THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG
Alain FINKIELKRAUT (Grandeur et Décadence)
On se tromperait en imaginant qu'Alain Finkielkraut est à ce blog ce que BHL est à l'entarteur Le Gloupier. S'il est aussi souvent cité, c'est parce que j'écoute souvent son émission avec intérêt. Finkielkraut a soutenu efficacement et intelligement la mouvance de l'école républicaine et de manière générale, il ne dit pas que des conneries, même s'il a tendance à les accumuler depuis quelques années, en particulier depuis qu'il a sombré dans le sarkozysme. On trouvera donc ici pêle-mêle :
- des remarques fort intéressantes d'Alain Finkielkraut
- des inepties indignes d'Alain Finkielkraut.
27 juillet 2006
Dans sa dernière émission, consacrée au football, Alain Finkelkraut n'hésite pas à reprendre à son compte les sains principes d 'Elisabeth Lévy:
"Le pouvoir politique aujourd'hui est tout de même très impuissant. Lorsqu'un homme politique a un appartement un peu trop grand, tout le monde s'acharne, même si c'est un appartement de fonction, même si cet appartement on sait qu'il sera obligé de le quitter dès lors qu'il cessera d'être ministre !"
Mais c'est bien parce qu'il s'agissait d'un appartement de fonction que c'était un problème, philosophe de mes deux !!! Le patrimoine personnel de Gaymard, c'est son problème !
A ma grande surprise, j'ai entendu Finkelkraut parler avec beaucoup d'enthousiasme du football, faire une expertise technique (*) et défendre ce sport contre les attaques d'un vilain monsieur qui le qualifiait de "peste émotionelle" (le football, pas Finkelkraut).
Heureusement, je retrouvai ensuite le véritable Finkelkraut lorsque vint le moment de parler des supporters. En tant que bon (et seul vrai) supporter pisse-froid et psycho-rigide, il déplora les excès des supporters imbéciles et excessifs :
- On célébrait dans les médias les supporters et même leur infantilisation ! Car, tout de même, ces gens qui se maquillent ! en bleu-blanc-rouge ! qui se revêtent de chapeaux débiles ! ces gens qui crient, en plus, cette joie qui ne s'exprime que dans l'incivilité ! Moi, après chaque victoire de la France, je n'ai pas pu dormir pendant trois heures à cause des klaxons ! Et il y a eu cette phrase extraordinaire : "qui ne saute pas n'est pas français" ! Il fallait sauter ! Le supporter saute ! L'amateur de football que j'étais, le supporter du Racing que j'étais, même du PSG, n'a jamais sauté ! Et j'ai envie d'ajouter : si c'est ça être français, eh bien je ne me reconnais pas dans cette France-là et je n'ai pas envie de m'y reconnaître !
Je trouve ces propos austères et véhéments concernant un sujet bouffon, ce désir de voir des supporters se comporter de façon morale et intelligente, risible au plus au point. On a envie de lui dire : allez, Alain, détend toi ! Grime toi, souffle dans une trompette, revêts toi d'un chapeau débile et saute !
En tout état de cause, le pisse-froid a ici encore échoué à se parer des plumes du pisse-chaud, pour reprendre la formule appliquée jadis à Jospin par feu Philippe Muray. Justement, samedi prochain (29 juillet), Finkelkraut rediffuse une émission de 1999 où il avait invité Philippe Muray.
* : expertise qui rejoint d'ailleurs la constatation que je fis après avoir regardé un seul match : la France a joué cette coupe du monde uniquement en défense, privélégiant la victoire à l'art et frustrant les spectateurs de tout spectacle éventuellement intéressant.
29 octobre 2006 : PARLER VRAI
Finkielkraut souligne que le "parler vrai" et la contestation de la "langue de bois" en politique ne consistent plus du tout à dire la vérité, mais simplement à s'exprimer vulgairement. C'est ainsi que n'importe quelle connard peut prétendre "ne pas pratiquer la langue de bois" en disant à n'importe quel sujet qu'il "s'en bat les couilles" ou en traitant les gens de "racailles" (le second exemple n'est pas fourni par la maison Finkielkraut).
Son invitée Mona Ozouf cite Alain, disant que "la difficulté de la vie conjugale, c'est que l'on se dit abruptement tout ce que l'on pense, c'est-à-dire tout ce que l'on ne pense pas" (en termes clairs : tout ce qu'on ne prend pas la peine de méditer avant d'ouvrir sa gueule). Et en effet, commente ensuite Alain, ce qu'on appelle le mensonge social n'est parfois simplement qu'une invitation à chercher ce que nous pensons et à trouver les mots adéquats pour le dire, au lieu de nous contenter de la facilité qui consiste à dire n'importe quelle connerie en invoquant notre liberté d'expression.
Alain exprime d'ailleurs aussi cette idée dans le Système des Beaux-arts : "Il n'y a point de mensonge dans la politesse ; car ce que je montre par impolitesse ce n'est point moi, c'est un animal inquiet, tremblant, brutal."
25 novembre 2006
Olivier Rey, chercheur au CNRS, a observé que les enfants étaient jadis tournés, dans les poussettes, vers l'adulte qui les promenait (et qui donc s'interposait entre eux et le monde), et qu'ils ont massivement et soudainement été réorientés dans les années 70. Ce mini-bouleversement n'est pas sans faire songer à la sommation où chacun est aujourd'hui de "construire lui-même son propre savoir" hors de tout héritage culturel et historique. Inutile de dire que le bonhomme Olivier Rey a immédiatement été convoqué dans l'émission d'Alain Finkielkraut pour expliquer son histoire de poussettes.
