THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG
EDUCATION - Période 1998-2005
Ordre chronologique, de haut en bas.
5 janvier 1998
Il paraît évident que cette grosse buse de Claude Allègre mérite la mort.
Penser à engager un tueur dès que mes heures sup seront payées.
1999 : PROGRAMME IMPOSE D'OEUVRES A LA CON
Un des arguments avancés en faveur de programmes d'oeuvres précis en français est que cela oblige les enseignants à ne pas refaire les mêmes cours. Tu m'étonnes ! Ceux qui avaient déjà un cours tout prêt sur Electre de Giraudoux sont de sacrés pervers !
Toujours cette obsession allégrienne : conforter les beaufs dans leur idée que les profs "travaillent" et prétendre y remédier à coups de pieds au cul. Selon de tels critères, Proust, qui a passé presque toute sa vie sur une seule oeuvre, est une feignasse, et il aurait fallu le forcer à boucler plus vite que ça la Recherche, afin qu'il puisse ensuite écrire un polar et un roman de cape et d'épée. On dira que Proust n'était pas payé par l'Etat. Certes, mais au bout du compte, at-il eu raison de peaufiner la Recherche ? Il est des activités qui ne sont pas quantifiables, et lorsque ceux qui ne les connaissent que de loin veulent les juger en y appliquant leurs propres critèresn leurs propres catégories, cela donne ce type de raisonnement.
Que faisait un prof normal avant cette connerie de programme ? Il renouvelait ses cours à son rythme pour varier les plaisirs et en choisissant ce qu'il se sentait prêt à faire avec un minimum d'enthousiasme. Au pire, certains ne renouvelaient rien : on peut le déplorer car cela témoignait peut-être d'un déclin de cet enthousiasme, mais d'un point de vue purement pratique, où est le problème ? La routine n'était là que pour le prof, les élèves, eux, changeant chaque année. Un cours éprouvé vaut souvent (et même toujours ?) mieux qu'un cours frais pondu.
La paresse et le manque d'enthousiasme ne disparaîtront certainement pas au moyen de cet larbinisation généralisée, bien au contraire ! Le manque d'enthousiasme, depuis Allègre, se développe de façon exponentielle, et la paresse prendra de nouvelles formes, bien plus dangereuses.
Revenons à une comparaison artistique. On peut reprocher à Catherine Deneuve (par exemple) de jouer toujours plus ou moins les mêmes rôles. Faut-il pour autant lui imposer des rôles à la con où elle ne serait pas à son aise ? Parfois (et là nous retrouvons Proust), elle choisit de sortir de ce rôle-cliché et accepte d'interpréter Odette Swann plutôt que la duchesse de Guermantes. C'est à un défi de ce genre que je comparerais le fait de devoir faire passer Rousseau devant des élèves de 1° : défi risqué pour les élèves (nous ne sommes pas au cinéma et il y a le bac au bout du chemin), mais intéressant pour moi. En revanche, lorsqu'on me demande de travailler sur Giraudoux, c'est un peu comme si on demandait à Deneuve d'interpréter le rôle de l'inspecteur Derrick (ou à Horst Tappert d'interpréter celui de la duchesse de Guermantes).
9 mars 2001
L'érudition a-t-elle encore un sens à notre époque ? Elle n'est guère utile que dans le contexte d'une civilisation où le stockage des informations est difficile et coûteux. Libérés de ce poids, c'est l'essentiel que nous devrions confier à la mémoire (sans oublier toutefois que celle-ci est d'autant plus vaste qu'on l'utilise davantage).
11 septembre 2004
Erik Orsenna parle du subjonctif comme d'un "instrument contre l'abaissement civique". Celui qui n'a à sa disposition que l'indicatif se limite à ce qui existe, l'accepte, renonce à l'utopie, "à l'ambition personnelle - d'aimer - ou à l'ambition collective d'essayer d'améliorer un peu la société."
24 octobre 2004
Finkelkraut (qui ne dit pas encore que des conneries), commentant le rapport Thélot : "Je crois que la culture commune est à la culture générale ce que l'auto-école est à l'école."
19 décembre 2004
Un ancien proviseur, ordure fieffée qui avait réussi à éradiquer chez les enseignants de son lycée toute motivation et tout plaisir à faire leur travail, ayant été remplacé cette année par quelqu'un de très bien, force est de constater que les choses ne reviennent pas pour autant à la normale, qu'on ne peut défaire le mal qui a été fait, ne serait-ce que parce qu'il ne s'agissait que de l'application locale zélée de la politique nationale lancée par Allègre et que tout retour à la "normale" nous mettrait donc en porte-à-faux. Tout a été faussé, truqué. On peut dévisser ce qui a été vissé, mais ces gens-là ont carrément changé le pas de vis pour qu'on ne puisse plus toucher à rien.
