THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG

REGRESSIONS MORALES : Modes et pubs à la con, abrutissement généralisé, etc.

Cf. aussi BÊTISE - EDUCATION - HYGIENISME - TELE-DEREALITE


COMEDIES REGRESSIVES

On a beaucoup parlé dans les dernières décennies des comédies "régressives" américaines, en y incluant tout et n'importe quoi, des platitudes du genre American Pie jusqu'aux films des frères Farelly. Outre les différences de qualité, il me semble qu'il faudrait opposer en réalité la comédie transgressive (celle des Farelly, par exemple) et la comédie réellement régressive (les productions des Apatow and Co, qui peuvent d'ailleurs être tout à fait réussies parfois), qui vous fait régresser pour mieux vous reformater, vous ramène en enfance (en vous appâtant avec la "liberté" de ses blagues puériles) pour tout reprendre à zéro et vous ramener aux valeurs américaines les plus conservatrices.


BRÜNO ET L'AMBITION PARENTALE

Tout comme Borat, Brüno est un film très inégal et souvent pesant, mais tellement outrancier que cela permet de voir de quoi les gens sont capables. A ce titre, que l'on pense à la scène sidérante où Brüno pose diverses questions à des parents présentant leur enfant pour un casting.


UNE PUB

Dans une pub radio pour la BNP, un père explique à son fils que, même s'il a gagné les places de cinéma pour Arthur et les Minimoys (pub annexe pour Besson au passage, donc), il retire tout de même de l'argent : "pour pouvoir t'acheter le pop corn qui t'empêchera de me poser des questions pendant tout le film." Voilà. C'est supposé être drôle, je suppose : en tous cas, ça véhicule donc l'idée que le rôle d'un père n'est pas de répondre aux questions de ses enfants mais de sortir la carte bleue et de leur fermer le clapet en les gavant de pop corn. Quand des publicitaires font une pub pour des banquiers et abordent le thème des relations familiales, c'est charmant. Les connards parlent aux connards.


DEUX PUBS

Hasards de la programmation. A une pub mettant en scène comme repoussoir un abonnement internet minable baptisé "crétin.fr", succède une pub pour les maisons Mikit. Un couple déclare avoir du mal à financer sa maison. Surgit alors un perroquet géant symbolisant les maisons Mikit, qui leur dit qu'avec lui c'est possible.


ENNUI

L'excellent Pierre Dubois, elficologue et jadis invité privilégié des émissions de Gilles Lapouge, fait observer qu'on ne laisse plus vraiment les enfants s'ennuyer (vite ! la télé ! des jeux !...) et que c'est pourtant dans l'ennui que lui-même a construit son imagination.


JEREMY RIFKIN

Jeremy Rifkin observe que les enfants grandissant au sein d'une forte stimulation médiatique (TV, Internet,...) perdent en capacité de patience, donc d'attention, de concentration, le tout agrémenté d'une perte de vocabulaire. On augmente la vitesse, donc l'impatience : l'attention est détournée à chaque instant.

"Cette génération essaie d'être multi-tâche, mais le cerveau n'est pas conçu pour ça, il est "linéaire". On peut réfléchir en parallèle, mais quand on prend un problème, on le résout avant de passer au suivant. Cette génération qui grandit dans l'hypervitesse est moins concentrée, moins attentive, moins introspective, moins projective, toutes qualités pourtant nécessaires pour affronter ce monde complexe."


TRANSMISSION

"Je suis salarié. Je suis locataire. Je n'ai rien à transmettre à mon fils. Je n'ai aucun métier à lui apprendre. Je ne sais même pas ce qu'il pourra faire plus tard. Les règles que j'ai connues ne seront de toute façon plus valables pour lui. Accepter l'idéologie du changement perpétuel, c'est accepter que la vie d'un homme soit strictement réduite à son existence individuelle, et que les générations passées et futures n'aient plus aucune importance à ses yeux. C'est ainsi que nous vivons, et avoir un enfant aujourd'hui n'a plus aucun sens pour un homme."

(Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires)


ESCHYLE ACADEMY

Un soir de 1961, la télévision française diffusa une adaptation des Perses d'Eschyle, et cela à 20h30, c'est-à-dire à ce qui est aujourd'hui l'heure de Julie Lescaut ou de la Star Ac.