17 mars 2007 : INTERNET
Finkielkraut consacre son émission aux dangers du net et d'une pure information (souvent pas même fiable) par opposition à la culture du livre et à la réflexion critique qu'elle permet. Il va de soi que le net ne devrait être qu'un outil, un fabuleux outil de recherche, mais que la recherche n'est qu'une première étape pour la pensée et non un but en soi. Mais Finkielkraut insiste sur le fait que les nouvelles générations ont adopté le net en désertant le livre. Il me semble pourtant que ce phénomène n'est pas dû à je ne sais quel envoûtement secret du net, mais simplement au fait qu'il s'agit d'une génération qui a été scolairement sacrifiée. Si le net était apparu trente ans plus tôt, la majorité des jeunes l'auraient spontanément utilisé avec intelligence, sans déserter le moins du monde la culture et les livres. C'est ce que j'essaie de faire quant à moi et je crois que s'il y a des gens qui parviennent à utiliser le net avec discernement, ce n'est absolument pas une question de génération, mais simplement le fait que ces gens ont été armés pour en user ainsi : jadis essentiellement grâce à l'école, aujourd'hui de moins en moins, ce qui peut donner l'impression d'une génération hostile aux livres "par nature" (théorie aberrante), alors qu'on n'a affaire qu'à une génération qui a massivement été privée du droit d'apprendre à lire et à structurer sa pensée.
(écrivant ceci, je me fais l'effet d'être encore plus réac que Finkielkraut, mais c'est pas grave)
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Invité de Finkielkraut, Daniel Bougnoux rappelle que Borges a anticipé internet dans La Bibliothèque de Babel, dans laquelle se trouvent forcément tous les livres possibles puisqu'elle contient toutes les combinaisons possibles de l'alphabet, y compris (et ce sont les plus nombreuses) celles qui ne veulent rien dire). Borges dit que la première réaction face à la bibliothèque de Babel fut l'enthousiasme, qui, à la réflexion, céda la place à un désespoir abyssal puisqu'on n'avait aucun moyen d'y trouver la bonne information.
1er MAI 2007 : ONFRAY FACHO ! SARKO AURA TA PEAU !
Finkielkraut, qui soutient désormais Sarkozy, rappelons-le, consacre sa dernière émissions aux "Leçons du totalitarisme" : bien vu ! Il faut dire qu'il a une définition assez particulière de la chose et qu'un des exemples de la dérive totalitaire est pour lui Michel Onfray, qui, au lendemain du premier tour, a constaté avec virulence que la majorité des électeurs choisissait de cautionner (tant avec Sarkozy qu'avec Royal) le libéralisme : "les pauvres peuvent crever (...) on va bientôt leur faire la peau en toute discrétion". Cette "vision délirante" (???) de la droite libérale relève bien selon Finkielkraut du totalitarisme puisqu'elle conduit Onfray à parler de certains hommes politiques comme de "faces de rats" ("c'est le vocabulaire des années 50" : preuve absolue, donc).
Sommé de donner son avis, Claude Lefort, venu parler du vrai totalitarisme et visiblement interloqué, répond : "Oui, euh ... écoutez ... vous faites des raccourcis qui pour moi ne sont pas justifiés ... Je dirais même que ... ils ne sont pas très intéressants."
Et comme l'autre revient à la charge un peu plus tard en lui disant que, quand même, ce genre de discours rappelle le discours totalitaire des années 50 que Claude Lefort a si bien contribué à dénoncer, il précise sa pensée :
"Il y a certainement une sorte de rigidité et d'emportement dans le discours de l'extrême-gauche, mais je dirais qu'il y a aussi pour moi actuellement une inquiétude devant une recrudescence du nationalisme. Il y a plutôt aujourd'hui un danger qui se précise du côté d'un nationalisme exacerbé, d'un autoritarisme, d'un oubli de la fonction fondamentale des droits de l'homme."
10 mai 2007
Devinette : qui donc vient de publier ceci dans Le Monde ?
"On ne peut pas se réclamer du général de Gaulle et se comporter comme Silvio Berlusconi. On ne peut pas en appeler à Michelet, à Péguy, à Malraux et barboter dans le mauvais goût d'une quelconque célébrité de la jet-set ou du show-biz. On ne peut pas prononcer des odes à l'Etat impartial et inaugurer son mandat en acceptant les très dispendieuses faveurs d'un magnat des affaires.
Contrairement à ce qu'il avait annoncé sur un ton grave, Nicolas Sarkozy ne s'est pas retiré du monde pour habiter la fonction présidentielle : entre le Fouquet's, Falcon et palace flottant, il a oublié qu'il venait d'être élu président de la République. Il avait peut-être ses raisons que la raison ignore. Espérons cependant qu'il s'en souviendra, une fois de retour sur le plancher des vaches, et qu'il saura, comme il l'avait promis dans des discours de très haute tenue, incarner la France. Pendant trois jours, il nous a fait honte."
Eh oui, c'est Finkielkraut, quatre jours après les élections, qui se réveille douloureusement et qui réalise qu'il a apporté sa caution intellectuelle et morale (en plus de celle de Steevy et de Doc Gynéco, donc) à un arriviste cynique. Franchement, il est d'une naïveté désarmante parce que personne en France, à droite comme à gauche, n'a jamais entendu sans rire Sarkozy se réclamer de Michelet, Péguy, Malraux ou même De Gaulle. Vous lui balancez Marc Dutroux faisant un "discours de très haute tenue" écrit par n'importe quel bon communiquant, et hop ! Finkielkraut vous en fait un saint en oubliant totalement à qui il a affaire.
Autre devinette : lequel vaut mieux pour diriger la France, de Sarkozy ou d'un parrain de la Maffia ?
A mon avis, le second, car, déjà enrichi par ses activités criminelles, il a une chance d'avoir une vague envie de rédemption en accédant à une responsabilité politique et il pourrait bien faire son boulot de président avec le souci de ce qu'il estimerait le bien commun. Sarkozy n'est pas en quête de rédemption : il est sur la voie du triomphe et du pillage et il va s'en donner à coeur joie. Il aurait tort de se priver, plebiscité qu'il est par 53% de cons (moins Finkielkraut, donc).
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En tous cas, Finkielkraut semble très remonté depuis cette déception. Sa dernière émission a pris un peu de recul par rapport à l'actualité, mais son émission du 19 mai aura pour thème : "Qu'est-ce qu'une égloque ?". Putain, ça va chauffer !!!
