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Chris WARE (né en 1967)

Jimmy Corrigan. L'objet est fascinant, l'oeuvre très originale (même si j'y vois quelques ressemblances, l'une sans doute consciente avec le trait de Winsor McCay, l'autre certainement fortuite avec celui de Goossens) et très belle. Horriblement déprimant, mais mérite vraiment qu'on s'y arrête. J'ai lu dans une critique que le personnage était plat, inexistant, sans intérêt : je trouve au contraire que toute la force de Chris Ware est de réussir à donner vie (vie intérieure) sous nos yeux à un personnage qui n'a aucune vie extérieure.

***

Dans le même style mais en plus léger, Wimbledon Green, par Seth, qui dédie son livre à Chris Ware. L'histoire à la Citizen Kane d'un collectionneur de comics.

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Rusty Brown, nouvel opus dans la lignée de Jimmy Corrigan. Intelligent, visuellement superbe. Drôle parfois (trop rarement) : ce qui domine, comme dans Jimmy Corrigan, c'est une mélancolie qui, au gré de quelques obsessions, atteint parfois à une tristesse insoutenable.


Walt WHITMAN (1819-1892)

"Je me contredis ?... Hé bien, je me contredis !"


Orson WELLES (1915-1985)

Dans la Soif du mal, Vargas (infiniment plus respectable que le futur connard de la NRA qui l'interprète) déclare : "le travail d'un policier n'est simple que dans un Etat policier."

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Journey Into Fear (Voyage au pays de la peur), film de 1943 signé Norman Foster, fut un temps attribué à Welles, mais on est loin des grands films de Welles et ce serait plutôt comparable, par bien des aspects, au Troisième Homme : un film à suspense plutôt efficace, avec une touche d'originalité dans le sujet comme dans la mise en scène parce que Welles y est tout de même partiellement intervenu, avec dans les deux cas Joseph Cotten au premier plan et Welles dans un second rôle impressionnant (ici celui d'un chef de la police secrète turque tout à fait digne des aventures de Corto Maltese). Soit dit en passant, le titre (même en VO) est très excessif : l'action est bien menée et l'intérêt du film tient surtout à ses personnages et à son atmosphère (il y a quelque chose de Casablanca dans la toile de fond), mais la peur n'est guère présente et le tueur rondouillard peine un peu à inquiéter, sans parler de son ultime tentative pour tuer Joseph Cotten qui relève quasiment du gag.


Oscar WILDE (1854-1900)

"Hearts live by being wounded." (le coeur vit d'être blessé)

"La mode est une forme de laideur si intolérable qu'il faut en changer tous les six mois."

Sur le poète Robert Browning : "Meredith est un Browning en prose. De même que Browning."

 


Billy WILDER (1906-2002)

Quasiment toute la filmographie de Billy Wilder est géniale. En dehors des ultra-classiques (Certains l'aiment chaud, Sept Ans de réflexion,...), il y a des tas d'autres merveilles, que ce soit d'humour (Kiss me, stupid ou le plus ancien et peu connu The Major and the Minor) ou d'aventures (Five Graves to Cairo, Stalag 17).

Dans Sept Ans de réflexion, le Dr. Brubaker, comme la secrétaire de son éditeur lui dit qu'il a un quart d'heure d'avance, répond : "Oui, je sais. Mon patient de 15h a sauté par la fenêtre au beau milieu de sa séance. Depuis, je suis partout en avance d'un quart d'heure."

 


THE WIRE (Sur Ecoute)

Wikipédia m'informe que The Wire est la série préférée du président Obama et qu'il trouve le personnage d'Omar "fascinant". Il est certain que c'est une des meilleures séries jamais réalisées et je souscris plus pleinement encore à la seconde affirmation du président, que je n'avais pas attendu pour trouver cet Omar aussi étonnant que savoureusement drôle : mais je suis heureux de constater que nous sommes au moins deux.

Mention spéciale aussi, pour la saison 2, à Chris Bauer, formidable dans son personnage de Frank Sobotka.

