THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG

MANIPULATIONS & SOPHISMES médiatiques et politiques

Remarques générales, puis commentaires par ordre chronologiques (de haut en bas) .

"Il faut que les princes ou leurs ministres s'étudient à manier le peuple et à le persuader par belles paroles, le séduire et tromper par les apparences, le gagner et tourner à ses desseins par des prédicateurs et miracles sous prétexte de sainteté, ou par le moyen des bonnes plumes en leur faisant faire des livrets clandestins, des manifestes, apologies et déclarations artistement composés, pour le mener par le nez et lui faire approuver, sur (la seule base de) l'étiquette du sac, tout ce qu'il contient." (Gabriel Naudé, bibliothécaire et fidèle de Mazarin)


COMMENT ANESTHESIER UNE NATION

Indispensable et passionnant :

http://www.betapolitique.fr/COMMENT-ANESTHESIER-UNE-NATION-05118.html#forum14632

ou ici, si le lien coince.


LE PRINCIPE DE LA VACCINE

Une équipe espagnole vient d'être interdite de Tour de France pour s'être dopée lors de je ne sais quelle précédente exhibition pédalière. Tout le monde sait très bien que toutes les autres équipes qui participeront au Tour se doperont également, mais peu importe : comme le cyclisme ne peut plus désormais survivre en tant que sport médiatique sans le dopage (revenir à des performances humaines normales serait forcément décevant, pour ne pas dire ennuyeux), on s'en sort chaque année en exhibant un bouc émissaire.

C'est exactement le principe de la vaccine qu'a théorisé Roland Barthes (je ne sais plus si c'est dans Mythologies ou dans Le Degré zéro de l'écriture). De même qu'on immunise un organisme contre une maladie en la lui injectant en quantité minime, de même une société, une institution, un pouvoir, se prémunissent contre toute critique suffisamment radicale pour les renverser en tolérant une dose atténuée et contrôlée de critique et de révolte, qui non seulement ne seront pas assez fortes pour les détruire, mais de plus les renforceront en leur donnant une apparence de fair-play : "Vous voyez bien que notre société n'est pas si anti-démocratique que cela puisqu'elle tolère, et même encourage, la critique."

Percevoir la plupart des révoltes et des critiques comme une vaccine, comme un amas de microbes suffisamment affaiblis pour n'avoir aucune efficacité, c'était un coup de génie de la part de Barthes. Evidemment, il n'est pas très intéressant de l'appliquer au Tour de France, dont nous nous contrefichons, mais cette info m'a fait repenser à ce concept qui gagne en revanche à être systématiquement appliqué à la politique, à la société en général. Patrick McGoohan a lui aussi très bien exploité cette idée dans Le Prisonnier, son personnage de révolté absolu manquant plusieurs fois d'être récupéré par le système qu'il combat. Si on considère quelqu'un comme Coluche, c'était une vaccine déjà un peu incontrôlable, en particulier lorsqu'il s'est mis en tête de se présenter aux élections présidentielles, créant une véritable panique dans le monde politique : mais Coluche a fini bien sagement, en créant les Restos du Coeur, c'est-à-dire en validant l'idée qu'il est normal que l'Etat ne fasse pas son travail. Coluche a tout de même pu donner l'illusion qu'il existait un pouvoir de critique en France : mais si on considère maintenant les "comiques" actuels, on conviendra que notre société se contente de peu en matière de vaccine.

Les Malpolis ont fort bien résumé le principe de la vaccine dans l'article "en solde" de leur Déclaration des droits de l'homme sandwich : "Tout individu est encouragé à critiquer le système en place, de façon à renforcer l'illusion de tolérance du dit système."


CONFUSION DES DEBATS - RETOUR AUX FONDAMENTAUX

Incontestablement très habile et manipulateur, Sarkozy réussit à brouiller encore plus les frontières idéologiques, et par la même occasion à couler davantage encore le PS au moyen de sa "politique d'ouverture". On aurait cependant tort de juger sain et positif ce "dépassement" des clivages. Il ne s'agit absolument pas de faire une politique qui reprendrait idéalement ce qu'il y a de bon dans les idées de gauche et dans celles de droite (ça c'est l'image de carte postale qu'ont de la politique les gens de bonne volonté qui n'y comprennent rien) ; il s'agit simplement de faire passer une politique de droite dure en la diluant dans une rassurante apparence de diversité politique ("si c'est varié, ça ne peut pas être si à droite que cela", est-on supposé penser), apparence facilement obtenue en racolant quelques carriéristes qui n'ont de gauche que l'étiquette (il paraît que Chirac disait de DSK : "il est de gauche autant que moi je suis évêque") et quelques idéalistes naïfs (accordons le bénéfice du doute à Martin Hirsch et à Fadela Amara). L'essentiel est de brouiller les repères. Face à cela, les discours critiques et les propositions alternatives semblent creux et cafouillants et on a l'impression désespérante qu'il n'y a plus rien à faire contre ce discours dominant parfaitement manipulateur et parfaitement au point. Un seul espoir peut-être : commencer par revenir aux fondamentaux. Si l'on considère que la gauche, c'est tel ou tel parti, par exemple le PS, alors, en voyant Kouchner, Lang, DSK, venir se coucher aux pieds du nouveau maître, on en perd un peu son latin. Mieux vaudrait (enfin) revenir à une définition de base : la gauche est (devrait être) le camp du progrès humain et social, la droite celui de la conservation (et même actuellement de la restauration) des privilèges d'une élite sociale.

On évitera au passage les pièges sémantiques créés depuis des décennies pas la nouvelle droite, qui s'approprie la notion de progrès (appelant ainsi des réformes constituant en réalité des régressions d'un point de vue social, mais un progrès certain pour le MEDEF) et situe les "priviléges" dans le camp adverse (par exemple, un privilégié n'est pas un type qui ne sait plus que faire de son argent mais qui le planque tout de même dans un paradis fiscal pour ne pas avoir à en donner une miette à la collectivité : non, les privilégiés, ce sont les cheminots qui abusent de leur droit de faire grève alors que les salariés du privé ne peuvent plus guère se le permettre sous peine d'être virés : est donc privilégié celui qui n'est pas totalement esclave de l'élite réelle alors que dans l'idéal il devrait l'être).

On s'efforcera donc de juger des notions de progrès et de régression non pas à l'aune des appréciations portées (pardon : "quotidiennement matraquées") par les "journalistes" de TF1 (exemples de progrès : l'assouplissement puis la disparition du code du travail, l'allègement de la fiscalité pour les plus grandes fortunes / exemples de régression : les Français s'accrochant à leur droit de grève, à leur système de santé,...), mais à partir de définitions simples et claires : "mérite d'être considéré comme un progrès tout changement qui contribue à améliorer les conditions d'existence du plus grand nombre, sans pour autant nuire lourdement et injustement à qui que ce soit, y compris à une minorité". J'ajoute cette précision au nom de la règle morale fondamentale selon laquelle "la liberté de chacun finit là où commence celle des autres". Avec quelques petites lumières comme cela bien présentes à l'esprit, peut-être se donne-t-on une petite chance d'y voir à peu près clair dans le brouillard actuel (brouillard artificiel et savamment entretenu).

Rappel : On sait bien que l'une des techniques les plus habituelles de cette manipulation politico-médiatique est celle qui consiste à répéter qu'une chose est indispensable, nécessaire, inévitable.

Autre sujet de confusion de plus en plus présent : l'ethnicisation des débats. Toute réflexion sur le racisme, à commencer par celles qui prétendent le combattre, reposent sur une approche racialiste. On devrait rappeler en permanence la saine réalité, qui est que les races n'existent pas, que seules existent des cultures, des éducations et des histoires individuelles. Toutes vérités qui permettraient peut-être, si elles étaient enfin intégrées, de traiter un peu plus efficacement des questions que l'on s'obstine, au lieu de cela, à brouiller en ne dénonçant le racisme que comme l'agression commise par des races méchantes contre des races gentilles : on est là dans Star Trek et pas dans le réel. Méchants européens contre gentils arabo-musulmans et gentils noirs, ou alors méchants arabo-musulmans antisémites, ce sont à peu près les deux visions du monde que l'on nous propose actuellement. Chacune d'elle repose évidemment sur des faits réels (l'esclavage et la colonisation ne sont pas des mythes, le Front national existe, la politique d'Israël est contestable et les Juifs nous gonflent depuis des millénaires avec leur prétention à être un peuple élu ; d'un autre côté cela ne justifie pas les délires antisémites bien réels qui se multiplient, etc.) mais il s'agit d'une réalité partielle qui se trouve généralisée.

Celui qui tenterait d'assainir le débat en le débarrassant de ces éléments racistes drapés d'anti-racisme, qui oserait dire qu'un arabe ou un juif peuvent être aussi con l'un que l'autre ou aussi cons qu'un Français (surtout l'un que l'autre, en fait), serait accusé de racisme. Dire que l'humanité est la même partout, que dans toute culture l'individu peut s'avérer capable du meilleur comme du pire, qu'une ordure est une ordure qu'elle soit française, israëlienne ou saoudienne, qu'il n'y a que des hommes et des femmes victimes de logiques politiques et économiques auxquelles les question de race et de religion ne servent que de couverture, dire que la mémoire de la Shoah n'autorise pas l'Etat d'Israël à faire n'importe quoi, que la réalité de l'exploitation économique américaine n'autorise pas des fanatiques à faire exploser des innocents,... dire tout cela est devenu inacceptable. Nous sommes donc apparemment voués à choisir notre camp, c'est-à-dire, dans les grandes lignes, à cautionner l'antisémitisme et le terrorisme islamiste si l'on se veut de "gauche" (en tous cas de cette gauche radicale anticapitaliste qui se croit obligée de frayer avec les intégristes), à cautionner les politiques d'Israël et des USA si l'on est de droite ou si l'on refuse l'antisémitisme ... Tout cela est parfaitement grotesque.


ETHNICISATION DES DEBATS (suite)

La Suite dans les idées, sur France Culture, reçoit Jean Birnbaum et Raphaël Chevènement, auteurs d'un livre qui semble passionnant (La face visible de l'homme en noir), dans lequel ils analysent le discours des émissions d'Ardisson depuis huit ans, et leur influence dans le débat public : théorie du complot, ethnicisation quasi-systématique des problèmes,... Ils rappellent en particulier qu'il y a quelques années encore, dans ces mêmes émissions, Dieudonné tenait un discours anti-FN parfaitement républicain, en parfaite harmonie avec un interlocuteur juif auquel Ardisson tentait en vain de l'opposer. Il y a en permanence chez Ardisson cette "injonction ethniciste", par exemple lorsqu'il reproche à une invitée noire qui refuse d'opposer la souffrance d'un peuple à la souffrance d'un autre peuple d'être "récupérée par la société", d'être "comme un Bounty : noire à l'extérieur, mais blanche à l'intérieur". Sous couvert de branchitude, d'apologie cool de la drogue et du porno-chic, Ardisson, qui proclamait il y a quelques années sans rire ses convictions royalistes et néo-colonialistes, parvient à distiller son poison à coup de manipulations permanente, de montages pervers, de citations tronquées, de rumeurs, d'implicite, de mimiques entendues, de phrases inachevées, de ce qu'Umberto Eco appelle plaisamment le cogitus interruptus, c'est-à-dire une pensée laissée en suspens, une affirmation lancée en l'air et dont, sans se mouiller, on laisse aux autres le soin de tirer les conclusions.

Pour qui roule Ardisson ?


MODERN LANGUAGE

Sur France-Culture, un type venu parler du langage "médiatico-techno-tendance de la modernitude" signale ces deux mots très intéresssants : "déréindustrialisation" et "déconvergence". Il distingue trois grandes tendances dans ces créations langagières :

- l'invasion par un jargon anglo-saxon (le "globish" ou "global english")

- le langage technocratique

- le fait d'utiliser le vocabulaire pour dissimuler ses propres lacunes.


NOMINALISATION

Technique intéressante de manipulation. Parler de "la hausse des prix du pétrole", comme si le pétrole augmentait son prix tout seul, permet d'éviter de poser le problème des agents : qui décide de cela ?


AD HOMINEM

On entend de plus en plus dans les médias divers crétins parler à mauvais escient d'argument ad hominem, notamment pour déconsidérer une attaque qui les vise. Rappelons que l'argument ad hominem est critiquable parce qu'il prétend réfuter la thèse d'un individu donné en s'attaquant à la personne de cet individu et non à la valeur de ses arguments. Si Adolf Hitler indique l'heure exacte à un passant, affirmer que cette heure est fausse parce qu'Adolf Hitler n'est qu'un sale nazi est un argument ad hominem, qui ne prouve absolument rien quant à l'heure qu'il est. En revanche, si je reproche à Adolf Hitler d'avoir instauré un régime totalitaire (ce qui est mal), c'est une attaque personnelle à son égard, que je peux éventuellement démontrer si nécessaire en rappelant certains faits, et non un argument ad hominem.