Il faudrait analyser (dans le domaine de l'éducation comme dans bien d'autres) cette méthode politique largement employée ces dernières années, qui consiste à détruire tout en rendant la reconstruction impossible. Je l'appellerais "méthode Attila" s'il elle n'était infiniment trop perverse pour justifer cette référence : bien qu'associée parfois à une forme de brutalité, ce n'est pas cette brutalité en elle-même qui rend la reconstruction impossible, mais quelque chose qui relève d'une manipulation et d'une perversion des mots et des valeurs, presqu'autant que des réalités elles-mêmes.
25 septembre 2005
Réalisateur du Cercle des poètes disparus, Peter Weir raconte quelque part qu'un psy lui avait affirmé après cela que John Keating était dangereux. Proposant une libération émotionnelle immédiate au lieu de débattre de ce qu'il rejette (l'introduction d'Evans, qu'il fait déchirer aux élèves), il est comme un type qui secoue une bouteille de champagne avant de l'ouvrir.
17 novembre 2005
La crise des banlieues (tout comme celle des présidentielles de 2002) est un révélateur brutal des transformations qu'a connues la France ces dernières décennies et dont le caractère très progressif a fait que nous n'en prenons vraiment conscience qu'en une occasion de ce genre. La France, que l'on pouvait à tort ou à raison percevoir comme un modèle perfectionnable mais relativement bien établi de société démocratique, n'a absolument plus rien de cette stabilité et l'on sent qu'elle peut basculer à tout instant dans le pire, dans un pire qui semblait jadis devenu impossible, un peu comme l'Argentine, pays avancé et prospère est devenu un pays ruiné par les exactions ultra-libérales.
Il est évident que le pays est dans un état alarmant. Non pas à cause des inégalités sociales elles-mêmes, car dans un pays démocratique, une tendance peut toujours s'inverser si les citoyens le veulent vraiment. Mais à cause justement de l'impossibilité d'inverser la tendance, la seule perspective étant de ne plus pouvoir chasser une bande de chacals qu'en la remplaçant par une autre bande de chacals, chacune (UMP, PS, FN, ...) étant à sa manière pire que les autres. Ce qui frappe, en 2002 comme en 2005, c'est l'absence de rationalité et de réflexion dans tout cela, de part et d'autre. On se retrouve face au résultat de la faillite programmée du système scolaire, face au résultat de la "people-isation" de la vie politique, de la disparition, dans les médias comme chez les hommes politiques eux-mêmes de tout véritable débat politique (n'idéalisons pas le passé, jadis ça ne volait pas forcément toujours très haut, mais il y avait tout de même une dialectique droite-gauche qui avait une apparence de sens, il y avait des projets de société, sérieux ou attrape-couillons, mais dont l'exposé avait priorité sur l'étalage de la vie privée et la basse démagogie). Ce sont ces glissement très lents du débat politique au consensus libéral, de l'école républicaine à l'école en kit et en toc ("construis toi-même ton propre savoir ! trop cool !"), dont on voit le résultat dans ces crises où souffrance, malaise, injustices, ne produisent plus que des explosions irrationnelles, sans danger pour le pouvoir puisqu'elles ne peuvent conduire qu'à son renforcement, sous une forme ou sous une autre, et certainement pas à sa remise en cause argumentée.
Voilà en tous cas l'impression que produisent ces événements. Je sais bien aussi que c'est une généralisation et qu'il y a encore des individus qui continuent à vouloir penser les choses, et changer les choses. Il va leur falloir un sacré courage ...
19 novembre 2005
Le monde où nous vivons désormais est un monde de noyeurs de chiens, j'entends de ces noyeurs de chiens qui les accusent préalablement de la rage. On sabote un système qui fonctionne (école, sécu, retraites, etc), puis, une fois qu'il est bien malade, on explique qu'il faut absolument le modifier : l'idée de le guérir en virant les saboteurs ne semble venir à personne, on admet l'idée saugrenue que le malade et la maladie ne font qu'un.
Le modèle d'intégration français est ainsi remis en cause. Personne ne souligne vraiment que le modèle ghettoïsant mis en pratique par les pays anglo-saxons crée (et cela semble assez logique) autant de haines et de violences. D'ailleurs, la réalité française relève de plus en plus d'une ghettoïsation partielle qui ne dit pas son nom. Le modèle d'intégration français n'est PAS inefficace. Il n'est tout simplement pas mis en oeuvre : la mixité sociale n'existe pas ou plus vraiment au niveau de l'habitat comme (conséquence quasi-inévitable) au niveau de l'école ; et surtout, le chômage et la précarité qui touchent tout particulièrement les populations immigrées ou issues de l'immigration, empêchent fatalement toute intégration efficace, quelle que soit l'efficacité du système d'intégration à la française dans l'absolu ! Mais il ne viendrait évidemment pas à l'esprit de lutter réellement contre le chômage et la précarité : il est plus simple de remettre en cause "le modèle d'intégration à la française qui vient de montrer son échec", quitte à le remplacer (officiellement, puisque dans les faits il est déjà plus ou moins à l'oeuvre) par une ghettoïsation à l'anglo-saxonne, dont on sait bien qu'elle n'est source d'absolument aucune forme d'émeutes, violences urbaines, guerres des gangs, flambées islamistes, ... toutes choses qui n'ont évidemment jamais existé en Angleterre et aux Etats-Unis et qui viennent d'apparaître pour la première fois dans l'histoire de l'humanité dans cette France républicaine qui met le feu aux poudres avec ses histoires de laïcité, dont les principes sont de privilégier des valeurs humaines communes au lieu d'exacerber les différences. Mais bien entendu ! tout le problème est là ! ça crève les yeux, voyons !