Dans les saisons 3 et 4, même si l'intérêt sociologique reste entier, la qualité narrative de la série baisse un peu. A force de polyphonie, on s'éparpille beaucoup trop, certains personnages ne semblent parfois revenir ça et là que de façon artificielle, et il manque également une intrigue policière centrale et forte pour maintenir la tension. Cela se regarde sans déplaisir, et même avec un certain intérêt (l'expérience de Hamsterdam dans la saison 3 pose des questions tout à fait stimulantes), mais on n'y retrouve pas la force d'accroche des deux premières saisons.

La dernière saison retrouve en revanche un peu plus d'unité et d'intensité narrative, avec en prime une bonne dose d'humour (l'affaire délirante montée de toutes pièces par McNulty pour forcer les autorités à redonner des moyens à la police). Et la version par Steve Earle du générique est la meilleure de toutes à mon goût.

Signalons enfin l'importante présence musicale des Pogues, en particulier dans l'autoradio de McNulty.

Cf. Treme.

 


P.G. WODEHOUSE (1881-1975)

 

L'Inimitable Jeeves

Sir Roderick, directeur d'asile, explique qu'il y a beaucoup de fous en liberté et raconte que le matin-même, alors que sa voiture, décapotée, était arrêtée dans un embouteillage, lui étant assis à l'arrière, ...

"J'étais plongé dans mes réflexions, lorsque tout à coup la chose la plus extraordinaire se produisit. Mon chapeau fut brusquement arraché de ma tête ! Je regardai en arrière et vis un bras l'agiter avec une sorte d'excitation triomphale - un bras qui sortait de l'intérieur d'un taxi." Le narrateur contient son rire et dit :

"Il s'agissait probablement d'un canular, non ?

Le vieux ne parut pas apprécier ma suggestion.

- Il me semble que je ne suis pas fermé aux phénomènes humoristiques, mais j'avoue que je serais bien en peine de détecter la moindre parcelle de drôlerie dans cet acte scandaleux. C'était là, à n'en pas douter, l'acte d'un déséquilibré."

Plus tard, lors d'une kermesse, le narrateur est abordé par une fillette. "Nous n'avions pas été présentés, mais elle pensait apparemment que je ferais aussi bien l'affaire que n'importe qui pour parler de la poupée de chiffon qu'elle avait gagnée au jeu de la pêche miraculeuse, un sujet sur lequel elle ne répugnait pas à s'étendre.

- Je vais l'appeler Gertrude, babillait-elle. Et je la déshabillerai tous les soirs et la mettrai au lit, et je la réveillerai le matin et l'habillerai, et je la mettrai au lit le soir et la réveillerai le lendemain matin et l'habillerai ...

- Dis donc, ma vieille, l'interrompis-je, je ne voudrais pas te bousculer ni rien, mais tu ne pourrais pas condenser un peu cette histoire ? Je suis assez impatient de voir l'arrivée de la course."

Plus loin encore, lorsque Bingo Little tente de le convaincre de lui venir en aide une fois de plus dans ses intrigues amoureuses : "C'est toujours la même chose. N'importe qui peut m'entortiller. Si j'étais à la Trappe, je suis sûr que dès le premier jour un petit malin m'entraînerait malgré moi dans quelque effroyable idiotie au moyen du langage des sourds-muets."

 

Pas de pitié pour les neveux

Le narrateur se voit contraint de recueillir dans sa voiture une vague connaissance qui participait à une manif voisine et qui semble en fuite. "Tout dans son comportement évoquait le cerf pantelant qui recherche la fraîcheur des torrents quand la poursuite a été chaude (...)

- Que s'est-il passé ?

- J'ai flanqué une beigne à un flic !

Je compris pourquoi il montrait une légère émotion. Flanquer des beignes à des flics est une de ces choses que l'on ne doit faire - si l'on doit vraiment les faire - qu'avec parcimonie.

- Quelque raison particulière à cela ? Ou bien est-ce que l'idée t'a simplement paru bonne sur le moment ?"

