The X-Files


RETOUR AUX X-FILES - 2008

En revoyant quelques années plus tard la série, et avec le recul produit par le fait d'avoir cessé d'attendre une fin satisfaisante, il me semble de plus en plus évident que, même si la série a ses qualités, tout ne repose finalement pour l'essentiel (comme dans Lost) que sur l'aptitude des scénaristes à nous frustrer et à étirer leurs idées au maximum : on saupoudre, on fournit quelques éléments (sans grand souci de cohérence d'ailleurs), puis on efface tout jusqu'à la prochaine illusion. Comme c'est plutôt bien fait et que la série explore en général des thèmes fascinants, cela procure quelques frissons, quelques plaisirs ; d'ailleurs même la frustration ainsi entretenue contribue d'une certaine manière au plaisir du spectateur. Mais au bout du compte, tout cela est assez vain. Comme pour Lost, le piège est agréable, certes. Mais vain.

Pour le dire autrement, il s'agit d'un plaisir réel, mais d'un plaisir manipulé et comparable à celui que procure une drogue, une addiction. Sans nocivité sérieuse dans ce cas, certes, mais il s'agit bien ici de rendre le spectateur accro à une chose qui au bout du compte ne lui apportera pas grand chose.

Il n'en reste vraiment que les épisodes parodiques, qui ont leur propre raison d'être par rapport à la recette habituelle et qui, pour cela, sont les seuls à ne pas nous prendre pour des pigeons. Dans la saison 2, un épisode comme Faux Frère Siamois (Humbug) est une véritable merveille d'humour, de scénario, de dialogues, d'interprétation. On y sent le souci de ciseler cet épisode pour lui-même et non le souci de prolonger au maximum un filon commercial. De même plus tard que d'autres bijoux comme Le Seigneur du Magma ou Le Shériff a les dents longues.

***

Le double épisode Toute la Vérité (saison 6), quoique bien construit et palpitant, illustre bien ce que je disais. Il fournit quelques explications à grands traits, mais ces explications, même "éclairées" par les épisodes qui suivront, n'expliquent pas grand chose dès qu'on tente de relier les fils. Par exemple : pourquoi les rebelles extra-terrestres tuent-ils tout le monde au début, sauf Cassandra Spender ? Le Syndicat lui-même, on l'apprend peu après, avait l'intention de la tuer, afin de retarder encore la colonisation. Les rebelles veulent, nous dit-on, faire capoter le projet en faisant éclater la vérité. Mais le temps que l'humanité, Mulder compris, comprenne ce qui se passe, cela laisse surtout la possibilité aux colonisateurs de savoir que Cassandra est prête et donc de hâter la colonisation : quel intérêt pour les rebelles, dans ce cas ? D'ailleurs qu'attendent-ils de l'humanité, ceux-là ? Point à jamais sans réponse ... On se demandera au passage comment les gens du Syndicat contactent les colonisateurs : ils leur ont laissé un numéro de portable ? Bref, les failles ne manquent pas dans cette pseudo-vérité. Et la Vérité, comme toujours, est ailleurs, cet exemple le montre bien. Au fond, pourquoi les rebelles ne tuent-ils pas Cassandra Spender ? Parce que les scénaristes ont évidemment jugé qu'il était plus intéressant de la conserver que de la faire réapparaître pour la tuer au bout d'une minute.

***

Tout ce fatras pourrait éventuellement prendre un sens symbolique, devenir une réflexion sur la culpabilité, sur une génération (Bill Mulder, l'Homme à la Cigarette, etc.) qui fait le choix de la collaboration avec une force d'invasion et sur la génération suivante (Mulder) qui cherche à tort ou à raison à percer les secrets de ce passé,... Cela collerait même assez bien si la série était française. Mais ce n'est pas le cas, et d'ailleurs une telle lecture, outre qu'elle ne nous apprendrait rien de plus sur la collaboration, ne ferait que rendre la série moins intéressante.

Restons en donc aux petits hommes verts et aux méchants fumeurs conspirateurs, en acceptant que les morceaux du pseudo-puzzle ne s'assemblent jamais de manière satisfaisante et en savourant tout particulièrement des épisodes comme ceux dont regorge la sixième saison (Zone 51, Triangle, et bien d'autres ...) On peut en outre se demander si cette série, volontairement ou non, n'est pas (comme beaucoup d'autres, et cela n'a rien de bien surprenant) symptomatique du retour idéologique de la droite : thématique familiale, responsabilité, culpabilité, interrogation sur les limites de la raison d'Etat,...