21 juillet : FINKIELKRAUT TOMBE DE PLUS EN PLUS BAS
Dans son émission de ce jour :
"La leçon tirée de l'expérience totalitaire, c'est que la société doit être laissée tranquille. En revanche, on pense que les dirigeants doivent tout à la société, c'est-à-dire que la société elle-même a en quelque sorte le droit d'être totalitaire. Les dirigeants ont-ils un recoin privé pour eux ? je ne le crois pas. La mésaventure récente de Patrick Devedjian à mon avis l'atteste. Sans doute a-t-il tenu des propos déplacés, mais il est clair qu'il ne les tenait pas en public, même s'il y avait une caméra, il ne pouvait pas savoir qu'il y avait un micro (!!!), et ça n'a eu aucune importance !" ("aucune importance", comprenez : "ça n'a pas été considéré comme circonstance atténuante, voire disculpante, par les méchants qui ont reproché à cet homme se mêlant de politique de traiter une adversaire de salope")
9 décembre 2007 : FINKIELKRAUT
CLOUE DES BECS
"On aimerait d'ailleurs que certains des people qui manifestent Rue de la Banque sachent ouvrir leur porte à ceux que le DAL a mis dans la rue, plutôt que de s'en prendre exclusivement à l'Etat."
Fichtre. Ca, c'est de l'argument ...
Mars 2008 : BE YOURSELF DOSTOIEVSKI
Evoquant les Carnets du sous-sol dans sa "Bibliothèque idéale", Finkielkraut oppose cette conscience aiguë et pathologique, qui était pour lui celle de l'adolescence, à la situation actuelle créée par le jeunisme et l'idéologie du "be yourself", qui empêche cette prise de conscience, cette découverte de la conscience. "Le jeune est invité à cultiver sa spontanéité (do it), tout le monde lui dit qu'il faut être soi-même (be yourself) : dès lors, la découverte que l'on n'est pas soi-même lui est en quelque sorte rendue impossible. (...) L'être est ce qu'il est, pas l'homme, dit Sartre, l'homme se crée un néant qui l'isole et que Sartre nomme alternativement conscience, transcendance ou liberté, une liberté qui n'est pas une propriété appartenant à l'essence de l'être humain, mais le fait pour l'être humain de n'avoir pas d'essence. Pour Sartre, cette liberté qui n'est pas une propriété se découvre dans l'angoisse, et pour l'homme du souterrain, elle se découvre dans la rage impuissante de ne pas arriver à être quelque chose." Il souligne ensuite que le narrateur des Carnets fait ainsi apparaître "l'imposture qui est au fondement de la réussite de la plupart : beaucoup de gens réussissent à être ce qu'il sont (un médecin, un garçon de café,...), mais précisément c'est parce qu'ils ont étouffé la conscience."
Il note ensuite que l'adolescent, comme l'homme du sous-sol, est "à la fois atrocement isolé et habité par les autres : son isolement n'est jamais une véritable solitude, c'est une sorte de conversation hurlante avec un public qui ne le lâche pas." Recherche de reconnaissance, aliénation constante à l'opinion des autres. "L'amour-propre de l'homme social (qui se compare sans cesse aux autres) n'est jamais satisfait, parce que ce sentiment, en nous préférant aux autres, exige aussi que les autres nous préfèrent à eux, ce qui est impossible. Nous nous préférons aux autres. Et ce "nous" n'est rien, il n'est rien d'autre que cette préférence, puisque nous n'avons pas de positivité, et en même temps il est la volonté que les autres nous préfèrent, ce qui nous engage dans un conflit interminable. (...) Le personnage est méchant, non par férocité naturelle, mais par amour-propre, parce qu'il ne cesse de se comparer et en vient à commettre des actes abominables, inassumables, grotesques et dégoûtants."
On peut opposer "une littérature destinée simplement à alimenter notre usine à fantasmes et une littérature qui nous libère du fantasme et nous fait accéder à un certain type de connaissance : le kitsch, sentimental ou narcissique, d'un côté, et l'anti-kitsch de l'autre."
Lorsque le personnage s'incruste dans un repas et se met à l'écart dès le début : "Je voulais leur montrer que je pouvais me passer d'eux". Phrase révélant parfaitement "la bêtise de la bouderie : on se met à l'écart mais pour que notre absence se voie. Notre indifférence à l'autre est une modalité de notre asservissement à l'autre, que l'indépendance affichée, affectée, est en réalité une dépendance effective et même violente."
17 mai 2008 : JOIES DE L'ESCLAVAGE
L'inusable Finkielkraut consacre une émission à la traite négrière. On sent qu'il se contrôle autant qu'il peut pour ne pas aller jusqu'à affirmer que les esclavagistes européens étaient des philanthropes qui arrachaient de pauvres nègres à la cruauté de l'esclavage interne à l'Afrique, des sacrifices humains et autres terribles coutumes locales, les sortant de cet enfer pour les conduire vers le paradis des plantations de sucre et de coton.
Plus tard, son invitée Françoise Vergès, constate : "La traite est un système de prédation rentable. C'est une économie de prédation qui se répand à travers le monde, il y a des fortunes qui se font. Et cette économie de prédation très très forte, il faudrait de nouveau l'explorer car elle peut nous faire comprendre des choses sur notre monde contemporain, car il y a de grandes leçons dans cette histoire."
Réaction d'Alain Finkielkraut, soutien de Nicolas Sarkozy : "Ah bon ?"
27 juin 2009 : RECTIFICATIF
Il semble qu'Alain Finkielkraut n'ait jamais clairement soutenu Sarkozy, contrairement à ce qu'ont laissé entendre certains medias durant la campagne. C'est relativement rassurant quand on considère que c'est un homme qui continue à tenir des propos particulièrement sensés sur des sujets comme l'école, l'anti-racisme, l'euthanasie, etc. Cela dit, il y a (ou il y a eu) indéniablement chez lui une tentation (apparemment assez naïve) de croire à certains discours de Sarkozy (en totale contradiction avec l'évidente réalité du personnage).
22 juillet 2009 : ... RETORQUA L'INVITE
Mona Ozouf donne une interprétation assez intéressante du regain républicain de ces dernières années. Une partie de la gauche française a longtemps estimé qu'une évolution vers le socialisme (au sens plus ou moins fort du terme, en tous cas dans un sens n'ayant pas le moindre rapport avec Jack Lang) était l'avenir de la République, considérée comme une simple étape. "A partir de l'effondrement du communisme, il n'y a plus d'avenir socialiste pour la République, et par conséquent la situation s'inverse : c'est la République qui devient l'utopie du socialisme."