C'EST GNOSTIQUE !

Certains ont tendance à valoriser telle ou telle pensée en la qualifiant d'un joli terme comme "baroque" ou, mieux encore, "gnostique". "Gnostique", ça en jette vraiment un max. Evidemment, il vaut mieux oublier que le gnosticisme, avant d'être un fascinant système ultra-complexe et jargonnant, est essentiellement un vaste tissu de conneries.


SPIN

Spin = pichenette qui imprime un mouvement.

En communication politique, le concept de "spin" consiste à être le premier à proposer une interprétation, qui sera reprise par les médias, à orienter l'opinion par la répétition de slogans, de jugements présentés comme des évidences. Par exemple, après un débat politique dans lequel aucun des adversaires n'a nettement eu l'avantage, affirmer de façon péremptoire que X l'a emporté face à son adversaire.


LA HAINE DU CONSENSUS

Le consensus, les clichés, les certitudes rassurantes, sont certes assimilables à des manifestations de "bêtise", en tant que volonté d'échapper au nouveau, à l'étrange, et de tout ramener au même, au connu, au classable. Mais ce sont aussi des moyens de supporter l'existence (car on ne peut avancer en permanence en regardant le gouffre sous nos pieds) et, en ce qui concerne le consensus, des moyens de vivre ensemble.

Le problème est fascinant, complexe, mais le plus gênant dans cette affaire, c'est que les gens qui mettent en avant cette approche de la bêtise le font presque systématiquement pour fustiger les "consensus" et les "clichés" qui leur déplaisent, qu'il s'agisse de la laïcité, des droits de l'homme, du "consensus" contre la politique de Bush,... Bref, j'ai l'impression que ce discours anti-consensus n'est souvent que la façade pseudo-intellectuelle d'un discours plus platement réactionnaire. Parmi les consensus dénoncés par certains, on ne trouve jamais bien sûr le consensus des medias concernant les bienfaits de l'indépassable libéralisme : au contraire, certains passent leur temps à dénoncer le discours anti-libéral qu'ils entendent "partout" (ils ont bien de la chance).


MISERE ET MANIPULATIONS

Dans Le Cauchemar de Darwin, après le tableau de toute cette misère effroyable, l'irruption d'une espèce de prédicateur sonorisé fait bien sentir à quel point la manipulation religieuse (et/ou politique d'ailleurs) peut facilement, avec quelques effets de manches et quelques slogans bien ficelés, avoir prise dans un pareil contexte.


MANIPULATION ET DEMOCRATIE

Michèle Clément, qui prépare un ouvrage sur la bêtise, souligne que l'abêtissement est un phénomène cultivé par les démocraties et non par les régimes autoritaires. Ces derniers ayant pour but d'éviter toute prolifération de l'opinion, ils se contentent de museler, d'écraser la liberté d'expression. En revanche, la démocratie étant fondée sur la liberté d'expression, si elle veut éviter la pensée critique (ce qui est visiblement le cas, du moins sous ses formes historiques et actuelles, alliées au capitalisme), elle doit abêtir (télé, publicité, etc.). On peut donc rester intelligent sous une tyrannie, il suffit de ne pas le dire : en démocratie, comme on peut le dire, il ne faut pas l'être.


IL NE FAUT PAS DIRE FASCISTE

Certains, même à gauche, pensent qu'il n'y a pas de risque de dérive fascisante avec Sarkozy, que c'est juste le représentant d'une droite dure mais encore démocratique, et qu'il convient donc de mesurer ses mots et de ne pas les employer à tort et à travers. Il est ainsi de bon ton aujourd'hui de déplorer l'assimilation hâtive "CRS=SS". Certes, on risque ainsi de banaliser les horreurs de la SS, mais il ne faudrait pas non plus que cela vire à l'apologie de l'humanisme légendaire des CRS ... Ce même attachement aux nuances incite également à faire une distinction entre le fascisme mussolinien et le nazisme. Distinction justifiée, mais qui conduit certains à déclarer que, contrairement aux nazis (qui exagéraient un peu), les fascistes étaient des types plutôt ouverts et sympathiques, et le régime mussolinien un projet politique finalement assez défendable.

Le refus de l'amalgame mis au service du refus de toute critique.

Application pratique : lavons l'honneur de Pinochet.

Pinochet n'est pas Hitler > Pinochet n'est pas un nazi > Pinochet n'est pas un fasciste.

En s'y prenant bien, on peut parvenir à affirmer que Pinochet n'était même pas de droite, que son régime n'était pas vraiment dictatorial et ne constituait en rien un problème.

NB : Il semble que Michel del Castillo ait entrepris lui aussi une application pratique de ce principe rigolo dans Le Temps de Franco, où il explique en sustance que Franco n'était pas si méchant qu'on le dit.


BIZUTAGE

Un des moyens les plus efficaces (et - accessoirement - des plus abjects) de maintenir un ordre social donné est l'existence d'un "bizutage", sous forme ponctuelle ou permanente, à savoir la possibilité pour des groupes aliénés de soulager leur frustration en humiliant des groupes plus faibles ou plus fragilisés. Ce que j'appelle ici au sens large "bizutage" (qu'il soit institutionnalisé ou qu'il s'agisse du tabassage impromptu et privé d'une femme, d'un enfant, d'un animal, ...) permet ainsi de maintenir une situation d'injustice en permettant à la majorité de ceux qui la subissent de devenir les bourreaux d'une minorité.

Le véritable bizutage étudiant "moderne", adouci mais survivant aux lois qui visaient à le supprimer, est bien sûr une forme très bénigne du phénomène, même s'il ne faut pas oublier qu'il pouvait prendre, avant ces lois, des formes particulièrement violentes, en particulier dans les écoles militaires. Mais même adouci, même "festivisé" dirait Muray, au point qu'il serait aujourd'hui perçu comme ridicule de s'y opposer, il demeure sur le fond un plaisir imbécile et surtout un moyen idéal de créer un esprit de "caste" chez des individus.



18 mars 2005

Hier, à la radio, Nicolas S. a présenté sa solution pour le salaire des enseignants.

D'abord, il a démagogiquement précisé que "certains enseignants font preuve de trésors de bonne volonté". Juste certains, évidemment, et juste de la bonne volonté bien sûr, genre pauvres diables incompétents mais bons bougres : voilà de quoi ne pas froisser son électorat, tout en flattant les profs juste ce qu'il faut (ils sont tellement culpabilisés, depuis l'Ere du Gros Con, que ça devrait suffire, je pense).

Ensuite, il explique qu'actuellement la progression des salaires des enseignants se fait uniquement à l'ancienneté et (paradoxalement, puisqu'on vient de nous dire, chose évidemment fausse, que seule l'ancienneté était prise en compte) au bénéfice de ceux qui ont pris le moins de risques. Reste à savoir ce que signifie "prendre des risques" dans la tête de cette chose, et comment ce critère peut venir s'ajouter au critère (présenté comme exclusif) de l'ancienneté. Peut-être a-t-il voulu dire que seuls progressent les salaires de ceux qui restent en vie (à l'ancienneté donc, ce qui clarifierait la contradiction précédente). Je ne sais pas. Mais peu importe car ce n'était qu'un filet de bave apéritif (histoire de relancer au passage l'idée d'avancement au mérite, pourtant déjà en place avant LA proposition géniale, que voici.

Selon Nicolas S., il faut profiter des départs en retraite massifs qui s'annoncent. "Pas besoin de licencier, dit-il : il suffit de ne pas tous les remplacer pour faire des économies. Et si grâce à ça on économise 100, éh bien sur ces 100 on en utilise 50 pour augmenter le salaire des enseignants. Moins d'enseignants, mais mieux payés et mieux formés."

50 ? fichtre, ça a l'air beaucoup ! Mais 50 quoi, au fait ? Bon, OK, c'est juste un chiffre comme ça, à titre d'exemple ... mais on les répartit comment, ces 50 ? et pourquoi 50 seulement et pas les 100 économisés en ne remplaçant pas les retraités ?

En tous cas, derrière cette apparente promesse d'augmentations mirifiques pour épater les nigauds, le message libéral est clair :

- notre objectif est de réduire les dépenses (ah ! voilà pourquoi les 100 économisés deviennent 50 !) et certainement pas d'améliorer le système en mettant un maximum d'adultes (profs et encadrement) face aux élèves (au moment de l'affaire du collège de Roubaix, ton idée apparaît encore plus judicieuse, Nicolas S. !)

- sachez bien qu'avec nous, quand les salaires augmentent, le boulot aussi, afin de compenser ("annuler" serait un vilain mot) l'augmentation, voire d'en inverser les effets (comme au judo, j'utilise la force de l'adversaire pour le foutre par terre : je cède à la pression en apparence, j'accorde une augmentation, mais j'obtiens en échange un accroissement bien supérieur du travail : ça c'est du grand art, un coup de maître propre à faire prendre son pitoyable pied à une râclure libérale).

Dans le même registre, voici à peu près mot pour mot une pub radio pour un contrat de formation. Elle s'adresse aux chefs d'entreprise de manière originale et vivante en faisant alterner à travers des questions-réponses les voix de divers acteurs et actrices dénués de talent. Cette alternance commence après une métaphore merdique ("quand je plante un arbre, j'aime bien qu'il donne des fruits") :

"Alors ? ...

Etes-vous prêt à cultiver ... ?

- l'énergie des 20-25 ans

- l'expérience des + de 45

Etes-vous prêt à récolter ... ?

- les fruits de votre investissement personnel

("personnel", oui, je cite)

Etes-vous prêt à profiter ... ?

- des exonérations fiscales"

Voilà, tout est dit. No comment.


9 mai 2005 : LE PIRE DES DOGMATISMES

J'entendais récemment quelqu'un, Finkielkraut je crois, dire que le relativisme était lui aussi un dogmatisme, et le pire qui soit puisqu'il se prétend supérieur à tous les dogmatismes. On croirait entendre un néo-nazi déplorer qu'on limite sa liberté d'expression : même principe !


18 mai 2005

Entendu sur Europe 1, José-Emmanuel Barroso, venu vendre sa soupe pour le OUI. Comparés à ce qu'on serait en droit d'attendre d'un président de la Commission européenne, ses arguments étaient assez consternants : un enfant pourrrait les réfuter. J'en reproduis ici les principaux de mémoire. J'espère ne pas trop dénaturer sa pensée (mais à mon avis, la seule déformation qu'on puisse faire subir à ses propos est justement de se risquer à les qualifier de "pensée"). Je n'utilise les guillemets que pour distinguer son discours (reconstitué) de mes commentaires.

* "Le monde entier va se moquer de l'Europe en disant que nous ne sommes mêmes pas capables de nous mettre d'accord sur une constitution." NON. Nous ne sommes pas capables de nous mettre d'accord sur CETTE constitution. C'est très différent et il est à notre honneur de conserver un esprit critique et de ne pas accepter les yeux fermés n'importe quel texte nous engageant aussi fortement.

* "Les Français devraient être pour cette constitution puisqu'elle a été conçue par un Français et donc selon des valeurs françaises.". D'abord, ce ne sont pas les fameuses "valeurs issues de la Révolution française" qui sont contestées dans cette constitution mais son orientation économique ultra-libérale (fais semblant de ne pas avoir compris, Barroso, prends nous pour des cons !). Ensuite, je ne suis pas persuadé que les valeurs françaises soient merveilleusement incarnées par M. Giscard d'Estaing : en ce qui me concerne, le fait que cet individu soit français ne fait naître en moi aucune sympathie particulière, ni pour lui, ni pour ses idées.

* "Il n'y a pas de plan secret". On part d'un clin d'oeil aux films d'espionnage de série Z (le fameux plan B) et voilà que la référence humoristique (sic ...) devient une chose dont on parle très sérieusement : on nous affirme très sérieusement qu'il n'y a pas de "plan secret" (et là, je garantis que je cite textuellement Barroso !). Mais on s'en doute, abruti ! qu'il n'y a pas de plan secret prévu d'avance ! L'argument est tellement crétin que même le journaliste d'Europe 1 (!!!!!!!) l'oblige à rectifier : "Certes, mais si le non l'emporte, peut-on imaginer qu'on songe alors à une solution alternative ?". A quoi Barroso répond :

* "Non, c'est trop compliqué. Nous sommes 25, il faudrait réunir tout le monde ! Vous imaginez !" Ben oui, j'imagine ! Elle sert à quoi, l'Europe, si chacun gouverne dans son coin et si nos représentants sont infoutus de se réunir lorsque la situation l'impose ? Elaborer une constitution alternative qui tienne la route mérite bien qu'on se réunisse à 25, et même qu'on prenne le temps qu'il faut (qui a dit qu'il devait absolument y avoir une date-butoir, hormis les zélateurs catastrophistes du OUI avec leur "c'est maintenant ou jamais" ?). M. Barroso prend les gens pour des cons. D'autant que nous sommes en 2005 : il existe des téléphones, des visiophones, internet, tout un tas de technologies qui permettent de débattre à distance et lui vient nous dire "Ouh la la ! Réunir des gens de 25 pays différents juste parce que les Français font un caprice, vous imaginez ? C'est de la folie pure ! Il faudrait affréter des caravanes qui traverseraient toute l'Europe, voire des caravelles, et surtout bien remplir les gourdes de tous les délégués car le voyage serait long ! Et périlleux avec ça ! Toutes ces forêts infestées de malandrins ! Vous imaginez !"