SAISON 11 - 2018

On y trouve surtout un excellent épisode humoristique (L'Effet Reggie) et un autre, très original, drôle aussi parfois mais grinçant et assez terrifiant, sur notre monde omni-connecté, intitulé Rm9sbG93ZXJz, sans doute un des meilleurs épisodes de la série, digne d'un film de cinéma (bien plus que les prétendus X-Files : le film !)

Un autre, Rien n'est éternel, serait assez intéressant pour son approche du vieillissement de Mulder et Scully et pour quelques scènes saugrenues, mais ses aspects gore le rendent assez pénible. Quant aux épisodes sur la Conspiration, toujours la même tendance à tourner à vide, à n'apporter que des réponses fausses ou partielles pour entretenir coûte que coûte la machine.


THE LONE GUNMEN

La série dérivée The Lone Gunmen est très en-dessous des X-Files, et très en-dessous de ce que pouvaient laisser attendre les deux excellents épisodes centrés sur ces personnages, Unusuals Suspects (saison 5, avec la participation de Richard Belzer dans son rôle de l'inspecteur Munch, sarcastique à souhait : "A l'heure qu'il est, l'agent Mulder a à peu près autant de suite dans les idées qu'un macaque.", "Un conseil : avec du papier aluminium, vous pouvez vous faire un beau chapeau, et en plus ça empêche les ondes du gouvernement de vous contrôler.") et Brelan d'as (saison 6), avec Scully en femme fatale séduisant Morris Fletcher, le personnage du drôlissime double épisode Dreamland (Zone 51, saison 6 également), mais ceci nous entraîne trop loin ...

Après un pilote pas mal fait, ayant de plus valeur de curiosité historique (quelques mois avant septembre 2001, il anticipait quasiment l'attaque aérienne des Twin Towers), les premiers épisodes sont assez médiocres, plombés par un humour souvent lourdingue et par les bons sentiments (on ne dénonce d'hypothétiques complots que pour mieux défendre l'american way of life). Cela s'améliore tout de même pour se laisser regarder, avec même quelques épisodes plutôt réussis, comme Madam, I'm Adam ou Planet of the Frohikes, ainsi que ceux qui font intervenir des personnages connus tels que Walter Skinner et surtout l'inusable blaireau susmentionné, Morris Fletcher.


ANAGRAMME (fin de la saison 3)

L'Homme à la cigarette face à Roy Thinnes :

- De quel droit leur donnez-vous de l'espoir ?

- Qu'est-ce que vous leur donnez, vous ?

- Nous leur donnons du bonheur. Et ils nous donnent de l'autorité.

- L'autorité de leur enlever toute liberté sous couvert de démocratie ?

- Les hommes ne seront jamais libres. Parce qu'ils sont faibles, corrompus, indignes, et agités.

Et plus loin : "Ce que les hommes craignent plus que tout, c'est d'être libres. Nous apaisons leur conscience. Quiconque sait apaiser la conscience d'un homme peut lui prendre sa liberté."

Ces confrontations philosophiques quelque peu sommaires et fumeuses (je parle de la forme et non du fond), qui ont quelque chose de shakespearien, sont étonnantes, frappantes, fascinantes, d'autant plus décalées par rapport aux autres scènes que ces dialogues particulièrement vagues ne se rattachent pas du tout à une quelconque intrigue précise, à aucune situation concrète : aucune référence autre que très floue à la réalité du fameux "projet" et au rôle de chacun (le rôle exact du personnage incarné par Roy Thinnes restant passablement imprécis, y compris sans doute pour les scénaristes eux-mêmes). Juste ce duel abstrait d'interrogations ironiques (agrémentées de métamorphoses histrionesques dignes de l'Enchanteur Tim dans Sacré Graal) et d'aphorismes cyniques, un dialogue en apesanteur, hors de tout contexte perceptible. On est à la limite du ridicule, dans ce qui parvient pourtant, finalement, à se ranger parmi les scènes les plus réussies de toute la série.


KRYCEK

Le personnage est unanimement détesté et pourtant, au total, dans la plupart des épisodes où il apparaît, il se fait copieusement rosser. Nicholas Lea précise d'ailleurs dans une interview qu'il a adoré tenir ce rôle très physique et qu'il sortait souvent d'un tournage couvert de plaies et d'ecchymoses.


REDUX II (La Voie de la Vérité - Saison 5)

Je trouve assez déplaisante la tendance qu'ont certains personnages à accuser Mulder et à le faire culpabiliser à tout bout de champ. Dans la saison 2, c'est son père qui s'y colle, lui reprochant durement d'avoir laissé sa soeur se perdre une nouvelle fois pour tenter de sauver Scully (attitude d'autant plus contestable que le père Mulder, on l'apprendra plus tard, est largement mêlé à la disparition initiale de sa fille).