Cette bretonne, fille de Yann Sohier, dit des choses fort pertinentes. A Finkielkraut, qui, à l'intégration progressive des minorités et des diverses vagues d'immigration, oppose l'intégration difficile d'une partie de la jeunesse actuelle issue de l'immigration, elle répond simplement que l'un des facteurs majeurs de l'intégration a toujours été le travail et qu'il n'est sans doute pas besoin d'aller chercher des explications plus loin.
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Le même samedi matin, Jean-Noel Jeanneney justifie l'évolution du PS (militants et surtout dirigeants) vers les classes moyennes et classes moyennes supérieures, en disant qu'après tout cela reflète l'évolution de la société elle-même. Son invité, Alain Bergounioux, souligne que les ouvriers et employés représentent tout de même encore 60% de la population active (si on y ajoute les chômeurs, c'est peu dire que le PS est déconnecté de la réalité sociale).
21 septembre 2009 : MAUVAISE FOI !
Finkielkraut, débattant avec ses invités du droit des auteurs, est bien évidemment hostile aux téléchargements gratuits et favorable à la loi HADOPI. C'est d'ailleurs une position qui peut se défendre, mais peut-on la défendre sans rire avec un tel argument (je cite) :
"N'y a-t-il pas quelque chose de contradictoire à demander une régulation de l'économie pour sortir de la crise et à vouloir à toute force qu'Internet reste un espace soustrait à toute régulation ?"
Sur sa lancée, il s'interroge plus tard sur "une contradiction de notre temps qui se veut écologiste : dans le monde réel nous sommes invités à nous limiter, dans l'univers virtuel doit régner l'illimitation ! Dans un cas on célèbre le ménagement, dans l'autre on acclame la prédation."
17 octobre 2009 : UN POETE ?
Face au juge Renaud Van Ruymbeke, Finkielkraut a invité à débattre l'avocat Daniel Soulez Larivière, qui s'avère être un impayable (impayable ?...) sophiste. Son principal argument est que, même si la réforme actuelle n'est pas parfaite, il faut la faire et l'améliorer "en avançant". Cela rappelle fortement les défenseurs du Traité Constitutionnel, selon lesquels il serait toujours temps de rectifier les aspects dangereux après coup.
Plus tard, il affirme : "Si l'on avait un Parquet complètement indépendant du pouvoir politique, on serait le seul pays au monde (et alors ?), à part l'Italie, qui va bientôt changer de statut". "Grâce à M. Berlusconi", précise Van Ruymbeke. L'autre s'agace : "On s'en fout que ce soit Berlusconi ou un autre ! Le problème ce sont les faits ! Moi je regarde les choses, je me fiche de savoir qui le fait." Ca peut pourtant être intéressant de savoir qui fait les choses, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi elles sont faites ...
Passons sur la métaphore homérique ("Le juge d'instruction, c'est Pénélope : il fait le chasseur le jour et il fait le juge la nuit"), car le plus beau passage concerne l'affaire d'Outreau, que notre homme définit comme "l'histoire d'un oeuf qui est incapable de générer une antidote" (sic). Filant (?) sa métaphore délirante, il précise qu'un "antagonisme salvateur" ne pourrait être produit que par "des avocats qui ont autre chose que des bougies pour casser cet oeuf."
On dirait du Jean-Claude Van Damme. Je réécoutais justement ce matin une émission de 2007 consacrée à la langue française, avec Pierre Encrevé. A propos de la reprise d'expressions de Van Damme telles que "être aware", Finkielkraut s'insurgeait en disant qu'il était affligeant que les jeunes se réfèrent à un tel homme car "les films de Van Damme sont vraiment ce qu'il y a de plus con" (c'est fou comme les gens deviennent grossiers par moments). La culture cinématographique de Finkielkraut semble fort approximative : Van Damme n'a certes jamais tourné dans un chef-d'oeuvre, mais ce n'est pas pour autant ce qu'il y a "de plus con". Les films de Max Pécas ou bien encore Le Jour et la Nuit de BHL sont des films infiniment plus cons que la plupart des films de Van Damme. En outre, tout en étant quelque peu confus dans ses réflexions et dans leur formulation (mais guère plus que M. Soulez Larivière, finalement, or Finkielkraut ne dit pas pour autant à celui-ci qu'il est con), Jean-Claude Van Damme n'est certainement pas ce que la nature humaine a produit de plus con. Au beau milieu de n'importe quel rassemblement de l'UMP ou du PS, je ne suis pas certain qu'il remporterait la moindre palme en termes de connerie. Tout au plus celle de la sincérité naïve.
14 novembre 2009 : SOCIOLOGUES
Finkielkraut cite Renaud Camus (Du Sens) : "Il s'est formé parmi nous une caste que l'on pourrait appeler celle des amis du désastre. Sa fonction paraît être soit de nier purement et simplement les évolutions fâcheuses, soit d'expliquer, lorsque ce n'est pas possible, qu'elles sont loin d'être aussi fâcheuses qu'il n'y paraît ou qu'elles sont les prémices de grands bonheurs à venir. Les amis du désastre exercent leurs talents assez logiquement dans les domaines où le désastre semble le plus manifeste et s'expose avec une évidence qu'eux s'ingénient précisément à donner comme trompeuse, j'ai nommé l'éducation, la sécurité, le langage et le paysage. Il s'agit toujours d'établir, chiffres en main, statistiques à l'appui, que nous ne voyons pas ce que nous voyons, que nous n'entendons pas ce que nous entendons, que ce que nous croyons qui arrive n'arrive pas vraiment."
28 avril : UN SACRE DECONNEUR
Le 17 avril dernier, Finkielkraut invitait dans son émission Sami Naïr, professeur en sciences politiques, pour parler de l'immigration. Un type extrêmement intéressant et cohérent, tenant un discours pleinement républicain, sans aucun angélisme, mais sans jamais sombrer (comme son interlocutrice et comme son hôte) dans les généralisations faciles et les propos proches du dérapage. A un moment, exposant une de ses théories et voyant que l'autre l'avait suivi jusque là mais commençait à ne plus être d'accord, Finkielkraut a coupé court à sa tirade avec une belle auto-dérision : "Non, là je déconne, c'est ça ?" (c'est en tous cas ce que j'ai entendu).