Il faut considérer également que la Star Ac n'avait pas besoin d'être télédiffusée : on se la fabriquait dans la vie réelle sous forme de radio-crochets ou autres, ou mieux encore, tout simplement, on chantait, comme ça, pour le simple plaisir de chanter sans aller se faire voir chez le Grec. La télé prend aujourd'hui en charge des choses qui jadis se faisaient naturellement dans le quotidien des gens, alors qu'elle devrait servir à leur apporter autre chose. L'école suit d'ailleurs la même voie.


LONGUE DUREE

Le Monde s'extasie : "Dix ans après la mort de Stanley Kubrick, ses films restent des références."

Sans déconner ? Et on ne parle même pas des oeuvres de Shakespeare ou d'Homère, pourtant morts depuis belle lurette. Ca les soufflerait, au Monde, s'ils faisaient le calcul !

Normal que ça les étonne, cette permanence du génie, à une époque ou la plupart des pseudo-artistes sont déjà oubliés, non pas dix ans, ni même un an, après leur mort, mais environ vingt ans après leur naissance.


NEO-PEOPLE

Il y a quelques jours, Le Monde nous informait que Julien Coupat, anarcho-autonome récemment libéré de prison après des moins d'incarcération visiblement arbitraire et injustifiée dans le cadre de la surexcitation sécuritaire du régime sarkozyste, que Julien Coupat, donc, allait épouser sa compagne Yldune Lévy. Le même Monde nous apprend aujourd'hui que Julien Coupat et Yldune Lévy "reportent leur mariage". Avec toute la sympathie qu'on peut avoir pour les mésaventures policières de Julien Coupat, qu'est-ce qu'on en a à foutre qu'il épouse ou non Madame Yldune, au bout du compte ?

Je vois déjà mal l'intérêt de savoir qui couche avec Julia Roberts, ou qui ne couche plus avec Jean-Pierre Pernaud, ou qui a stupidement engrossé la stupide Mère Dati, mais alors le mariage de Julien Coupat, franchement ! A quand un reportage sur le premier amour du Che ou sur la vie conjugale de Karl Marx ? Mais il faut dire que Besancenot avait ouvert cette voie grotesque en allant bavasser un dimanche avec Michel Drucker.

(16 juin 2009)


PORTABLES

Sans même parler de l'impolitesse et de l'exhibitionnisme fondamentaux qui sont généralement liés à l'emploi de cette chose, on voit parfois la régression qu'elle produit atteindre des sommets :

- un jeune couple à la terrasse d'un café : tout le temps qu'ils y passeront sera consacré à téléphoner, chacun de son côté, au lieu de se parler.

- un type en conversation avec son portable à la caisse d'un supermarché : il paie, reprend sa monnaie, accomplit tous les gestes nécessaires, mais ne dira pas le moindre mot à la caissière, ne répondra absolument rien à son "merci monsieur, bonne journée". A la réaction sidérée de cette femme, je constate qu'elle aussi a rarement vu un pareil comportement.


MISERE DE L'HOMME SANS PORTABLE

Amené à utiliser une cabine téléphonique dans une boutique autoroutière, je fus d'abord surpris par les regards sidérés posés sur moi, avant de comprendre que mon acte révélait à mes contemporains horrifiés que je n'avais pas de portable.

***

Quelques années plus tard (été 2010), il me semble observer une nouvelle étape de cette évolution : il devient rare de croiser une personne marchant seule dans la rue qui n'ait pas son portable à l'oreille. L'explication doit être tantôt psychologique (se prouver qu'on n'est jamais "seul"), tantôt sociale pour certains abrutis de boulot qui ne peuvent se permettre de faire 10 mètres dans la rue sans les rentabiliser.


REGRESSION 1815

Après la chute de Napoléon, au retour de Pie VII à Rome, on interdit la vaccine et on détruisit les réverbères parce qu'ils dataient de l'occupation française.

ULTRA-MODERNE REGRESSION

Jadis, les téléphones sonnaient de façon extrêmement agressive et déplaisante. Les progrès de la technique ont peu à peu permis de diminuer le volume de cette sonnerie, mais surtout de la remplacer par des sons de type "bip", qui, sans cesser d'être fondamentalement désagréables pour l'oreille, étaient du moins plus feutrés. L'invention du portable n'a pas conduit à un bouleversement majeur dans ce domaine, si ce n'est qu'elle a permis d'exporter la sonnerie téléphonique hors de son domicile et de l'infliger aux inconnus qui ont le malheur de partager le même espace que nous. On pouvait au moins s'estimer heureux que le portable n'ait pas été inventé plus tôt, au temps de la sonnerie terrifiante que j'évoquais plus haut. Eh bien la créativité des cons a remédié à cela et la dernière tendance (recyclage "vintage", comme presque tout ce qui se "crée" à notre époque) est d'installer sur son portable une reproduction de ce bruit atroce.