Mais dans cet épisode de la 5° saison apparaît le vrai spécialiste de ce genre de comportement (voix doucereuse et insinuante, du moins dans la version française) en la personne du frère de Scully, d'ailleurs lui aussi prénommé Bill. Ce moralisme familial a sans doute à voir avec des obsessions personnelles de Chris Carter (j'entendais il y a peu un "spécialiste" des séries assurer que la famille était le véritable thème des X-Files, bien plus que la politique ou les extra-terrestres) : pour ma part, il me déplaît largement autant que les tendances au mysticisme qui s'imposent dans certains épisodes.

Pourtant, la première grande tirade de Bill Scully contre Mulder, dans le couloir de l'hôpital, donne lieu à un gag mémorable. Elle se conclut sur ces mots :

- Vous êtes un salaud pitoyable (a sorry son of a bitch), Monsieur Mulder ! Y a rien de plus à dire !

Exit Bill Scully. Le portable de Mulder sonne juste à ce moment et il répond :

- Allô, ici le salaud pitoyable !

Apparaît alors à l'écran, à l'autre bout du "fil", le sinistre Homme à la Cigarette qui appelle pour proposer un marché. On peut supposer qu'il est interloqué par ce préambule, même s'il n'en laisse rien voir et si la réalisation ne s'attarde pas davantage sur cette incongruité.

PS : Dans la saison 6, épisode 1, Gibson prend le relais de Bill Scully dans le registre culpabilisant. Et comme il est télépathe, ça fait mal. Finalement, le sentiment de culpabilité est sans doute le thème central de cette série.


CHINGA (La Poupée - Saison 5)

Une des histoires les moins intéressantes, avec le recyclage de ce qu'il peut y avoir de moins intéressant chez Stephen King (scénariste de l'épisode), mais cela mérite d'être revu au moins en diagonales pour les scènes au téléphone entre Mulder et Scully, sorte de négatif de ce qu'on trouvait dans l'excellente Guerre des Coprophages, avec cette fois un Mulder désoeuvré qui tantôt regarde un porno, tantôt lance au plafond des dizaines de crayons bien taillés.


THE RED AND THE BLACK (Patient X, 2° partie - Saison 5)

Dans la version française, lorsque Krycek attaque Mulder, le coince au sol et lui dit :

- Tu perds la main, Mulder. Je pourrais te descendre.

Mulder répond :

- Je ne descendrais jamais aussi bas que toi.

Puis ajoute :

- Si ce sont mes derniers mots, je peux faire mieux.

La plaisanterie est plus drôle dans la VO :

- You're losing it, Mulder. I could beat you with one hand.

- Isn't that how you like to beat yourself ?


ALL SOULS (Saison 5)

Mulder : La religion s'est abritée derrière le paranormal depuis l'aube des temps pour justifier certaines des pires exactions de l'Histoire.

Scully : Comme on dit, les voies du Seigneur sont impénétrables : Dieu doit avoir ses raisons.

Mulder : Ouiii, il a sûrement de bonnes raisons ... mais c'est fou le nombre de psychopathes auxquels il délègue ses pouvoirs.


LES AMANTS MAUDITS (Saison 6)

Mulder s'offusquant d'entendre qualifier sa quête de la Vérité d'illusions para-masturbatoires, le fantôme, qui vient de dresser son portrait à charge, lui réplique : "La plupart des gens préféreraient mettre les deux doigts dans une prise de courant plutôt que de passer deux minutes avec vous."


JE SOUHAITE (Saison 7)

Encore un épisode hilarant, en particulier la découverte impromptue par un cycliste du corps de l'homme invisible.


Saison 8 et 9

La nouvelle formule, plus ou moins sans Mulder, ne permet évidemment plus guère les folies auto-parodiques des saisons précédentes et celles-ci reviennent à une atmosphère plus sombre, avec souvent une indéniable réussite esthétique. Dans le registre humoristique, on notera tout de même la stupéfaction contrôlée mais palpable du rationnel John Doggett, confronté, dès sa nouvelle affectation aux Affaires Non-classées (en particulier dans les épisodes 5 et 6), à des cas pour le moins surprenants (ainsi bien sûr que les références à Terminator 2 : présence centrale de Joe Morton dans Redrum, d'un homme en métal dans Salvage).


