THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG

L'étrange cas du moraliste moralisateur Philippe Val

(Ordre chronologique, de haut en bas)

Cf. aussi Notes de lecture.


18 mars 2006

AU SUJET DU "PROCES" DE PHILIPPE VAL

Il s'est dit et écrit ces derniers temps beaucoup de choses sur Philippe Val dans les milieux de la gauche "radicale" (je ne désigne ainsi cet ensemble vaste et flou que pour bien le distinguer du PS). Tombé en disgrâce après son consternant soutien à la Constitution Européenne, le voici à présent considéré, avec la publication par Charlie-Hebdo des fameuses caricatures, comme un réactionnaire islamophobe et/ou comme un sale type à l'esprit mercantile, uniquement soucieux de réaliser un coup médiatique. Dans la foulée, certains soulignent qu'il a toujours été quelqu'un d'arrogant et qu'il règne en dictateur sur la rédaction de son journal.

Je ne sais pas dans quelle mesure tout cela est vrai, mais j'ai parfois l'impression d'assister à la revanche mesquine de gens sans talent sur quelqu'un qui en a, en tous cas qui en a eu. Philippe Val est quelqu'un qui a défendu avec talent durant des dizaines d'années des idées et des valeurs, non par intérêt personnel mais par engagement intellectuel. Et surtout, il a toujours privilégié la réflexion sur le dogmatisme et les idées préconçues, ce qui ne peut que me le rendre sympathique, puisque c'est également la démarche que, le talent en moins, je m'efforce d'adopter dans ma réflexion. En tant qu'artiste, sur scène et par le disque, puis en tant qu'éditorialiste de Charlie-Hebdo, Val a éveillé, stimulé, des milliers de conscience et il n'y a rien qui soit plus à l'honneur d'un individu. Je doute que les dogmatiques qui lui crachent à la gueule aujourd'hui puissent en dire autant.

Bien sûr, je suis moi aussi extrêmement déçu par l'évolution de Val. J'ignore s'il agit vraiment en "dictateur" ou s'il ne s'agit que de la version donnée par certains transfuges de Charlie-Hebdo qui ne le supportaient pas pour des raisons qui ne regardent qu'eux. Je constate cependant qu'au moment du référendum, tout en défendant avec acharnement son stupide point de vue, il a laissé s'exprimer les journalistes de Charlie qui étaient opposés à cette constitution. Quant à son arrogance, à ce que j'en sais, il est certain que Val, en tant qu'individu, est, ou peut sembler, particulièrement hautain, mais quelle est cette nouvelle manie, ce retour à la méthode Sainte-Beuve, qui consiste à juger un artiste ou un penseur à l'aune de sa personnalité ? Qu'est-ce qu'on en a à battre des petits défauts de chacun, des traits de caractère qui peuvent le rendre plus ou moins détestable en tant qu'individu, du moment qu'ils n'entachent en rien ses textes ? On croit rêver ! Et surtout, les gens qui se permettent ce genre d'amalgame entre la production écrite et la vie individuelle sont-ils si parfaits qu'ils s'y sentent autorisés ? En l'occurence, qui est le plus arrogant dans cette histoire ?

Je me contenterai donc pour ma part de juger Philippe Val sur ses seuls écrits. Il y a bien assez à dire. Pas sur les caricatures, car il me semble évident que le seul but était de défendre la liberté d'expression contre la censure des fanatiques, quels qu'ils soient. Je ne crois pas à l'islamophobie de Val : il est simplement fidèle à ses valeurs de toujours, la liberté d'expression, la lutte contre l'obscurantisme, etc. Aujourd'hui, une partie de la gauche refuse de voir la connerie et la haine véhiculés par le fanatisme religieux, dès lors que ce fanatisme s'appuie sur l'Islam, par crainte d'être taxée de racisme. En revanche, sur la Constitution européenne, difficile d'être d'accord avec Val et difficile aussi de ne pas reconnaître qu'il a employé pour le défendre des arguments souvent stupides et plus souvent encore méprisants à l'égard de ses adversaires. Peut-être est-il devenu con avec l'âge, ou avec les relatifs honneurs qui lui sont faits depuis quelques années et qui l'amènent à pactiser avec une presse plus "consensuelle" (colllaboration avec Elisabeth Lévy, etc.). Il est possible aussi que son engagement sincère pour l'Europe l'ait aveuglé, car après tout, il n'a jamais défendu le TCE en tant que tel mais en tant qu'étape imparfaite mais perfectible et nécessaire pour construire ensuite une Europe vraiment sociale : il fallait être bien niais pour croire cela, mais je n'exclus pas cette hypothèse. De toute façon, quelle que soit la véritable cause de cette erreur de jugement, je m'en fous : elle a décrédibilisé Val à mes yeux, c'est certain. Mais l'erreur est humaine et, si je me passe désormais aisément de lire un type qui s'est aussi lourdement fourvoyé, je trouverais tout à fait injuste de lui attribuer tous les maux de la terre, et plus encore de nier, au nom de cette erreur récente, la valeur de tout ce qu'il a pu faire auparavant, et qui est loin d'être négligeable, pour le progrès de la réflexion de ses concitoyens.