Voilà, c'était Barroso : a clown is born.


27 mai 2005

A quelques jours du référendum sur le Traité Constitutionnel européen, je viens de lire ceci dans un article de Philippe Muray (qui dit parfois quelques conneries, mais pas seulement), article publié dans le second volume des Exorcismes spirituels et datant de 1993, mais qu'on dirait inspiré par la campagne actuelle pour le référendum.

"Les sondages, les audimats, les indices de satisfaction, les mesures de taux d'audience, sont la vaseline quotidienne dont (notre société) a besoin. Jamais le plébiscite de ce qui est n'a été aussi férocement exigeable. Jamais les maîtres du monde ou leurs valets n'ont moins paru imaginer qu'on pourrait ne pas leur dire oui, tant ce qu'ils proposent à l'approbation générale leur semble le meilleur. Et, corrélativement, jamais l'opposition à ce qui est n'avait été si automatiquement criminalisée. En tous cas ridiculisée."


10 juillet 2005

"A la place de l'Histoire, il y a le mouvement, il y a ce qui bouge, ce qui doit bouger, avancer ; et tous ces mots morts sont des mots d'ordre modernes. Ce sont des ordres. (...) Bouger est bien. Avancer est bien. Tout ce qui bouge est bien. C'est le Bien. On ne sait pas pourquoi, mais c'est comme ça. Ou plutôt si, on peut très facilement le savoir : parce que c'est ce qui reste, dans le langage, des anciens mouvements de révolte ; et c'est devenu, par une ruse de la post-Histoire, le nouveau vocabulaire de l'acceptation de tout."  (Philippe Muray)


14 juillet 2005

La Révolution française réduite à des pétards qui amusent les abrutis avec une constance et une efficacité qui laissent pantois. Il faudrait expliquer aux abrutis qu'un pétard n'a d'intérêt que s'il sert à prendre des bastilles ou à dézinguer un baron (je plaisaaaaaaaante ! je sais bien qu'il ne faut pas dézinguer les barons : c'est mal).

Ces derniers jours, nos maîtres ultralibéraux ont fait des efforts pitoyables pour reprendre un peu la main. De toute façon, on sait bien qu'ils gagneront toujours, sous une forme sans doute différente, sarkozyenne et non chiraquienne, à l'extrême limite sous la forme socialiste molle mais virulente. Ils gagneront, mais il n'empêche ! Pour entretenir l'illusion que notre opinion leur importe (car ils ne peuvent pas décemment dire explicitement le contraire) et puis pour ne pas se faire remplacer par leurs équivalents de l'équipe adverse; ils sont contraints par le jeu démocratique à ces parades pitoyables et c'est tout de même une petite consolation.

Aujourd'hui, commentant l'allocution de Chirac pour la Fête nationale, Arlette Chabot et Catherine Nay ont souligné abondamment son côté combattif : "on s'attendait à le voir abattu après tous ces échecs, éh bien non, il était vraiment en pleine forme, déterminé et tout". Façon de nous faire admirer le Jacquot, grand, ferme et stoïque dans la tourmente. Comme si un politicien aussi expérimenté allait se pointer devant les caméras avec une mine de déterré en exprimant des doutes sur le bien-fondé de son action ! Non, évidemment, il fait mine de rien, comme à chaque fois, il joue au con. Et on voudrait en plus nous faire applaudir sa détermination ? C'est pathétique !

Quant au Traité Constitutionnel Européen, nous avons eu droit ces derniers jours à la farce luxembourgeoise. Le OUI des Luxembourgeois "redonne vie" au traité moribond, ai-je pu lire. Quelle dérision ! Ils vont donc vraiment oser essayer de nous le fourguer quand même ? Et pour ça, qu'est-ce qu'ils trouvent : le OUI d'un micro-pays de banquiers !


18 juillet 2007 : SERVICE MINIMUM ET DROIT DE GREVE - ANALYSONS QUELQUES PROPOS DE FILLON

Fillon parle désormais d'étendre le service minimum à L'Education nationale. Cela me surprend un peu dans la mesure où quand les profs font grève, les gouvernements s'en foutent en général totalement : que notre travail soit fait ou non, ils s'en foutent, et une bonne journée de grève, c'est autant d'économies pour l'Etat. Eh oui, seuls mon beau-frère et ses pareils croient encore que les profs sont payés (voire payés plus cher ?) lorsqu'ils font grève (cela dit, je dis "seuls", mais mon beauf et ses pareils, ça fait quand même un bon paquet ...) En tous cas, dans le lycée où je bosse, aucun risque : on trouvera toujours assez d'esclaves, voire de sarkozystes convaincus, pour ne pas avoir à réquisitionner les trois ou quatre pauvres diables qui auraient l'idée de faire grève. Pour en venir à envisager un tel projet, cela doit signifier que le gouvernement prépare des choses bien saignantes, risquant de susciter des grèves lourdes et prolongées, grèves qu'il s'agit donc d'empêcher par avance.

Mais venons en à quelques déclarations de Fillon trouvées dans la presse ce matin :

* "Si ça marche, je ne vois pas pourquoi on ne l'étendrait pas à d'autres domaines, parce que l'objectif c'est quand même bien de fournir en permanence le meilleur service public à tous les Français", a-t-il dit sur France 3. Mais l'objectif du service minimum :

- n'est certainement pas de créer un meilleur service public, car, en admettant même que le service minimum soit une amélioration annexe et très secondaire du service public (amélioration qui ne serait d'ailleurs pas nécessaire si les conflits n'avaient pas lieu d'exister) si le souci du gouvernement était réellement d'améliorer le service public, il le ferait d'abord et surtout en y investissant davantage de moyens et de personnels. Au lieu de quoi on supprime des postes, on ferme des services en milieu rural, on laisse certains secteurs (comme la santé) partir dangereusement à vau-l'eau,... Bref, s'il s'agissait d'améliorer le service public, on l'améliorerait, tout simplement, au lieu de se contenter de créer une loi qui interdit aux fonctionnaires de ces mêmes services de protester contre la manière dont le service public est, non pas "amélioré", mais détruit.

- l'objectif du service minimum est d'interdire le droit de grève sans l'interdire, en le rendant totalement inefficace. Dès lors que la grève ne sera plus qu'un moyen de perdre une journée de salaire sans avoir le moindre espoir d'être entendu, elle n'aura absolument plus la moindre utilité.

* "Cela fait 10 ans que régulièrement tous les sondages montrent que 70 à 80% des Français sont exaspérés par les interruptions des services de transport aux heures de pointe"

Toujours le même argument : la grève dérange les "usagers" (nous échappons dans cette phrase à l'éternel cliché de la prise d'otage). Voir plus haut : si une grève ne dérange personne, elle ne sert plus à rien et les salariés n'ont plus aucune chance de se défendre.

* "Beaucoup de services publics ont d'ailleurs parfaitement résolu cette question, on n'envisagerait pas d'interrompre l'activité d'un hôpital même lorsqu'il y a un conflit"

On prend ici comme exemple à suivre des secteurs où les gens acceptent de restreindre leur droit de grève parce que leur conscience morale leur dicte de ne pas mettre en péril la vie des malades. On peut d'abord déplorer que, dans un pays comme la France, des gens aussi essentiels que les personnels de santé aient des raisons de se mettre en grève ! Que, devant la catastrophe, ils limitent dramatiquement l'efficacité de leur action en assurant un service minimum, c'est évidemment tout à leur honneur. Que les gouvernements successifs profitent de cette conscience morale pour ne pas entendre leurs revendications, c'est en revanche parfaitement ignoble .

Ignoble et cynique également, le culot d'un Fillon qui ose les citer en exemple pour inciter tout le monde, même ceux dont la grève ne met aucune vie en péril, à se laisser écraser de même.


5 septembre : SEMANTIQUE ET DEMOCRATIE

Un article du Monde rapporte qu'Eric Besson, le grand précurseur du mouvement des rats socialistes quittant le navire (à leur crédit, précisons que les rats qui restent dans le bateau PS meurent d'envie eux aussi de jurer allégeance au Conducator et d'obtenir un sous-ministère, mais il faut bien que quelqu'un se dévoue pour rester et donner l'illusion que le parti existe encore ...), Eric Besson, donc, membre du gouvernement actuel, déclare que la TVA sociale est une bonne mesure, mais que, si elle est mise en place, "elle ne s'appellera pas TVA sociale, afin de ne pas braquer l'opinion, qui y est défavorable selon les sondages."


Novembre 2007 : LE COMPLEXE DE GAUCHE

J'ai feuilleté à la Médiathèque un ouvrage de Thierry Wolton, Comment guérir du complexe de gauche. Le titre était si répugnant que je n'ai pu m'empêcher d'aller voir de plus près, comme ces gens fascinés par les accidents sanglants ou par les émissions de télé-réalité les plus abjectement vulgaires.

Une rapide recherche sur le net m'apprend que l'auteur est connu pour "dénoncer la mentalité d'assisté qui plombe notre Etat", ce qui confirme à quel genre de con hyper-original on a affaire. Sur la mentalité d'assistés, je ne résiste par au plaisir de citer au passage cet exemple de propos contradictoires donné par Normand Baillargeon : "On ne devrait pas offrir de l'aide sociale aux gens : une économie de marché demande que chacun se prenne en main" et "Il faut donner des subventions à Bombardier, sans quoi cette compagnie ne survivrait pas" (oui, le problème avec Bailllargeon, c'est que ses exemples sont souvent un peu québécois).

Revenons à Wolton. Ah ! eh bien voilà, Alapage reproduit en partie la quatrième de couverture :

"Nous avons tous un complexe de gauche. Il fait partie de notre patrimoine, il s'acquiert par l'éducation, il se répand dans les médias (*), il influence notre perception du passé, il agit sur notre compréhension du monde, il impose son magistère à l'ensemble de la vie politique. D'où vient ce complexe ? De la gauche elle-même qui a accaparé la plupart des valeurs positives pour s'identifier à la liberté, au progrès, aux droits de l'homme, à l'antifascisme, à l'anticolonialisme... Et nous avons fini par le croire. Pourtant, son histoire n'est pas sans tache, et la gauche n'a pas plus d'autorité que d'autres pour donner des leçons de morale à la planète. Il est temps de guérir de ce complexe. A commencer par la gauche française qui doit profiter de sa cure d'opposition pour en finir avec ses mythes d'un autre siècle. A commencer aussi par la droite qui, revenue au pouvoir, ne doit plus avoir peur de ses idées comme de son ombre. Avec ce réquisitoire sans concession contre les clichés de gauche comme de droite, Thierry Wolton bouscule les idées reçues et donne des remèdes pour sortir de ce complexe de gauche qui pèse sur nos esprits."

Je ne m'arrêterai que sur l'argument reproduit en gras : l'histoire de la gauche n'est pas sans tache. C'est évidemment amalgamer les principes et valeurs de gauche avec la réalité historique de la gauche, réalité construite par des hommes imparfaits, ce qui fait que la gauche, en particulier lorsqu'elle a été au pouvoir ici ou là, n'a pas toujours défendu des valeurs de gauche, n'a pas toujours appliqué une politique de gauche. Pour le dire autrement, la gauche prétendue est souvent, à divers degrés, de droite. C'est un fait. Mais le fait que la gauche historique trahisse parfois (souvent) ses valeurs pour des valeurs de droite, ce fait ne remet pas en cause les valeurs de gauche ainsi trahies. Et surtout, cela n'autorise par un détrousseur de cadavres comme ce Wolton à exploiter ce fait pour, au moyen d'un amalgame miteux, nous refourguer justement les valeurs de la droite.

(*) : Même au dos d'un livre publié en 2003, il y a de quoi se marrer.