"REFLECTIONS ON THE X-FILES"

Un des bonus DVD de la saison 9 (sans doute le seul qui soit un peu intéressant) donne la parole à divers acteurs ayant participé à la série, notamment quelques guest stars.

Martin Landau, qui joua dans le premier long métrage, raconte que Chris Carter lui a expliqué que son personnage devait avoir l'air à la fois fou et crédible. Etonné, il a objecté que si un type a l'air fou, il ne peut pas être crédible : enchanté, Chris Carter a répondu "voilà ! c'est ça !", comme si saisir la contradiction pouvait ensuite permettre de relever le défi, et c'est d'ailleurs ce qu'a fait Landau.

Ed Asner (Maurice, dans Les Amants Maudits) : "Je jouais le rôle d'un fantôme qui a un gros trou dans la tête. Ils cherchaient un acteur avec un trou dans la tête et ils m'ont trouvé."


THE X-FILES REGENERATION

Comme le premier long métrage, celui-ci n'est jamais qu'un double épisode, réalisé avec davantage de moyens, mais il se rattache ici aux enquêtes criminelles agrémentées d'un soupçon de visions paranormales, ce qui n'est pas la catégorie que je goûte le plus, loin de là. De plus, des années après la fin de la série, on pouvait espérer quelque chose qui fasse un peu avancer les choses, qui apporte des réponses aux questions laissées en suspens, mais ce n'est pas le cas. Le film se regarde, sans plus. Il peut même ne pas se regarder, on n'y perdra pas grand chose. Ne parlons pas des bonus DVD : trois scènes coupées (à juste titre, dans la mesure où elles sont dénuées du moindre intérêt) et une interview exclusive de Chris Carter expliquant que la planète est en danger et que le tournage du film s'est donc fait selon des normes écologiques (super).



Quelques articles précédemment publiés sur
http://www.lvei.net/
FOLIE A DEUX (saison 5, épisode 19) : FOLIE MONDIALISTE

Tout d’abord, ”Folie à deux” est un épisode que j’aime beaucoup pour son intrigue. La première partie réussit à nous convaincre que le pauvre Gary est complétement cinglé (le titre nous renvoie d’ailleurs au thème de la folie et non à celui du monstre), puis tout bascule : nous comprenons avec Mulder que tout est vrai, que Pinkus est réellement un monstre. Passons sur l’aspect plutôt saugrenu du monstre en question, plus ridicule qu’inquiétant, mais bon, je ne suis pas spécialiste ès monstres et ça me va comme ça, ça ne me gâche pas l’intrigue. Ce qui nous permet de croire dans un premier temps que Gary est fou, c’est évidemment son comportement hystérique et délirant, mais surtout, par contraste, la personnalité de Pinkus, avec sa tête de brave homme, ses bons yeux de chien battu et sa voix douce. Lorsqu’on l’entend dire : ”Gary, si c’est moi le monstre, pourquoi ne pas libérer ces pauvres gens ?”, il est difficile de prendre au sérieux ce que Gary affirme à son sujet. Bref, l’épisode en tant que pur récit fonctionne bien. Mais son intérêt est peut-être aussi dans ce qu’il nous dit d’un point de vue symbolique. Le fait que cela se passe dans une entreprise, que le monstre soit justement le directeur, ce n’est pas innocent.

Que dit Gary ?

”Il veut nous voler nos âmes, nos personnalités, faire de nous des insectes.”

”Il veut nous contrôler”

”Il les a transformés en zombies, il leur dicte sa volonté, pour nous espionner”

Tout cela nous renvoie aussi à cette phrase qui revient souvent avant la prise d’otages : ”On sourit au téléphone !” En d’autres termes, on porte un masque, on abdique sa personnalité pour servir l’entreprise. L’employé n’est plus qu’un ”insecte” deshumanisé.

Si le sens littéral (une histoire de monstre) est fantaisiste, le symbolisme de l’épisode renvoie, lui, à une réalité : la monstruosité du libéralisme, la déshumanisation qu’il implique, la ”zombification” de ceux qui acceptent de perdre leur âme pour le servir.

Et c’est le même élément qui donne sa force au récit littéral et au sens symbolique : Pinkus. Car la gentillesse et la douceur apparente de Pinkus ne sont pas qu’un moyen de détourner les soupçons du spectateur pour produire un coup de théâtre : elles renvoient également à une réalité. Celle de la ”communication”. Le libéralisme est passé maître dans l’art de se couvrir d’une apparence respectable et de faire passer ses pratiques les plus criminelles pour des actes de bonté envers l’humanité souffrante. Son nom-même est une imposture utilisant la notion positive de ”liberté” pour définir un système ne reconnaissant en réalité que la liberté (absolue) des plus puissants.