Mais il a beaucoup plus nettement déconné samedi dernier dans son émission sur Philippe Muray; Il faut dire qu'il n'avait face à lui que Fabrice Luchini, qui ne risquait guère de lui signifier ses dérapages réacs. Alors qu'il y aurait tant à dire sur Muray, Finkielkraut perd un temps fou à dénoncer les "amuseurs" sans talent d'aujourd'hui (comprenez notamment : Stéphane Guillon) qui ne savent faire rire qu'en se moquant de la taille et des mouvements d'épaules du Président de la République. Luchini approuve, parle d'humoristes "salariés", qui ne tiennent même pas la comparaison face à l'humour d'un Philippe Muray. C'est d'ailleurs vrai : Muray était à la fois un penseur et un styliste. Mais il est absurde de lui comparer quelqu'un qui fait des chroniques quasi-quotidiennes sur l'actualité. On ne parle pas de la même chose ! Quant à Stéphane Guillon (qui est souvent drôle dans son registre), on peut lui trouver des défauts, mais je ne crois pas l'avoir jamais entendu parler de Sarkozy uniquement pour se moquer de son physique (et il ne rirait sans doute pas des ridicules physiques d'un président compétent, humble et humaniste), mais toujours dans le cadre d'une satire de son action "politique". Finkielkraut, qui semble voir là un phénomène très récent, ferait mieux de se replonger, pour comparaison, dans les archives du Bêbête-Show de Roucas et Collaro.
5 juin 2010 : LES FRANCAIS SONT COMME CECI, LES ETRANGERS PAS
CATHOLIQUES SONT COMME CELA
Invité de Finkielkraut pour son Dictionnaire amoureux de la France, Denis Tillinac enfile les clichés comme des perles sur ce qui constitue l'identité française, soulignant qu'elle est particulièrement ambivalente et riche en paradoxes : les Français sont à la fois (ou tantôt) ceci et à la fois (ou tantôt) cela.
Bien vu. Alors que les Argentins ou les Congolais sont tous pareils (surtout les Congolais, je pense).
Parmi ces contradictions, l'attachement à l'Etat et l'esprit frondeur qui ne cesse de brocarder les puissants, "et tant mieux" ajoute-t-il, ce qui amène cette question visiblement attristée de Finkielkraut : "Et tant mieux, vous diriez ? ah bon ? tant mieux ?" L'autre persiste et lui explique que ça a toujours existé, mais Finkielkraut reste visiblement dubitatif, on sent qu'il trouve que se moquer de Mazarin, passons, mais que la façon dont on se moque aujourd'hui sans cesse "du président de la République" (Finkielkraut prononce rarement les patronymes qui fâchent) est tout de même excessive, vulgaire, basse, abjecte, ignoble, infecte, etc.
Dans la même émission, Finkielkraut a une fois de plus relancé la question qui l'obsède et qu'il reprend ad nauseam : "certes, toutes les vagues migratoires ont mis un certain temps à s'assimiler, mais n'avons-nous pas à faire ici à des gens que leur culture trop différente de la nôtre rend inassimilables ?"
Très vite et sans rentrer dans l'analyse des véritables causes (économiques, sociologiques, politiques, éducatives, médiatiques,...) des problèmes posés aujourd'hui pas une partie de la population "issue de l'immigration", je me contenterai de rappeler quelques faits :
- ces problèmes ne se sont absolument pas posés avec la première génération d'immigrés issus des pays de culture musulmane, qui pourtant auraient logiquement dû être beaucoup plus "inassimilables" que leurs enfants nés et scolarisés en France !
- lesdits enfants ou petits-enfants sont certainement beaucoup plus occidentalisés que M. Finkielkraut ou moi-même lorsqu'il s'agit de séries américaines ou de marques de godillots de compétition ou autres accoutrements sportifs à logos. Leur dérive vers le salafisme, le voile et autres grotesqueries archaïsantes, sont le fait d'une crise d'identité (dont les diverses causes ont été survolées un peu plus haut) et non d'un indécrottabe enracinement ethnique) : ils deviennent "musulmans" quasiment comme d'autres deviennent "gothiques", pour s'affirmer, en réaction à quelque chose et non par tradition familiale, sans rien comprendre à rien.
- n'importe qui (en tous cas n'importe quel intellectuel du niveau d'un Finkielkraut) a déjà rencontré des universitaires, des médecins, des avocats,... issus d'absolument toutes les cultures de la planète et a ainsi pu constater qu'il se sent plus proche d'un maori cultivé que d'un électeur FN de souche.
On pourrait ajouter bien d'autres évidences. N'importe quel abruti (ce que je suis peut-être, mais que n'est certes pas, à la base, Alain Finkielkraut) un peu informé peut en tirer les conclusions qui s'imposent quant à la fameuse "inassimilibilalibilité' (quel mot à la con !).
Les ethnies n'existent pas, hormis en tant que constructions historiques. Les conflits ethniques n'ont absolument aucun sens et ne sont en général que les prétextes d'agressions politico-économiques. Il n'y a de conflits ethniques que parce que des connards s'accrochent à de telles distinctions, parce qu'ils y trouvent motif à agresser autrui et parce qu'ils trouvent en face d'eux d'autres connards qui daignent rentrer dans leur logique. Si l'on refusait systématiquement l'ethnicisation des débats et des conflits, si l'on se contentait de n'y voir que des conflits d'ordres divers entre différents individus et groupes humains, tout cela retomberait très vite. Mais cela supposerait de regarder enfin les problèmes en face, voire d'être obligés de les résoudre intelligemment : quelle horreur !
11 juillet 2010 : IT'S A WONDERFUL WOERTH (FINKIELKRAUT REMIX)
Après avoir consacré son émission d'hier à la Turquie (à l'inquiétante Turquie ! Brrrrrrrr !), Finkielkraut annonce que la prochaine sera consacrée au Mondial (de football, je suppose, à moins qu'il ne s'agisse de Mondial Moquette). C'est ce qui s'appelle coller à l'actualité la plus brûlante. Les collisions entre des ballons et des milliardaires caractériels sont évidemment plus intéressantes que les collusions entre des hommes politiques et des milliardaires défiscalisées.