En matière de sonneries téléphoniques comme dans les domaines politiques, sociaux et économiques, le top du progrès, c'est la régression.

(avril 2009)


NOUVELLES TECHNOLOGIES

J'ai eu l'immense privilège de tomber sur l'annonce publicitaire d'une innovation essentielle : la sonnerie du pet (sic). Un film de propagande a donc été réalisé (sans doute par Peter Greenaway, Kubrick et Orson Welles étant morts trop tôt), et diffusé, sur TF1 notamment, dans lequel une jeune fille est dans un ascenseur, au centre, devant, avec des gens tout autour. Bruits de pets à répétition : tous la regardent d'un air interrogatif (magnifique jeu des comédiens, j'ai cru reconnaître Helen Mirren et John Malkovich), la fille (sublime de vérité) semble confuse, le gag (irrésistible) se reproduit à chaque pet, puis finalement, elle sort son téléphone mobile et tous rient en comprenant qu'il s'agissait en réalité d'un tragique quiproquo. En fait, l'héroïne avait sans doute oublié qu'elle avait téléchargé et installé la sonnerie du pet sur son mobile, ce qui explique sa gêne initiale (*) : voilà une fille qui manque un peu de présence d'esprit, disons.

(*) : on peut aussi supposer qu'elle a simulé la honte pour faire une blague à ses amis (car les gens qui prennent l'ascenseur avec elle sont par nature ses amis) : l'intérêt d'une telle oeuvre est qu'elle permet des interprétations multiples.

(août 2009)


LAIDEUR DU FUN / ENNUI DE LA BEAUTE

Un hypermarché du coin, pour Pâques, a parsemé les abords de son parking de lapins colorés sur des plaques découpées de contreplaqué. Les dessins naïfs et bariolés s'harmonisent évidemment de manière parfaite avec les surfaces et colonnes de béton, ainsi qu'avec les plates-bandes sans fleurs, uniquement constituées de terre retournée. Mon imagination ne suffit sans doute pas à me faire comprendre ce que doit ressentir un enfant devant des lapins perdus dans tant de hideur. A vrai dire, je préfère ne pas trop l'imaginer. Mais peut-être que la plupart des enfants du XIX° siècle sont tellement habitués au monde abject que nous leur avons fabriqué que ça ne les choque pas.

J'entendais récemment parler de la jeunesse de l'île de Groix, chez qui, malgré un cadre superbe, la consommation de stupéfiants mais aussi le suicide sont de plus en plus importants. Ils se font chier, à Groix, paraît-il. Ici, ce n'est visiblement pas la laideur du cadre qui leur casse le moral : c'est la télé, l'imposition d'un modèle de vie unique, impossible à Groix, et le dressage de la jeunesse à la consommation immédiate. De tous temps, des jeunes se sont emmerdés dans des bleds autrement plus pourris que l'île de Groix : simplement jadis on prenait son mal en patience et surtout, si on rêvait d'autre chose, on se donnait les moyens de vivre autre chose le moment venu.


"Suivre la mode, c'est se prendre pour un portemanteau." (Thoreau)


FASHION REGRESSION

L'explication est peut-être un peu courte et il se peut que je ne comprenne tout bonnement rien à ce phénomène, mais il me semble que l'éradication (apparente) de la négativité et de la violence dans nos sociétés, allant de pair avec le "politiquement correct" et un hygiénisme forcené (croisades anti-tabac et autres), peuvent expliquer certaines tendances de ces dernières années à une violence plus ou moins extrême, du moins régressive et gratuite, sur soi-même (piercings, scarifications,... : faute de perspective intelligente pour exprimer sa révolte ou sa "personnalité", on se prouve qu'on existe en se mutilant) ou, plus gênant, sur autrui (dérives psychopathes, snuff movies,...). Les snuff movies sont d'ailleurs désormais cyniquement exploités par les marchands de cinéma commercial, qui se donnent bonne conscience en appâtant leur public avec de "faux" snuff movies qui ressemblent à des vrais (sinon c'est pas drôle), ou avec des films d'horreur qui semblent de plus en plus douteux (y compris Tarantino qui, après avoir fait de la violence un usage ludique et plutôt intelligent, a produit récemment des films qui ont l'air nettement plus malsain). Loin de l'utilisation intelligente de la violence, aussi extrême soit-elle, au cinéma (le plus bel exemple étant sans doute Orange Mécanique), j'ai un peu l'impression qu'il n'y a plus ici que complaisance et sens des affaires, exploitation d'un goût malsain que l'on entretient chez un public qui a de moins en moins de recul par rapport à tout cela.