Allier (consciemment ou non, peu importe) l’efficacité narrative à l’intelligence politique, voilà qui méritait d’être souligné.

Soyons donc fous.


PROMETHEE POST-MODERNE (saison 5, épisode 6)

Les avis sont visiblement très partagés au sujet de ”Prométhée post-moderne”. Tout le monde semble d’accord pour dire que c’est très bien fait en soi, mais pas pour le considérer comme un épisode acceptable dans cette série. Bref, l’épisode est hors-norme, ”anormal”, monstrueux. Pour un épisode traitant justement de la normalité, des stéréotypes et de ce qui sort de la norme.... je trouve plutôt ... disons ”normal” et pertinent que la forme de l’épisode colle à ce point au contenu. Non ?

Ceci dit, tout bon épisode des X-Files n’est-il pas généralement ”anormal” ? Autour d’un schéma de base souvent (mais pas systématiquement) identique, de nombreux épisodes présentent des caractéristiques spécifiques (construction en flash-back dans ”le Baiser de Judas”, utilisation différente du point de vue dans ”Appétit monstre” ou dans ”le Shérif a les dents longues”, etc etc).

Quel est d’ailleurs le schéma normal d’un X-Files ? Quels sont les caractéristiques de base qui font que nous avons affaire à un épisode d’X-Files et pas à une aventure de Magnum, de Derrick ou de Monsieur Spock ? Je vais sans doute en oublier, mais comme ça, à chaud, je dirais :

- un événement mystérieux et de nature plus ou moins paranormale se produit.

- Mulder et Scully arrivent sur les lieux et mènent l’enquête.

- Il y a opposition entre le rationalisme de Scully et l’esprit de Mulder, bien plus ouvert aux explications moins scientifiques.

- Les deux agents réussissent peu à peu à comprendre (au moins partiellement) ce qui se passe.

Est-ce que tout cela n’est pas présent dans ”Prométhée post-moderne” ? Il me semble que si. L’intrigue de base est ultra-classique, Mulder et scully sont pareils à eux-mêmes. Bref, le problème n’est pas là.

Le problème, c’est le caractère parodique de l’épisode et surtout sa fin inattendue. Depuis les fantaisies de Darin Morgan, il y a ceux qui aiment les X-Files et ceux qui aiment les vrais X-Files et détestent les épisodes décalés. Ces puristes, après avoir goûté le plaisir d’une série originale à son apparition, semblent désormais voir les X-Files comme un produit de série destiné à nous apporter régulièrement notre dose d’un plaisir bien défini que nous connaissons déjà. Si c’est le cas, il ne s’agit plus d’art mais de production industrielle à la chaîne. Dans un autre genre, Barbara Cartland ou Gérard de Villiers (SAS) font exactement la même chose : on sait d’avance ce qu’on va lire, seuls les lieux et les noms changent d’un roman à l’autre. C’est parce que X-Files a su ne pas se contenter de la facilité consistant à répéter inlassablement une recette efficace, a su évoluer et prendre des risques, qu’X-Files est une grande série. Ces risques sont navrants lorsque le résultat est mauvais (et ça arrive, avouons-le), mais lorsqu'on tombe sur un épisode comme ”Prométhée post-moderne” ou ”le Seigneur du Magma”, quel plaisir !

X-Files serait, selon certains, une série sérieuse qui perd son âme en jouant la carte de l’humour et de la parodie ? Quelle idée ! ”Prométhée post-moderne” est à la fois drôle et émouvant, et incite même à réfléchir un tant soit peu aux questions de la normalité, de la laideur, etc (ce n’est plus original depuis Elephant Man, mais peu importe, c’est là et c’est bien amené). Cet épisode n’est pas moins sérieux que tel autre évoquant les OGM ou les manipulations gouvernementales.

Cessons de croire qu’X-Files est une chose sérieuse ! X-Files pose des questions, fait réfléchir, mais c’est avant tout une série télé destinée à nous divertir. Une très bonne série mais rien d’autre qu’une série. Toute l’histoire de la Conspiration peut certes amener à se demander si une telle chose est possible, mais X-Files nous raconte une histoire FICTIVE, destinée à nous donner du plaisir, le reste est secondaire. Faire réfléchir OK, mais l’objectif des X-Files (contrairement à celui de Mulder) n’est pas de révéler aux spectateurs une quelconque VERITE ! Auquel cas effectivement on pourrait s’offusquer de voir Chris Carter (sous la pression de la NSA ?...) délaisser les affaires sérieuses pour nous entraîner dans une histoire farfelue.

