FILMS DIVERS

FILMS à réhabiliter ou à (re)découvrir / SCENES, DIALOGUES et détails mémorables / NAVETS / HISTOIRES DE CONS

 


FILMS à réhabiliter ou à (re)découvrir

Il y a de temps en temps des films ratés par le public à leur sortie. Quand ce sont des chefs-d'oeuvre, le temps se charge heureusement le plus souvent de leur redonner la place qu'ils méritaient. Mais il y a aussi quelques très bons films qui, sans être des chefs-d'oeuvre, ont été injustement ignorés à leur sortie. Comme ...

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49° Parallèle (1941), de Michael Powell

Film passionnant, à l'intrigue très originale. A noter au passage la composition assez saugrenue de Laurence Olivier dans un rôle secondaire de trappeur québécois.

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Crimewave (Mort sur le gril - 1985), de Sam Raimi

Ce film, qui m'avait bien plu à sa sortie, n'a guère eu de succès et j'ai longtemps cru ne plus jamais en entendre parler, malgré une scène inoubliable avec un de ces escaliers de secours américains qui monte et descend ... Et puis finalement si, j'ai pu le revoir et constater que, malgré quelques lourdeurs, ça reste une excellente comédie. J'ai surtout découvert qu'il s'agissait d'un scénario des frères Coen, pas encore connus à cette époque, et c'est assez évident (une fois qu'on le sait), tant on y retrouve des tas d'éléments caractéristiques de leur cinéma.

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Galaxy Quest (1999), de Dean Parisot

Parodie de Star Trek à plusieurs niveaux, le film raconte en fait comment les acteurs d'une série de type Star Trek sont contactés par des extra-terrestres qui prennent leurs aventures au premier degré et leur demandent de les sauver des griffes de redoutables adversaires. L'idée de base est formidable et elle est plutôt bien exploitée, donnant lieu à toute une série de situations réjouissantes, en jouant en particulier sur les conventions stupides de ces séries.

On notera en particulier la réplique de Sigourney Weaver, qui, à force d'entendre son compère Guy (Sam Rockwell) répéter qu'il va mourir le premier vu qu'il ne jouait dans la série qu'un membre anonyme de l'équipage qui mourait au début d'un épisode, finit elle-même par s'écrier face à un danger : "Vite ! Fuyons avant que ces créatures ne dévorent Guy !". Ainsi qu'une scène absurde au milieu de pistons géants qu'il faut traverser selon une progression bien précise et qui ne servent absolument à rien.

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K (1997), d'Alexandre Arcady

Le réalisateur comme l'acteur principal (Patrick Bruel) laissent attendre le pire, et pourtant c'est une excellent film, sans doute le meilleur de leurs filmographies respectives. Il n'est pas sans lourdeur et tient moins bien le coup lorsqu'on le revoit car sa principale qualité est dans son scénario, particulièrement habile.

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La Kermesse de l'Ouest (1969), de Joshua Logan

Clint Eastwood a dit tout le mal qu'il pensait de ce film, effectivement très éloigné de ceux qui ont fait sa gloire. Mais ce n'est pas la "stupidité" qu'il dénonce. Quoique trop long et malgré des scènes musicales sans doute trop envahissantes (mais la comédie musicale est tout de même l'oeuvre des auteurs de Brigadoon !), le film se laisse voir avec plaisir, agrémenté qu'il est d'humour noir et d'amoralité (apologie de l'alcoolisme, de la prostitution, de la polyandrie, etc.)

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Local Hero (1983), de Bill Forsyth

Un film très simple, sans grands moyens, mais avec un charme fou. Deux cadres américains débarquent dans un petit village écossais pour l'acheter au nom de leur riche patron (Burt Lancaster). Point de départ classique, mais rien ne se passe comme on pourrait le croire. L'un des deux types soigne un lapin blessé, l'autre tombe amoureux d'une femme-grenouille et les villageois ne sont pas du tout décidés à résister à l'appât du gain, le tout sur une superbe musique de Mark Knopfler. On entre dans le film, on s'attache aux personnages, on se sent bien dans ce village, et on y passerait volontiers sa vie.

En le revoyant, je suis toujours un peu déçu et refroidi par la première demie-heure, qui ressemble à un mauvais téléfilm ("me serais-je trompé sur ce prétendu chef-d'oeuvre ?"), mais peu à peu les choses se mettent en place, évoluent, du téléfilm US à la ballade écossaise.

Quelques remarques notables :

"Comment voulez-vous faire affaire avec un type qu'a pas de porte ?"

