 : METHODE GLOBALE (FIN ?)

Ca m'ennuie tout de même un peu de constater que la majorité des enseignants semble actuellement, par principe, parce que la décision vont d'un con de ministre de droite (ça, c'est ce qu'on appelle un pléonasme multi-pistes), s'oppose à la mise au rancart de la méthode globale, dont la nocivité est, me semble-t-il, pourtant avérée. C'est jeter le bébé avec l'eau du Robien.

Il semble d'ailleurs qu'il ne s'agisse que d'effets de manche, que Robien tienne davantage à donner l'impression de vouloir lutter de façon radicale contre les problèmes de lecture qu'à restaurer sérieusement, pleinement et efficacement la méthode syllabique. Si c'est bien le cas, grâce à tous ces cons qui râlent par principe, il aura beau jeu de dire qu'il a essayé de sauver la lecture et que c'est à cause de la résistance des enseignants si les choses ne se font pas vraiment.

Le fait que la lecture ait à ce point périclité arrange forcément bien des gens et compense largement la démocratisation de l'enseignement secondaire, désormais accessible à tous mais inutile pour la plupart puisqu'ils y accédent avec des lacunes monumentales. Cette convergence de méthodes prônées par des illuminés de gauche avec les intérêts des classes dominantes, c'est assez aberrant quand on y pense, mais c'est une réalité. On peut au mieux supposer que les illuminés n'ont pas compris qu'ils jouaient ainsi le jeu du conservatisme social. C'est à se demander si on n'a pas donné délibérément carte blanche aux tenants de la méthode globale en sachant à quelle catastrophe culturelle ça conduirait (même si eux-mêmes l'ignoraient et s'obstinent à l'ignorer encore). Un peu comme dans Le Grand Saut (The Hudsucker Proxy) des frères Coen, où le conseil d'administration d'une grande entreprise, qui a besoin de voir ses actions baisser au maximum, décide de confier la direction à un parfait ahuri (Tim Robbins et son cercle magique).


26 février 2007 : EDUCATION ARTISTIQUE

Les études indiquent que la musique "savante" reste socialement cantonnée aux classes supérieures et/ou éduquées, preuve que la politique de démocratisation de la culture engagée dans les 80's a échoué. Normal : Lang a démagogiquement veillé à "élever" la culture djeune, mais certainement pas à élever les jeunes vers la culture.

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A propos de jeunes, il est à noter qu'un enseignant doit songer parfois à renouveler ses exemples. Si l'on évoquait devant des élèves d'aujourd'hui des "zazous comme Richard Anthony" ou encore "cette petite écervelée de Sheila", il est à craindre que ça ne leur parle guère (surtout dans le cas de Sheila, qu'ils prennent généralement pour une antique momie).


10 mars 2007 : DU CAPORALISME DANS L'EDUCATION NATIONALE

Depuis que la priorité est aux réductions de coût et plus à l'enseignement, et depuis que Claude Allègre a lancé sa grande campagne de démolition morale (mais les deux choses fonctionnent en réalité ensemble), la tendance chez beaucoup de cadres de l'E.N. est à la bassesse la plus absolue dans les rapports hiérarchiques : nous avons tous croisé de ces individus répugnants, tyranniques avec leurs subordonnés, serviles avec leurs supérieurs. On avancera que c'est justement ce dont les rapports hiérarchiques ont besoin pour fonctionner. En un sens ... Excepté que :

- la notion de hiérarchie dans l'E.N. est assez discutable, le véritable "patron" étant ici, non pas même les citoyens individuels en tant que "consommateurs" (comme il est de bon ton de les considérer désormais), mais la Nation, ou plus exactement l'intérêt de la Nation. Ceci en considérant notamment que la Nation incarnée dans un échantillon moyen d'adolescents n'a pas forcément pleine et entière conscience de son intérêt réel, d'où le danger ici (comme partout d'ailleurs) de la démagogie.

- on peut en outre supposer que dans certains domaines (et l'éducation est de ceux-là), une bonne part du fonctionnement de la collectivité puisse reposer sur l'intelligence, le respect mutuel, la conscience professionnelle, etc. La réflexion intellectuelle et morale, lorsqu'elle est possible, est forcément préférable à ces combinaisons ignobles de tyrannie et de servilité. C'est pourquoi la discipline est une chose fondamentale dans l'armée.

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Pour compléter, rappelons ce que disait Oscar Wilde : "Toute autorité est parfaitement avilissante. Elle avilit celui qui l'exerce et celui qui la subit." et complétons avec cette anecdote admirable rapportée par Chateaubriand dans son Itinéraire : "Si je hais les moeurs des Spartiates, je ne méconnais pas la grandeur d'un peuple libre, et je n'ai point foulé sans émotion sa noble poussière. Un seul fait suffit à la gloire de ce peuple : quand Néron visita la Grèce, il n'osa entrer dans Lacédémone. Quel magnifique éloge de cette cité !"


16 mars 2007

Selon une étude, un délinquant mineur maîtrise en moyenne 400 mots de vocabulaire. A titre de comparaison, on estime à 2500 le nombre de mots maîtrisés par un élève entrant en sixième. Tout ça est tristement logique. Incapacité à communiquer = incapacité à régler les problèmes par le dialogue = recours à la violence. Incapacité à désigner clairement chaque chose = incapacité à analyser = incapacité à résoudre un problème autrement que par la violence.


9 avril 2007: L'ECOLE DES CRETINS

Finkielkraut consacre une énième émission à l'école. Finkielkraut a toujours dit des choses tout à fait pertinentes sur l'école et sur son importance, sur la nécessité de la culture et des humanités, etc. Il avance ici avec audace une thèse que je soutiens depuis des années : "pour former les futurs citoyens d'une démocratie digne de ce nom, l'école ne peut pas avoir un fonctionnement démocratique." Tout en défendant une école de qualité, Finkielkraut soutient aujourd'hui la candidature de Nicolas Sarkozy. Si l'on ajoute à cela que Finkielkraut est supporter du PSG mais s'offusque d'entendre ses acolytes de gradin prétendre que "qui ne saute pas n'est pas français", on pourra en conclure que, globalement, c'est devenu un magnifique exemplaire de crétin.

Voici un type qui a dit un jour fort justement que "sans un peuple éduqué, la démocratie n'est rien d'autre que la tyrannie des imbéciles", et qui rêve de la tyrannie de Sarkozy. La vieillesse est décidément un naufrage.

Son invitée Natacha Polony semble un peu plus cohérente et son livre, M(me) le Président, si vous osiez ... 15 mesures pour sauver l'école, paru chez Mille et une nuits, paraît mériter le détour. L'une des mesures en question est la suppression des IUFM et du formatage pédagoqie qu'ils ont servi à instituer.

L'autre invité, François Dubet, sociologue, est quant à lui un de ces purs crétins merieusomorphe comme on les aime. Depuis quelques années que l'échec de cette école est patent, ces gens-là ont quitté le triomphalisme pour se réfugier dans des précautions qui les rendent encore plus ignobles. Car il ne s'agit évidemment pas de SE remettre en cause, mais de dire :

- "loin de moi tout optimisme béat : je suis le premier à dire que l'école fonctionne mal"

- "mais vous vous trompez sur les causes" : le problème principal selon Dubet, c'est qu'il est impossible qu'une action politique réforme comme il le faudrait le système car les syndicats et les élèves sont méchants et sortent dans la rue dès qu'on essaie. Si ce type de discours peut être gobé à l'extérieur de l'Education nationale, on voit très bien de l'intérieur de quelle façon les décisions politiques les plus aberrantes "échouent" à s'imposer et à saboter le système. La mauvaise foi ou la connerie de ce Dubet est sans limites.

A propos des programmes, M. Dubet signale qu'il faut bien sacrifier des choses : "Moi je veux bien que le niveau d'orthographe et de calcul augmente à l'école élémentaire, mais alors il faudra y consacrer beaucoup plus de temps (sans blague ? quelle horreur !), donc il faudra supprimer des choses." Irresponsable et ignoble.


12 avril 2007 : L'ECOLE DES CRETINS 2

Lu le bouquin de Natacha Polony. On peut discuter certaines propositions (le port de la blouse me semble un choix contestable, même s'il faut avouer que l'invasion de la pub et des marques est un fléau : mais si restaurer l'école c'est redonner enfin la priorité à la réflexion et à l'intelligence, faisons plutôt confiance à celles-ci). On peut aussi bien sûr trouver des développement beaucoup plus complets dans des ouvrages plus pointus comme ceux de Liliane Lurçat et autres. Mais cela résume assez bien la situation et les urgences et c'est une lecture à conseiller pour découvrir ces questions de façon claire et simple.