3 octobre 2010 : LE GRAND RETOUR DU RACISME
Samedi dernier, Finkielkraut invitait Pierre Manent. Après quelques considérations sensées, quoiqu'un peu fades, sur la modernité, les deux gaillards se mirent en fin d'émission à critiquer une Europe "politiquement correcte" qui, au nom de la croyance en l'Humanité, refuse de voir le "choc des civilisations" (Finkielkraut écrase une larmichette en passant pour le pauvre Huntington qui a été si mal reçu quand il a osé proposer cette formule), pourtant évident depuis le 11 septembre 2001, Europe qui se prépare des lendemains douloureux, parce que, tandis qu'elle rêve de communiquer ses vertus au reste du monde par la seule force de l'exemple, d'autres cultures (lesquelles ? devinez !) sont prêtes à utiliser la force.
Nos deux lurons ne semblent pas se rendre compte que le fait de qualifier de "politiquement correcte" la croyance en une Humanité et en l'universalité de ses vertus revient à dire qu'il n'y a pas d'Humanité universelle. Le terme de "race" n'est pas prononcé, et on ose croire qu'il n'est même pas "pensé", mais c'est bien au grand retour du racisme (dont ces deux zozos ne sont que la pointe émergée et courtoise) que nous assistons, racisme qu'on aurait pu croire en voie d'extinction dans les années 80, mais qui a repris du poil de la bête immonde, en France comme ailleurs, à grands coups de replis identitaires, de néo-fascisme décomplexé, mais aussi d'antiracisme inintelligent : on ne combat pas une forme de bêtise par une autre ! mais revenons à nos moutons ...
Il serait évidemment bien naïf de nier l'existence de dangers pour les valeurs humanistes de l'Europe. Mais ce ne sont pas des civilisations qui sont en jeu : les terroristes intégristes sont de très sinistres connards, mais ils ne sont pas le monde musulman tout entier (lequel contient également des tas de gens - hélas de moins en moins nombreux, semble-t-il - plus attachés aux valeurs humanistes que bien des électeurs du Front National ou de l'UMP). On pourrait en dire autant de la Chine, qui n'est pas peuplée que d'ordures cyniques (et capitalistes, oublie de préciser Finkielkraut). L'état des mentalités, des opinions publiques, dans tel ou tel pays, est le résultat d'un contexte. Fondamentalement, à la naissance, un être humain est un être humain : il n'est pas plus pervers, plus féroce ou plus fanatique à la naissance s'il naît ici ou là. Il est navrant d'avoir à rappeler de telles évidences en 2010 et à des gens qui ne sont a priori pas des imbéciles.
16 octobre 2010 : POPULISME
Finkielkraut atteint ce matin des sommets de mauvaise foi et de sophistique nauséabonde. Cela dit, seul le degré étonnant de sa malhonnêteté intellectuelle est ici surprenant : on se doutait tout de même un peu qu'en intitulant son émission "Y a-t-il une menace populiste ?", il n'allait pas évoquer le Roi des Populistes, pour l'instant toujours assis sur son trône, mais ceux qui se permettent de contester Populiste Ier, sa vie, son oeuvre, son bouclier fiscal, etc. Même ses invités, Jacques Julliard et Dominique Reynié, qui ne sont pas franchement de virulents gauchistes mais qui, eux, ont sans doute encore une réputation de sérieux à préserver, se sentent régulièrement obligés de faire bonne mesure en évoquant le populisme présidentiel et pas seulement celui de Mélenchon (*), visiblement l'incarnation ultime du populisme selon Finkielkraut, qui a dû oublier ses lunettes à l'Elysée.
L'un des invités, Dominique Reynié, finit toutefois, sans doute gagné par ce climat d'allègre déconnade sans scrupules, par se laisser aller à ses plus bas instincts manipulatoires. Il fait mine d'observer avec surprise que le mouvement d'opposition à la réforme des retraites réunit les "grandes victimes" de cette réforme et ses "grands bénéficiaires" : "ensemble, côte à côte, au nom de la Justice, je n'y crois pas." Les "grands bénéficiaires" de la réforme, selon lui ("je m'excuse de le dire ainsi", précise-t-il, sans doute dans un ultime et infime sursaut moral), ce sont (évidemment ?) "ceux qui sont épargnés : les agents de la RATP, de la SNCF,..." Il fallait oser ! Appeler "grands bénéficiaires" de la réforme ceux qui ont simplement la chance d'être moins frappés que d'autres par cette réforme, et qui néanmoins s'impliquent dans le mouvement par solidarité, parce qu'ils savent très bien que les salariés du privé peuvent difficilement se permettre une grève longue, donc efficace. Et ça, ça l'agace, M. Reynié : il estime qu'il faut distinguer, qu'il faut ... diviser ("les grands bénéficiaires" contre les "grandes victimes") : ben oui, c'est ce qu'on appelle diviser pour mieux Reynié, voilà. Dans la foulée, M. Reynié nous expliquera peut-être un jour que les grands bénéficiaires de la Grande Guerre, ce sont ceux qui n'y sont pas morts : les amputés, les gueules cassés, de vrais petits veinards ceux-là ! des "grands bénéficiaires" à faire pâlir d'envie un marchand de canons !
Et puis, accuser les moins frappés d'être "les grands bénéficiaires", ça permet surtout de ne pas se poser la question gênante (qui sont VRAIMENT les grands bénéficiaires de cette réforme ?) et de ne pas impliquer maladroitement dans un débat sérieux des gens qui ne tiennent pas à voir leur nom y figurer (Guillaume Sarkozy, par exemple ?).
Et puis Finkielkraut en remet une couche en constatant que les lycéens qui manifestent disent "les vieux doivent s'en aller car ils prennent notre place sur le marché du travail", ce qui, selon Finkielkraut, "ne témoigne pas d'un vrai sentiment de solidarité : le mot d'ordre, c'est dégagez !". Pouvoir dégager s'ils le souhaitent à un âge raisonnable, c'est justement ce qu'ils demandent, les "vieux", mais Finkielkraut fait tout de même semblant (on l'espère pour lui) de voir une contradiction dans des revendications qui sont parfaitement complémentaires. Il critique ceux qui appellent "une jeunesse sous-informée (**) à manifester au nom d'une exigence de justice tout à fait nébuleuse".
Je crois que je vais vomir.