"Méfiez-vous, parce qu'il fait souvent aux gens le coup du sable." (incompréhensible hors-contexte)

Mais qui est réellement le "local hero" du titre ? McIntyre ? Happer ? Ben Knox ?...

Seul bémol : le seul DVD (enfin) disponible pour l'instant ne comporte que des sous-titres anglais. Même problème que pour le Corsaire rouge, donc, lui aussi introuvable autrement. Avec Burt Lancaster également. Comme par hasard ...

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Mes Meilleurs Copains (1989), de Jean-Marie Poiré

Sans doute une des meilleures comédies françaises de ces vingt dernières années, mais un bide complet à sa sortie. On peut supposer que c'est écoeurés par cet échec que Poiré et Clavier se sont définitivement tournés vers le cinéma commercial, l'humour le plus facile et la démagogie la plus répugnante. Clavier était drôle à cette époque, il avait par exemple semé un bordel intégral sur le plateau de Dechavannes : aujourd'hui, il soutient Sarkozy.

Enfin, quoi qu'il en soit et même si ces deux types ne semblent plus du tout récupérables, ils avaient fait là un vrai petit bijou, avec des acteurs fantastiques (en particulier Bacri et Darroussin alors quasiment inconnus), un seul gag visuel, totalement inattendu (Bacri déboule de nulle part en vélo et ...), et des dialogues extraordinaires, moins noirs sans doute que ceux du Père Noël est une ordure mais tout aussi inoubliables, y compris la réplique bredouillée par Msieur Lagache sur son vélo. Certaines répliques ne sont peut-être drôles que replacées dans le contexte et avec l'intonation qui convient, mais leur simple rappel suffit à m'amuser. Cela va de "Ah, monsieur Chapotot, on ne fume pas que des cigarettes chez vous !" à "Remontez, Monique, vous allez vous écraser comme un vieux flan", en passant par "Mais pas du tout, moi j'adore connaître l'opinion des vedettes !", "Ben quoi, y a pas mort d'homme !", "Je vais aller chez elle casser ses verres, moi, elle va voir !", et bien d'autres.

Mention spéciale pour Elisabeth Margoni qui joue magnifiquement Monique, bourgeoise bourrée, shootée et ricanante.

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Un Monde fou, fou, fou, fou (1963), de Stanley Kramer

Aujourd'hui assez oubliée, en tous cas peu diffusée, cette excellente comédie-poursuite de 2h30 est l'exception à la règle qui veut qu'une comédie ne doit pas être trop longue. Des tas de personnages loufoques en quête d'un trésor, et l'excellent Spencer Tracy en vieux flic bourru lancé sur leurs traces. Buster Keaton est là aussi, sur la fin, dans un petit rôle, mais on appréciera le perfectionnisme avec lequel son personnages met un point d'honneur à guider les manoeuvres automobiles.

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Perdrix (2019), d'Erwan Le Duc

Fantaisiste, original, à la fois infiniment mélancolique et irrésistiblement drôle, avec quelques scènes d'anthologie. Swann Arlaud est comme toujours parfait et Maud Wyler, tout aussi atypique et intéressante (il y a aussi Fanny Ardant, mais elle est atypique de la même manière depuis si longtemps qu'on s'est habitués ... encore qu'elle soit très bien ici).

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Pride (2014), de Matthew Warchus

Un film qui aurait mérité une plus grande diffusion, moins pour sa réalisation, honnête mais classique, que pour son interprétation (Imelda Staunton, Dominic West, Bill Nighy, Paddy Considine, mais aussi, moins connu mais impressionnant, Ben Schnetzer) et pour son propos (l'alliance a priori très improbable entre un groupe de militants LGBT et des mineurs gallois contre la politique abjecte de la répugnante Margaret Thatcher), sans parler de la B.O. qui est excellente. Le film est une comédie tout à fait réussie, mais le combat et la dignité des personnages ont également une grande force : la scène finale de défilé est magnifique. Nous aurions bien besoin d'une telle convergence des luttes aujourd'hui encore, alors que le néolibéralisme continue son oeuvre de destruction. Malheureusement, gays et lesbiennes du XXI° siècle, en voie de reconnaissance, semblent de moins en moins nombreux à se sentir solidaires des mouvements ouvriers (si tant est que de tels mouvements existent encore), ouvriers qui de leur côté sont toujours plus nombreux à rejoindre l'extrême-droite. Des idéalistes comme Mark Ashton seraient encore plus indispensables aujourd'hui, mais ne trouveraient sans doute même plus d'occasions propices à établir de telles solidarités.