Bon, il se peut aussi que dans mon ignorance totale de ce cinéma, je m'égare, et qu'il ne s'agisse là que du prolongement du cinéma d'horreur de jadis, dont le public n'était pas forcément plus "intelligent" dans son approche. Je ne sais pas.

Dans la même logique, un récent reportage d'Arte sur les adolescents et internet présente des cas certes extrêmes mais terrifiants : crétins se filmant en train de se faire mal pour faire comme dans Jackass (mais en encore plus crétin, s'il est possible ... éh bien oui, il est possible), donzelles filmées en permanence par leur propre mère qui diffuse le tout sur le net pour faire de ses filles des stars (sic),... C'est affolant, ce détraquement total de toute valeur et de tout bon sens, ce besoin maladif d'exister, même (surtout) par les moyens les plus consternants, le tout avec la bénédiction de parents démissionnaires, voire coupables (comme la demeurée ci-dessus évoquée). Et évidemment, le tout sous les encouragements de la société de consommation qui y trouve largement son compte !

Lors du débat qui suit, des remarques fort pertinentes sont émises par une psycho-rigide d'envergure, Houda Rouanne, auteur d'un roman intitulé Pieds blancs (mais j'ignore si elle y développe ses propos sur l'éducation et l'école).


TATOUAGE, PIERCING, ETC.

Une émission de France Culture consacrée à ces pratiques qui me dépassent. David Lebreton, qui a fait une étude sur le sujet, constate d'abord que ces pratiques jadis marginales et liées à une forme de rébellion, "éthiques" à leur manière, sont à présent devenues purement esthétiques, beaucoup plus répandues, liées à un effet de mode et à une volonté d'intégration (tout ce que j'aime ...).

Selon lui, la plupart des gens qui y ont recours disent que c'est un moyen pour eux de "s'approprier son corps", formule qui se passe, je crois, de commentaire.


COMBATS DE S.D.F.

La dernière mode aux Etats-Unis semble être de "casser" du clochard ou d'en inciter deux à se battre pour quelque argent. On pourrait épiloguer sur le retour à la barbarie, ou à la décadence romaine et aux jeux du cirque (mais c'est d'une certaine manière la même chose), sur la disparition de tout respect humain et de toute valeur morale, sur le rôle de l'idéologie libérale dans tout cela, bref il y aurait bien des choses à en dire, qui ne seraient pas bien nouvelles, en fait. L'être humain est capable du pire ? Quel scoop !

Non, ce qui me semble plus intéressant dans cette affaire, c'est le rôle du téléphone, grâce auquel les auteurs de ces actes les filment puis les diffusent, visiblement fiers de leur propre abjection. Il faudrait qu'un sociologue se penche sur ce phénomène, si les sociologies n'étaient à peu près tous des crétins. On peut s'interroger sur le fait qu'il y ait un public pour regarder ce genre de choses (mais là on revient à du déjà connu, aux jeux du cirque et à toutes les formes de perversions scopiques et de pornographies). Le phénomène nouveau ici tient plutôt au fait que certains satisfont désormais ces perversions gratuitement (les pornographes agissent pour de l'argent). La technologie (cause ou simple moyen) semble avoir permis à des formes d'exhibitionnisme nouvelles de se développer. Est-ce un moyen nouveau utilisé par des tordus qui ne sont pas forcément plus nombreux qu'il y a un siècle (des crétins qui font des trucs navrants pour qu'on les regarde, ça a toujours existé) ? Ou doit-on considérer que les conditions nouvelles (technologies, idéologies dominantes, perte des repères) ont favorisé une aggravation et une multiplication de ce type de pathologies ?

En attendant des sociologues compétents pour analyser le phénomène, on ne peut que s'interroger, vomir, ou éventuellement partager la joie des gens qui réalisent ce type de vidéos. Pour cela, on leur défoncera par exemple intégralement les dents avec quelque objet contondant, puis, après leur avoir diffusé les images ainsi réalisées, on leur dira avec malice et un peu à la manière de Monsieur Cyclopède : "Amusant, non ?"

Cette ultime suggestion n'est évidemment pas à suivre, car on peut douter que de pareils cons en tirent le moindre profit intellectuel et moral. Il est hélas trop tard pour eux.