A propos d'un certain Spode qui a menacé de le "tartiner sur la pelouse et de sauter sur (ses) restes avec des souliers à crampons", le narrateur relativise : "Un type comme Spode, est-on en droit de se dire, a une position à défendre. Il ne peut pas s'offrir le luxe de se payer tous les caprices qui lui passent par la tête. S'il se met à tartiner les gens sur les pelouses, il risque d'avoir des ennuis."

Jeeves rend ainsi compte de l'appel téléphonique d'un autre individu vindicatif :

- Il m'a laissé plusieurs messages pour vous.

- Des messages ?

- Oui, monsieur, spécifiant ce qu'il avait l'intention de vous faire la prochaine fois qu'il vous rencontrerait. Ses remarques furent surtout d'ordre crûment chirurgical. La plupart des plans qu'il ébaucha seraient d'ailleurs extrêmement difficiles à mettre en pratique. Ainsi, par exemple, sa menace de vous arracher la tête pour vous la faire avaler ensuite.

Afin de faire perdre un jockey, quelqu'un l'entraîna au bar la veille de la course, "lui fit faire le plein de boissons fortes, et l'expédia au poteau de départ le lendemain après-midi avec un tel mal de crâne que le type ne souhaitait plus qu'une chose : s'asseoir quelque part pour pleurer."

 

Very Good, Jeeves

Bingo est de ces énergumènes qui, dès que leurs doigts se referment sur un manche de raquette, s'abîment dans une sorte de transe où leur horizon se borne au rectangle du court. Si vous deviez annoncer à Bingo au beau milieu d'un set que des panthères dévorent son meilleur ami dans le potager, il se contenterait d'un "ah bon ?" ou de quelque formule du même carat.

***

- Je ne me souviens pas des mots exacts qu'il a employés, mais il a effectué une comparaison entre la mentalité de Monsieur et celle du coucou.

- Il m'a comparé à un coucou ?

- Oui, Monsieur. Au profit de ce volatile, Monsieur.

***

Je dois avouer que j'étais stupéfait de sa perspicacité, si tant est que le terme soit exact. Vous savez, ce truc qu'ont les détectives.

***

Je comprenais à présent que j'avais eu tort de présumer qu'une jeune fille devait nécessairement tomber amoureuse d'un type sous prétexte qu'il s'était cassé la jambe. Sans doute, dans un premier temps, Gwladys Pendlebury se sentirait étrangement attirée par ce Pim en le voyant ainsi, gisant sur le lit, plus ou moins réduit à l'état d'épave. Mais d'autres pensées auraient tôt fait de s'insinuer dans son esprit. Elle se demanderait s'il était judicieux de confier son bonheur à un homme qui n'a pas la présence d'esprit de s'esquiver en voyant une voiture arriver. Elle se dirait que si pareil accident était arrivé une fois, il y avait tout lieu de craindre qu'il ne se reproduisît encore et encore jusqu'à la fin de ses jours. Elle se refuserait alors à un mariage qui ne serait qu'une longue suite ininterrompue de visites à l'hôpital ...

***

- Et cessez de me sourire béatement, Monsieur !

Je jetai un coup d'oeil au miroir et compris ce qu'il voulait dire. Le demi-sourire empreint de tristesse avait quelque peu débordé. Je le rajustai et il s'ensuivit un nouveau silence.

***

Le soir d'une course d'aviron, suivant en cela mes conseils, mon vieux copain Oliver Randolph Sipperley avait tenté de subtiliser le casque d'un policier alors que celui-ci se trouvait encore dedans.

***

- Souvenez-vous de ce qu'a dit le poète Shakespeare, Jeeves.

- Qu'était-ce, Monsieur ?

- "Il sort en toute hâte poursuivi par un ours." C'est dans une de ses pièces, je ne sais plus trop laquelle. Je me revois encore l'illustrer d'un petit dessin en marge de mon cahier quand j'étais à l'école.

***

- Tout va bien, lui répondis-je en manière d'apaisement. J'ai la situation bien en main. On empaquette à la minute même la Seringue géante et le Lapin lumineux.

- Je ne sais pas de quoi tu parles, et je n'imagine pas une seule seconde que tu le saches non plus d'ailleurs, rétorqua ma parente non sans quelque brusquerie. (...)