 


SCENES et détails mémorables DIALOGUES DE CINEMA ET PROPOS DIVERS

 

A bout portant (Don Siegel) : Ronald Reagan est déjà assez vieux dans ce film pour qu'on ait l'impression, quand il apparaît, de voir surgir le président Ronald Reagan. Certaines attitudes supérieures le font en outre ressembler à l'Homme à la Cigarette.

Agora illustre le fait que, dès lors qu'on décroche de la Raison, c'est le triomphe de la barbarie. Cela donne lieu ici à un consternant étalage de violence entre païens, chrétiens et juifs, tous plus cons les uns que les autres.

Le Cactus contient une scène mémorable opposant Clovis Cornillac à un singe irascible.

Cars est un film d'animation terrifiant si l'on prend trop au sérieux l'anthropomorphisation des véhicules (camions "dormant" alignés dehors sur une aire d'autoroute, voiture vivante voyageant à l'intérieur d'un camion vivant et autres horreurs). Sans grand intérêt par ailleurs.

Cartouche, Philippe de Broca. A Cartouche blasé qui lui dit "Je peux tout te donner, ce n'est même plus amusant", Claudia Cardinale répond : "Oh si, Dominique, amuse toi ! Ca empêche de mourir !"

Dans Cinq ans de réflexion (2012), qui est très loin des Sept ans de Billy Wilder, on trouve tout de même ce discours d'un père lors de fiançailles : "Ma chère fille, le mariage est fondé sur l'attachement ... Mais les fous ne sont-ils pas attachés eux aussi ?" Réactions consternées, après quoi le film perd à peu près tout intérêt.

Comme elle respire de Salvadori, m'enthousiasme moins que ses Apprentis, mais le film décolle tout de même de façon jubilatoire avec la scène d'enlèvement (54° minute).

Dommage que tu sois une canaille, comédie italienne agréablement amorale d'Alessandre Blasetti (1954). De Sica y est particulièrement drôle en voleur pontifiant et la scène finale, dans laquelle il se sort d'un flagrant délit en embrouillant tout le monde dans le commissariat, est aussi improbable qu'irrésistible.

The Host, de Bong Joon-ho. Excellent film coréen, à la fois film de monstre et comédie familiale. A un moment, le père (vague sosie de Takashi Shimura) dit à son fils chômeur et alcoolique : "Et toi ? T'es diplômé et t'es même pas capable de convaincre un flic ??" (Je ne sais pas si la phrase est si drôle que ça en elle-même, mais je la goûte en tant que diplômé a priori tout aussi incapable de convaincre un flic)

Insomnia, de Christopher Nolan. La particularité supposée du contexte (l'absence de nuit) est en fait assez peu sensible. En revanche, la situation est moralement fascinante. Bel engrenage ... Et Al Pacino y déclare au tueur psychopathe joué par Robin Williams : "Tu te crois spécial ? Les types comme toi, je suis payé pour les arrêter. Tu représentes autant de mystère pour moi qu'une putain de chasse d'eau qui fuit pour un plombier."

La Métamorphose des Cloportes, Pierre Granier-Deferre, d'après Boudard, dialogues d'Audiard. Outre une musique péniblement datée, le film est assez décevant, hormis quelques baffes bien administrées par Lino Ventura et quelques dialogues savoureux. Aznavour et Maurice Biraud sont en quête de leur associé le proxénète Rouquemoute (Georges Géret, "une de nos plus grandes têtes d'affiches" comme l'appela un jour sans rire Simone Garnier ou Evelyne Leclerc dans Tournez Manège). Biraud s'adresse à la fille qui tapine pour le Rouquemoute, mais elle dit qu'elle ne sait pas : "Ah la la ! Mais les hommes ça dit jamais où ça va ni d'où ça vient ! C'est plein de secrets !" Aznavour intervient alors doctement : "Ecoutez mademoiselle, nous n'avons pas interrompu vos activités pour vous écouter philosopher sur l'existence, aussi brillantes que soient vos idées. Mon camarade vous demande où est le Rouquemoute. Vous le lui dîtes ... ou j'te commence à coups de lattes et j'te termine au rasoir." Elle : "Ah .... (se tournant vers Biraud) Il est bien baisant, votre ami."

La Moustache (Emmanuel Carrère). Etonnant et terrifiant. Rencontre entre le cinéma français intimiste et Philip K. Dick.

Pandora (Albert Lewin). Images et plans souvent saisissants. Cela dit, entre le toréro caractériel, le pilote automobile crétin, l'alcoolique suicidé et l'archéologue qui fréquente des gens pareils, le personnage masculin le plus réaliste du film est paradoxalement le Hollandais volant.