(août 2009)


FLUOKIDS

Télérama consacre un article aux Fluokids. Ce qu'on peut en dire, c'est que la pensée unique réduit la jeunesse actuelle, du moins celle que son milieu n'a pas su armer pour échapper au conditionnement, à ne pouvoir vibrer et se sentir exister pleinement qu'en se faisant des trous dans la chair ou alors en s'enthousiasmant devant des paires de pompes.


TECKTONIK

Ainsi se nomme la nouvelle mode qui fait parait-il fureur chez les jeunes. Il m'a d'abord semblé que ce n'était qu'une pseudo-mode de plus, ne devant son succès qu'à une appellation calembourdeuse assez efficace, mais ne résultant (comme la plupart des modes depuis un bon moment) que d'une combinaison d'éléments antérieurs, tant en matière de musique et de danse que sur le plan du look. On pouvait simplement noter au passage l'audace consistant à relancer une mode capillaire des années 80, que tous ceux qui ont connu cette période pensaient ne plus jamais revoir ("plus jamais ça !", nous étions-nous promis).

Mais en réalité, ce n'est pas seulement ça. C'est surtout (et c'est une grande première, et c'est pourquoi je parle ici de cette connerie) une marque déposée, dont TF1 est désormais l'agent international.

Toujours plus bas ...


SECURITE DU BANAL

Une élève citée dans Homère et Shakespeare en banlieue (Grasset) : "Qui peut avoir une personnalité quand c'est la honte pour lui d'écouter telle musique que n'écoute pas son groupe ? Voilà comment vous fabriquez un lycée rempli de niais. Quand vous sortez de l'ordinaire, c'est mal vu : du coup, par sécurité, tout le monde essaie d'être banal."


GILLES DE RAIS' FASHION

Comme on a trop découragé les pédophiles après l'affaire Dutroux et qu'il faut bien que le business des pornographe marche, on stimule désormais ces pulsions en habillant les enfants, de plus en plus jeunes, d'une façon totalement impudique. C'est pratique. Les enfants ne se rendent pas vraiment compte du problème ; il suffit de leur dire que c'est la mode. Mais les parents dans cette histoire ? A quoi jouent-ils ? Il y a vingt ans, certains commencèrent à s'amuser à donner à leurs enfants des prénoms saugrenus : désormais, on peut en prime les déguiser (les laisser se déguiser ?) en "lolitas" (pour le dire sobrement). Comme des animaux ou des poupées. C'est rigolo d'avoir des enfants. Et après ? Votre irresponsabilité vous explose à la gueule, c'est ça ?

***

Chez beaucoup d'animaux, notamment les oiseaux, les jeunes portent des couleurs différentes de celles des adultes, ce qui constitue une sorte de "costume de non-agression", signal visuel destiné à signifier aux adultes qu'ils ne sont pas (encore) des rivaux. Un peu comme les costumes d'enfants de jadis, finalement : costumes marins, culottes courtes, jupes plissées, etc. On pourrait s'interroger sur le trouble social né d'une maturité (ou pseudo-maturité) revendiquée de plus en plus tôt, des années 50 avec la naissance du rock aux modes actuelles poussant de plus en plus loin le concept de Lolita (Ignatius J. Reilly vitupérait déjà dans La Conjuration des Imbéciles ces enfants transformées en prostituées par les médias et les marchands associés).


6 novembre 2007 : CONSUMERISME ET INFANTILISATION

Invité de La Suite dans les idées, Benjamin Barber, auteur de Comment le capitalisme nous infantilise, oppose l'ancien capitalisme productiviste (s'enrichir en produisant ce dont les gens ont besoin) au capitalisme consumériste actuel (s'enrichir en créant des besoins nouveaux), lequel a étroitement partie liée à l'enfance, faisant des enfants des consommateurs, de plus en plus tôt, et infantilisant les adultes au maximum. Tout cela évidemment parce que l'état d'enfance est l'état idéal pour consommer tout et n'importe quoi : l'enfance, c'est avant tout l''impulsion égoïste ("je veux ça !") par opposition à la réflexion responsable ("de quoi ai-je réellement besoin ? qu'est-ce qui est bon pour moi, mais aussi pour nous, pour les miens, pour l'Humanité ou la planète en général ?..."), réflexion qui fut pendant longtemps le propre de l'âge adulte. En infantilisant le monde, le capitalisme fait triompher la simplicité, l'immédiateté, l'émotion, sur la complexité, le délai, la raison.

Barber ne se prive pas d'ajouter que la politique fonctionne désormais comme cela aussi.