Bien sûr, la fin est ici totalement inattendue pour un épisode des X-Files. Mais je pourrais me la repasser en boucle, cette fin : les voitures qui s’éloignent sur cette route, la musique qui démarre, Mutato qui bat le rythme dans la voiture de Mulder et Scully, le concert de Cher, tous les habitants présents, lumières, sourires, bonheur, Mulder invitant scully à danser,... Bien sûr que c’est niais, la vie n’est pas ainsi (ajoutons que dans l’absolu je ne raffole pas particulièrement de Cher, mais l’essentiel est que ça fasse plaisir au Grand Mutato, non ?). Cette fin est absolument jubilatoire, un moment de pur bonheur. Pourquoi bouder notre plaisir ? Et le fait que Mulder et Scully soient mêlés à cette mascarade, qu'ils contribuent au bonheur de cette pauvre créature, eh bien ça a son importance : ça fait plaisir de voir ces deux-là danser dans cette explosion de bonheur, alors qu'avec Magnum, Derrick ou Monsieur Spock l'effet ne serait pas garanti. Cela nous prouve une nouvelle fois qu’ils ne sont pas figés et qu'il reste à découvrir de nouvelles facettes de leurs personnages (facettes qui ne contredisent d’ailleurs pas ce que nous en savons déjà). Ils apparaissent ici gluants de gentillesse ? Et alors ? Le seul problème c’est que la vie n’est pas comme ça, mais ça, Carter le sait très bien et il nous présente clairement l’épisode comme une fiction dans la fiction, en l'occurence une bande dessinée.

Indigne des X-Files, le coup de la BD qui s’ouvre et se referme à la fin ? je ne sais pas. Dans un épisode du Prisonnier, série mythique et fascinante d’intelligence s’il en est, le héros vit des aventures particulièrement farfelues, hors du Village où il est prisonnier. On est totalement désorienté, à mille lieues de l’atmosphère habituelle de la série. A la fin, à nouveau en costume de N°6, il referme un livre illustré et envoie des enfants se coucher. Dans la salle de contrôle, le N°2 constate son échec : il pensait que face à des enfants, la vigilance du N°6 se relâcherait et qu’il laisserait échapper quelques vérités, mais conscient d’être surveillé, le 6 a raconté une histoire abracadabrante qui, outre qu’elle a plu aux enfants, lui a permis de ridiculiser le N°2 en faisant de lui un fou mégalomane costumé en Napoléon. Ce que le Prisonnier peut se permettre, pourquoi X-Files ne se le permettrait-il pas ? Dans le domaine de la création artistique, le plaisir prime. Il est dommage de n’avoir rien à dire et de se cantonner à des niaiseries. Mais il est tout aussi dommage de se prendre trop (et toujours) au sérieux.


LES AMANTS MAUDITS (saison 6, épisode 8) : ROMEO'S NOT DEAD

Une fois encore, j’aimerais prendre la défense de cet épisode décalé.

Bien sûr, Mulder et Scully "s’en prennent plein les dents", mais je crois qu’il faut voir tout ça (outre l’aspect auto-parodique) comme une épreuve initiatique leur permettant de se trouver enfin l’un l’autre.

L’épisode repose sur le mythe des amants maudits. En gros, un grand amour passe par la mort précoce des amants. Exemple-type (parmi bien d’autres) : Roméo et Juliette. Si Roméo et juliette ne meurent pas, s’ils vivent heureux et ont beaucoup d’enfants, que se passe-t-il ? Eh bien on finira par retrouver Juliette en bigoudis faisant la vaisselle tandis que Roméo regarde Télé-Foot dans ses charentaises. Pas très romantique, tout ça. La perfection n’existant pas, il ne peut y avoir qu’une illusion temporaire de perfection : c’est pourquoi la mort apparaît comme le seul moyen de figer cette perfection temporaire pour la rendre éternelle. En mourant à l’aube de leur amour, Roméo et Juliette deviennent un mythe et Roméo ne détruira jamais le mythe en couchant avec la femme du boucher. En mourant jeune, James Dean devient un mythe éternel contrairement à Marlon Brando qui est passé du statut de mythe à celui d’hippopotame, ou à Charlton Heston qui est passé de Ben Hur à "vieux fasciste porte-flingue".

Donc, dans la littérature, le cinéma, pour que cela reste beau, romantique, etc, il faut que les amants meurent.