J'en retranscris quelques passages dans la section Notes de lecture. Morceau choisi : les élèves "ont du mal à trouver la ville de Brioude dans un atlas, tout simplement parce que certains instituteurs ne veulent plus leur faire apprendre par coeur l'alphabet, exercice jugé dégradant."

***

(Une histoire qu'on m'envoie)

En voyant la foule de gens, Jésus alla sur la montagne. Et lorsqu’il fut assis les douze vinrent à lui. Il leva les yeux sur ses disciples et dit :

« Bienheureux en esprit sont les pauvres,

Car le royaume des cieux leur appartient.

Bienheureux ceux qui souffrent,

Ils seront consolés.

Bienheureux les doux,

Car ils possèdent la terre.

Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice,

Car ils seront rassasiés.

Bienheureux les miséricordieux,

Car ils recevront la miséricorde.

Bienheureux ceux qui ont le cœur pur,

Car ils contempleront Dieu.

Bienheureux les pacificateurs,

Car ils seront appelés enfants de Dieu.

Bienheureux ceux qui seront persécutés pour avoir choisi la cause juste,

Car le royaume des cieux leur appartient. »

 

Alors Simon Pierre dit : « est-ce qu’on doit apprendre tout ça ? »

Et André dit : « est-ce qu’il fallait l’écrire ? »

Et Philippe dit : «  J’ai pas de feuille. »

Et Jean dit : «  les autres disciples n’ont pas eu à l’apprendre, eux ! »

Et Thomas commença à faire des exercices de mathématiques.

Et Barthélémy dit : « est-ce qu’on l’aura en devoir ? »

Et Jacques dit :  « est-ce qu’on sera interrogé sur tout ? »

Et l’autre Jacques dit : « ça sera noté ? »

Et Matthieu quitta la montagne sans attendre et dit : « Je peux aller aux toilettes ? »

Et Simon le zélote dit : « Quand est-ce qu’on mange ? »

Et Jude dit enfin : « Vous avez dit quoi après pauvres… ? »

Alors un grand prêtre du temple s’approcha et dit : « Quelle était ta problématique ? Quels étaient tes objectifs de savoir faire ? Pourquoi ne pas avoir mis les disciples en activités de groupes ? Pourquoi cette pédagogie frontale ? »

Alors Jésus s’assit et pleura.


15 avril 2007 : EXERCICE DE LOGIQUE

Compte tenu des suppressions de poste, de la remise en cause des statuts et autres joyeusetés passées, présentes et à venir, un certain nombre d'enseignants ont protesté en refusant d'organiser cette année le bac blanc, puisque cela ne fait pas partie de leurs obligations.

Dans l'académie d'Orléans, la circulaire suivante a été envoyée aux chefs d'établissements :

" Je vous demande de veiller à ce que les examens blancs soient organisés cette année dans les mêmes conditions que les années précédentes. Nous savons tous combien ces épreuves sont importantes pour les élèves. Il serait regrettable que seuls ceux dont les familles ont les moyens de s'adresser à des organismes privés puissent bénéficier d'un tel entraînement. [en gras la phrase suivante :] L'organisation d'épreuves blanches relève d'usages bien établis et fait donc partie des obligations de service des enseignants. Je vous demande de le rappeler aux professeurs qui refuseraient de faire passer ces épreuves."

Voici donc quelqu'un pour qui "usage bien établi" équivaut à "obligation de service".

Exercice : à partir de combien de baffes dans la gueule d'un recteur de mauvaise foi peut-on estimer que la baffe dans la gueule d'un recteur de mauvaise foi relève "d'usages bien établis et fait donc partie des obligations de service d'un enseignant" ?


19 septembre 2007 : METHODE GLOBALE ET ANALPHABETISME (SUITE ET FIN ?)

Le psychologue cognitif Stanislas Dehaenne publie chez Odile Jacob Les Neurones de la lecture, qui fait le point sur le sujet. J'ai écouté son intervention sur France Culture lundi pour voir si ses travaux confirmaient ou non mes radotages sur la méthode globale. Le sujet n'a été qu'à peine effleuré, tant les dernières recherches ne laissent plus le moindre doute sur le fait que ladite méthode est une aberration absolue. Dehaenne explique notamment que l'erreur se fondait sur le constat suivant : le cerveau met autant de temps à traiter un mot de 8 lettres qu'un mot de 3 lettres. Mais cela n'a rien à voir avec une saisie globale du mot : c'est tout simplement qu'un bon nombre des opérations de déchiffrement des lettres sont effectuées en parallèle, en même temps, par des neurones différents (si j'ai bien compris, des groupes entiers de neurones se spécialisent dans la reconnaissance d'une seule lettre).


19 octobre 2007 : PEDAGOGIE PAR LE CONTE

Ayant écouté des contes de Perrault délicieusement dits par Catherine Frot et Jacques Gamblin, j'ai lu dans le livret du CD les notes d'une dame Edith Silve, visiblement assez branchée pédagogie, ce qui rend l'intérêt de ses remarques assez variable. Mais elle conclut sur quelque chose d'assez hilarant et je ne sais si l'on doit attribuer son style soudain euphémistique à la gêne ou à l'ironie. Elle rend compte d'un questionnaire par elle trouvé sur le net, demandant à des enfants de 4 à 9 ans : "Si vous étiez les parents du Petit Poucet, que feriez-vous plutôt que de les perdre dans la forêt ?"

Après quelques groupes de réponses relativement prévisibles, Edith Silve rend compte de la suite : "Le quatrième groupe n'a pas compris la question et il réitère l'acte d'abandon (comme c'est joliment dit !). Le cinquième groupe se propose de rechercher un précipice et de jeter dans le vide les sept enfants pour leur éviter de mourir de faim (...) Le septième groupe propose aux parents de manger leurs enfants !"

Et de conclure bellement : "Aucun des jeunes internautes n'a pu faire usage des compétences du Petit Poucet en prenant sa place ni se mettre en scène dans une activité valorisante, orientée vers leur avenir. Les enfants devenus parents, acculés à l'abandon, offrent une image inerte de la famille, c'est pourquoi, finalement, elle s'auto-dévore. C'est peut-être l'exemple même de l'exercice limite qu'il ne faut pas proposer aux enfants."

Ah, peut-être, oui.


12 avril 2008 : FAILLITE EDUCATIVE ?

Des sociologues de goche nous assurent régulièrement que le niveau scolaire monte et que l'opinion inverse n'est que le fait de grincheux laudatores temporis acti (ils ne disent pas cela comme ça évidemment, car ils sont de goche, or le latin est une langue morte, donc de droite). Après tout, peut-être ont-ils raison : par principe, je n'en exclus pas l'hypothèse, mais elle me semble fort douteuse.

Bien sûr, plus de gens accèdent à l'éducation qu'autrefois : mais à quelle éducation ? Bien sûr, les nouvelles générations maîtrisent merveilleusement les nouvelles technologies (encore heureux !... de même que les jeunes des années 50 maîtrisaient le hoola-hop !), mais en matière de réflexion critique, de capacité à sélectionner l'information,... je ne parviens guère à être optimiste. Bien sûr il reste des individus brillants qui sont passés à travers les mailles du filet grâce à des qualités personnelles ou à un contexte familial favorable : mais la majorité est intellectuellement laminée par l'école du Néant, à peine capable de lire, incapable du moindre effort, de la moindre rigueur, de la moindre concentration prolongée,... C'est une génération perdue. Loin de moi l'idée de m'en moquer (même si la bêtise va évidemment souvent de pair avec l'arrogance et l'auto-satisfaction) : on ne se moque pas des victimes.

C'est effrayant, c'est une aubaine pour la droite et sans doute à plus ou moins long terme pour l'extrême-droite, ainsi que pour les officines religieuses en tous genres, mais le pire c'est que c'est le fruit d'une idéologie pédagogique qui se prétend de gauche. Je ne crois plus qu'on puisse remonter une pente pareille, d'autant plus que les quelques décisions récentes qui vont dans le bon sens ont été prises par des ministres de droite, donc rejetées par une grande partie des enseignants, et de toute façon mêlées à des tas d'autres mesures qui les rendront inefficaces.