NEO-POUSSETTES

Dans son livre Une folle solitude : Le fantasme de l'homme auto-construit, le mathématicien Olivier Rey analyse le changement d'orientation des poussettes, où l'enfant était jadis tourné vers celui qui le poussait et se trouve désormais tourné vers l'avant.

"Tourner le dos à la mère dans la poussette n'implique la reconnaissance d'aucun tiers. En réalité, elle témoignerait plutôt d'un embarras, la difficulté aujourd'hui à assumer le rôle de parent : se contenter d'être une ressource énergétique, un pourvoyeur de mouvement, et ne pas interférer dans la prise de contact de l'enfant avec le monde, voilà la solution actuelle. Mais la question est : comment éduquer les enfants dans une société démocratique ? comment instituer le sujet ? comment transmettre la loi ? Tourner l'enfant vers le monde n'est pas une réponse, mais le déni des questions."


GENERATION PORNO (mai 2008)

Arte consacre un documentaire à l'influence sur les nouvelles générations de la pornographie, découverte de plus en plus tôt. Ce qui frappe, ce n'est pas la précocité ou je ne sais quelle "honteuse" diversité du plaisir, c'est son absence, terrifiante, sidérante.

Absence de plaisir en particulier chez les filles, qui admettent se forcer parce que la sexualité consiste uniquement à leurs yeux à faire plaisir au mâle, comme dans les films. Absence de désir et de rêve pour tous, absence de tout projet existentiel passionné : à en juger d'après les jeunes interrogés ici, leur idéal, après cette baise triste et multiple, c'est de se marier, "avec, précise un garçon, une femme qui n'aime pas trop ça, qui n'a pas envie de le faire tout le temps."

On pourrait épiloguer longuement sur le désordre psychologique induit par tout cela, mais je me contenterai ici d'un bilan économique. Pour le système ultra-libéral, tout va bien : des ados qui consomment massivement du porno (ce qui en prime ne développe pas spécialement leur conscience politique et sociale, c'est tout bénéf), qui deviennent ensuite des adultes vidés de toute passion amoureuse et prêts à se vouer entièrement à travailler plus pour gagner toujours moins. Je simplifie et je limite les constats, mais on pourrait en faire bien d'autres autour de ce problème, tous montrant qu'il est favorable en tous points à ce même système.


PAUL VALERY SUR LE MONDE MODERNE

"Que de devoirs, enfin! Devoirs dissimulés dans le confort lui-même! Devoirs que la commodité, le souci du lendemain, multiplient de jour en jour, car l'organisation toujours plus parfaite de la vie nous capte aussi dans un réseau de plus en plus serré, des règles et de contraintes, dont beaucoup nous sont insensibles. Le téléphone sonne, nous y courons; l'heure sonne, le rendez-vous nous presse…Songez à ce que sont, pour la formation de l'esprit, les horaires de travail, les horaires de transport, les commandements croissants de l'hygiène, jusqu'aux commandements de l'orthographe qui n'existaient pas jadis, jusqu'aux passages cloutés…Tout nous commande, tout nous presse, tout nous prescrit ce que nous avons à faire, et nous prescrit de le faire automatiquement."

Il a également bien analysé (je reprends la formulation de Marc Fumaroli) le fait que le domaine du loisir, du temps libre, de l'otium, avec le recul et le temps de penser que cela implique, était en train de disparaître. Ce que nous appelons aujourd'hui loisir (entertainment) est en fait une forme plus hypocrite et plus conquérante du travail. L'espace pour l'esprit disparaît. La mécanique du travail s'étend jusqu'aux activités prétendument de loisir.


NAISSANCE D'UNE NOTION

Les journalistes américains s'avisèrent un jour qu'ils ne savaient pas dans quelle catégorie ranger certaines informations, ni politiques, ni économiques, ni internationales, ni sportives,... concernant simplement des gens relativement connus. Ils créérent donc pour cela une rubrique appelée "people". Cette notion, aujourd'hui essentielle, est donc née d'une bête difficulté de classement. Comme la métaphysique, en quelque sorte.


PAPAS PLATS

Il existe aujourd'hui aux Etats-Unis des papas plats (flat daddies), reproductions en carton et à l'échelle des pères de famille servant en Irak, que l'on dispose dans la maison et que l'on peut faire "participer" aux diverses activités, ceci pour que les enfants ne perdent pas trop le contact avec l'image paternelle. On n'ose imaginer quelle image paternelle ce genre de truc effrayant peut construire.