- Le programme que j'ai prévu suffira amplement à ôter au jeune Tuppy toute velléité amoureuse. J'ai pour intention d'introduire le Lapin lumineux dans sa chambre sitôt que l'occasion s'en présentera. Le Lapin lumineux brille dans l'obscurité en faisant des bonds dans un concert de couinements du plus curieux effet. Tuppy croira entendre la voix de sa conscience et je table sur un seul traitement pour l'envoyer se retirer quelques semaines en maison de repos.

Le Tuppy en question, pour séduire une donzelle du coin, s'est engagé à participer au prochain match de rugby entre deux villages dont les habitants se détestent :

La teneur des propos qu'échangeait, au sujet du match à venir, la compagnie du Cochon Vert, où j'étais entré incognito prendre une bière, avait de quoi glacer le sang (...) On aurait dit Attila et un détachement de ses Huns esquissant les grandes lignes de leur prochaine campagne (...) Il semblerait que Hockley-cum-Meston voie en ce match l'occasion rêvée d'offrir un Noël mirifique au fossoyeur du coin.

 

Gardez le sourire, Jeeves !

Il ressemblait davantage à un personnage de Dickens qu'à un être humain.

 

Jeeves and Wooster

Une excellente adaptation télévisée, avec Hugh Laurie (Bertie Wooster) et Stephen Fry (Jeeves). N'existe qu'en version anglaise sous-titrée en anglais, mais c'est un bon moyen de savourer la langue de Wodehouse. On peut déplorer que les personnages secondaires soient souvent interprétés, d'une saison à l'autre, par des acteurs différents, mais tant pis.

 

Dans un épisode, Bertie rassure un ami auquel sa fiancé vient de tenir des propos définitifs ("I never want to see you again in this world or the next, you fathead") et lui dit qu'il ne faut jamais prendre au sérieux les menaces proférées par les femmes :

- It's like Shakespeare. Sounds well but doesn't actually mean anything (ça sonne bien mais en fait ça ne veut absolument rien dire).

 

L'oncle Georges, en plein retour de printemps, se regardant dans la glace : I'm not so old ... (Je ne suis pas si vieux)

Bertie : So old as what ? (aussi vieux que quoi ?)

 

 

* * *

Mr Mulliner raconte

Caché derrière les rideaux pour surprendre son valet festoyant en son absence, un personnage découvre en fait deux cambrioleurs : "A cette distance rapprochée, ils faisaient une impression très semblable à celle que dut éprouver le prophète Daniel en pénétrant dans la fosse aux lions, avant qu'il eût établi avec ces animaux les relations de paisible camaraderie qui devaient être les leurs par la suite." Le ton monte entre les cambrioleurs : "Les bruits de coups et de chutes semblaient indiquer que les deux antagonistes se tapaient dessus avec virtuellement tout ce qui se trouvait dans la pièce, à l'exception du papier peint et du buffet" (bel exemple d'humour fondé sur le fait qu'on ne peut s'empêcher d'imaginer ce dont on nous dit qu'il n'a pas lieu).

 

Pleine Lune à Blandings

A propos d'un personnage reçu sous une fausse identité dans la famille hostile de la jeune fille qu'il/qui l'aime : "Son attitude mentale pourrait se comparer à celle d'un chat qui, entrant dans une ruelle inconnue, se demande si les habitants ont ou n'ont pas des briques et l'envie de les jeter."

"Les gens qui la connaissaient arrêtaient toujours de se disputer quand Véronica arrivait, parce qu'ils étaient sûrs qu'elle demanderait d'expliquer pourquoi ils se disputaient et que, quand ils l'auraient expliqué, elle leur demanderait de recommencer depuis le début et de lui réexpliquer. Et, quand on est sur les nerfs, cette sorte de chose est ennuyeuse. Gally cessa de traiter Freddie de tous les noms. Freddie cessa de gesticuler et d'en appeler au sens de la justice. Prudence cessa de dire qu'ils auraient tous l'air idiot quand ils la retrouveraient noyée dans le lac un matin. Et Lady Hermione cessa de marteler la table avec sa cuiller. Ce fut comme une grève surprise dans une chaudronnerie."