OK, mais dans la vie ? Devons-nous mourir après la première étreinte pour que sa perfection ne soit jamais ternie ?

Le message de cet épisode, c’est que ce mythe amoureux, très joli dans l’absolu, est dangereux et destructeur dans la réalité. Vivre heureux, c’est au contraire accepter l’imperfection et vivre avec. Ce n’est pas un hasard si, contre toute logique (si l’on peut parler de logique en matière de fantômes), Maurice et Lydia ont vieilli. Imaginez l’épisode avec des fantômes demeurés éternellement jeunes et il change totalement de sens ! La tentative de Maurice et Lydia de maintenir la perfection de leur amour grâce à la mort se révèle être un échec. Lydia le souligne en soupirant : ”Maurice n’avait pas de ventre à cette époque !”. Ils n’ont pas échappé au temps, au vieillissement. Pourtant, même s’ils s’obstinent à pousser d’autres couples à commettre la même erreur qu’eux, ils ont compris la leçon et leur dernière scène les montre comme un couple vieilli mais encore amoureux malgré tout.

Mulder et Scully vont comprendre qu’ils n’ont pas besoin de cela. Le mythe de la mort des amants est rejeté au profit d’un amour réel, un amour qui ne se fonde plus sur la fascination d’une perfection forcément illusoire et/ou éphémère, mais sur l’amour de l’autre tel qu’il est, avec ses qualités mais aussi ses imperfections. Et si Mulder et Scully s’entendent dire sur eux-mêmes des vérités plutôt déplaisantes, ces vérités ne sont que relatives. Il ne s’agit pas de les limiter à cela, loin de là, mais de les forcer à s’accepter tels qu’ils sont, y compris avec leurs petits travers. Le véritable amour est à ce prix, mais, fondé sur la réalité de l’autre et non plus sur l’image illusoire qu’on a de lui, cet amour n’a nul besoin de la mort pour rester éternel.


RAIN KING (saison 6, épisode 7) : BARBARA CARTLAND POST-MODERNE

Comme tous les épisodes ”décalés”, celui-ci ne semble franchement pas faire l’unanimité, c’est le moins qu’on puisse dire.

J’aimerais donc faire entendre ici le point de vue de ceux (non, non, je ne suis pas le seul) qui adorent cet épisode.

Je comprends les réactions que cela suscite, mais je crois que l’erreur est de vouloir trouver dans X-Files ce qu’on en attend par avance et non ce que chaque nouvel épisode nous propose. Celui qui lit Madame Bovary en pensant y trouver une enquête d’Hercule Poirot sera forcément déçu. X-Files est une série, mais pas un produit de série comme le sont par exemple les romans de Barbara Cartland et la majorité des séries américaines. C’est une oeuvre d’auteurs (parfois médiocres, souvent très bons).

Mais revenons au Roi de la Pluie, que j’ai qualifié de roman de Barbara Cartland post-moderne. C’est effectivement une histoire d’amour à l’eau de rose totalement mièvre et niaise, mâtinée du fantastique propre à la série (un fantastique qui relève ici davantage du conte de fées, du merveilleux). Evidemment, le traitement parodique caricature les stéréotypes du genre. Sheila est d’une niaiserie insondable, le kitsch est partout et le ridicule n’épargne évidemment pas Mulder et Scully : on a cité déjà l'hilarante réaction de Scully apprenant que Mulder s’est institué conseiller matrimonial (la tête de Mulder durant la pause consternée de Scully est un grand moment, on nous laisse deviner la réaction de celle-ci, et on voit sur son visage que Mulder l’a interprétée lui aussi assez vite), la vache volante qui tombe sur Mulder, etc. J’aimerais ajouter un mot sur la confrontation avec le couple de fermiers, les Gunderson. Mulder ironise : ”il y a de quoi se tromper !”, mais à y regarder d’un peu plus près, ils ressemblent fichtrement à Mulder et Scully, surtout la femme. Ils sont comme une sorte de reflet de ce à quoi Mulder et Scully ressembleraient peut-être s’ils avaient eu un destin différent.