De même, on en viendrait presque à nous expliquer que le système scolaire français est ontologiquement inefficace (je laisse de côté ceux qui, en face, tant l'école semble une cible privilégiée pour les crétins dogmatiques de tous les coins et recoins de l'échiquier politique, confondent allègrement les principes de l'école républicaine avec l'idéologie colonialiste qui baigna ses débuts, comme si notre enseignement était PAR NATURE "laïc, gratuit, obligatoire et surtout colonialiste"), le plus répugnant noyeur de chiens étant dans le domaine scolaire le grand discoureur et théoricien Philippe Meirieu, docteur Pangloss du pédagogisme, acteur principal de la faillite de l'école en France, qui depuis quelques années, devant l'ampleur et l'évidence du désastre, s'est mis à le condamner haut et fort, en prenant évidemment bien soin de ne jamais désigner les véritables coupables, du moins pas le principal, c'est-à-dire lui-même : rien que pour cet acrobatique tour de force, il mérite une petite once de respect, en tous cas de cette fascination qu'on peut avoir devant un histrion particulièrement souple. En voici donc encore un qui est à la fois le problème et la solution.
Mais revenons à l'école républicaine, dont on constate l'échec en incriminant ses principes et non ses saboteurs. Comme si depuis sa naissance elle n'avait fait que fabriquer des illettrés. C'est pourtant cette école républicaine qui a produit les générations du Front Populaire, de la Résistance (qu'on ne me parle pas de la Collaboration puisque le pétainisme est le produit justement de la France qui refusait l'idéal républicain), de Mai 68. De là à penser qu'on a saboté l'école pour que plus jamais il ne puisse exister de Front Populaire ou de Résistance, idéologiquement fondés, crédibles et organisés, donc capables de changer les choses, ...
27 novembre 2005
Parmi les solutions (on ne rit pas !) proposées par le gouvernement à la crise des banlieues, il est fortement question de mettre en place un apprentissage (et donc une sortie de scolarité) à 14 ans. Bonne solution a priori pour proposer autre chose aux élèves qui s'ennuient en classe et n'y viennent que contraints et forcés. Je pense depuis longtemps que, à défaut de rendre à l'école un peu de l'utilité dont on l'a plus ou moins sciemment privée depuis quelques décennies, il pourrait être judicieux de remettre en cause le principe de l'école "obligatoire" jusqu'à 16 ans : mais à condition bien sûr que tout élève qui aura choisi à partir de 14 ans de quitter l'école puisse y être réintégré automatiquement, avec la plus grande facilité, s'il change d'avis après avoir passé une année ou plus à végéter, à mûrir un peu et à éventuellement prendre conscience de ce que l'école pourrait finalement lui apporter. Bref, il ne s'agirait que de remettre en cause la scolarité jusquà 16 ans que comme un devoir, mais évidemment pas en tant que droit.
L'idée de l'apprentissage à 14 ans s'inscrit dans une toute autre logique. Il s'agit de favoriser (les pessimistes dont je suis diront de "valider") l'absence d'une formation culturelle de base et de produire une main-d'oeuvre encore plus facilement exploitable car sans la moindre formation intellectuelle. C'est d'ailleurs aussi ce que dit en substance Philippe Meirieu, qui s'élève avec véhémence contre ce projet. Même si on est d'accord sur le principe, il faudrait toutefois ne pas perdre de vue que, dans l'état actuel des choses, un élève, qui plus est en difficulté et qui plus est en zone sensible, qui reste scolarisé après 14 perd (pardon : continue de perdre) son temps et ne bénéficie d'aucune formation sérieuse, et cela grâce aux multiples sabotages qui, sous le nom de réformes et sous l'impulsion de pseudo-scientifiques de la pédagogie, prophètes imbéciles et délirants dont le plus illustre est Philippe Meirieu, ont affaibli l'école à tous les niveaux et l'ont mise totalement hors d'usage dans les quartiers qui en auraient eu le plus besoin.
L'apprentissage à 14 ans est une saloperie qui cache ses objectifs méprisables sous de louables intentions. Mais Philippe Meirieu critiquant l'apprentissage à 14 ans au nom du droit de tous les élèves à une véritable formation intellectuelle, c'est Heydrich ou Pol Pot revenant donner des leçons de démocratie et de tolérance aux pourritures d'aujourd'hui.