 

Un Pélican à Blandings

Galahad questionne le majordome sur un des invités de sa soeur.

- Il n'est pas ce à quoi je suis habitué, monsieur Galahad.

- Et pourtant vous avez vu des spécimens plutôt bizarres, dans votre temps.

- En effet, monsieur.

- Vous vous souvenez de ce type qui voulait de la confiture avec son poisson ?

- D'une manière très vivace, monsieur.

- Et celui qui mettait de l'eau dans son bordeaux ?

- S'il vous plaît, monsieur Galahad, j'essaie de l'oublier.

 

A propos du tableau français représentant une femme nue allongée, le duc de Dunstable dit à Lady Constance :

- Un type que je connais affirme qu'elle est le portrait de sa troisième femme, alors qu'Emsworth prétend qu'elle ressemble énormément à son cochon (...) Il dit qu'il y a quelque chose dans l'expression des yeux et dans la façon dont elle est couchée. Il dit qu'il a vu son cochon couché comme ça une centaine de fois. En fait, chaque fois qu'il a fait un repas un peu lourd (...) Et, bizarrement, je note une ressemblance avec la femme de notre curé, dans le Wiltshire. Seulement le visage, bien entendu, car je ne l'ai jamais vue nue sur un banc de mousse. Je ne pense pas que le curé la laisserait ...

 

Lord Emsworth se relève la nuit, après un cauchemar, pour aller vérifier que sa truie de concours va bien. "Quand il alluma (sa lampe-torche), il devint instantanément le centre d'attraction d'une foule bruyante de moucherons, papillons et moustiques, qui se rassemblent en bandes et ne se couchent que fort tard dans les districts ruraux."

 

Le même est à nouveau réveillé quelques nuits plus tard. "Une chauve-souris, voletant dans l'obscurité à l'extérieur, prit un mauvais virage dans sa ronde nocturne et entra par la fenêtre qui avait été sainement laissée ouverte. Elle se mit alors à tourner en cercles dans la chambre, à la stupide manière sans but des chauve-souris, qui sont notoirement parmi les créatures de Dieu les moins douées intellectuellement. Montrez-moi une chauve-souris, dit un vieux proverbe, et je vous montrerai quelque chose qu'on ne devrait pas laisser entrer dans une maison."

 

"Le matin suivant trouva, comme d'habitude, Gally dans son hamac (...) Une fois de plus, le chat de l'écurie, qui savait reconnaître un ami quand il en voyait un, sauta sur son estomac et ronronna intensément."

Vanessa Polk annonce à Galahad qu'elle va épouser le milliardaire Trout, celui qui a déjà épousé trois blondes, dont une sosie de la femme nue du tableau.

- Je croyais que vous alliz émettre un "hum" réprobateur.

- Je ne désapprouve pas. Pourquoi n'épouseriez-vous pas Trout ? Tout le monde le fait.

- Je l'ai presque fait, il y a quelques années. Nous avons été fiancés.

- Je me demandais juste s'il est assez bien pour vous. Une fille qui peut se moquer de Connie mérite le meilleur des maris. Et, bien que Trout soit reconnu comme le plus fréquent des maris, est-il le meilleur ?

- Il le sera. J'ai toutes sortes de plans pour Willie. Je vais le mettre au travail, supprimer les cocktails (...)

- Et vous croyez que vous pourrez corriger cette tendance qu'il a à devenir super-cordial quand il rencontre une blonde ?

- Sûrement. Ce n'est qu'une habitude nerveuse.

 

Bravo, Oncle Fred !

"Il a dit qu'il viendrait aujourd'hui et me tordrait le cou.

- Je ne savais pas que les poètes avaient l'habitude de tordre le cou des gens.

- Ricky n'hésite pas à le faire. Une fois il s'est attaqué à trois marchands ambulants à Covent Garden et les a descendus en cinq minutes. Il était allé là pour chercher l'inspiration d'une pastorale et quand ils ont commencé à le bassiner, il est rentré dedans et les a laissés sens dessus dessous dans une pile de choux de Bruxelles."