8 décembre 2007 : EXEMPLE D'IMPOSTURE LIBERALE

Hier, Les Vendredis de la Philosophie sur France Culture, sujet : "Quelle est la liberté du libéralisme ?" Beaucoup d'amalgames, pour une émission à prétention philosophique. Mais le plus beau vient de Catherine Audard, apologiste du libéralisme économique qu'elle tient absolument à ne pas distinguer du libéralisme politique, ce qui lui permet de mobiliser à son service Montesquieu, Constant, etc. Comme l'animateur lui demande tout de même s'il ne faut pas distinguer ces deux "libéralismes", elle se récrie qu'ils sont indissociables : "On a bien vu ce que ça a donné lorsque la Russie est passée à une économie libérale : le marché ne peut fonctionner que dans le cadre d'un Etat de droit, il a vite fallu combler le vide juridique.Donc il n'y a pas de distinction : c'est absurde de parler d'un bon libéralisme politique et d'un mauvais libéralisme économique."

Commentaire n°1 : les dérives maffieuses du libéralisme russe sont simplement plus choquantes et plus violentes que celles du libéralisme (économique) américain ou européen, mais il serait bien naïf de croire qu'il règne au sein de ces derniers une intégrité absolue ! Je persiste à croire d'ailleurs que le libéralisme (économique) est par nature maffieux.

Commentaire n°2 : l'exemple russe a prouvé que le libéralisme économique tourne mal sans le libéralisme politique, et non que le libéralisme politique tourne mal sans le libéralisme économique. Il ne fait que prouver la valeur du libéralisme politique et ne démontre en rien celle du libéralisme économique, contrairement à ce que suggère la conclusion biaisée de cette gourdasse.


4 janvier 2007 : PRIVILEGES

Quelques mots rapides sur les fameux "privilèges" que le discours réactionnaire libéral (c'est la même chose, contrairement à ce que les libéraux cherchent à faire croire depuis quelques années en appelant réactionnaires ceux qui s'accrochent aux acquis sociaux) se plaît à attribuer à diverses catégories, à commencer bien sûr par les fonctionnaires. Pas besoin d'une analyse approfondie pour constater qu'il s'agit d'un véritable abus de langage, de la récupération et du détournement d'un terme aux connotations extrêmement péjoratives dans le but de discréditer certaines catégories, mais aussi, ce qui est pire encore, de transformer le positif (une amélioration des conditions de vie ou de travail) en négatif. Le procédé repose évidemment sur la comparaison entre ceux qui bénéficient desdits "privilèges" et les autres, et sur le projet aberrant (au nom d'une pseudo-équité) de supprimer ces aspects positifs au lieu de les étendre (si besoin est) aux catégories qui n'en bénéficient pas.

On se souviendra d'abord que :

* les "privilèges" d'une catégorie sont le plus souvent une simple compensation accordée en échange d'un désavantage. Il serait bon d'étudier de près le problème pour chaque catégorie, d'autant plus que politiciens et médias évitent en général soigneusement de préciser ce que compensent les "privilèges" (sans quoi ils ne pourraient plus utiliser ce terme à tort et à travers). Je me contenterai de rappeler que les divers "privilèges" de la fonction publique compensent essentiellement un salaire inférieur à celui que procure le secteur privé à niveau de formation, de compétence et/ou de pénibilité égal.

* les "privilèges" peuvent aussi être le fruit d'une lutte sociale de la part d'une catégorie donnée. En ce cas, les autres catégories, si elles estiment mériter les mêmes avantages, seraient mieux inspirées de lutter à leur tour plutôt que de conspuer le résultat des combats d'autrui. Certes, depuis les années 70 et l'apparition d'un chômage important et continu (à quoi s'ajoute désormais le chantage à la délocalisation), tout combat social devient extrêmement périlleux pour les salariés ne bénéficiant pas de la sécurité de l'emploi : cette sécurité apparaît donc d'autant plus comme un "privilège". J'ai déjà eu l'occasion d'écrire ici que ce contexte rendait justement essentielle la possibilité qu'ont les fonctionnaires de résister (y compris au nom des salariés du privé) aux régressions sociales. Mais la majorité des salariés du privé tombe dans le piège de l'aigreur, dans le piège de ce discours sur les "privilèges" (diviser pour mieux régner, pour mieux briser chaque catégorie l'une après l'autre), là où ces mêmes salariés du privé devraient au moins soutenir dans la mesure de leurs possibilités (ne serait-ce que verbalement) les combats des fonctionnaires, voire (rêvons un peu) se joindre massivement à eux dans une grève générale et un mouvement massif contre laquelle les pouvoirs établis ne pourraient absolument rien.

* un avantage que chacun a le droit d'obtenir n'est pas un privilège : or, en ce qui concerne la fonction publique, chacun est libre de passer les concours correspondant à son niveau d'étude. Il y en a d'ailleurs pour tout le monde et certaines carrières (que l'on songe à l'armée) sont ouvertes à quasiment tous les QI. On peut donc raisonnablement supposer que ceux qui vitupèrent les privilèges des fonctionnaires alors qu'il leur est parfaitement loisible d'entrer eux aussi dans la fonction publique, parlent ainsi par pure jalousie, qu'il s'agisse de l'aigreur de se savoir incapable d'être accepté dans les carrières de l'Etat, fut-ce la plus humble, ou qu'il s'agisse de mauvaise foi : ils savent très bien que jamais ils n'accepteraient le salaire et/ou les conditions de travail d'un fonctionnaire, mais, aigris par les conditions qu'ils acceptent de subir pour gagner davantage qu'un fonctionnaire, ils rêvent de fonctionnaires qui soient plus mal lotis qu'eux sur tous les plans, par exemple de militaires qui risqueraient leur vie mais ne seraient pas pour autant en retraite plus tôt qu'eux, etc.

En conclusion, considérons que si l'on admettait la signification erronée que l'on donne si souvent au mot "privilège" dans des contextes bien précis, il faudrait dans ce cas ne pas oublier de l'appliquer également, et avec une égale frénésie, à des tas d'autres situations, fort nombreuses, parmi lesquelles on pourrait citer le droit d'auto-augmenter son salaire de 150 %.

Autre exemple : coucher avec Carla Bruni est une sorte de privilège. Même si bon nombre d'individus en ont déjà bénéficié, la proportion de gens avec lesquels elle n'a jamais couché demeure largement supérieure. Il y a donc bien là un cas flagrant de privilège : pour y remédier, il convient d'interdire à quiconque de coucher avec Carla Bruni, ou alors d'obliger Carla Bruni à coucher avec tout le monde (au sens littéral de "tout le monde", cette fois). Ce dernier exemple montre je l'espère toute l'absurdité de l'abus du mot "privilèges" hors de toute prise en compte du contexte (ici la liberté d'une femme à disposer de son corps). J'ose espérer que la vulgarité de ce même exemple ne choquera personne, mais je ne crois sincèrement pas que mon hypothèse fantaisiste fasse preuve de moins de respect pour Carla Bruni qu'elle-même n'en a pour sa propre personne.


20 mars 2008 : L'ARGUMENTAIRE A MORANO

En voyant des images de Nadine Morano faisant de la retape dans un troquet, on est effrayé de constater à quel point ses arguments sont creux, voire faux, mais en même temps redoutablement efficaces sur un auditoire populaire, par leur simplicité et leur malhonnêteté mêmes. On est totalement à côté de la réalité lorsqu'on réduit le débat politique à un échange d'arguments pesés et cohérents. Tandis que les intellectuels tentent de rester sur le terrain d'une réflexion un tant soit peu sérieuse, des mercenaires sans scrupules emportent la mise en jouant à 100% la carte de la démagogie, de la réflexion simpliste et des instincts les plus bas. On sait bien que la plupart des gens sont manipulables et manipulés, mais on ne le sait souvent qu'en théorie : voir la Morano exercer ses talents, c'est voir concrètement comment cette manipulation se fait, et à quel point elle est facile.


25 mai 2008 : PAUL VEYNE NE DIT PAS QUE DES CONNERIES

Paul Veyne estime qu'on ne peut pas qualifier les Etats-Unis d'impérialistes puisqu'ils n'ont pas de colonies (comme si l'impéralisme était nécessairement territorial et ne pouvait être économique et/ou culturel).

Paul Veyne affirme que les jeux du cirque, loin de dépolitiser les Romains, les politisaient, car ils râlaient quand ils n'en avaient pas, ce qui obligeait l'empereur et les plus riches à offrir au peuple des divertissements. Il ajoute : "c'est comme si on disait que la sécurité sociale dépolitise les gens." Mettre sur le même plan une mesure de justice sociale et un divertissement débile, ça c'est de la réflexion politique ! De même que limiter la conscience politique de peuple au fait de râler contre un empereur quand il n'a pas sa dose de jeux à la con.

Cela dit, à ces quelques choses près, Paul Veyne est sympathique et passionnant. Il nous apprend entre autres choses que la majorité des esclaves à Rome ne venaient pas des guerres mais étaient des enfants romains abandonnés à la naissance sur les tas de fumier parce que non désirés (pratique apparemment assez courante) et que venaient ramasser là les marchands d'esclaves.


27 mai 2008 : LE LIBERALISME POUR LES NULS (ET LES IGNOBLES)

C'est le nom et le propos d'un site internet créé par un épigone du mouvement Alternative Libérale. Outre les habituels amalgames entre liberté, libertarisme et libéralisme, le site est d'autant plus malsain qu'il est bien fait et agrémenté d'illustrations respectables (de Magritte à Schuitten). Aussi attractif que le bulletin d'information d'une secte prospère. De quoi séduire pas mal de paumés, mais surtout de quoi ôter d'éventuels scrupules à ceux que la vie oblige à collaborer avec le libéralisme.

Bref, un évident talent de présentation au service d'une cause abjecte.

Mais le pire est un encadré évoquant Corto Maltese :

Adam Smith, c’est un peu le Corto Maltese des penseurs libéraux : il a un lien avec les gitans.

Mais Corto Maltese a une vision très mercantile de la richesse : accumuler le plus d’or possible en tuant des gens parfois.

A part cette petite habitude désagréable, Corto Maltese est parfaitement libéral. Il fait usage de sa liberté pour voyager dans des contrées exotiques, vagabonder dans des mondes ésotériques. C’est son droit naturel et inaliénable. D’un point de vue libéral, c’est aussi respectable que jeune cadre dynamique dans un fond de pension.

Là ça va trop loin. Qu'on cautionne un système qui favorise l'enrichissement de quelques uns au détriment du reste de l'humanité, un système qui en arrive à détruire le droit de tous à la santé ou à l'éducation, à spéculer sur les denrées alimentaires,... je veux bien, passons. L'homme est pourri, bon, OK. Mais qu'on ne mêle pas Corto Maltese à tout ça (*). Je n'accumule pas d'or (et Corto Maltese non plus d'ailleurs, qui par ailleurs ne tue jamais que pour se défendre, contrairement à ce que prétend cet âne de Grégoire Prat pour faire l'intéressant) mais il pourrait bien m'arriver de tuer parfois des gens, en particulier si je les entends comparer Corto Maltese à un "jeune cadre dynamique dans un fond de pension".

Salissez la vie, piétinez la, détruisez la si ça vous amuse et si ça vous permet d'avoir l'illusion d'être quelqu'un, je ne peux pas vous en empêcher : mais ne touchez pas à Corto Maltese, gros connards !

(*) : Comme par hasard, Corto Maltese est justement la façon qu'un homme faillible, Hugo Pratt, a trouvé pour nous offrir un idéal éthique. Au lieu d'essayer de s'élever un peu vers cet idéal, le libéral trouve une solution plus confortable : ravaler Corto Maltese à son propre niveau.


1° juin 2008 : ECHEC DE LA MESURE (ET MESURE DE L'ECHEC, BIEN ENTENDU)

J'avais aimé les premiers romans de Maurice G. Dantec, mais l'adaptation au cinéma de La Sirène rouge n'est qu'un mauvais clip de deux heures. J'ai mis à profit la découverte de ce navet pour me renseigner sur l'évolution de Dantec depuis que j'ai cessé de le lire et, comme je l'avais pressenti, c'est assez consternant : conversion au catholicisme, croisade contre l'Islam,... Ca m'a donné l'occasion de tomber sur le site des "hussards de la droite strasbourgeoise". Après le site de l'autre jour (Le Libéralisme pour les Nuls), ça me confirme dans l'idée qu'à trop surfer sur le web on tombe sur des machins qui filent la gerbe.

Mais face aux séductions de la démagogie, du conformisme et/ou des extrêmismes, mon pauvre discours d'appel à la mesure et à la Raison, trop réac et moralisateur pour la gauche radicale, trop à gauche pour les autres, n'a véritablement aucun charme. Les cartes sont distribuées et le combat se joue entre les démocrates libéraux et les antilibéraux dogmatiques. Quoiqu'il arrive, l'avenir sent très mauvais.

***

C'est un éternel ping-pong politique, sur des tas de sujets, entre deux formes de connerie. Exemple :

- les jeunes issus de l'immigration sont des voyous.