Loin de m'amener à rejeter toute son oeuvre passée, les errements récents de Philippe Val ne m'inspirent qu'une seule chose : "c'est triste de vieillir". Mais personne n'est à l'abri, alors contentons nous d'être en désaccord lorsqu'il y a lieu sans pour autant se sentir le droit de cracher sur quelqu'un dont la vie a déjà été mille fois plus utile que la nôtre ne le sera jamais.


17 avril 2008 : SUR CE POINT AU MOINS, PHILIPPE VAL EST DE MON AVIS

Extrait de son dernier édito dans Charlie-Hebdo :

"Dans un pays qui n'aurait pas transformé ses littéraires en parias et les études de lettres en poubelle, ni Ségolène Royal, ni Nicolas Sarkozy n'auraient été finalistes dans une élection présidentielle au suffrage universel."


27 juillet 2008 : SINE

Siné a été viré de Charlie-Hebdo par Val (qui tombe de plus en plus bas) pour cause d'antisémitisme. J'ai enfin pu me procurer le texte incriminé et, comme je m'y attendais, il n'y a pas la moindre trace d'antisémitisme réel,

« Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général de l'UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le Parquet a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n'est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit ! »

... si ce n'est que certains bien-pensants brandissent l'accusation d'antisémitisme dès qu'on ose dire que tel individu (qui se trouve être juif mais pourrait tout aussi bien être bourguignon) est un con, ou dès que, comme ici, on associe dans la même phrase les notions de judéité et d'argent. Il n'y a ici qu'une dénonciation de l'opportunisme de, Sarkozy Fils.


5 juin 2010 : QUI VEUT NOYER SON CHIEN : PRELUDE A UNE MISE A LA PORTE

A ce propos, il semble que divers individus ou organes de presse (Le Nouvel Obs, Nicolas Demorand, qui a suffisamment démontré son intégrité ces dernières années pour se laisser aller à présent à trahir ses collègues de matinale,...) soient actuellement en train de préparer le renvoi de Didier Porte en dénonçant ses excès (ces gens ont-ils jamais entendu Pierre Desproges ou Coluche ??? vous savez, ces types d'une époque où il y avait encore des humoristes et où la pensée unique naissante n'oser même pas encore rêver qu'elle aurait un si beau succès). Par ces courageuses interventions qui fourniront prétexte à Philippe Val (ex-véritable penseur de gauche devenu véritablement soucieux des intérêts de l'actionnaire majoritaire et présidentiel) pour virer l'emmerdeur au plus vite sans que ça ait l'air politique ("on adore l'humour, mais il y a des gens comme Didier Porte qui vont trop loin, vous comprenez, c'est gênant, notamment à cause des enfants qui écoutent : on fait juste ça, pour les enfants, pour qu'ils grandissent dans un monde sain, poli, hygiénique et où chacun est libre d'être d'accord avec tout le monde"), ces braves gens rejoignent les glorieux rangs de l'antiportisme acharné, déjà représenté par des sommités intellectuelles et morales telles que Paul Wermus et l'animateur-humoriste Arthur.


24 juin 2010 : LES GAUCHISTES, C'EST COMME LES COCHONS

Voilà, c'est fait : Philippe Val a viré de France Inter à la fois Didier Porte et Stéphane Guillon. Cela se passe de commentaire : ce n'est jamais que la dernière étape d'une déchéance morale assez inouïe (*).

La seule excuse que je puisse encore lui trouver, excuse dont la réalité demeure discutable et qui de toute façon ne suffit plus à le sauver, c'est de considérer qu'il en est arrivé là à force de se heurter vainement à l'opposition ricanante d'un certain nombre d'extrême-gauchistes dogmatiques ne supportant pas la moindre déviance par rapport à leur catéchisme simplet. Le fait est que, si je me sens aujourd'hui totalement éloigné de Philippe Val, je me suis longtemps trouvé d'accord avec lui sur bien des points, contre la droite mais également contre une certaine gauche, avec laquelle en revanche je n'ai jamais été et ne serai jamais d'accord sur ces questions. On pourrait peut-être en dire autant de Finkielkraut et de bien d'autres : des hommes de gauche indépendants de toute doxa, révoltés, écoeurés, voire "condamnés" par une gauche douteuse (qu'il s'agisse du PS dont il est douteux qu'il soit de gauche, ou d'une extrême-gauche dont c'est la manière d'être de gauche qui est douteuse) et qui en arrivent à préférer passer à droite (en l'occurence à la pire des droites, celle de Sarkozy) plutôt que de rester à gauche avec autant de cons. Je peux les comprendre dans leur déception et leur écoeurement, mais certainement pas dans leur conversion absurde (mais j'ai déjà eu l'occasion de dire cela) : l'honneur d'un véritable homme de gauche face à l'inertie ou/et à l'ineptie de la gauche politiquement la plus visible, c'est de reconstruire une gauche véritable, certainement pas de quitter le navire comme un vulgaire rat.