 

Oncle Dynamite (guest star : Harry Potter)

L'Oncle Fred, qui a accepté de "juger les beaux bébés" lors d'une fête de village, profite d'une occasion pour s'entraîner à s'extasier devant un landau qui se présente. "Bill, qui n'aimait pas beaucoup les bébés et préférait en tous cas qu'ils ressemblassent un peu moins à Edward G. Robinson, se tenait un peu à l'écart, comme pour se désolidariser de cette déplaisante affaire."

 

"Apparemment, il arrivait à une de ces heures creuses qui affectent les bars. Avec la meilleure volonté du monde, les villageois anglais ne peuvent pas boire tout le temps et c'était là un moment où les habitants d'Ashenden-Oakshott semblaient avoir décidé d'accorder un bref répit à leur gosier, se basant sans doute sur le principe de reculer pour mieux sauter."

 

"Parmi les membres de mon expédition c'est toujours lui que je choisissais en premier dans les cas de conflit avec un crocodile. On pourrait objecter à juste titre que la part jouée par les crocodiles dans une vie conjugale normale est assez faible mais, néanmoins, ce n'est pas une mauvaise chose pour une femme d'avoir un mari capable de les remettre à leur place."

 

"Mais Reginald ne boit jamais d'alcool.

- Pendant que vous avez l'oeil sur lui, peut-être. Mais seulement dans ce cas. Autrement il absorbe l'alcool comme un aspirateur."

 

Une servante de pub, abusée par les récits du faux major Plank, raconte au vrai major Plank les exploits du premier face à un puma : "Ca m'aurait fait un coup, je l'avoue. Oui, monsieur, je n'ai pas honte de dire que je serais morte de peur. Parce que les pumas vous sautent sur le dos et vous mâchonnent la nuque, et on ne peut pas dire que ce soit agréable."

 


WONG KAR-WAI (né en 1958)

Wong Kar-wai explique qu'il n'aime pas travailler avec un scénario de départ et préfère construire peu à peu, agencer les éléments, les éléments prévus comme ceux qui se présentent au fil du tournage. D'où sans doute les quatre années et plus passées à réaliser 2046, d'autant qu'il s'auto-produit afin d'être parfaitement libre, sans avoir à subir les contraintes d'un producteur, en véritable auteur indépendant, comme ont pu l'être (ou se brûler les ailes à vouloir l'être) un Orson Welles ou un Kubrick.

A la première vision, In The Mood for Love m'avait paru remarquable esthétiquement mais un peu ennuyeux dans son attachement au quotidien. Un peu ennuyeux jusqu'à cette fin magnifique à Angkor Vat et à ces derniers mots terribles qui concluent le film et donnent soudain à tous les détails dont je parlais une force extraordinaire : "Il se souvient des années passées comme s'il regardait à travers une fenêtre poussiéreuse : le passé est quelque chose qu'il peut voir mais pas toucher. Et tout ce qu'il aperçoit est flou et indistinct." Non seulement cette fin justifie tout le film (et ses apparentes longueurs), mais le revoir lui donne une profondeur, une richesse, bien plus grandes encore. Et 2046 est encore plus impressionnant, avec en prime ses splendides scènes futuristes. Ce sont des films qu'on pourrait regarder en boucle, tant ils ont un pouvoir de fascination extrême.

The Grandmaster : magnifique film de kung-fu lent. Sublime de bout en bout. La scène d'enterrement du vieux maître dans un paysage blanc de neige ... Sa fille Zhang Ziyi, magnifique (même si on peine un peu à la différencier de la femme du héros)...

Idem pour Les Cendres du temps, film de sabre façon Wong Kar-wai. On y retrouve tout ce qui fait la beauté et la mélancolie de ses autres films, mais dans un cadre différent, avec d'autres costumes, d'autres décors, souvent naturels et désertiques ici. Plus question a priori de ces décors urbains dominés par un vert délavé : pourtant, à un moment, ce vert revient, cette fois sur un bâtiment en bois.