- non, ils sont tous d'une exquise courtoisie.

Le moyen terme, "il y a effectivement des délinquants parmi ces jeunes et il est nécessaire de s'attaquer aux causes de cette délinquance, qui n'a pas à voir avec la culture d'origine mais avec la situation présente", ce moyen terme n'est jamais envisagé. Peut-être parce qu'il réglerait le problème, privant ainsi les politiciens de tous bords d'un débat aussi fructeux (pour eux) qu'infini.


NOUVELLES MYTHOLOGIES

Les Nouvelles Mythologies (2007) sont par nature (un auteur différent pour chaque article) inégales. Ce qu'il y a de mieux, ce sont les sujets choisis, vraiment représentatifs de notre époque. Mais quant au traitement, on peut sérieusement regretter que Roland Barthes ne soit plus là pour s'en occuper lui-même. Par souci d'équité sans doute, Jérôme Garcin s'est cru obligé de laisser s'exprimer diverses sensibilités. Le résultat est un livre qui se voudrait un hommage à Barthes (et à un de ses ouvrages les plus passionnants), mais dans lequel on trouve, outre de nombreux articles ternes et purement descriptifs, des textes malhonnêtes au service de l'ordre économico-politique triomphant, des textes qui renforcent la manipulation opérée par le pouvoir au lieu de la mettre en lumière comme le faisait Barthes. Le "Plombier polonais" est un modèle du genre, reprenant plus ou moins le style des Mythologies, mais uniquement pour mieux nous asséner (pour la énième fois) sa doxa. Evidemment, Denis Jeambar est de la partie et nous (re)gave de son éternelle complainte de victime de la "Pensée unique". François Tallandier (sur le "digicode") met dans le même sac d'un univers "clean, safe and dead" l'interdiction du tabac ou celle du linge aux fenêtres (certes discutables) d'une part, et d'autre part le tri sélectif des ordures, qui est en soi une bonne chose (mais il doit se sentir hyper-rebelle en dénonçant ça). Le summum de l'indécence est atteint par Daniel Sibony, lequel, après une analyse assez douteuse (et prétendument faite selon deux perspectives opposées, tu parles !) de la Racaille et du Kärcher, conclut longuement son article en disant que Barthes ne dénonçait les clichés bourgeois que pour proposer à la place ses propres clichés d'intellectuel de gauche, alors qu'il aurait dû (comme le génial Sibony) aborder chaque thème sur plusieurs niveaux. Bref, tout cela va du "parfois bon" à l'ignoble, en passant par beaucoup de médiocrité, et Barthes peut se retourner dans sa tombe pendant un bon moment. Garcin, qui est un type bien, a raté son coup en ouvrant son projet à tant d'insignifiants et à tant de sales cons. On pouvait respecter un peu plus l'esprit de Barthes, et après tout rien n'interdisait à toute la clique des Jeambar de réaliser leurs propres Nouvelles Mythologies Sarkozystes.

En fait, on aurait pu ajouter un article sur ces Nouvelles Mythologies elles-mêmes, tant elles sont révélatrices de leur temps. Depuis Barthes, on est passé d'une démarche de réelle analyse critique, d'une volonté de comprendre et de démythifier, à une démarche relevant au mieux du banal constat, et souvent même de la justification des choses, de la mauvaise foi. Le fait que Garcin ait cru bon de diversifier ainsi les contributeurs, quitte à y inclure les pires râclures idéologiques, montre bien la différence radicale entre les deux ouvrages et illustre bien notre époque de critique molle, feutrée, suicidaire au point d'ouvrir ses colonnes à ses pires ennemis, une époque où, sous prétexte que les CRS ne sont tout de même pas des SS (et que par conséquent les gauchistes sont forcément et à tous points de vue des irresponsables excessifs), on trouve tout naturel de donner la parole aux néo-fascistes, aux fanatiques en tous genres, aux escrocs les plus cyniques, aux avérés tartuffes, etc.

Si l'on devait choisir entre ces deux livres pour mieux comprendre notre époque, il serait donc de très loin préférable de lire celui de Barthes, même s'il y décrit une France passée. On y trouvera en effet l'essentiel : une méthode, par l'application de laquelle chacun pourra ensuite décrypter le temps présent bien plus efficacement que ne prétendent le faire les pignoufs réunis par Jérôme Garcin.

Cet été sur France Culture, l'émission Mythographies / Mythophonies reprend le principe, dans un esprit infiniment plus proche de celui de Barthes.


31 juillet 2008 : MYTHOPHONIES

Sans être du niveau de Barthes, les Mythographies/phonies de France Culture tiennent plutôt bien leurs promesses. A l'exception toutefois d'un passage dans l'émission consacrée au burkini, où l'on s'efforce de démontrer que les vacances sont une sorte de religion :

"C'est évidemment une pratique religieuse qui s'ignore comme telle, pourtant rien n'interdit de décrire les pratiques de plage comme une ritualité de type religieux, avec ses processions (le départ en vacances), ses objets de culte (la parasol, le ballon, le maillot de bain, le sable, etc.), ses fidèles, ses lieux de culte (la plage, la piscine, Saint-Tropez), ses divinités (ses deux puissances tutélaires que sont le soleil et l'océan) auxquelles on s'expose pour en obtenir des bienfaits."

On pourrait évidemment "démontrer" la même chose à propos de quasiment n'importe quoi, dire par exemple que les fonctions d'excrétion sont une forme de religion qui s'ignore, avec ses processions (réelles au camping, symbolique dans l'écoulement de l'urine,...), ses objets de culte (le balai à chiottes), ses lieux de culte, ses grandes prêtresses (les dames-pipi), ses extases (lorsque le soulagement vient après la rétention), etc. Cette religion a même ses reliques, mais, pour plus de détails sur ce point, il convient de s'adresser à Philippe Katerine.


26 août 2008 : SUITE DANS LES IDEES OU ENTÊTEMENT ?

Au sujet de l'école, La Suite dans les idées accueille François Dubet et autres sociologues de même acabit (ou pire). Pas un seul contradicteur n'est présent. On peut dire ce qu'on veut de Finkielkraut, mais, outre qu'il a sur ce sujet des positions un peu plus pertinentes à mon goût, il ne manque jamais d'inviter des gens qui ne partagent pas son avis afin de susciter un vrai débat. Chez Sylvain Bourmeau, on part du postulat que les contradicteurs ont tort : il est donc inutile de leur donner la parole, on se contente de commencer l'émission en demandant à Dubet ce qu'il pense de tant d'ineptes contradictions. En l'occurence, il répond avec condescendance qu'elles sont dues en partie à des sortes d'illusions d'optique, en partie à des intérêts corporatistes. Il a même la bonté de remettre un peu en cause les sociologues, qui sont "un peu naïfs" : en effet, ils estiment que, sous prétexte qu'ils ont raison (ceci reste évidemment indubébitable), ils doivent forcément être entendus par la population et les politiques, alors qu'il y a "ce qu'on appelle la démocratie" qui fait que les gens ne sont pas obligés de croire les porteurs de vérité tels que (pour ne citer que le plus grand) François Dubet. Bref, sa seule remise en cause n'est qu'une pirouette pour se poser en victime respecteuse des décisions de la majorité, aussi ineptes fussent-elles (ou, pour mieux exprimer sa pensée, "aussi inepte fût-elle"). Exactement comme ces blaireaux qui vous expliquent que leur plus grand défaut, c'est la franchise ou la générosité.

Il finira l'émission sur ce noble trait généreux, justement : "Moi, j'ai de l'indulgence pour les ministres, d'une certaine façon, parce que, quand vous regardez, depuis trente ans, tous ceux qui ont levé un doigt se sont fait tuer sur le bord de la route, de droite ou de gauche, donc on peut quand même être indulgent." Il me semble que Claude Allègre, celui qui a le plus "levé un doigt" (expression parfaitement bien choisie en ce qui le concerne), est encore bien alerte et loquace, pour un cadavre. Mais je suis sans doute victime de quelque illusion d'optique, n'étant qu'un crétin d'enseignant, incapable de voir les choses telles qu'elles sont réellement, c'est-à-dire telles qu'a envie de les voir François Dubet.


6 novembre 2008 - NOUVEAUX CHEMINS DE L'IGNORANCE

Raphaël Enthoven et son invité Alain Renaud semblent d'accord pour estimer que le 11 septembre 2001 (et tout ce qu'il implique) contredit la théorie de la Justice de Rawls selon laquelle le fait de mettre un instant de côté sa subjectivité, ses intérêts personnels,... (démarche intellectuelle que Rawls appelle le "voile d'ignorance") et de ne laisser s'exprimer que la Raison permet d'aboutir à un consensus favorable à tous, à des institutions justes, etc. "Impossible de discuter avec des fanatiques", objectent nos deux lascars. Soit je m'exagère un peu leur propos, soit il s'agit bien d'une reprise décomplexée de la fameuse et nauséabonde "guerre des civilisations".

C'est faire peu de cas des siècles de grandeur et de tolérance de l'Islam, au cours desquels on peut hasarder que le consensus et le respect des diversités ont été beaucoup plus présents qu'ils ne pouvaient l'être à la même époque dans l'Occident chrétien. C'est surtout faire peu de cas de tous les musulmans actuels (de simple éducation musulmane ou même croyants modérés) qui n'ont rien à voir avec quelque fanatisme que ce soit et qui sont par là même aussi accessibles à la Raison, sinon plus, que n'importe quel péquenot français ou américain. C'est nier que le fanatisme, islamiste ou autre, soit le fruit de circonstances historiques, sociales et individuelles précises ; nier que ce qui détourne un individu, quel qu'il soit, quelle que soit sa culture, de la Raison, ce n'est que la souffrance et/ou un déséquilibre relevant de la psychiatrie. Bref, c'est ethniciser, racialiser sournoisement un problème qui n'a rien à voir avec les races. Races qui, est-il besoin de le rappeler (apparemment oui) n'ont aucune existence scientifique.


27 janvier 2009 : ARGUMENTATION VICIEE

Premier exemple - A propos d'enseignants ayant choisi la "désobéissance pédagogique" face à ses réformes, Darcos a déclaré en substance : "Ce n'est pas important, ce ne sont que quelques surexcités isolés. On ferait mieux de parler des milliers de braves fonctionnaires qui appliquent sérieusement ces réformes."

Commentaire - Je ne me sens pas particulièrement proche des enseignants du primaire qui contestent les réformes en question, car elles me semblent en partie intéressantes, mais la question n'est pas là, ou plus exactement, elle devrait être là, Darcos devrait être capable de défendre sa réforme (si elle est défendable) au lieu de se contenter de faire valoir la docilité de la majorité. La docilité de la majorité des fonctionnaires à des directives débiles ou même ignobles n'est pas une preuve, pauvre imbécile ! Qu'on songe aux fonctionnaires allemands et français qui appliquèrent bien gentiment les directives du pouvoir nazi : valent-ils mieux que ceux qui, minoritaires, ont choisi de désobéir ? Evidemment non, sinistre andouille de Darcos !

***

Second exemple - Un argument classique contre les critiques radicales (de quoi que ce soit) est de dire qu'il est facile de critiquer mais que l'adversaire ne propose rien de constructif.

Commentaire - Laissons de côté les demeurés qui critiquent tout et n'importe quoi en fonction de leur intérêt personnel ou pour jouer les rebelles à bon compte, mais toute critique radicale intelligente est bonne à prendre et mérite d'être étudiée. Le fait de n'avoir rien à proposer en échange de ce que l'on critique n'oblige en rien à se taire. Il y a des gens doués pour voir les aspects négatifs et d'autres plus doués pour proposer et construire : tout cela peut parfaitement se compléter. Une critique fondée mérite d'être prise en considération et elle peut servir de base à d'autres individus pour rechercher des solutions. Bref, il n'y a aucune raison (hormis le terrorisme idéologique) de discréditer une position critique au seul prétexte que son auteur ne propose rien en échange.


5 février 2009 : PAS SI SOT ?

Tiré d'un article du Monde sur les réactions de Parisot aux grèves et manifs de jeudi dernier.

"Je suis consternée quand je vois une photo des manifestations à la Une du Wall Street Journal et du Financial Times. Je sais que tous les investisseurs qui pouvaient être en train de se demander s'ils iraient en France ou ailleurs donneront ce jour là dans leurs délibérations un point négatif à la France", affirme-t-elle.

Chantage et culpabilisation. Mais c'est vrai que c'est dommage, car justement, la veille de ces honteuses manifestations, les américains songeaient tous très fortement à investir en France plutôt que dans un pays où la main d'oeuvre ne coûte rien et où le droit du travail est inexistant; C'est con quand même, hein ?