Et cela m’amène à mon dernier point. J’ai dit ”post-moderne”, parce qu’il s’agit finalement moins de détruire des stéréotypes (attitude moderne) que de les réutiliser avec distance (attitude post-moderne). Cédric insiste dans sa review sur la "caricature des bouseux" : c’est juste, et en même temps je crois que ça va plus loin. Le fait que les Gunderson soient des ploucs intégraux va dans ce sens, mais leur discrète ressemblance avec Mulder et Scully nous invite à aller plus loin. A voir dans tout cet épisode une moquerie qui est sans cesse teintée de tendresse pour ces personnages. TOUS ces personnages, car finalement y at-il un seul vrai méchant dans cette affaire ? Daryl est un pauvre type autant qu’un sale con : le fait que Mulder l’envoie au tapis à chaque fois sans peine le montre clairement inoffensif, c’est un crétin qui cherche à manipuler les gens mais qui est si peu doué et si malchanceux qu’il en devient pathétique. X-Files a déjà dans de nombreux épisodes donné une image négative des ”ploucs”, bornés, fascisants, dangereux. Mais ici ils sont profondément sympathiques. Sheila rêve d’amour romantique mais son apparence et ses aspirations ne relèvent que du kitsch intégral. Holman n’a franchement pas le physique du Prince Charmant (Daryl non plus d’ailleurs), mais lorsqu’il s’estime indigne de Sheila en se comparant à un crapaud, ne sommes-nous pas autant frappés par la surestimation qu’il fait de Sheila que par sa lucidité sur lui-même et par sa souffrance ?

Pour faire court, il me semble que tout en se moquant gentiment de gens un peu niais, l’épisode nous dit la chose suivante : de même que, si le kitsch est la seule forme d’art a priori accessible aux gens simples, c’est déjà mieux que rien (les grêlons en forme de coeur peuvent faire sourire, mais ça reste de la poésie même si c’est de la poésie bon marché : c’est en tous cas celle dont sont capables les personnages), de même le romantisme à deux balles, même s’il nous fait sourire, vaut peut-être mieux que l'absence totale de romantisme. Tout le monde a droit à l’amour et au bonheur, même ceux qui ont le physique d’Holman ou la cervelle de Sheila. Message qui serait niais traité au premier degré, mais qui traité avec cette distance ironique mais tendre redevient ”écoutable”. Tout le monde a droit à l’amour ... même Mulder et Scully, car finalement le message s’adresse aussi et surtout à eux.


APPETIT MONSTRE (saison 7, épisode 3) : MULDER JOUE LES COLUMBO

Je ne reviens pas sur ce que tout le monde a déjà noté, principalement la bonne idée d’adopter le point de vue de Rob durant tout l’épisode (ou presque : lorsque M & S sont dans les cuisines, il les écoute mais ne les voit pas, nous si : je chipote, bon) et, plus négatif, la relative mollesse d’un épisode sympathique mais pas franchement captivant.

Je voudrais simplement développer un petit détail qui me chiffonne.

Le choix du point de vue du criminel fait que les visites à répétition de Mulder ne sont pas sans évoquer les persécutions qu’inflige à ses suspects ce bon vieux Lieutenant Columbo, de la Police Criminelle de Los Angeles (Californie ... tiens ! comme Costa Mesa, le lieu où se passe l’épisode).

Mêmes apparitions à répétitions pour éclaircir ”quelques petits détails” (et les premières fois sans Scully, comme pour mieux installer la référence). Mêmes questions apparemment innocentes et même allusions sournoises (”il est le suspect n°1 pour la police et pour ma collègue mais je ne crois pas que c’est lui” - ”Oh non, m’sieur, je suis sûr que ce n’est pas lui”).

Même machiavélisme du coupable (même si Rob est finalement plutôt sympathique, ce qui est parfois aussi le cas des criminels dans Columbo), dans sa construction du crime parfait, avec l’élimination du maître-chanteur et l’habile utilisation de cet incident pour faire porter le chapeau à quelqu’un d’autre. Exactement le genre de coup tordu qu’on pourrait trouver dans un épisode de Columbo.

Même la musique, en particulier lors de la première visite de Mulder au domicile de Rob, évoque Columbo (ne me demandez pas pourquoi, c’est une impression, écoutez, vous vous ferez un avis).

Certes, pas de vieille Peugeot pour Mulder, pas d’imper pourri, pas de chien. Mais je citerai pour finir l’approche initiale et détendue : ”c’est bien rangé dites donc chez vous, ça sent l’encaustique. On dit pourtant que les appartements de célibataires sont mal tenus. Je suis célibataire, chez moi c’est un vrai bordel” (je cite de mémoire). Bon, voilà typiquement l’approche à la Columbo : si la relation Mulder-Scully avait été plus avancée, à tous les coups Mulder lui balançait un petit couplet sur "sa femme".

Voilà. J’ai énuméré quelques éléments ”troublants”. La référence est-elle volontaire ou non de la part des scénaristes, je l’ignore et ... j’avoue que je m’en soucie peu.

 


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