Faible consolation : on peut espérer qu'on jour des associations de parents d'élèves assigneront en justice tous les Meirieu du pays, car ce sont les vrais criminels de notre temps. La droite sarkozyste, le MEDEF, les islamistes, les escrocs en tous genres,... ne font que profiter (ils auraient bien tort de s'en priver : un chacal est un chacal et nul ne songerait à le lui reprocher) de la bêtise massive créée par 40 ans de pédagogie irresponsable. Sans cette politique éducative à la con, si nous avions su fabriquer des esprits critiques et autonomes, toutes ces doctrines médiévales n'existeraient même plus et la gauche serait obligée d'être de gauche. Jamais un peuple éclairé ne tolérerait d'avoir une gauche aussi lamentable.

***

Depuis l'élection de Sarkozy par une majorité de vieux, on évoque de plus en plus l'hypothèse selon laquelle les générations individualistes de la seconde moitié du XX° siècle (je refuse de dire "post-68", parce que 68 ce n'est pas que ça, et parce que je n'ai pas envie de hurler avec certains loups ...pardon, avec certaines hyènes) opéreraient un véritable hold-up des richesses et des emplois, au détriment des générations suivantes. Il serait aberrant de généraliser, mais il y a quelque chose de juste, c'est effectivement une tendance qui existe. Et elle rejoint ce que je disais à l'instant (et que je rabâche si souvent) : ces générations se sont montrées globalement beaucoup plus soucieuses de préserver leurs propres acquis que de transmettre quoi que ce soit à leurs enfants, qu'il s'agisse de la transmission de richesses matérielles, de la transmission d'un savoir et d'une culture (*) ou tout simplement de la transmission d'un monde meilleur et d'une planète saine (**).

Je n'ai rien a priori contre l'individualisme, ni contre le refus de transmettre (il s'agit de choix qui ne sont pas plus absurdes que d'autres), mais le manque de cohérence me gêne : pourquoi transmet-on ses gènes si on refuse de se donner les moyens de transmettre à ses enfants un monde qui soit au moins aussi propre et aussi vivable, à tous points de vue, que celui qu'on a trouvé en arrivant ? Quelqu'un qui a des enfants et qui vote Sarkozy est un infanticide en puissance, ou alors il est d'une connerie effarante. On m'objectera que les pires et plus puissantes ordures peuvent avoir des enfants dans la mesure où ces ordures font partie de l'élite (de plus en plus restreinte) qui aura toujours quelque chose à leur transmettre : c'est oublier l'environnement, dont la destruction touchera tout le monde (à moins qu'ils n'envisagent déjà d'investir leur fortune dans la création d'espaces à micro-climat artificiel, voire dans quelque fuite spatiale en quête d'une planète à terraformer ? se fabriquer un îlot vivable au beau milieu de l'enfer, quel avenir enthousiasmant ! mais après tout, ils ont l'habitude, c'est déjà plus ou moins ce qu'ils font).

"L'homme qui naît dans la décadence des empires, et qui n'aperçoit dans les temps futurs que des révolutions probables, pourrait-il en effet trouver quelque joie à voir croître les héritiers d'un aussi triste avenir ?"

Chateaubriand

(*) : ce que les réactionnaires comme moi appellent le pédagogisme repose essentiellement sur le refus de la transmission (présentée comme atteinte à la liberté et à l'intégrite de l'enfant, qu'il convient de laisser construire lui-même son propre non-savoir, sans bénéficier de toute la richesse culturelle accumulée par l'humanité depuis des siècles, ce qui serait "réactionnaire") et sur la valorisation du pédagogue (préservant une éternelle pseudo-jeunesse en refusant toute posture magistrale, qui le vieillirait, afin d'apparaître toujours et uniquement comme "hypra-cool"). Il s'agit non seulement de ne rien donner aux jeunes de ce qu'on est supposé leur donner, mais il s'agit en plus et avant tout (malgré les discours sur "l'élève au centre du dispositif") de cultiver sa propre image.

(**) : j'ai trouvé depuis dans le tome 2 de l'Antimanuel d'économie de Bernard Maris un développement qui rejoint cette idée. Voir ici, l'extrait intitulé "Le passé est notre meilleur miroir".


16 avril 2008 : LE MINISTRE DE L'EDUCATION (SIC) EXIGE LA SOUMISSION

Face à la mobilisation lycéenne (qui tendrait à prouver que tous les jeunes ne sont pas décervelés par la Tecktonik et qu'il reste encore des lycéens ayant un esprit critique, un désir de ne pas laisser passer l'inacceptable ou au moins - et c'est mieux que rien - une envie de sécher un peu les cours), l'inénarrable Darcos, l'homme qui prône le retour à un enseignement de qualité tout en supprimant allégrement (sic) postes et options, tout ça en parvenant à ne pas pouffer de rire, cet homme-là donc, vient de déclarer : "Il faut que tout ceci s'arrête. J'invite chacun à prendre ses responsabilités, à ne pas trop pousser l'angoisse de la jeunesse, que je comprends, à des fins qui sont autres que pédagogiques". On appréciera l'argument : l'homme de la logique comptable vient donner des leçons de souci pédagogique, et toujours sans rire, il est très fort.

Xavier Darcos a souligné "le danger qu'il y a à ce que 15 000 ou 20 000 élèves circulent dans les rues deux fois par semaine" comme ils le font depuis près d'un mois. "Tout cela peut finir par un incident", a-t-il insisté. Faut-il comprendre que certains risquent de se retrouver sous l'eau avec des chaussures en béton, ou quelque chose dans ce goût-là ? Il semble qu'après avoir récemment tenté d'apprendre à faire une règle de trois sur un plateau de télé, après avoir pris des leçons de pédagogie auprès de je ne sais quel DRH, Darcos ait également pris des cours de communication chez le Gros Tony.


17 avril 2008 : SUR CE POINT AU MOINS, PHILIPPE VAL EST DE MON AVIS

Extrait de son dernier édito dans Charlie-Hebdo :

"Dans un pays qui n'aurait pas transformé ses littéraires en parias et les études de lettres en poubelle, ni Ségolène Royal, ni Nicolas Sarkozy n'auraient été finalistes dans une élection présidentielle au suffrage universel."


21 avril 2008 : COLLABOS

Deux représentants de l'approche républicaine de l'école, Jean-Paul Brighelli et Natacha Polony, ont été invités à l'émission Ripostes, ainsi que trois immondes de divers acabits : Darcos, Lang, ainsi que l'immarcescible Meirieu, le Docteur Pangloss des Sciences de l'Education (autrement appelées pédagogonigologie). L'occasion pour moi de constater qu'au lieu de refuser le manichéisme, de prendre ce qu'il y a de bon dans la réforme des programmes proposée par Darcos, tout en condamnant sans appel les suppressions de postes, Brighelli et Polony se rangent ouvertement du côté de Darcos, attribuent (à juste titre) les problèmes du système scolaire français à l'héritage pédagogiste, mais en tirent la conclusion que, puisque le fond du problème est là, les suppressions de postes ne sont pas un problème. Perte de toute indépendance d'esprit et de tout jugement critique. Collaborationnite aigüe. Brighelli et Polony sont dans un bateau, le même bateau que Meirieu, celui qui charrie les poubelles de l'Education nationale.

Mais l'arrogante servilité de ces deux bougres n'est rien comparée à la tartufferie d'un Meirieu et n'entame en rien la valeur des idées qu'ils défendent, qu'ils croient défendre (mais qu'hélas ils discréditent) en s'associant à un gouvernement d'ultra-droite. Cela me rappelle curieusement le cas de certains nationalistes bretons des années 30-40, qui, pleins de rancoeur à l'égard d'une République Française qui s'était acharné à anéantir leur langue, et pensant obtenir ainsi l'indépendance de la Bretagne, ne trouvèrent rien de plus intelligent que de s'allier aux nazis : Olier Mordrel, le Parti National Breton, la Bezen Perrot, et tout ce fourbi aussi minable que répugnant qui a durablement sali la cause bretonne. Mais fallait-il renoncer à cette cause pour autant ? Sans parler d'une indépendance à l'utilité contestable, défendre une langue et une culture est en soi une belle cause. Quelques années plus tard, la Bretagne, échaudée par l'épisode de ses crétins à croix gammés, voyait renaître des revendications nettement marquées à gauche, et souvent plus orientées vers la renaissance culturelle : ce furent la création des bagadoù, puis du Festival Interceltique, ce furent les Morvan Lebesque, Alan Stivell et autres Gilles Servat. Bon, ensuite, il faut bien admettre qu'une fois la France devenue plus ouverte à ses cultures régionales, tout ça a été quelque peu récupéré par TF1 : c'est moins grave que l'histoire avec les nazis, mais enfin ce n'est pas très glorieux non plus. Mais peu importe, culturellement, ce fut une réussite.