Selon Mme Parisot, "la crise est comme une tempête et je pense qu'il est de peu d'efficacité de protester contre la tempête. On fabrique de l'appauvrissement quand on fait grève pendant toute une journée. Cela coûte cher et ruine la réputation de la France."

A cette différence qu'une tempête n'est provoquée par personne (quoique ... si on se met à parler de réchauffement climatique ...), tandis qu'une crise financière a des responsables (même si les responsabilités sont réparties, diluées, et souvent bien cachées). Des responsables et surtout des bénéficiaires qui s'en sont mis plein les poches et aimeraient continuer, même en pleine catastrophe (surtout en pleine catastrophe ! pendant que tout le monde panique, c'est le moment essentiel pour piller plus encore les pauvres avant de mettre les voiles !)

Pour elle, la décision de Barack Obama de fixer à 500 000 dollars la rémunération annuelle maximale des dirigeants bénéficiant d'aides publiques représente un risque. "C'est le risque que partent des hommes ou des femmes qui sont peut-être pour partie responsables du drame économique actuel. Mais qui sont aussi les plus compétents pour mettre en place les solutions."

Des gens responsables du drame, mais qui sont en même temps les plus compétents pour trouver des solutions et qu'il faut pour cette raison continuer à payer grassement au lieu de les jeter en prison : ça c'est du raisonnement !

Aucune cohérence, mais surtout aucune décence.

On a beaucoup entendu ces derniers jours les (derniers ?) thuriféraires acharnés de l'ultralibéralisme accuser les grévistes d'être irresponsables, rappeler le coût d'une journée de grève et souligner que ce n'est vraiment pas le moment d'aggraver les choses en pleine crise. Ces gens ont à peu près autant de légitimité et de bonne foi qu'un bourreau torturant sa victime et lui disant : "Arrêtez de remuer et de crier, espèce d'imbécile, ça va vous faire encore plus mal !"


26 février 2009 : YOUPI ! L'EVEQUE NAZI DEVIENT GENTIL !

Devant le tollé suscité par sa réintégration, en particulier parmi les catholiques eux-mêmes, l'évêque négationniste Williamson vient, paraît-il de "demander pardon". On sait déjà ce qu'on va trouver si on regarde de près sa déclaration, il y a à peu près autant de suspense que si l'on entreprenait d'explorer une fosse à purin, mais bon, pour la forme, allons y ...

"Le Saint Père et mon supérieur, le cardinal Bernard Fellay, m'ont demandé de reconsidérer les déclarations que j'ai faites à la télévision suédoise, il y a quatre mois, en raison de leurs si lourdes conséquences. En examinant ces conséquences, je peux dire sincèrement que je regrette d'avoir fait ces déclarations, et que si j'avais su à l'avance tout le mal et les blessures qu'elles allaient susciter, spécialement pour l'Eglise, mais également pour les survivants et les proches des victimes d'injustices sous le IIIe Reich, je ne les aurais pas faites."

Deux constatations :

- comme on pouvait s'y attendre, notre ami nazi ne regrette absolument de penser ce qu'il pense, mais simplement d'avoir mis son pape en fâcheuse posture en exprimant son opinion.

- il s'excuse au passage auprès des "survivants et des proches des victimes d'injustices sous le IIIe Reich". Au moins, il est honnête : on ne lui fera pas dire que la Shoah est une réalité historique s'il ne le pense pas, donc il adopte une formulation particulièrement floue qui ne l'engage à rien.

Pour une prochaine fois, je lui suggère cette formulation : "En déclarant cela, je ne voulais en aucun cas heurter la sensibilité de ceux qui ont pu être victimes d'éventuelles tracasseries sous le III° Reich."

C'est bien, comme mot, "tracasseries" : pas vrai, Williamson ?


26 mars 2009 : VOCABULAIRE

Un des refrains les plus ressassés depuis la contre-offensive idéologique des droites, c'est qu'il ne faut pas employer les mots à tort et à travers, en particulier en traitant les CRS de SS ou en traitant n'importe qui de fasciste. Beau moyen de retourner la problème ("votre discours est caricatural, donc injuste et criminel") au lieu de se demander tout simplement ce qu'il peut y avoir (ou ne pas y avoir) effectivement de fasciste ou de fascisant dans ce dont on parle. Le procédé est très proche de cette victimisation des intégristes catholiques qui prétendent combattre le "racisme anti-chrétien" (et on ne rigole pas devant une telle connerie ! sinon on est un sale "raciste anti-chrétien" !).

Prenons le cas de Sarkozy et ses sbires : les Devedjian, les Balkany, les Morano, les Hortefeux, les Besson,... Fascistes ? Non, bien sûr. Objectivement, le fascisme italien, c'était différent. Dans les faits, ces gens ne sont pas des fascistes. Mais pas par nature ! Simplement parce que le lieu et l'époque ne leur en donnent pas (encore) pleinement les possibilités. On pourra toujours me dire que je leur fais là un procès d'intention, mais j'ai tendance à penser que ceux que j'ai cités auraient vraiment pris leur pied sous Mussolini.


10 mai 2009 : SENS DES MOTS ("Vers la clarté")

Après l'indépendance des Etats-Unis, les deux partis en présence furent d'abord les fédéralistes et les républicains. Les premiers étaient ceux qui insistaient sur le pouvoir du gouvernement fédéral, c'est-à-dire "central", par rapport aux gouvernements des différents Etats fédérés. Le terme est trompeur pour des Français. En effet, la France s'étant constituée à la même époque par une unification radicale, on a appelé "fédéralistes" ceux qui souhaitaient donner plus de pouvoir aux unités territoriales diverses en créant une fédération. Les Etats-Unis étant déjà une fédération à leur naissance, cet objectif n'existait pas et le mot "fédéraliste" a ainsi pu désigner ceux qui, dans le cadre de cette fédération existante privilégiaient le gouvernement de Washington, appelé "fédéral", comme tout ce qui renvoie chez eux, non à la division, mais à ce qui unifie par-delà les divisions (FBI, etc.)

Tout ceci montre bien à quel point le sens des mots peut être fluctuant et trompeur. Heureusement, cette opposition a assez vite laissé la place à l'opposition (au duo ?) républicains/démocrates. Même si l'opposition n'a là encore pas grand chose à voir avec les concepts français "homonymes", c''est, au moins à l'échelle américaine, une opposition beaucoup plus claire. Le terme "démocrate" est en effet d'une grande précision et ne se prête à aucune ambiguïté ou manipulation ("démocratie populaire de Chine", Le Pen précisant "Je suis un démocrate", etc.) et ainsi la distinction est parfaitement claire entre républicains (droite libérale) et démocrates (droite libérale).


8 juillet 2009 : PORTES OUVERTES (MAIS NEANMOINS DEFONCEES) SUR LES SECTES

Sylvain Bourmeau a invité un sociologue, Arnaud Esquerre, qui publie un livre sur les sectes. Après quelques banalités, on finit par en arriver à l'essentiel du propos : les sectes sont généralement dénoncées (par exemple par le méchant Roger Ikor) au nom d'une idéologie réactionnaire, anti-soixante-huitarde, fondée sur l'autorité familiale. On accuse les sectes d'être totalitaires : "comme si la famille n'était pas totalitaire !" ironise une comparse (l'ethnologue Jeanne Favret-Saada, si je ne me trompe), "et en fait ce qui est sous-entendu là-dedans, c'est que toute nouvelle forme d'autorité qu'on se donne, à quoi on consent librement, ne peut être que mauvaise puisqu'on y consent librement, alors que l'autorité, on doit y adhérer et point."

Quand on songe un peu à tous les paumés, déjà bien amochés par la vie, qui en prime se retrouvent, en pensant avoir enfin trouvé un peu de chaleur humaine et un peu de sens à leur vie, entre les mains d'escrocs manipulateurs, on se dit que les bien-pensants comme Bourmeau et ses invités du jour sont de bien tristes et bien sinistres cons.

Cela dit, notre sociologue a réalisé une enquête fort instructive. En effet, il a eu l'idée de génie de comparer un secte reconnue (l'Eglise de Scientologie) et un groupe que personne ne considère comme une secte (les Narcotiques Anonymes). Il a découvert des différences étonnantes : chez les Narcotiques Anonymes, il n'y a pas de gourou, les frais sont réduits au minimum et on n'arnaque pas les gens, on peut quitter le groupe quand on veut, etc. Sidéré par ses trouvailles, il en conclut que finalement "ça échappe complètement à l'accusation d'être une secte, on voit bien pourquoi". Eh ouais. On pourrait aussi comparer un groupe maffieux reconnu comme tel et une association de joueurs de pétanque, histoire de voir si on découvre également qu'on ne retrouve pas chez les pétanquistes les caractéristiques pourtant généralement présentes dans tout gang maffieux.


21 juillet 2009 : PERMANENCE DE SAINT AUGUSTIN

Lucien Jerphagnon rappelait récemment que le principal vice d'Augustin avant sa conversion était l'arrivisme. Il est vrai que sa "terrible" histoire de poires jetées à des cochons (pas même sur des cochons !) ne fait guère le poids comme témoignage d'une nature diabolique. Je hasarde l'hypothèse qu'il n'a pas vraiment été guéri de son arrivisme en se convertissant et que le christianisme a simplement été pour lui un autre moyen de s'élever. On pourra m'objecter qu'Augustin fut nommé évêque contre son gré, protestant qu'il préférait l'étude et la solitude à une telle responsabilité. Je reconnais que cela ne prouve absolument rien quant aux intentions réelles d'Augustin, mais enfin on peut observer que c'est exactement ce que répond, chez Shakespeare, l'ignoble Richard III (après avoir méthodiquement fait massacrer quasiment toute sa famille pour en arriver à cela) lorsque ses complices lui demandent publiquement de monter sur le trône.


8 août 2009 : REGIS DEBRAY ET PIERRE NORA

Ces deux-là parlent notamment des intellectuels "totalitaires", comme Sartre, qui passe son temps à pratique l'extermination verbale ("il s'agit toujours d'en finir avec ..."). Pierre Nora y associe "même un homme comme Lacan, qui a très profondément utilisé le principe quasi-pascalien de : je vous le dis parce que vous ne pouvez pas comprendre, et c'est cette incompréhension qui est fondatrice de mon propre pouvoir sur vous."


17 octobre 2009 : UN POETE ?

Face au juge Renaud Van Ruymbeke, Finkielkraut a invité à débattre l'avocat Daniel Soulez Larivière, qui s'avère être un impayable (impayable ?...) sophiste. Son principal argument est que, même si la réforme actuelle n'est pas parfaite, il faut la faire et l'améliorer "en avançant". Cela rappelle fortement les défenseurs du Traité Constitutionnel, selon lesquels il serait toujours temps de rectifier les aspects dangereux après coup.

Plus tard, il affirme : "Si l'on avait un Parquet complètement indépendant du pouvoir politique, on serait le seul pays au monde (et alors ?), à part l'Italie, qui va bientôt changer de statut". "Grâce à M. Berlusconi", précise Van Ruymbeke. L'autre s'agace : "On s'en fout que ce soit Berlusconi ou un autre ! Le problème ce sont les faits ! Moi je regarde les choses, je me fiche de savoir qui le fait." Ca peut pourtant être intéressant de savoir qui fait les choses, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi elles sont faites ...

Passons sur la métaphore homérique ("Le juge d'instruction, c'est Pénélope : il fait le chasseur le jour et il fait le juge la nuit"), car le plus beau passage concerne l'affaire d'Outreau, que notre homme définit comme "l'histoire d'un oeuf qui est incapable de générer une antidote" (sic). Filant (?) sa métaphore délirante, il précise qu'un "antagonisme salvateur" ne pourrait être produit que par "des avocats qui ont autre chose que des bougies pour casser cet oeuf."

On dirait du Jean-Claude Van Damme. Je réécoutais justement ce matin une émission de 2007 consacrée à la langue française, avec Pierre Encrevé. A propos de la reprise d'expressions de Van Damme telles que "être aware", Finkielkraut s'insurgeait en disant qu'il était affligeant que les jeunes se réfèrent à un tel homme car "les films de Van Damme sont vraiment ce qu'il y a de plus con" (c'est fou comme les gens deviennent grossiers par moments). La culture cinématographique de Finkielkraut semble fort approximative : Van Damme n'a certes jamais tourné dans un chef-d'oeuvre, mais ce n'est pas pour autant ce qu'il y a "de plus con". Les films de Max Pécas ou bien encore Le Jour et la Nuit de BHL sont des films infiniment plus cons que la plupart des films de Van Damme. En outre, tout en étant quelque peu confus dans ses réflexions et dans leur formulation (mais guère plus que M. Soulez Larivière, finalement, or Finkielkraut ne dit pas pour autant à celui-ci qu'il est con), Jean-Claude Van Damme n'est certainement pas ce que la nature humaine a produit de plus con. Au beau milieu de n'importe quel rassemblement de l'UMP ou du PS, je ne suis pas certain qu'il remporterait la moindre palme en termes de connerie. Tout au plus celle de la sincérité naïve.