NOUVEAUX PERES

La question de la garde des enfants de Michael Jackson m'indiffère assez, mais donne l'occasion de s'interroger : quel champs de ruines, quel terrain d'exploration inédit pour la psychanalyse, peut bien être le psychisme des enfants d'un pareil personnage ?


OTIUM

Otium. Douceur de vivre. Dolce Vita. Toutes notions qui sont suffisamment oubliées, décriées ou exotiques aujourd'hui pour nous confirmer que nous vivons une ère de régression.


EXHIBITIONNISME

Elizabeth Badinter, invitée de l'émission du jour, met l'accent sur l'importance de l'exhibition dans l'Occident actuel : on exhibe son corps, son ventre de femme enceinte, mais aussi bien sûr ses opinions, ses qualités et ses défauts, ses signes d'appartenance religieuse bien sûr, bref tout ce qu'on peut exhiber, et le message est le suivant : "je suis comme ça et je vous emmerde (dixit E. Badinter) ! Je me fous de votre avis et la collectivité n'existe pas."


ANTILLES ET LANGUE FRANCAISE

Régis Debray (août 2009) dit avoir été frappé, durant la crise antillaise, par le français parlé par les politiciens locaux : "Diction, vocabulaire, syntaxe, se sont réfugiés outre-mer, chez les rejetons d'Aimé Césaire. Ils connaissent manifestement mieux l'Histoire de France (1793, 1802, 1848,...) que les membres du gouvernement, et nous rappellent l'époque déjà moyenâgeuse où nos officiels ne baragouinaient pas un franglais de 300 mots. Joli chassé-croisé que celui-ci : La Princesse de Clèves sauvée par les arrière-petit-fils et filles d'esclaves."

Christiane Taubira explique ainsi ce dernier point : "Je pense que nous avons une relation sensuelle à la langue. Nous avons envers elle des fidélités, nous l'habitons, nous nous y installons, et nous y prenons le frais comme sur un hamac, c'est-à-dire que nous explorons constamment ses mystères."


JOYEUSE FETE DES MORTS !

J'ai beau ne pas priser outre mesure l'Eglise et ses pratiques, la Toussaint peut être perçu comme une occasion parfaitement "laïque" pour chacun de penser à ses morts, de penser à la mort. La dignité de cette journée est de plus en plus combattue par l'invasion commerciale de la pseudo-fête d'Halloween, occasion de ne penser à la mort que de façon ludique, c'est-à-dire de ne pas y penser vraiment. Rappelons que pour Montaigne, "philosopher, c'est apprendre à mourir", et non à illuminer des citrouilles. Outre sa dimension commerciale, Halloween correspond bien à la volonté de notre monde de ne plus voir ce qu'il n'a pas envie de voir. Détail très significatif : la télévision semble limiter les références à la Toussaint et ne cesse en revanche de nous souhaiter "un joyeux Halloween" (2010).


12 octobre 2010 : O TEMPORA

Sur son blog-patates du Monde, Martin Vidberg évoque son père déjà retraité à 56 ans et précise qu'il est heureux pour lui : "je suis ravi qu’il ait profité de la retraite à 56 ans, de la révolution sexuelle, du plein emploi, des Beatles et des Rolling Stones. Ma génération aussi a connu de très beaux progrès comme euh… Facebook ou hum… les boys band ?"


14 janvier 2011 : MAITRES A PENSER

J'ignore si c'est une simple illusion, mais j'ai l'impression de vivre depuis environ dix ans une époque épouvantable dans laquelle des tas de gens que je respectais, voire que j'admirais, sont devenus pour le moins "décevants". Je n'ai pas connaissance de textes anciens où l'on constatait un tel phénomène. Peut-être tout simplement est-ce l'allongement de la durée de vie moyenne qui accroît les chances de devenir un vieux con. Mais je crois que notre époque de compromis, d'opportunisme, de fin des idéaux, de rats quittant le navire, est tout de même très particulière.