Bref, n'abandonnons pas de bonnes idées sous le seul prétexte que les hommes qui les défendent sont faillibles.

Et revenons à Ripostes. De leur côté, Lang et Meirieu font preuve de leur mauvaise foi et de leur démagogie coutumière. Commentant le fait que 93% des enseignants ne se sentent pas du tout valorisés, mais méprisés, ils en accusent le discours "républicain" qui ne cesse selon eux de démoraliser et de culpabiliser les maîtres en disant que l'école va mal. Mauvaise foi, car ce ne sont pas les maîtres que ce discours met en cause, mais les pédagogistes qui leur imposent leurs théories. Si les enseignants se sentent aujourd'hui dévalorisés, c'est essentiellement parce qu'ils sont depuis vingt ans infantilisés et caporalisés : par qui ? essentiellement par les IUFM, par des théoriciens comme Meirieu et par des ministres comme Claude Allègre.

Autre argument repris par Lang et Meirieu : l'échec scolaire touche seulement une frange de la population, et cette frange est issue des milieux les plus défavorisés, donc en fait c'est nor-mal, ce n'est pas la faute à nos méthodes et décisions à la con. Mais si la réussite scolaire est à ce point conditionnée par le milieu social, si l'école n'a pas les moyens de former ces esprits-là, alors l'école n'a guère de raison d'être et n'est qu'une vaste imposture ! Ce qu'elle est effectivement devenue grâce à ces personnages.


24 avril 2008 : NOUVEAUX PROGRAMMES

Non seulement la reprise de l'approche républicaine n'est qu'un moyen de jouer sur les divisions du monde enseignant, mais cette approche n'a semble-t-il été qu'une base assez vague sur laquelle on a rédigé ces nouveaux programmes d'une façon honteusement bâclée et truffée d'aberrations, tout cela apparemment dans le principal but de créer de nouveaux manuels et de faire gagner toujours plus de fric aux éditeurs.

Bref, alors qu'on tenait enfin une occasion de revenir à un enseignement sérieux des fondamentaux, on fait cela n'importe comment, ce qui n'améliorera en rien le niveau des élèves et discréditera la mouvance républicaine.


9 mai 2008 : LA REPRODUCTION DES ELITES (Interdit aux Mineurs)

L'émission d'Enthoven sur Les Héritiers me permet de mieux saisir ce que Bourdieu reprochait à l'époque au système scolaire, en particulier grâce à l'exemple lumineux de l'emploi de l'allusion par les enseignants. Il est en effet concevable que cette pratique puisse être un facteur de reproduction des élites et de mise à l'écart des autres. Je veux bien croire aussi que cette pratique ait existé à l'époque, et même exister encore parfois ça et là. Mais je ne vois pas en quoi un simple comportement propre à certains individus permet de remettre en cause le système scolaire français lui-même, système véritablement fondé par principe sur la mise en valeur du mérite et non sur la reproduction sociale.

En tant qu'élève, j'ai eu (comme la plupart des gens) des enseignants aux qualités et défauts variés, mais je n'en accuserais aucun (hormis éventuellement ce connard de "philosophe" semi-royaliste semi-misogyne dont le nom m'échappe et qui fort heureusement depuis est devenu inspecteur, ce qui est davantage la place d'un connard, il faut bien l'admettre), je n'en accuserais aucun, disais-je, d'avoir délibérément pratiqué l'allusion (*). Et en tant qu'enseignant, je suis bien certain de l'utiliser moi-même le moins possible. Demander que les enseignants privilégient "enfin" l'explicitation, c'est assez délirant, dans la mesure où celle-ci est, me semble-t-il, le souci premier de tout enseignant digne de ce nom. On n'emploie l'allusion que lorsqu'elle nous semble compréhensible pour tous, et dans le cas contraire c'est à l'élève qu'il revient de se remuer et de demander la clarification nécessaire.

Alors bien sûr Bourdieu et Passeron parlaient d'une époque donnée, et de lycées parisiens où ceci était certainement (et est sans doute encore) plus répandu qu'ailleurs. Mais la généralisation qu'en ont faite certains pour discréditer le système scolaire français n'en est pas moins malhonnête, d'autant plus que les pédagogistes n'ont mis en place aucune explicitation, si ce n'est celle du vide, et ont remplacé le contenu partiellement allusif par l'absence de tout contenu (ce qui permet effectivement d'éviter qu'il soit allusif, bien joué !). On notera tout de même pour conclure que non seulement les pédagogistes suppriment quasiment tout contenu à expliciter, mais qu'ils entourent ce néant de théories (théories portant sur la meilleure manière d'enseigner ce non-contenu) toutes plus jargonnantes et absconses les unes que les autres, ce qui ne constitue guère un pas vers plus d'explicitation et de clarté.

(*) : Tout ceci est d'ailleurs très logique. Le principal intérêt et plaisir de l'enseignement, c'est de parvenir à être compris. Se persuader qu'on est plus malin que les autres parce qu'on a fait en sorte de n'être pas compréhensible est un plaisir à la con (cf. Bluff), et en tous cas une attitude qui n'a guère sa place dans une école.


3 juin 2008 : LAUDATORES TEMPORIS ACTI

Il est de bon ton, en particulier depuis qu'un ouvrage a été consacré à ce comportement, de railler ceux qui ne cessent de répéter que tout allait mieux "avant". Certes il s'agit là d'une tendance humaine bien réelle, mais il faut toutefois se demander si certains discours actuels n'utilisent pas l'amalgame à ce sujet pour discréditer toute critique du temps présent (manipulation comparable à celle qui consiste à traiter de réactionnaire ceux qui demeurent attachés aux conquêtes sociales en un temps de régression).

Il n'est en effet pas exclu que le discours nostalgique de certains de ces grincheux attardés contienne des éléments de critique pertinents. Il ne s'agit pas toujours de regretter le bon vieux temps pour le principe. En outre, le propos véritable de certains de ces laudatores temporis acti n'est-il pas de non dire, non pas "c'était mieux avant" (ce qui sur bien des points est évidemment absurde), mais de déplorer que nous soyons en régression relativement à ce que les progrès humains rendraient aujourd'hui possible.

Pour m'en tenir au problème de la baisse du niveau scolaire, je dirais qu'il est vrai que beaucoup plus de jeunes qu'auparavant accèdent à un certain niveau d'études et de culture. Mais au lieu de s'en féliciter et d'utiliser ce constat positif pour nier qu'il y ait un problème de baisse du niveau, je serais plutôt tenté de déplorer que nous sabotions notre propre travail de diverses manières alors qu'il serait tout à fait possible de profiter de la démocratisation de l'école pour faire accéder réellement beaucoup plus de jeunes à un niveau d'études et de culture comparable à celui qui était jadis réservé à une élite. Ne pas déplorer cela, trouver que ce n'est pas si grave puisque l'on donne à tous une culture médiocre qui vaut mieux que le "rien" d'autrefois, voire estimer que c'est inévitable parce que les enfants de prolos (*) ne seraient pas capables de s'élever plus haut, tout cela est le fait de salopards.

(*) : ils ne le disent évidemment pas en ces termes, car ce sont pour la plupart des gens qui se croient de gauche.


ONFRAY ET LE PEDAGOGISME

Dans la 4° conférence de la série VI (en CD), après avoir parlé des travaux du neuro-biologiste Jean-Pierre Changeux et du fait que le cerveau doit dès l'enfance être stimulé, entraîné, "formaté" pour le travail intellectuel, Onfray déclarait : "Pour l'instant, à l'école, ce n'est pas ce qui se passe : on met les mains dans le truc, on joue à Picasso, on fait des petites saynètes, et on passe à côté de cette potentialité du cerveau, qui, n'ayant pas été stimulé comme il devrait l'être, devient ce que ça devient ... c'est-à-dire une espèce de pot de yaourt, pour beaucoup. A quoi vous ajoutez la télévision, et alors là, c'est passé au mixer, le pot de yaourt !"


5 septembre 2008 : TRAVAILLER PLUS ?

Songeant au climat régnant dans l'Education nationale, j'évoquais devant une classe la nécessité d'un minimum de travail pour progresser, "même si, ajoutai-je, à notre époque, la tendance n'est pas vraiment à inciter les gens à l'effort." Je sentis immédiatement une certaine surprise chez certains et compris que ce que je disais était comme réfuté par le discours actuel du "travailler plus pour gagner plus".