(*) : cette fixation d'un Finkielkraut sur Mélenchon m'incite plus que jamais à souhaiter que lui et son Parti de Gauche aient le plus tôt possible leur chance de montrer ce qu'ils valent. Visiblement, les larbins du libéralisme craignent nettement plus Mélenchon que DSK ... Voir aussi, sur Rue89, cet échange assez vif entre Xavier Mathieu et Alain Minc : tout mérite d'y être entendu et illustre bien à quelle ordure sophistique nous avons affaire ici, mais je retiendrai ici la réaction de Minc lorsque Mathieu parle de l'attitude exemplaire de Mélenchon : "C'est parce qu'il a fait son numéro de démagogue, mais si Mélenchon était ministre de l'Intérieur, je ne suis pas sûr que vous le trouveriez plus sympathique que Brice Hortefeux."
(**) : "sous-informé" signifie sans doute qu'ils n'ont même pas entendu l'affirmation péremptoire selon laquelle cette réforme est "inévitable", malgré le ressassement dont fait l'objet ce dogme dans l'immense majorité des médias. L'autre jour, sur France 5, je ne sais quel journaliste crétin (ou sous-informé ?) opposait à Marc Blondel : "Mais vous savez bien qu'on n'a pas le choix, qu'elle est inévitable, cette réforme !"
18 octobre : L'ILE AUX ENFANTS
C'est dans un univers de ce genre que semble vivre désormais un "philosophe" comme Alain Finkielkraut, pour qui la criminalité économique, financière ou politique n'existent pas (à l'évocation des scandales Tapie et Woerth-Bettencourt, il répondait dans sa dernière émission : "Mais Mme Bettencourt, ce n'est pas pareil : elle a toujours été riche." Vraiment ? Et comment s'est construite une pareille fortune ? Et cela autorise-t-il en outre à s'acheter un président de la République à sa convenance ?). Plus exactement, l'Ile aux Enfants qui ravit Finky, c'est le monde des élites, des monstres gentils et propres sur eux, le monde du gentil Sarkasimir et de son gloubiboulguesque cousin Bricepolyte, de Carla la gentille marchande de gâteries, qui héberge en son kiosque Léonard la fouine traqueuse de clandestins, c'est le monde de François F. le gentil marchand de jolis ballons pleins d'air et du wonderful facteur Eric qui distribue à tous les enveloppes de la gentille Madame Liliane. Mais c'est un paradis hélas menacé, car tout autour ce n'est plus du tout le pays des rires et des chants : jeunes de banlieue "incivils", journalistes qui remuent la merde chez L'Oréal et autres gauchistes qui n'ont rien compris aux vérités modernes et qui râlent tout le temps, anti-américanistes primaires, intermittents du spectacle parasites, prolos qui regimbent à travailler toujours plus pour gagner toujours moins, et surtout, un peu plus lointains mais de plus en plus menaçants, les musulmans, qui sont évidemment tous des talibans.
4 décembre 2010 : ENFIN(KIELKRAUT) !
Après avoir largement évité d'aborder le sujet, Finkielkraut nous annonce pour le 11 décembre une émission sur "le moment Sarkozy". On n'en espère évidemment plus grand chose, mais il sera au moins intéressant d'entendre ce qu'il inventera encore pour défendre une aussi mauvaise cause.
Mais déjà dans l'excellente émission de ce samedi consacrée à la lecture, Michel Crépu et Charles Dantzig ne se privent pas de brocarder l'inculture fièrement assumée de Sarkozy, et Finkielkraut lui-même évoque celle de Nadine Morano.
On peut également y entendre cette anecdote : Roger Martin du Gard et Julien Benda vont visiter la cathédrale de Chartres dans une voiture fournie par Gallimard ; Benda lit un livre pendant le trajet et, lorsque Roger Martin du Gard lui dit "On est arrivés, viens, on va visiter la cathédrale", répond, le nez dans son livre : "Vas y ! j'imaginerai."
11 décembre 2010 : ENFIN(KIELKRAUT) ?
Ouf ! Fausse alerte ! L'émission sur Sarkozy n'avait en réalité d'autre but que de nous faire entendre un gus, paraît-il "de gauche", que Finkielkraut a dégoté je ne sais où et qui a écrit un bouquin pour condamner la "haine" dont Sarkozy est victime (en particulier les attaques du FN concernant ses origines, mais il s'empresse bien entendu, et Finkielkraut avec lui, de mettre dans le même sac la haine venue de la gauche, et surtout de l'extrême-gauche). Heureusement, un second invité, François Bonnet, de Mediapart, tente de faire valoir l'idée que, même si des attaques xénophobes sont évidemment méprisables, cela ne doit pas nous empêcher de considérer ce que sont Sarkozy et le sarkozysme, ce à quoi l'autre répond que, face à la haine, il n'a aucune envie de se demander si elle est méritée ou non. C'est bien dommage car, mutatis mutandi, voilà donc un brave homme qui, face à la haine suscitée par les méfaits d'un Hitler ou d'un Staline (objets de haine chez bien des gens : faut-il s'en plaindre ?), ne serait donc soucieux que de condamner cette haine. J'ignore de quelle gauche sort cet ahuri, mais si, comme il le dit, il a écrit ce livre pour condamner la haine anti-sarkozyste sans pour autant défendre le sarkozysme (qu'il prend bien soin, comme le souligne François Bonnet, de ne jamais définir, ni décrire), j'ai peine à croire qu'il puisse honnêtement ne pas se rendre compte que c'est pourtant à une absolution du sarkozysme par voie de prestidigitation que conduit son "travail", en détournant l'attention des actes d'une crapule vers les réactions haineuses qu'elle ou elles (la crapule et/ou ses actes) suscitent.
En ce qui concerne Finkielkraut, sur le sujet en question, son cas semble définitivement désespéré. Je lui avais rendu ici le bénéfice du doute après l'avoir entendu déclarer qu'il n'avait officiellement soutenu personne en 2007, mais son soutien actuel est incontestable, et d'autant plus navrant qu'il a eu trois ans pour comprendre qui se cachait derrière les beaux discours qui l'avaient enthousiasmé à l'époque. Mais cessons de prendre Finkielkraut pour un naïf absolu. Il arrive un moment où la naïveté ne suffit plus pour expliquer pareil aveuglement.