14 novembre 2009 : SOCIOLOGUES

Finkielkraut cite Renaud Camus (Du Sens) : "Il s'est formé parmi nous une caste que l'on pourrait appeler celle des amis du désastre. Sa fonction paraît être soit de nier purement et simplement les évolutions fâcheuses, soit d'expliquer, lorsque ce n'est pas possible, qu'elles sont loin d'être aussi fâcheuses qu'il n'y paraît ou qu'elles sont les prémices de grands bonheurs à venir. Les amis du désastre exercent leurs talents assez logiquement dans les domaines où le désastre semble le plus manifeste et s'expose avec une évidence qu'eux s'ingénient précisément à donner comme trompeuse, j'ai nommé l'éducation, la sécurité, le langage et le paysage. Il s'agit toujours d'établir, chiffres en main, statistiques à l'appui, que nous ne voyons pas ce que nous voyons, que nous n'entendons pas ce que nous entendons, que ce que nous croyons qui arrive n'arrive pas vraiment."


4 avril 2010 : PEDOPHILES ET VICTIMES DE LA SHOAH : MEME COMBAT ! (???)

Un des ratichons illuminés (pléonasme) qui entourent Benoît XVI a comparé à l'antisémitisme les attaques contre le Vatican faisant suite à la révélation (révélation ?) de nombreuses affaires de pédophilie : "L'utilisation du stéréotype, le passage de la responsabilité et de la faute personnelles à la faute collective me rappellent les aspects les plus honteux de l'antisémitisme".

Je n'ai pas vraiment suivi les détails de l'affaire, mais je serais surpris qu'aucun analyste sérieux se soit permis de généraliser en affirmant que "tous les prêtres catholiques sont pédophiles". On constate seulement (seulement ?) que ce genre d'affaires est plus fréquent qu'on ne le croyait (on le croyait ?). Ce que le prédicateur papal appelle "stéréotype", ce n'est que le constat navrant du nombre relativement important de ces affaires. Ce qu'il voudrait faire passer pour un "passage à la faute collective" ("tous les membres de l'Eglise sont pédophiles") n'est, me semble-t-il d'après ce que j'ai pu en lire, que la critique des autorités ecclésiastiques qui ont si souvent préféré couvrir ce genre de crimes. Tout cela fait une sacrée différence avec l'antisémitisme. Relever toutes les incohérences d'une telle comparaison serait fort long, mais (alors qu'on voit très bien les cas de pédophilie dont il est question, et qu'on voit très bien en quoi ils sont criminels) on peut tout de même se demander quelle est la faute "personnelle" dont l'antisémitisme a fait des stéréotypes ou une faute collective : le fait que de nombreux juifs, par la force des choses et des anciennes législations, aient pratiqué le métier d'usurier ou que quelques uns soient devenus de riches banquiers ? Mais, quoi qu'on puisse en penser de mal, banquier et même usurier, ce sont des métiers : pas pédophile. Ou bien pensait-il à l'accusation collective de "peuple déicide", accusation venue justement des chrétiens : ce serait assez gonflé de sa part !

Toujours est-il qu'on est en train de comparer une haine irrationnelle fondée sur des généralisations et des billevesées avec le simple constat de faits réellement critiquables, qu'il s'agisse des actes pédophiles ayant été commis ou de l'attitude du Vatican pour les couvrir. Bref, c'est encore un nouvel usage "défensif" de l'accusation d'antisémitisme. Après les Juifs cons ou les Juifs malhonnêtes (et cette fois ce ne sont pas des pléonasmes) qui accusent systématiquement d'antisémitisme ceux qui osent pointer leur connerie (Arthur and Co) ou leur malhonnêteté, voici que les catholiques, inventeurs de l'antijudaïsme médiéval, reprennent le truc à leur compte pour esquiver une réalité plus que dérangeante.

C'est mal, ça.


16 octobre 2010 : POPULISME

Finkielkraut atteint ce matin des sommets de mauvaise foi et de sophistique nauséabonde. Cela dit, seul le degré étonnant de sa malhonnêteté intellectuelle est ici surprenant : on se doutait tout de même un peu qu'en intitulant son émission "Y a-t-il une menace populiste ?", il n'allait pas évoquer le Roi des Populistes, pour l'instant toujours assis sur son trône, mais ceux qui se permettent de contester Populiste Ier, sa vie, son oeuvre, son bouclier fiscal, etc. Même ses invités, Jacques Julliard et Dominique Reynié, qui ne sont pas franchement de virulents gauchistes mais qui, eux, ont sans doute encore une réputation de sérieux à préserver, se sentent régulièrement obligés de faire bonne mesure en évoquant le populisme présidentiel et pas seulement celui de Mélenchon (*), visiblement l'incarnation ultime du populisme selon Finkielkraut, qui a dû oublier ses lunettes à l'Elysée.

L'un des invités, Dominique Reynié, finit toutefois, sans doute gagné par ce climat d'allègre déconnade sans scrupules, par se laisser aller à ses plus bas instincts manipulatoires. Il fait mine d'observer avec surprise que le mouvement d'opposition à la réforme des retraites réunit les "grandes victimes" de cette réforme et ses "grands bénéficiaires" : "ensemble, côte à côte, au nom de la Justice, je n'y crois pas." Les "grands bénéficiaires" de la réforme, selon lui ("je m'excuse de le dire ainsi", précise-t-il, sans doute dans un ultime et infime sursaut moral), ce sont (évidemment ?) "ceux qui sont épargnés : les agents de la RATP, de la SNCF,..." Il fallait oser ! Appeler "grands bénéficiaires" de la réforme ceux qui ont simplement la chance d'être moins frappés que d'autres par cette réforme, et qui néanmoins s'impliquent dans le mouvement par solidarité, parce qu'ils savent très bien que les salariés du privé peuvent difficilement se permettre une grève longue, donc efficace. Et ça, ça l'agace, M. Reynié : il estime qu'il faut distinguer, qu'il faut ... diviser ("les grands bénéficiaires" contre les "grandes victimes") : ben oui, c'est ce qu'on appelle diviser pour mieux Reynié, voilà. Dans la foulée, M. Reynié nous expliquera peut-être un jour que les grands bénéficiaires de la Grande Guerre, ce sont ceux qui n'y sont pas morts : les amputés, les gueules cassés, de vrais petits veinards ceux-là ! des "grands bénéficiaires" à faire pâlir d'envie un marchand de canons !

Et puis, accuser les moins frappés d'être "les grands bénéficiaires", ça permet surtout de ne pas se poser la question gênante (qui sont VRAIMENT les grands bénéficiaires de cette réforme ?) et de ne pas impliquer maladroitement dans un débat sérieux des gens qui ne tiennent pas à voir leur nom y figurer (Guillaume Sarkozy, par exemple ?).

Et puis Finkielkraut en remet une couche en constatant que les lycéens qui manifestent disent "les vieux doivent s'en aller car ils prennent notre place sur le marché du travail", ce qui, selon Finkielkraut, "ne témoigne pas d'un vrai sentiment de solidarité : le mot d'ordre, c'est dégagez !". Pouvoir dégager s'ils le souhaitent à un âge raisonnable, c'est justement ce qu'ils demandent, les "vieux", mais Finkielkraut fait tout de même semblant (on l'espère pour lui) de voir une contradiction dans des revendications qui sont parfaitement complémentaires. Il critique ceux qui appellent "une jeunesse sous-informée (**) à manifester au nom d'une exigence de justice tout à fait nébuleuse".

Je crois que je vais vomir.

(*) : cette fixation d'un Finkielkraut sur Mélenchon m'incite plus que jamais à souhaiter que lui et son Parti de Gauche aient le plus tôt possible leur chance de montrer ce qu'ils valent. Visiblement, les larbins du libéralisme craignent nettement plus Mélenchon que DSK ... Voir aussi, sur Rue89, cet échange assez vif entre Xavier Mathieu et Alain Minc : tout mérite d'y être entendu et illustre bien à quelle ordure sophistique nous avons affaire ici, mais je retiendrai ici la réaction de Minc lorsque Mathieu parle de l'attitude exemplaire de Mélenchon : "C'est parce qu'il a fait son numéro de démagogue, mais si Mélenchon était ministre de l'Intérieur, je ne suis pas sûr que vous le trouveriez plus sympathique que Brice Hortefeux."

(**) : "sous-informé" signifie sans doute qu'ils n'ont même pas entendu l'affirmation péremptoire selon laquelle cette réforme est "inévitable", malgré le ressassement dont fait l'objet ce dogme dans l'immense majorité des médias. L'autre jour, sur France 5, je ne sais quel journaliste crétin (ou sous-informé ?) opposait à Marc Blondel : "Mais vous savez bien qu'on n'a pas le choix, qu'elle est inévitable, cette réforme !"


11 juillet 2010 : RELATIVISME CULTUREL

Vantant le relativisme culturel, un historien déclare qu'il traite de la même façon dans son ouvrage l'opérette et l'opéra, par exemple, sans "dire où vont (ses) préférences". Mais ce qu'on attend de lui, c'est simplement qu'il pose une hiérarchie de valeur, s'il y a lieu, pour ne pas faire croire à ses lecteurs que tout se vaut exactement : quant à ses goûts personnels, personne n'en a quoi que ce soit à battre !


26 juillet 2010 : RIDICULES

Lors d'une interview sur Europe 1, Rama Yade a déclaré que David Douillet (lequel aurait critiqué son action pour prendre sa place) méritait "une ceinture noire du ridicule". Avant cela, interrogée sur un Tour de France où les coureurs ont atteint des vitesses inouïes et où certains supposent un large usage d'un forme nouvelle de dopage, pour l'instant indétectable, Rama Yade a répondu :

- qu'elle n'avait pas du tout entendu parler de cela (bien informée, la ministre ...)

- que les test anti-dopage avaient montré que le Tour était enfin redevenu propre (en même temps, c'est normal que les tests soient négatifs si les types utilisent le produit dont Rama Yade n'a jamais entendu parler)

- qu'il est consternant de voir le mal partout alors que nous avons eu un Tour de France superbe, un très beau spectacle, avec des victoires françaises, etc. (bref, constatons que le spectacle est réussi au lieu de nous demander stupidement pourquoi il est réussi !)

- elle conclut qu'avec une édition comme celle-ci, le Tour de France confirme qu'il appartient au patrimoine, non seulement sportif, mais culturel de la France.

Je déclare donc que Rama Yade mérite la même ceinture que David Douillet, même si elle risque de flotter un peu dedans.


28 juillet 2010 : COMMENTONS QUELQUES ARTICLES DU MONDE ET UN BOUQUIN CON DE CARLIER

* "Benjamin Lancar, président sortant (et réélu) des jeunes "populaires" de l'UMP, réfute tout soupçon de fraude durant les élections internes de son mouvement" : le journaliste voulait sans doute écrire "nie" et non "réfute". Ou alors il ne sait pas ce que ça veut dire. C'est comme s'il nous disait qu'Eric Woerth réfute être mouillé jusqu'au cou dans une affaire bien nauséabonde.

* "S'ils n'aiment pas la corrida, ils n'ont qu'à pas venir !" déclarent les aficionados à propos de manifestants anti-"j'emmerde une vache dans ma tenue de lumière". Ils ont raison. C'est aussi ce que disent à leurs détracteurs les régimes qui pratiquent la torture ou les pays "qui balancent des bombes atomiques pour vérifier qu'elles marchent bien" : "si vous n'aimez pas ça, vous zavez qu'à pas v'nir, mais n'en dégoutez pas les autres !"

***

Parmi les techniques de persuasion qui ont permis le retour idéologique de la droite, il y a cette remarque de bon sens selon laquelle il y a des escrocs et des honnêtes gens dans les deux camps. C'est là-dessus que repose le stupide bouquin consacré par Guy Carlier à Nadine Morano, en qui il a soudainement découvert une femme sincère (en l'occurence, donc, une femme qui croit sincèrement aux conneries, racistes ou autres, qu'elle raconte). De l'idée qu'il n'est pas bon de généraliser (ce qui est vrai), on en vient à l'idée que, finalement, la droite ou la gauche, c'est la même chose, et qu'il suffit de voter pour tel ou tel individu qui nous semble particulièrement sympathique ou compétent, qu'il soit de droite ou de gauche (ce fut le prétexte avancé par un certain nombre de gens honorables pour soutenir Sarkozy en 2007), quitte d'ailleurs à voter ainsi tantôt à gauche, tantôt à droite, puisque ce n'est pas cela qui compte. En d'autres termes, on a totalement évacué l'idéologie, le discours, les valeurs, les principes,... (toutes choses d'ailleurs fort difficiles à comprendre pour le crétin votant) au profit d'une valorisation du vote "à la tronche du candidat" (lequel a toujours existé mais sans être pour autant motif de fierté). En défendant Morano, par exemple, même en précisant qu'elle est la seule à l'UMP qu'il trouve sympathique, Carlier laisse de côté le problème fondamental : qu'est-ce que l'UMP ? quelles sont ses valeurs ? quels sont ses objectifs ? pour qui roule-t-il ? etc.