Fausse contradiction, cependant. On n'incite pas les gens à travailler pour eux, pour s'instruire, s'épanouir, se construire, mais on leur demande en revanche, une fois adultes (et si possible sous-qualifiés) de travailler toujours plus pour les autres, et pour un salaire de misère.


27 septembre 2008 : NOUVELLES TECHNOLOGIES

Le développement d'internet, de Wikipédia,... rend sur bien des points caduc le rôle des enseignants et autres spécialistes, les cantonne quasiment dans le rôle ingrat de garde-fou (contre les erreurs éventuelles) ou, pour mieux dire, de rabat-joie. Un peu comme Maître Capelo jadis, caution universitaire (et chiante comme la pluie) au beau milieu des chansonniers des Jeux de 20 heures.


5 octobre 2008 : NOUVELLES DU FRONT DE LA CONNERIE

* Le paradoxe de Darcos. Il prétend restaurer d'une main les bases d'une éducation de qualité dans le primaire, tandis qu'il prépare de l'autre une réforme du lycée consistant essentiellement à baisser définitivement les bras et à se résigner au naufrage. Soit ce type est incohérent, soit cela montre qu'il sait très bien que sa réforme du primaire n'est que poudre aux yeux. Plus certainement, tout ceci doit être analysé à la lumière de l'idéologie libérale : modeler des citoyens-consommateurs sachant lire et compter, certes, mais pas trop quand même (on se rend compte qu'on est allé un peu trop loin dans la propagation de l'analphabétisme : il faut tout de même que les esclaves modernes sachent un peu lire), et surtout dénués de toute véritable culture, en particulier historique. Que les nouvelles générations réapprennent à lire ne devrait pas être nuisible pour les pouvoirs en place tant que télé et internet continuent à saper chez l'immense majorité des jeunes tout désir de se cultiver. Non, finalement, si l'on considère bien les choses, en tenant compte des gens pour qui il bosse et non de ses beaux discours, il n'y a en réalité aucune contradiction majeure dans les réformes de Darcos.

* L'excellent Laurent Cantet s'est fourvoyé dans l'adaptation au cinéma des insanités de Bégaudeau. Dans le débat sur l'éducation, Bégaudeau est inclassable (et c'est pour lui tout ce qui compte) : ni pédago, ni républicain, juste un connard narcissique et irresponsable qui a trouvé un créneau pour faire parler de lui.


27 novembre 2008 : LATIN

L'intérêt du latin est évident pour mieux comprendre notre langue et ses nuances, donc pour mieux comprendre tout ce qu'on exprime à travers elle dans tous les domaines. Il n'est certainement pas innocent qu'au plus haut niveau de l'Education nationale, on en détourne de plus en plus les jeunes (hormis dans une partie des élites sociales et/ou intellectuelles) au nom d'une prétendue inutilité des langues mortes. J'exagère à peine en disant que cette langue morte est certainement beaucoup plus utile à un français qu'une langue vivante, fût-elle dominante dans le monde contemporain comme celle des péquenots texans (car c'est cette langue-là que l'on estime tant aujourd'hui et certainement pas celle de Shakespeare).


18 décembre 2008 : DOLTO

Une Vie, une Oeuvre sur France Culture. Je veux bien admettre qu'on ait parfois déformé sa pensée, mais on entend tout de même ici quelques archives où elle profère un certain nombre d'inepties irresponsables. Cela dit, accordons lui ceci que :

- elle ne dit pas que des conneries.

- elle est la première à admettre qu'elle peut se tromper, qu'elle indique des pistes de réflexion et que c'est à chacun d'en faire ce qu'il veut.

- sa jeunesse et la mère terrifiante qu'elle a eue (vraiment une horreur) constituent de sacrées circonstances atténuantes.


Janvier 2009 : JEREMY RIFKIN

Jeremy Rifkin observe que les enfants grandissant au sein d'une forte stimulation médiatique (TV, Internet,...) perdent en capacité de patience, donc d'attention, de concentration, le tout agrémenté d'une perte de vocabulaire. On augmente la vitesse, donc l'impatience : l'attention est détournée à chaque instant.

"Cette génération essaie d'être multi-tâche, mais le cerveau n'est pas conçu pour ça, il est "linéaire". On peut réfléchir en parallèle, mais quand on prend un problème, on le résout avant de passer au suivant. Cette génération qui grandit dans l'hypervitesse est moins concentrée, moins attentive, moins introspective, moins projective, toutes qualités pourtant nécessaires pour affronter ce monde complexe."


Avril 2009 : INTERNET

Des remarques, des commentaires, des indications de références, qu'il pouvait sembler intéressant de faire autrefois dans un cours ou dans une conversation, me semblent aujourd'hui superflues, dans la mesure où Internet fournit tout cela, réduisant sans cesse la part de ce qu'il est intéressant de savoir; de dire, etc. Il faut dépasser en partie cette impression en n'oubliant pas que cette source n'est utile qu'à qui sait l'utiliser. L'ultime intérêt de l'humain, c'est de savoir trier et interpréter les données fournies. Internet a l'intérêt de nous détourner de l'accesssoire (qu'il prend en charge) et de nous inviter à nous concentrer sur l'essentiel. C'est en tous cas ainsi qu'il faut essayer de l'envisager.


26 mars 2009 : UN SOCIOLOGUE EPATANT

Un sociologue, constatant, à partir d'une étude sur le niveau scolaire dans divers pays, que la France est caractérisée à la fois par une efficacité très médiocre et un écart énorme de réussite en fonction de l'origine sociale, en déduit que plus l'école est égalitaire, plus elle est efficace. C'est un point de vue, et le type semble brandir sa conclusion comme une découverte étonnante, mais il me semble qu'il serait plus logique, plus pertinent (quoique beaucoup moins spectaculaire et plus banal) d'en déduire l'inverse, à savoir que plus l'école est efficace, plus elle réduit les inégalités.

Evidemment, le problème, c'est que ça ne nous dit pas vraiment à quoi tient l'efficacité, alors qu'avec la formulation du gus, on avait une solution-miracle toute trouvée. C'est beau, la sociologie.


18 mai 2009 : AVENIR DE L'ESPRIT

Je me trompe sans doute, mais je pense que les découvertes géniales qui doivent être faites continueront à se faire dans l'avenir, aussi sombre soit-il. Mathématiquement, l'augmentation de la population va de pair avec une augmentation du nombre des individus susceptibles de génie, et ceci d'autant plus que l'éducation s'est largement démocratisée. On m'objectera (je m'objecterai) que l'éducation, après avoir connu une phrase de diffusion à la fois quantitative et qualitative, ne connaît plus qu'une démocratisation quantitative associée à un désastre qualitatif. C'est juste, mais je crois que cela suffira à servir de base éducative aux meilleurs esprits, quel que soit leur origine, et en cela la démocratisation est un progrès. Le naufrage de l'école contribue à abrutir toujours plus la masse, mais je ne le crois pas capable d'empêcher l'émergence de futurs génies, lesquels sauront toujours faire leur miel du peu qu'il y a encore à prendre. On peut donc être optimiste quant à l'avenir du "génie". On peut être moins optimiste quant au contexte politique, économique et social, qui sera lui de plus en plus catastrophique puisque dépendant justement de la capacité d'une masse de plus en plus stupide à se laisser manipuler.

En y regardant de plus près, il n'est pas tout à fait absurde (je dis bien "pas tout à fait") de prétendre avec certains sociologues crétins (et "tout à fait" crétins, pour le coup) que le niveau scolaire monte. Pendant que les compétences de base sont de moins en moins maîtrisées, le fait que de plus en plus de citoyens aient accès dans leur jeunesse à un certain nombre d'oeuvres et de problématiques jadis réservées à un nombre infime d'élèves, même si cet accès est aujourd'hui très partiel et sans grand effet, ce fait est en soi un progrès indéniable et il est bien difficile au fond de savoir ce qui sortira de ce mélange de progrès et de régression dans l'éducation. Ce qui est certain et ce qui est révoltant, c'est que la baisse des exigences et du niveau n'est pas la conséquence inéluctable de la démocratisation (n'en déplaise aux méprisants et méprisables cons qui l'affirment) et que le peu de bien qui sortira peut-être d'une telle éducation n'est rien comparé aux progrès formidables qu'aurait pu générer une éducation qui s'en serait vraiment donné la peine et les moyens.


9 juillet 2009

Régis Debray : "On oublie que l'enfant ne peut devenir humainement un adulte qu'à la condition de grandir parmi des hommes qui se conduisent comme des adultes, et que des enfants abandonnés par leurs parents ou par des parents qui jouent à être enfants, ça ne fait pas des hommes libérés, ça fait des enfants sauvages."