8 janvier 2011 : FABLES
L'émission Répliques du jour est consacrée aux Fables de La Fontaine.
Selon que vous serez arabe ou sarkozyste, les jugements de Finkielkraut, etc.
L'invité du jour est Lucchini. Visiblement, c'est son nouveau pote (d'ailleurs Lucchini le tutoie, l'autre doit adorer ça ...). Cela démarre étonnament bien, avec L'Homme et la Couleuvre, puis l'évocation des Obsèques de la Lionne et des Animaux malades de la peste, justement. Et Finkielkraut de plaindre "le faible", le baudet sur qui tout retombe ! On croit assister à un réveil intellectuel et moral, lorsque ("mais attendons la fin") la suite vient nous rassurer :
"Je pense que les fables de La Fontaine restent pertinentes, mais à condition de ne pas se tromper de roi, de savoir que ce n'est plus le pouvoir politique qui anime "l'esprit aux mille corps" (...) "les jugements de cour vous rendront blanc ou noir", mais qui est la cour ? "Haro sur le baudet", cela continue aujourd'hui, mais le baudet n'est pas toujours celui qu'on pense."
Evidemment, la méchante cour, aujourd'hui, c'est Médiapart, Stéphane Guillon et toute la racaille sarkophobe de ce pays.
Peut-on ainsi sans rire comparer les vastes scandales sarkozystes à la "peccadille" de l'âne ?
Tordre La Fontaine pour le plier à sa propre idéologie ne serait qu'un exercice risible si les véritables victimes du système actuel (certes plus économique que politique, mais n'être "que" complice, ce n'est pas exactement être victime) ne se trouvaient à ce point niées et méprisées (comme toujours dans le discours de ce monsieur).
12 février 2011 : RENIEZ-VOUS !
Répliques avec Stéphane Hessel. Finkielkraut et François Zimeray s'y mettent à deux pour faire leurs remontrances à un nonagénaire et l'amener, par politesse, à nuancer autant qu'il est possible son petit livre dont le succès les glace. Le moment le plus émétique est certainement celui où Finkielkraut, contestant l'opposition manichéenne entre le peuple et le pouvoir (ce qui n'est pas absurde en soi : un "peuple" n'est pas constitué de gentils bonshommes moralement parfaits, mais enfin la rengaine du gentil Sarko plein de bonnes intentions et victime de l'incompréhension et du ressentiment de la populace, c'est risible dès la première écoute et ça devient pénible à la longue), se pose cette question : "Qu'est-ce qui nous prouve qu'il n'y a pas des peuples qui souhaitent l'instauration de la charia ?" Rien, en effet. Ce grand philosophe oublie simplement de ne pas se limiter à la constatation des conséquences et de se demander dans quelles conditions un peuple en arrive à souhaiter de telles conneries, dans quelle situation économique, sociale, politique (créée et entretenue par qui ?), sous l'influence de quelles manipulations. Pour croire qu'un peuple pourrait (par nature ?), dans des conditions de vie et d'éducation décentes, souhaiter de telles choses, il faut vraiment n'avoir (plus) rien dans le crâne.
"Le sommeil de la raison engendre des monstres", disait Goya. C'est vrai pour les peuples qui rêvent d'instaurer la charia, et c'est vrai pour Finkielkraut. Réveille-toi, feignasse !
5 mars 2011 : UN SAMEDI MATIN SUR FRANCE CULTURE
Le philosophe slovène Slavoj Zizek, invité ce samedi par Finkielkraut, est particulièrement intéressant. L'autre, en revanche, semble acharné à battre son propre record de mauvaise foi. A Zizek qui, tout en considérant que le stalinisme était évidemment une horreur, explique pourquoi il le juge un peu moins épouvantable que le nazisme, Finkielkraut répond : "Mais à quoi bon établir une hiérarchie ? A quoi nous sert-elle aujourd'hui ?" (réponse possible : à emmerder les "philosophes"-Finkielkraut qui préfèrent qu'on mette tout dans le même sac) et va même jusqu'à estimer que c'est le nazisme qui est le moins dangeureux (!!!) parce que nous ne risquons plus de le voir revenir (ah bon ?), tandis que le communisme est toujours menaçant (brrrr ! le couteau entre les dents et tout ! on en tremble déjà !).
Nous avons également eu droit une nouvelle fois à son grand argument inspiré d'Hans Jonas : le danger écologique est tel qu'il n'est plus temps de vouloir changer le monde, mais de songer à le préserver. Simple jeu sur les mots, bien entendu. Il s'agit moins de préserver "le monde" que de maintenir coûte que coûte le système libéral, lequel se trouve justement être un des principaux responsables du désastre écologique, mais ça il ne faut pas le dire ... Bref, "l'état actuel des choses détruit la planète, mais pour préserver la planète il faut préserver l'état actuel des choses" ...
Il est question à un moment des révolutions dans le monde arabe. Zizek considère que l'antisémistisme dans les pays arabes est avant tout une idéologie utilisée par les pouvoirs dictatoriaux pour détourner la colère des peuples (et d'autre part, pourrait-on ajouter, par l'islamisme, lui aussi soucieux de détourner les esprits des vrais problèmes) et il observe que cet antisémitisme est en revanche absent du discours des révolutions actuelles. Finkielkraut admet le fait : "En effet, cette propagande n'est pas utilisée cette fois-ci par les manifestants, mais par les régimes en place quand ils sont aux abois." On applaudirait à cet éclair de lucidité s'il ne s'y trouvait cet étrange "cette fois-ci". Décidément, le (prin)temps (arabe) ne fait rien à l'affaire ...
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Et puis ensuite, le bol d'air de Concordance des Temps, où Jeanneney parle aujourd'hui de Clémenceau avec Michel Winock. Pas un mot sur les brigades de Valentin et Pujol (le pauvre Jean-Claude Bouillon semble aujourd'hui bien oublié), mais cette citation du Tigre sur le libéralisme : "Quest-ce que votre laisser faire, votre loi de l'offre et de la demande, sinon l'expression pure et simple de la force ? Le droit prime la force : voilà le principe de la civilisation. Dès que nous avons constaté votre loi, à l'oeuvre contre la barbarie !"