Happy Together. La première moitié n'est guère passionnante et relève du psychodrame hystérique pénible : curieusement, je préfère le film où tout le monde va chercher des nouilles. Cela devient cependant beaucoup plus intéressant avec l'arrivée d'un troisième personnage, qui donne lieu à des relations plus subtiles. De très belles scènes, surtout à partir de là, et une fin à la fois ouverte et mélancolique, qui n'est pas sans évoquer, justement, la fin du film sur les nouilles, avec le thème du voyage lointain et solitaire, mais aussi justement celui des nouilles, qui conclut quasiment le film ...

Dans Nos Années sauvages également, Leslie Cheung incarne un personnage narcissique et capricieux auquel on peine à s'attacher. Et ici aussi, c'est le fait que l'on puisse s'attacher finalement à d'autres personnages, a priori secondaires, qui fait qu'on entre tout de même dans le film, admirablement construit et réalisé par ailleurs. Construction un peu gâchée par les dernières minutes, qui semblent inutiles voire incompréhensibles (apparition sans raison de Tony Leung), mais cela tient sans doute au fait qu'il devait initialement y avoir une suite.

Chungking Express est beaucoup plus léger et drôle, et Takeshi Kaneshiro bien plus sympathique que les personnages égocentrés joués par Leslie Cheung. Le film forme un diptyque avec Les Anges déchus, plus sombre, dans lequel on trouve quelques très belles images, par exemple, au début, un escalator dans un décor jaune à colonnes. Un court bonus concerne le directeur de l'hôtel Chungking (les deux films résultent en fait d'un unique projet de départ incluant plusieurs histoires), lequel a accepté de faire de la figuration dans Chungking Express, puis de jouer ici le rôle du père du personnage (différent) interprété ici par Takeshi Kaneshiro. Le type brille par son naturel et il a été nominé quelque part comme meilleur espoir. Il raconte avoir vu le film deux fois, une fois en projection officielle, puis une autre après avoir acheté la cassette, mais il précise qu'il ne l'a toujours pas compris.

Août 2022. Revu In the Mood for love. Elle va tout de même très souvent chercher des nouilles. Lui a plutôt tendance à les consommer sur place. Quoi qu'il en soit l'endroit est sombre, illuminé par le feu de la cuisson et on y descend par un escalier sombre et étroit, comme dans une sorte d'Enfer des nouilles.

C'est en tous cas l'un des plus beaux films qui soient et le résumer en disant qu'il raconte l'histoire de deux cocus qui mangent des nouilles serait sans doute un peu réducteur.

 


Edgar WRIGHT (né en 1974)

Si Shaun of the Dead (malgré une ou deux scènes mémorables comme la rencontre d'un autre groupe de rescapés constitué de pseudo-sosies) est un peu surestimé, Hot Fuzz est en revanche une des meilleures comédies de ces dernières décennies.

Un peu moins efficace, Le Dernier Pub avant la fin du monde est cependant une très bonne comédie, elle aussi fondée sur la parodie d'un genre. Elle vaut notamment (ici aussi) par le personnage formidablement interprété par Simon Pegg (après le flic psycho-rigide affublé de son ficus, le type qui n'a pas réussi à sortir de l'époque de son adolescence affublé de la même cassette audio qu'à l'époque de celle-ci) et par la manière tout à fait surprenante dont le film bascule dans une thématique totalement différente. Ici aussi, un ancien James Bond dans un rôle secondaire, Pierce Brosnan : mais son rôle est moins savoureux que celui de Timothy Dalton, inquiétant et ricanant directeur de supérette dans Hot Fuzz.

Relativement original dans sa conception, Scott Pilgrim m'a semble relativement faible et artificiel.

Baby Driver. On ne retrouve toujours pas les sommets de Hot Fuzz, mais c'est tout de même excellent dans son genre : bonne musique, mise en scène brillante, une pointe d'humour tout de même et pas mal d'humanité au milieu d'histoires de braquages. Même si l'histoire n'a pas grand chose à voir, ça rappelle un peu l'esprit du meilleur film de Tarantino, Jackie Brown.


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