26 juillet 2009 : MANUELS

Extrait du manuel de scoutisme du père Jacques Sévin (1924) : "Ne campez ni à proximité d'une caserne, d'un camp militaire ou d'un fort : les soldats se feront un plaisir de déniaiser vos enfants."

***

Je parcours actuellement un manuel de français, le Méthodes et Techniques, classes des lycées (Nathan), qui m'avait semblé assez complet et bien construit, ce qu'il est effectivement dans une certaine mesure, mais on y trouve surtout un nombre effrayant d'approximations, d'imprécisions, de généralisations abusives, de simplifications douteuses, d'amalgames contestables, ainsi que des coquilles (on va dire ça comme ça) regrettables dans un manuel scolaire (Prévert et Carné développent au cinéma le "réalisme politique", pg 109), et surtout une omniprésence de l'esprit du temps, de la bien-pensance, qui aurait ravi Philippe Muray. Echantillons : les personnages secondaires d'un roman peuvent être les amis ou ennemis du héros, les membres de sa famille, "ses relations de loisirs ou de travail", et les personnages d'arrière-plan "contribuent à l'animation de l'espace romanesque" (211).

Evitez donc ce type de manuels : les formateurs IUFM se feront un plaisir d'enniaiser vos enfants.

***

Le Français méthodique d'Hélène Sabbah, chez Hatier, est par comparaison, plus sérieux et plus fiable, mais c'est très relatif, on n'échappe pas à quelques absurdités ou approximations, notamment dans les pages consacrées aux textes en vers et aux registres. Le plus bel échantillon concerne le registre comique. Il faut dire que le NVA (Nouveau Vocabulaire Arbitraire) imposé par le fulgurant Alain Viala est une source intarissable de confusions en tous genres. Au lieu de chercher à éclairer des complexités réelles, le Charabia-Viala crée de toute pièce des complexités qui n'existaient pas, rend confus des choses qui étaient jusque là parfaitement claires pour les élèves, produit une situation dans laquelle, une fois que le néo-lexique officiel a été péniblement expliqué aux élèves, les choses les plus simples deviennent soudain parfaitement absconses. Pour revenir à ce manuel Hatier, nous voici donc, par exemple, "obligés" (ah bon ?) de distinguer entre le comique comme genre et le comique comme registre, ce qui nous donne ceci (sortez les avirons) : "Le mot comique se trouve lié à deux notions. D'une part, on parle de comique par référence au genre de la comédie ; d'autre part, on l'associe au rire : est dit comique ce qui déclenche le rire, tandis que la comédie ne fait pas toujours rire." Et le paragraphe s'achève sur cette précision ... (je cherche le mot qui convient : cette précision ......... comique ?) : "Le registre comique dont nous parlons ici correspond au second sens, même si certains extraits qui l'illustrent sont issus du théâtre."


3 août 2009 : REGIS DEBRAY ET MICHEL ZINC

Une série d'émissions consacrées à Régis Debray ce mois-ci sur France Culture.

"C'est par l'instruction des esprits et par la mémoire que l'on forge les grands soulèvements de l'esprit et de la société. L'homme est ainsi fait qu'il a besoin de maîtres pour se passer de maîtres."

"Le grand ennemi du progrès, c'est le jeunisme. Une révolution jeuniste est une contre-révolution. J'en ai connu une de loin dans ma vie, c'était la Révolution Culturelle chinoise, qui était pour moi la plus grande expérience fasciste de notre temps. Le fascisme, c'est deux choses : le mépris de la culture et l'exaltation de la jeunesse. La révolution, ça ne consiste pas à brûler des voitures ou à caillasser des magasins, ça consiste à transmettre ce qu'on a eu de mieux dans notre passé. Rien n'est moins rétrograde que la tradition, et être fidèle à une tradition, c'est penser l'avenir. Autrement dit, l'agitation sans mémoire, ce n'est pas du tout le progressisme. Et si je milite pour la sauvegarde des enseignements classiques, c'est pour résister autant que faire se peut au règne de l'argent et au règne de l'instant, qui sont les deux piliers de notre régime actuel."

A propos des Héritiers de Bourdieu : "Il a voulu défendre la cause du peuple. Résultat, c'est la cause de l'argent qui a triomphé (...) Autrement dit, le peuple n'avait que l'école pour grimper l'échelle sociale : maintenant il n'a même plus l'école, parce qu'on a voulu la rendre populaire." Michel Zinc, qui dialogue avec lui, complète ce jugement en estimant que Bourdieu avait le mérite de repérer et de pointer les failles du système scolaire républicain, mais qu'il réagissait avant tout avec sa sensibilité au lieu de relativiser ces failles : "Chacun d'entre nous a senti le poids de clivages sociaux, s'est senti exclu à un moment ou à un autre. Et les petites choses qui infligent des blessures profondes, Bourdieu les met en évidence admirablement. Mais ses conclusions, à mon avis, sont erronées, à partir de constatations justes. Qu'il ait eu ces conclusions erronées dans les années 60 ou 70, très bien, on pouvait se dire que le système n'était pas assez démocratique et qu'il fallait le changer. Mais maintenant ? Cela fait quarante ans qu'on voit des dégâts constants, qu'on voit les effets pervers de la direction dans laquelle on s'est engagé, et on ne revient pas en arrière, alors qu'il serait si simple et si honnête de dire "bon, on a essayé de bonne foi, et ça ne marche pas". C'est l'évidence qu'au jour d'aujourd'hui Pierre Bourdieu n'entrerait pas à l'Ecole Normale Supérieure. Il ne serait pas question qu'un enfant du milieu social d'où il venait puisse entrer à l'ENS. Y aurait pas de Bourdieu !"

Michel Zinc opposait un peu plus tôt l'éducation de son temps ("nous avions l'esprit formé profondément avec peu de choses, mais à partir de ce peu de choses, je crois que nous avions la capacité d'appréhender beaucoup de choses, y compris les questions les plus actuelles et les changements les plus radicaux") à celle d'aujourd'hui (consistant davantage à "balayer en surface un nombre très étendu de connaissances superficielles). Il évoque ses collègues biologistes du Collège de France, qui lui ont expliqué que "dans le fonctionnement du cerveau, ce qui important, ce n'est pas le nombre de synapses, de connexions, mais au contraire leur réduction", c'est-à-dire que l'idéal est de "faire fonctionner très bien un certain nombre de synapses, plutôt que de les multiplier anarchiquement." Debray : "Donc, quand on est dans les fondamentaux de la langue, on a accès à tout." Zinc : "Exactement. Et je ne comprends pas comment on peut nier que la maîtrise consciente de la langue puisse aider à la clarté, à la profondeur de la pensée et à la compréhension mutuelle."

Michel Zinc parle aussi de "cette sorte de restriction féconde de l'apprentissage", qui était aussi "le fondement de cette égalité" : "Parce que, au départ, personne ne sait les mathématiques, personne ne sait le latin ou le grec (...) Dans le système scolaire que nous avons connu, on n'avait pas le droit de faire état en classe de connaissances qui venaient de la maison. On se restreignait volontairement à ce qu'on apprenait en classe, mais ce qu'on apprenait en classe formait réellement l'esprit. Alors si on dit aux enfant "oui, mais l'école, c'est la vie, c'est la rue, etc, alors documentez-vous et venez faire votre exposé", alors là évidemment ceux qui ont les moyens de se documenter seront avantagés, et on perdra sur tous les tableaux."

Michel Zinc, à propos des études littéraires actuelles : "Cette pseudo-science, cette volonté d'être scientifique, cette volonté d'objectivité, ce refus de la sensibilité, du goût, du plaisir, elle est d'une certaine manière héritée de Bourdieu et Passeron : la sensiblité, le goût, le plaisir, c'est quelque chose de bourgeois, donc qu'il faut éliminer. Donc étudions les textes scientifiquement. Mais dans ce cas, pourquoi diable aller chercher des textes littéraires ? On peut aussi bien prendre des textes de journaux : c'est ce qu'on fait. Et si on prend des textes littéraires, comment espérer intéresser des enfants, des adolescents, à des oeuvres qu'ils pourraient adorer si on leur mettait seulement entre les mains en leur disant "lisez !", mais qu'on s'acharne à leur démolir. On se dit : mais un adolescent, à qui on enseigne le français comme ça et qui ensuite choisit de faire des études littéraires, ne doit pas aller très bien dans sa tête, enfin ! c'est pas possible !"