L'excuse tient vaguement sur le plan psychologique (qu'on songe par exemple à la "persécution", certes amusante, de Val par Pierre Carles telle qu'elle apparaît dans le film Val est vénère), mais certainement pas moralement et idéologiquement : au mieux peut-on dire d'un Val ou d'un Finkielkraut, si cette hypothèse est vraie, qu'ils ont pété un câble et ne savent plus vraiment ce qu'ils font ni ce qu'ils disent.

Cela dit, c'est faire preuve de bien de l'indulgence que de proposer cette explication. Il est à craindre que les choses soient bien plus simples : ascension sociale, respectabilité accrue, création de liens étroits avec des gens importants, passage d'une réflexion d'intérêt collectif à un raisonnement à court terme (le court terme des années qui nous restent à vivre) d'intérêt purement pourmagueulesque, trahison plus ou moins assumée de ses anciens idéaux, avec plus ou moins de mauvaise conscience, etc. J'évoquais la "persécution" de Pierre Carles dans Val est vénère : certes on peut y voir l'oeuvre d'un type (Carles) qui ne supporte pas que quelqu'un (Val) pense un peu autrement que lui et qui s'acharne à déstabiliser l'adversaire pour le rendre antipathique, mais enfin ce n'est pas Pierre Carles qui a forcé Val à participer à l'Université d'été du MEDEF, il s'est contenté de venir l'y dénicher (ce qui agace), comme il y avait déjà déniché Claude Allègre dans Attention Danger Travail.

(*) : sur le site de Télérama, votre serviteur s'est trouvé mêlé sur ce sujet (plus précisément sur la manière dont avait été scotché un panonceau revendicatif) à une discussion longue et bien évidemment stérile avec un défenseur du renvoi de Porte et Guillon et avec le colonel Urbain Montgomery Python Badern, de la Division Charlemagne (un homme fort courtois).


30 octobre : DES NOUVELLES DU PROCUREUR PINARD

Après avoir tenté de remplacer Stéphane Guillon et Didier Porte par Raphaël Mezrahi (quelle étrange idée !), Val avait confié la chronique humoristique du matin à Gérald Dahan. A priori, ça ne risquait pas d'être très virulent, et pourtant, l'autre matin, Dahan a servi une chronique gratinée à Michèle Alliot-Marie. On peut trouver cela en vidéo sur le net : la tronche de la ministre tout au long du papier de Dahan est un ravissement. Dès le lendemain, le fameux humoriste libertaire a viré Dahan, lequel déclare aujourd'hui dans la presse qu'il est "déçu" par Philippe Val. Si ça peut l'aider à se sentir moins seul, je pense qu'on peut affirmer aujourd'hui que les seules personnes à n'être pas déçues par Philippe Val sont celles qui n'en avaient jamais entendu parler avant qu'il ne dirige France Inter, ou ceux qui n'ont jamais rien eu à battre de Philippe Val.

On aurait envie de dire que le seul qui ne soit pas déçu par Philippe Val, c'est Sarkozy, mais ça n'est même pas sûr : il y a fort à parier que même Sarkozy est déçu par la facilité et la rapidité avec laquelle Val s'est couché et mis aux ordres. Quoi qu'on en pense, le sarkozysme, ce n'est pas l'occupation allemande : personne n'est obligé de collaborer pour survivre. Ceux qui ont choisi de collaborer l'ont fait librement, par simple goût du pouvoir, du fric ou des honneurs. Quand on considère le parcours d'un type comme Val, qui faisait rire et réfléchir des tas de gens il y a encore quelques années et qui aujourd'hui ne donne plus envie que de vomir, on se prend à imaginer ce qu'un Brassens ou ce qu'un Victor Hugo penseraient, s'ils vivaient aujourd'hui, d'une telle "évolution".


A Didier P. et Stéphane G., .... (d'après Charles B.)

 

La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,

Occupent nos esprits et travaillent nos corps,

Et nous alimentons nos aimables remords,

Comme les courtisans nourrissent la Vermine.

 

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;

Nous nous faisons payer grassement nos aveux,

Et nous rentrons gaîment dans le chemin bourbeux,

Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

 

Mais parmi les Besson, Lefebvre ou Estrosi,

Les Bruni, Hortefeux, les Kouchner, les Bertrand,

Les suiveurs glapissants, hurlants, grognants, rampants,

Dans la ménagerie infâme à Sarkozy,

 

Il en est un plus VIL, plus traître, plus tortu.

Tu le connais, lecteur, toi qui le respectas.

Chaque jour, sur Inter, nous descendons d'un pas,

Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

 

Comme s'il savait depuis toujours

Que ce qu'il reste de nos vies

Ce n'est rien d'autre que l'amour

Qu'on a donné à Sarkozy.


Retour Menu Blog

Retour Page d'accueil

  Retour Menu Simplifié