Bien entendu, je pense en particulier à Philippe Val, parti de très haut, tombé très bas. Beaucoup de ceux que j'ai pu être tenté de mettre en valeur ici se sont avérés avec le temps d'ignobles traîtres à eux-mêmes, comme l'individu dont nous parlions à l'instant, ou en tous cas douteux, comme Clint Eatswood dans certaines de ses déclarations publiques (en particulier ses menaces de mort à l'encontre de Michael Moore, si réellement elle ne relevaient pas de l'humour, ce que je ne saurais garantir). Quant aux morts, comme Desproges, je préfère ne pas me demander s'ils auraient pu évoluer de pareille façon et je préfère penser que non. Qu'on songe également au cas d'Yves Montand : il n'a jamais été pour moi de près ou de loin un maître à penser, mais c'était tout de même un artiste de qualité, en particulier lorsqu'il faisait l'acteur pour Costa-Gavras, et un artiste engagé, engagement certes contestable comme celui de bien des communistes à la même époque qui refusaient de voir la réalité du régime soviétique, mais enfin engagement sincère fondé sur des valeurs respectables. Il a d'ailleurs pris ses distances par rapport à ses idéaux communistes, mais pour se faire plus ou moins, dans les années 80, le chantre du libéralisme. Résultat : que reste-t-il d'Yves Montand aujourd'hui (et de Simone Signoret, dommage collatéral) ? juste que c'était le mari de la grand-mère à Castaldi. Bien fait.

En tous cas, il serait trop facile de dire que tout le monde devient con en vieillissant. Brassens fut un magnifique exemple du contraire. Jean Ferrat (victime des mêmes erreurs que Montand mais qui a su évoluer plus dignement) l'a été. Moustaki l'est aujourd'hui encore.

D'autre part, on peut relativiser la gravité de certains cas. En admettant que Clint Eastwood soit, ou soit devenu, ou redevenu, un sale con réactionnaire dans la vie, ses films (qui sont en outre superbes) n'en continuent pas moins de véhiculer une vision humaniste qui me convient tout à fait. Le discours social manque évidemment, mais ce n'est pas ce qui l'intéresse et on ne peut donc pas le lui reprocher. Il est infiniment plus problématique de voir un héraut de la liberté d'expression virer des humoristes, ou d'entendre un défenseur de la haute culture et des valeurs républicaines prendre systématiquement la défense de Sarkozy.

Autre cas : Montaigne ou Borges, que j'adore, mais qui étaient tout de même fort conservateurs. Certes, mais Montaigne est essentiellement sceptique et son conservatisme n'est guère qu'un choix possible parmi d'autres, dont il ne prétend pas qu'il soit le meilleur, et qui n'empêche en rien son discours d'être extrêmement libre et extrêmement moderne. Quant à Borges, ce n'est pas un maître à penser, ou plus exactement c'est un maître à penser dans le vide, à penser pour le plaisir de penser, mais pas un maître à "penser le monde". C'est pourquoi, si on ne sympathise pas avec les opinions de l'individu, on ne peut franchement rien reprocher à l'artiste et on peut donc continuer à savourer son oeuvre. C'est un peu comme Polnareff, quoi, sauf évidemment pour le look.

PS : Ayant été amené à relire certains passages écrits il y a déjà quelques années sur la page consacrée à Philippe Muray, en particulier une note, je me rends compte que j'y disais déjà quasiment la même chose qu'ici. Bref, je reste pour ma part fidèle à mes valeurs, certes, mais je radote. Je sais, ce n'est pas un scoop.


20 janvier 2011 : L'HOMME ET LES VICTIMES

Le mot "victimes" a, paraît-il, pris un sens nouveau dans le langage de certaines jeunes. Une "victime" est quelqu'un qui, par son comportement et sa faiblesse perceptible, se présente comme souffre-douleur idéal pour le premier abruti venu. Bref, le terme ne désigne absolument plus ici une personne que l'on plaint d'être victime de quelqu'un d'autre ou de quelque chose, mais une personne que l'on juge mériter de devenir éventuellement notre victime si l'envie nous en prend.

Cette perte dans la compassion marque un retour vers l'animalité, laquelle ne connaît guère, au mieux, qu'une solidarité clanique, interne à un groupe plus ou moins étendu. C'est le propre de l'homme d'être capable de compassion, capable de se projeter suffisamment par l'imagination dans la situation d'un autre, quel qu'il soit, même appartenant à une espèce, voire à un ordre différent (la compassion pour le végétal ne nous semble plus totalement absurde aujourd'hui), de se dire "je n'aimerais pas que cela m'arrive", etc. Ceux qui perçoivent les "victimes" comme une simple catégorie préexistante et permanente sont dans une logique de stupidité conquérante : j'appartiens à la race des seigneurs, des winners, des dominateurs (même si leur domination se réduit à terroriser quelques plus faibles passant par là) et je n'envisage même pas que je puisse un jour devenir moi-même une victime, que je le veuille ou non.

De cette régression animale, de cette perte de compassion, le libéralisme est également un bel exemple.

 


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