25 septembre 2009 : LE RITE SELON PIERRE LEGENDRE (La Fabrique de l'Homme occidental)

"Les rites sont un forçage, qui amène le fidèle à dépasser son cas, à découvrir sa propre plainte dans celle de l'Humanité, à sacrifier ainsi quelque chose de lui-même en se reconnaissant parmi les autres. La marque généalogique de la culture, la voilà : permettre à chacun d'entrer dans un discours universel."

Avant cela, des remarques assez intéressantes sur la décoration du corps (tatouages, etc.) comme manière de marquer un identité qui ne l'est pas suffisamment par le nom, la filiation, les voies classiques. Mais un type va jusqu'à y voir une façon détournée de (re)trouver le plaisir de décorer l'arbre de Noël, de "construire quelque chose de lumineux sous le regard de la mère".

Un autre (?) intervenant, travaillant dans le domaine de l'assistance éducative, déclare avoir affaire dans la plupart des cas, à des parents qui, en raison de leur propre histoire, "sont restés des enfants, n'ont pas pu changer subjectivement de classe". Le résultat est qu'ils demandent généralement à leurs enfants d'être leurs parents, ont une demande inconditionnelle d'amour face à leurs enfants, ce qui crée des enfants sans parents.


7 octobre 2009 : AUTORITE DU GROUPE

Dans La Crise de l'éducation, Hannah Arendt constate que la perte d'autorité des adultes ne se fait pas au bénéfice de la liberté de l'individu mais au profit de l'autorité du groupe (en l'occurence du groupe des pairs).

"L'autorité d'un groupe, fut-ce d'un groupe d'enfants, est toujours beaucoup plus forte et beaucoup plus tyrannique que celle d'un individu, si sévère soit-il. Si l'on se place du point de vue de l'enfant pris individuellement, on voit qu'il n'a pratiquement aucune chance de se révolter ou de faire quelque chose de sa propre initiative."

"Affranchi de l'autorité des adultes, l'enfant n'a donc pas été libéré, mais soumis à une autorité bien plus effrayante et vraiment tyrannique : la tyrannie de la majorité. En tout cas, il en résulte que les enfants ont été pour ainsi dire bannis du monde des adultes. Ils sont soit livrés à eux-mêmes, soit livrés à la tyrannie de leur groupe, contre lequel, du fait de sa supériorité numérique, ils ne peuvent se révolter, avec lequel, étant enfants, ils ne peuvent discuter, et duquel ils ne peuvent s'échapper pour aucun autre monde, car le monde des adultes leur est fermé. Les enfants ont tendance à réagir à cette contrainte soit par le conformisme, soit par la délinquance juvénile, et souvent par un mélange des deux."

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SECURITE DU BANAL

Une élève citée dans Homère et Shakespeare en banlieue (Grasset) : "Qui peut avoir une personnalité quand c'est la honte pour lui d'écouter telle musique que n'écoute pas son groupe ? Voilà comment vous fabriquez un lycée rempli de niais. Quand vous sortez de l'ordinaire, c'est mal vu : du coup, par sécurité, tout le monde essaie d'être banal."


14 novembre 2009 : LE SAROD en 1314000 leçons

Dans les Vendredis de la Musique, un virtuose du sarod explique que son père l'a fait pratiquer le sarod 18h par jour durant 20 ans, à partir de l'âge de 11 ans. De temps à autres, il faisait un "stage" de 3 à 6 mois confiné dans une chambre obscure où on lui apportait à manger, passant tout son temps à pratiquer encore et toujours. Le père lui-même pratiquait 23h par jour, se contentant de dormir 15 mn de temps en temps, sans changer de position, l'instrument sur les genoux.

L'animatrice de l'émission conclut en espérant que ce témoignage "n'inspirera pas les prochains réformateurs du lycée par nos contrées". Elle n'a guère de souci à se faire sur ce point, mais n'y a-t-il pas une certaine contradiction à trouver aberrante une telle formation musicale tout en invitant et diffusant des virtuoses formés de cette façon ? Je doute qu'il y ait d'autre moyen qu'un travail acharné pour atteindre un tel niveau. Mais peut-être devons-nous considérer que le monde actuel n'a plus besoin de tels musiciens (dont il n'a généralement plus assez d'oreille pour apprécier la subtilité) et qu'il vaut mieux s'installer définitivement dans le confort de la Fête de la Musique : tous artistes, chacun soufflant tant bien que mal dans son pipeau.


20 novembre 2009 : REFORME DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS

Le fait de vouloir remettre l'accent sur la maîtrise de sa discipline semble choquer certains syndicats et/ou enseignants : c'est pourtant un minimum ! Certes, cela risquerait de se faire au détriment de la pédagogie ... pardon : des "sciences" de l'éducation ! Mais la pédagogie en tant que science est une escroquerie. La pédagogie est un art, plus ou moins inné, plus ou moins acquis. Et surtout, quoique souhaitable, elle est secondaire par rapport au contenu. J'ai eu dans ma scolarité très peu de professeurs vraiments pédagogues, je n'en suis pas mort. J'ajouterais même que celui dont j'ai (de très loin) le plus appris n'était pas pédagogue du tout.

Reste la réalité des élèves d'aujourd'hui, avec laquelle il faut apprendre à composer. Mais apprendre à "gérer" ces élèves sans avoir de contenu véritable à leur proposer n'a aucun sens : s'il ne s'agit que de les occuper, autant les coller carrément en centre aéré ou en prison (selon les cas ou selon la clique au pouvoir à ce moment-là) !

Remarquons bien, d'autre part, que le retour à une certaine autorité est loin d'être une panacée, mais seulement une condition minimale pour limiter un peu les dégâts, au moins pour quelques élèves. Mais il est évident qu'aucun système scolaire ne peut fonctionner pour une population aussi large tant que les problèmes sociaux ne seront pas un tant soit peu résolus.


11 décembre 2009 : EUROPE ECOLO-DEMAGO-PEDAGO-NIGOLOGIE

Au cas où la seule présence de Cohn-Bendit n'aurait pas suffi à me détourner du mouvement Europe Ecologie comme d'une peste crypto-libérale, voici une nouvelle bonne raison de ne pas tomber dans le panneau : Philippe Meirieu, le docteur Pangloss des "Sciences de l'Educ", est tête de liste Europe Ecologie en Rhône-Alpes. Tout cela est d'autant plus effrayant que l'écologie est un problème sérieux et urgent, qu'il est navrant de voir monopoliser par la crème des charlatans.

***

A propos d'école et de soutiens pourris, il semble qu'il y ait eu une assez forte altercation entre Henri Guaino et Raymond Soubie, le premier ayant osé soutenir la pétition des intellectuels demandant le maintien de l'histoire en terminale S. Finalement plutôt sympathique sur ce coup-là, Guaino aurait lancé : "Je préfère avoir le soutien d'Alain Finkielkraut et Max Gallo que celui du SGEN-CFDT". C'est plein de bon sens, mais pas très charitable pour la CFDT qui fait pourtant tout ce qu'elle peut depuis bien longtemps pour être le syndicat préféré de la droite et du MEDEF.


15 mars 2010 : REFORME EN KIT

La réforme du lycée (dont la seule existence avant une réforme du collège constitue une aberration) pose un certain nombre de principes et de gadgets assez flous, que personne ne sait vraiment comment mettre en place, d'où, dans certains établissements, des "journées de réflexion" avec mise en place d'ateliers destinés à imaginer les modalités de réalisation de ses divers aspects. Je croyais qu'il était employé chez L'Oréal, M. Chatel, mais c'est une réforme Ikéa qu'il nous sert. Le problème c'est qu'avec toutes ces pièces inutiles et/ou inutilisables, on part pour monter une armoire et on se retrouve avec un tabouret suédois.


1° juin 2010 : AUTORITE

Selon un récent sondage CSA, 79% des adolescents souhaiteraient trouver davantage d'autorité chez les adultes, parents et enseignants. Il serait temps de s'en rendre compte. Je l'ai sans doute déjà noté ici, mais les chaînes les plus commerciales (TF1, M6) ont multiplié ces dernières années les émissions dans lesquelles un grand frère ou une super-nanny vient rééduquer des parents désarmés face à leur incontrôlable progéniture. Le même type d'émission existe aussi pour dresser les "maîtres" ayant un animal qui fait la loi à la maison. Ce n'est pas un hasard. Si dans l'idéal on peut considérer avec Oscar Wilde que "toute autorité est parfaitement avilissante : elle avilit celui qui l'exerce et celui qui la subit", il faut bien admettre hélas que cette autorité est un mal nécessaire dès lors qu'on a affaire, de gré ou de force, avec des enfants, avec des animaux ou avec des cons. En d'autres termes, tout ce qui ne sait pas, ou pas encore, utiliser son cerveau de façon optimale. On peut également régler le problème en évitant d'avoir à fréquenter des enfants, des animaux et surtout des cons.