21 août 2010 : HORTEFEUX ET LA GAUCHE MILLIARDAIRE

Défendant sa politique sécuritaire, Hortefeux a déclaré : "Vous êtes aveuglés par le sentiment dominant des soi-disant bien-pensants qui, en se gargarisant de leur pensée, renoncent à agir (...) Que certaines voix de la gauche milliardaire aient du mal à le comprendre ne me trouble pas du tout, bien au contraire (...) Je vous invite à ne pas confondre le petit milieu politico-médiatique parisien et la réalité de la société française ! La sécurité est l'un des tout premiers droits. Ceux qui le nient ne sont généralement pas les moins privilégiés (...) Sur la sécurité et l'immigration, comme sur la fiscalité ou les retraites, la gauche se tait car elle n'a strictement rien à dire. Son silence est un programme."

On peut évidemment contester la nature et l'efficacité des méthodes employées, mais il est certain que ce sont des arguments qui peuvent porter, non parce que l'agitation sécuritaire des gros bras sarkozystes est une solution, mais parce qu'il est patent que la gauche est fréquemment, en matière de sécurité, dans l'angélisme et le déni ("il n'y a qu'un sentiment d'insécurité ... les gens se font des idées ... bla ... bla ...").

L'argumentation bricienne se complique lorsqu'il s'agit de justifier malgré tout les suppressions de poste dans la police et la gendarmerie :

"Sauf à vouloir augmenter les impôts ou y soumettre les ménages qui n'en payent pas aujourd'hui, les contraintes budgétaires nous imposent de maîtriser les effectifs. J'assume cette vérité."

C'est ballot, cette histoire d'impôts ... Il suffirait que Brice ait un pote ministre qui soit pote avec un (ou une, ou plusieurs) milliardaire (de droite, cette fois), lequel (ou laquelle) pourrait, rien qu'en payant honnêtement ses impôts, régler non seulement le problème des effectifs policiers, mais encore un bon nombre des problèmes sociaux qui, justement, génèrent la plupart des autres (autres que la fraude et l'évasion fiscale) formes de criminalité et de délinquance ?

A propos d'expulsions, j'ai peut-être déjà suggéré que la priorité serait d'expulser la mère Bettencourt et tous ses valets (je ne parle pas de celui qui a enregistré ses appels téléphoniques, mais de tous ses larbins qui campent à l'Elysée et dans ses dépendances). Compte tenu de son grand âge, il serait peut-être plus humain, après avoir confisqué sa fortune, de la placer dans une maison de retraite. Mais pas un truc de luxe, tout de même, l'humanité a ses limites ! Non, une bonne petite maison de retraite standard, "normale", telle qu'on en fait de plus en plus et où finissent la plupart des vieux qui n'ont pas la fortune de Mme Bettencourt, humiliés, maltraités, frappés, pendant que cette vieille peau (cosmétiquée) s'offre des bagues à 400.000 euros, des îles au soleil et des François-Marie Bannier.


26 août 2010 : ALAIN MINC N'EST PAS LA MOITIE D'UN POURRI

Même si "Benoît XVI est au christianisme ce que Nicolas Sarkozy est à la République française", on peut tout de même lui accorder qu'il s'est permis de critiquer la politique sarkozyste d'expulsion des Roms, et ce alors que le Conducator avait daigné jadis lui rendre visite et lui présenter des pointures comme Jean-Marie Bigard et Steevy. Alain Minc, "conseiller officieux" de Sarkozy, a fait savoir que ce pape étant allemand, il n'avait pas à la ramener : "On peut discuter (de) ce que l'on veut sur l'affaire des Roms, mais pas un pape allemand. Jean Paul II peut-être, pas lui."

Les propos de ce parfait connard, qui estime ainsi publiquement que le fait d'être allemand interdit de donner des leçons de tolérance, ceci en raison du passé nazi de l'Allemagne, sont à la fois ignobles (*) et riches d'implicite : si un "héritier" du passé nazi est mal placé pour juger de la politique de Sarkozy à l'égard des Roms, c'est donc (si j'ai bien compris) qu'il y a un rapport entre cette politique et celle du nazisme ? Si Alain Minc estime nécessaire de rappeler que les "Allemands" (les nazis, connard ! tous les Allemands ne l'étaient pas !) ont fait pire que Sarkozy, c'est donc que la comparaison est possible et que les deux choses se situent plus ou moins sur le même plan ?

Il faut avoir sacrément honte de sa propre ignominie pour en arriver à ce genre d'argumentation ! En outre, informons notre bon ami Zozo que Jean-Paul II est mort, qu'il ne pourra donc pas critiquer la politique de Sarkozy à la place de son pote Benoît (**) et que c'est d'ailleurs justement parce qu'il est mort que l'autre est pape, car "pas tous en même temps !"

(*) : même si en l'occurence, question passé personnel et évêques révisionnistes, le Ratzinger n'est franchement pas un exemple : mais enfin ça n'enlève rien à la légitimité de sa prise de position, en particulier en tant que pape plus qu'en tant que vieux réac : pour une fois qu'il ne dit pas de conneries !

(**) : ouf ! car qui aurait été bien emmerdé si Jean-Paul II avait encore été là et avait tenu le même discours ?... Il aurait fallu trouver un nouvel argument massue, à base de Polonais-tous-antisémites ou autres clichés nauséabonds.


25 septembre 2010 : GLUCKSMANN DANS TOUTE SA SPLENDEUR

Pour faire un bilan de la 2° Guerre d'Irak, Finkielkraut a invité deux lourdingues : Jean Daniel, qui ne dit pas que des conneries mais qui passe le plus clair de son temps à parler de lui, et André Glucksmann, immortel auteur de La Bêtise, dit Dédé-le-Teubé, soutien inconditionnel de Bush et de Sarkozy. Il ne cesse de répéter qu'il fallait faire cette guerre parce que Saddam était un méchant dictateur : personne n'ose lui rétorquer (Umberto Eco le ferait s'il était là) qu'à ce compte-là il n'y a aucune raison de dégommer Saddam plutôt que n'importe lequel des dizaines d'autres tyrans sanguinaires qui sévissent sur la planète. Plus tard, interrogé sur le mensonge désormais reconnu comme tel du gouvernement Bush au sujet des "armes de destruction massive", Dédé le Pourfendeur d'Andouilles explique sans rire que le gouvernement américain a été obligé de mentir pour justifier sa guerre parce qu'il ne pouvait pas avouer son véritable but qui était (attention ! c'est pas fini et c'est même là que ça devient savoureux !) de renverser un méchant dictateur pour apporter la démocratie aux Irakiens.

PS : à sa décharge, signalons que Glucksman a tenu quelques mois plus tard des propos assez critiques au sujet de la politique anti-roms de Sarkozy.


26 septembre 2010 : MALADROITS BIEN A DROITE

Rémy Pflimlin, le nouveau Chien de Garde France Télévision récemment nommé par Sarkozy, vient d'admettre avoir tenu des propos "maladroits" concernant Mediapart et son traitement de l'affaire Woerth-Bettencourt. C'est la nouvelle mode. Quand on dit une connerie, voire une ignominie, on ne l'admet pas : on se contente de s'excuser sur la forme en disant qu'on a été maladroit. Notre vieux pote l'évêque nazi Williamson avait, on s'en souvient, admis avoir été maladroit dans sa manière de nier la Shoah, regrettant d'avoir pu blesser les gens qui avaient pu être jadis victimes de "tracasseries" de la part du régime hitlérien. Bienvenue au Club des Gros C... (pardon, j'allais dire ça un peu maladroitement) ... Bienvenue au Club des Maladroits, M. Pflimlin !


18 novembre 2010 : ENTHOVEN SE LÂCHE

Jadis simplement agaçant par sa volonté de briller à coups de paradoxes ou en nous gratifiant de lectures faites de sa plus belle voix, Raphaël Enthoven, l'ex de Madame et le nouvel ami de Philippe Val, se laisse de plus en plus aller à balancer sa doxa (comme une évidence, bien entendu) au cours de ses émissions. Il a par exemple débuté cette semaine consacrée au snobisme en réduisant l'opposition politique au président actuel (pourtant raisonnée et motivée chez l'immense majorité des gens, qui souffrent de cette politique ou qui à tout le moins en voient les conséquences), en qualifiant cette opposition, donc, de "sarkophobie" (une maladie mentale, quoi) et en considérant ladite sarkophobie comme une forme de snobisme. On eut droit plus tard à une chanson de Renaud, Adieu Minette, destinée à démontrer que ce chanteur populacier était bien plus snob que les bourgeoises dont il se moquait. Sans parler de Bourdieu, qui aura également droit à ce qualificatif en fin de semaine, évidemment.

J'avais il y a quelques temps envoyé un commentaire suggérant de consacrer toute une semaine (après Proust, Hugo, Shakespeare,...) à Philippe Val, fournissant même le thème de chaque émission, c'est-à-dire, si je ne me trompe :

Lundi : Les Combats.

Mardi : Les Cocktails.

Mercredi : Le Reniement.

Jeudi : L'Imposture.

Vendredi : La Censure.

Cette judicieuse proposition ne fut visiblement pas retenue : en tous cas, elle ne fut pas publiée. Au cas où il arriverait la même chose au message que j'envoie ce jour, je vais tout de même en garder une trace ici ...

"Très intéressante, cette semaine sur le snobisme ! Quel dommage cependant que les invités se prêtent si mal au jeu qui consiste à :

1 - voir du snobisme partout afin de faire perdre toute signification précise à ce mot déjà relativement vague au départ, afin de ...

2 - démontrer que les véritables snobs ne sont pas où on le croit, que ce sont en réalité et en vrac : les "sarkophobes", le chanteur Renaud, les "antisnobs" ... Vous oubliez Guy Roux, Mikael Bakounine, le lieutenant Columbo (le Snob des Snobs !) et, pire encore, le CHIEN du lieutenant Columbo.

Lorsque la certitude d'être dans le bon camp (clan ?) laisse libre cours au goût du paradoxe, on en arrive à des affirmations surprenantes.

Je suppose que, tandis que vous laissez des olibrius (*) affirmer qu'il n'y a pas "plus fasciste que les antifascistes", ce message sera une fois de plus "modéré", comme celui où je vous suggérais de consacrer une semaine à Philippe Val. Cela dit, censurer un message, quel plus bel hommage pouvait-on rendre à Philippe Val, finalement ?"

(*) : l'olibrius en question est une vieille connaissance, le colonel Urbain Marie Python Badern.

***

21 novembre : Quelques émissions plus tard, Enthoven évoque le snobisme contemporain lié aux "marques", mais s'empresse de stigmatiser le snobisme inverse, "le snobisme du No Logo". Est-il besoin de commenter l'insondable bêtise d'une telle formule ? Elle correspond d'ailleurs bien moins à une observation imparfaite de la réalité sociale (l'observation de milliards de ploucs qui ont d'autres soucis que de veiller à être dûment logoïsés n'intéresse pas un brillant esprit non-sarkophobe) qu'au besoin de soulager un agacement de classe contre une personne dont le discours nous disconvient, en l'occurence Naomi Klein.

On commence à vraiment regretter le temps où les Chemins n'étaient pas encore "nouveaux", où l'on se souciait davantage de faire parler des invités captivants que de donner libre cours à un narcissime mêlé de pédantisme, où la question la plus brûlante n'était pas de savoir si l'on devait dire "sur" ou "dans" les nouveaux chemins,... On comprend mieux également cette récente tentative d'imprimer davantage sa marque (Moi, Moi, Moi, ad libitum nauseamque) en transformant plus radicalement encore le nom de l'émission, réduit à des "Nouveaux Chemins". C'est en effet la connaissance qui se fait la malle de semaine en semaine, au profit de ce narcissime sidérant, au profit des préjugés de MOI et d'une propagande insidieusement distillée sous couvert de naïveté, de voix de velours et d'une hauteur de vue en trompe-l'oeil.

Lorsque les invités d'une émission sont intéressants, on peut se résigner aux manies déplaisantes de l'animateur. Mais lorsqu'une émission supposée prendre de la distance par rapport aux mesquineries de l'actualité devient prétexte à une propagande discrète mais de plus en plus grossière, ce n'est plus seulement une question de personnalité mais de déontologie.

 


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