Evidemment, la pire des trois catégories est celle des cons, entendons par là les cons finis (par opposition aux cons en formation), pour lesquels on ne peut généralement plus rien faire.

Les animaux, eux, ne peuvent être tenus responsables du mauvais emploi qu'ils font d'une intelligence par nature limitée (c'est d'ailleurs en réalité surtout leur absence de sens moral qui pose problème, certains animaux pouvant se montrer beaucoup plus rusés que bien des cons). Si nous souhaitons coexister avec eux, il nous faut accepter de faire preuve du minimum d'autorité que nécessite leur nature, sauf à ambitionner de devenir la risée de millions d'autres cons en venant expliquer à la télé que "mon chien mange dans mon assiette et m'oblige à manger dans son ancienne gamelle", que "mon chat me griffe les yeux si je ne lui sers pas sa marque de croquettes favorite" ou encore que "mon perroquet m'insulte, me fouette et m'humilie de toutes les manières possibles" (mais ça, c'est différent, il y a des amateurs).

Quant aux enfants, susceptibles d'être éduqués (comme tout jeune animal) mais également de développer leur intelligence, il importe d'user avec eux d'une autorité différente, qui pose des cadres, des limites, mais en gardant pour priorité le développement de cette intelligence, afin de créer des individus autonomes, aptes ensuite à se fixer eux-mêmes leurs limites et leurs valeurs. Enfin dans l'idéal. Il est difficile de dire quelle proportion d'enfants seraient capables d'une telle évolution (entendons par là le fait d'échapper suffisamment à la connerie pour être capables de vivre harmonieusement en société sans qu'il soit besoin de recourir à la moindre autorité). Peut-être tous, dans des conditions optimales, mais très peu dans les conditions qui ont jusqu'ici prévalu dans les sociétés humaines (ne quittant l'autoritarisme borné que pour sombrer dans le laxisme le plus consternant).


4 juin 2010 : INCOMPETENCE ET CARRIERISME

Il y a longtemps que l'Education nationale a renoncé à mettre en place un enseignement à la fois élitiste et démocratique (dans les mêmes endroits, bien sûr). Comme si le fait de s'occuper de beaucoup plus d'élèves obligeait à se résigner à la fatalité d'une baisse des exigences et du niveau. Ce ne devrait pourtant guère être qu'une question de personnel et de locaux ! Je suis intimement persuadé qu'on pourrait parfaitement y parvenir avec des pratiques moins aberrantes et des enseignants, même moyens, correctement formés (mais évidemment pas par des hurluberlus meirieutisants). Peut-être est-ce l'incompétence personnelle des gens qui tiennent en mains depuis des décennies les rênes de l'institution scolaire, à tous les niveaux, qui fait qu'ils sont persuadés que les gens qu'ils sont supposés diriger sont nécessairement au moins aussi incompétents qu'eux. Du moins ont-ils envie de le croire pour mieux oublier par quels moyens douteux ils sont arrivés à leur poste. Les incompétents carriéristes sont le fléau de cette institution (et certainement de bien d'autres, mais ailleurs l'enjeu est moins essentiel). Persuadés qu'un travail correct ne peut pas être réalisé (puisqu'ils en sont incapables), ils s'agitent et brassent de l'air à la place (empêchant toujours plus les autres de travailler correctement sur le terrain). Que de progrès énormes seraient faits si l'on acceptait enfin de payer les incompétents carriéristes pour qu'ils ne fassent RIEN, surtout RIEN DU TOUT, hormis se pavaner dans quelques cocktails, ce qui ne fait de mal à personne.


19 juillet 2010 : PROPHETES EN LEURS PAYS

Au sein de l'académie où elle sévit, Mme P., autocratique I.P.R. et donc vivant pléonasme, évite soigneusement, dit-on, d'aller inspecter dans le secteur où elle fut enseignante, préférant y expédier ses sbires. "Elle est trop connue, là-haut, tu parles !", conclut mon interlocuteur.

Voilà qui éclaire d'un jour nouveau et intéressant le proverbe selon lequel "nul n'est prophète en son pays". En son pays, ils savent à quel lascar, à quel escroc ou à quel guignol ils ont affaire. Nul n'est prophète en son pays, parce qu'en son pays on se souvient toujours de ce qu'il était avant de se faire passer pour prophète : nul.


12 novembre 2010 : RATS ET NAVIRES

Natacha Polony, dont j'avais abondamment cité ici l'ouvrage de 2007, 15 Mesures pour sauver l'école, écrit depuis 2009 dans Le Figaro. Entre un Philippe Meyer devenu bayrouriste, un Philippe Val transformé en "Procureur Pinard radiophonique" et tant d'autres, il ne reste plus grand monde pour mener une réflexion saine visant à sauver le navire.

Il semble cependant que le discours sur l'école de Natacha Polony n'ait pas changé et elle demeure très critique sur la façon dont l'UMP aborde le problème, mais tout de même ! est-ce vraiment le meilleur endroit aujourd'hui pour défendre les valeurs républicaines et humanistes ? ... On m'objectera avec raison que le meilleur endroit pour sauver l'école républicaine est encore moins le PS, dont le programme éducation concocté par Bruno Julliard (quelle est la légitimité de ce type ? suffit-il d'avoir été étudiant pour s'auto-proclamer spécialiste des questions d'éducation ?) est plus répugnant encore, si c'est possible, que celui de l'UMP (disons pour mesurer qu'il est semblable, ce qui suffit à le rendre plus répugnant dans la mesure où, naïvement, on attendait a priori un peu mieux du PS que de l'UMP). Ne parlons même pas du NPA et encore moins d'Europe Ecologie (dont le spécialiste en pédagonigologie n'est autre que l'insubmersible Docteur Meirieu) !

Reste le Parti de Gauche, auquel j'ai envie de croire, dont les positions économiques et sociales me conviennent plutôt, dont le républicanisme devrait être une garantie pour l'école, mais dont le discours sur le sujet ne semble pas encore très clair.


Février 2015 : L'ECOLE REPUBLICAINE A-T-ELLE VRAIMENT EXISTE ?

Suite à l'attentat contre Charlie-Hebdo, on a pu entendre certains membres bien installés de l'Education nationale parler de la lourde responsabilité de l'école qui a "failli à sa mission". Que l'école n'ait pas accompli (ou n'ait pas pu accomplir ?) sa mission concernant ces déchets de l'humanité, c'est une évidence, mais pas question dans ce discours effaré d'accuser les politiques récentes d'avoir détruit l'école républicaine car, je cite, "celle-ci relève du fantasme et n'a jamais vraiment existé". C'est donc la nouvelle technique de défense des pédagos. Autrefois, qui voulait noyer son chien l'accusait de la rage (ou d'avoir "failli à sa mission" ?) Désormais, on va plus loin : on tue le chien, puis on assure qu'il na jamais existé.


Juillet 2016 : EDUCATION ET PRINCIPE DE REALITE

Une claire et brève synthèse de la question retrouvée dans un cours de Michel Onfray commentant Marcuse il y a quelques années :

"Le principe de plaisir, c'est votre désir, c'est votre instinct, ce sont vos pulsions, c'est l'envie de faire quelque chose a priori, vous avez envie de dire ce qui vous passe par la tête ... et puis le principe de réalité, c'est ce qui vous empêche de le dire si ça n'est pas socialement acceptable. Chez les enfants, le principe de réalité se constitue, mais le principe de plaisir, il est donné. La construction d'un individu suppose que nous puissions borner les prétentions du principe de plaisir par les obligations du principe de réalité. Une pédagogie, c'est ça : c'est enseigner le principe de réalité, c'est enseigner une éthique, enseigner l'existence de l'Autre, c'est dire : Autrui existe, tu n'es pas tout seul, sache que tu n'es pas seul au monde. Un enfant se croit seul au monde, parce qu'il est pur principe de plaisir. Ce sont les parents qui doivent faire le travail d'éducation de l'enfant, qui consiste à dire : il y a un principe de réalité, tu n'es pas le seul, il y a Autrui, et voilà comment les choses se passent ; à l'école on doit apprendre ça, partout ailleurs on doit apprendre ça."


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