Peter's Friends, Kenneth Brannagh : "Je ne crois pas qu'on devienne vraiment adulte. Les adultes, ce sont des enfants qui doivent de l'argent."

Le Pont de la rivière Kwaï. Avant de déraper quelque peu avec son pont à la con, Alec Guinness est parfaitement réjouissant dans son obstination non dénuée d'humour face à Saïto.

Sabrina (Billy Wilder) : la scène de suicide dans le garage, avec les huit voitures.

Sa Majesté des mouches. Formidable trio de héros résistant à la barbarie. Ralph bien sûr, avec ses faiblesses, mais profondément humain et juste ; Piggy, avec ses ridicules mais un sens réel des responsabilités (la scène où il raconte aux plus petits l'histoire du nom de la ville de Camberly est un grand moment) ... et surtout l'étrange Simon, quasi-mutique, discret, mais d'une impressionnante hauteur morale et intellectuelle : il est celui qui refuse de croire aux monstres, celui qui va vérifier les faits, avec le calme d'un maître zen de dix ans.

Stalag 17 (Billy Wilder). Excellent, comme quasiment tous les films de Wilder. A la fois drôle et sérieux, avec en prime Peter Graves (futur Jim Phelps) et une intrigue policière (qui est le traître ?) très bien exploitée.

Tarzan : Les aventures de Tarzan avec Johnny Weissmuller, aujourd'hui beaucoup moins rediffusées, l'étaient quasiment une fois par an dans mon enfance. Ce retour incessant (mais agréable) était d'autant plus frappant que chaque film de la série contient un certain nombre de passages obligés, et fascinants. Tout d'abord, la redoutable tribu des Gaboni, dont il faut traverser le territoire et dont les guerriers sont tapis dans les arbres en attendant le passage de l'expédition (image d'autant plus obsédante qu'elle est recyclée, réutilisée telle quelle, dans un des films suivants, comme bien d'autres scènes de ces films, d'ailleurs). Ensuite, et surtout, les inoubliables Montagnes Escarpées, terrifiantes bien qu'en carton, d'une disposition cubique parfois quasi-architecturale et onirique, et donnant lieu bien entendu à chaque fois à la chute horrible d'un ou deux porteurs indigènes (seuls des indigènes se cassent la gueulent en escaladant les Montagnes Escarpées, c'est un principe) et au cri horrifié de la jeune fille de l'expédition (Maureen O'Sullivan regarde fixement en hurlant, lève son bras devant son front, puis, troisième temps, constatant qu'un bras sur le front ne l'empêche pas de voir, se détourne dans cette position). NB : les éléphants mourants sont censés escalader cette monstruosité géologique pour rejoindre leur fameux cimetière, ce qui laisse songeur quant au degré de motivation (et d'agileté) d'un éléphant mourant.

Dans Le Trésor de Tarzan, le cri du héros ayant retenti dans la jungle, Boy déclare : "Viens, Cheeta ! Tarzan nous appelle pour prendre un bain." Outre cette obsession du bain ("Bain !") présente dans tous les films de la série, on peut entendre dans celui-ci Jane demander à Boy de faire ses prières avant de se coucher et à Cheeta de cesser de faire "des singeries" : tout cela est bien normatif ! Heureusement, l'épisode n'en a pas moins une saveur certaine grâce au personnage de l'irlandais O'Doul ("O'Doul gentil petit homme, comme Cheeta").

Le Tombeau hindou (Fritz Lang) : le costume de danse parfaitement indécent de Debra Paget.

Un Lieu incertain, de Josée Dayan d'après Fred Vargas. Les enfants Danglard jouent aux vampires, le plus jeune se plaint : "Ils veulent pas que je sois un vampire, ils veulent que je sois le professeur avec une croix qui dit des conneries en latin !" Réponse du père : "Mais c'est bien, mon chéri, de dire des conneries en latin. Papa aussi il dit des conneries en latin."

Voyage au bout de l'enfer est un film fort et impressionnant, bien qu'il comporte des passages pénibles, les pires n'étant peut-être pas ceux qui concernent la roulette russe, mais ceux où les types sont à moitié bourrés et braillent (enfin si, tout de même, le passage au Viet Nam est pire). Très belle scène inattendue juste entre la picole et le Viet Nam, dans le bar, au piano.


CLIPS

The Riddle est sans doute une des plus exaltantes chansons pop qui soient, mais le clip réalisé pour elle est un des plus risibles. Nik Kershaw était d'ailleurs apparemment coutumier du fait si l'on en juge par le trucage sidérant utilisé pour Wouldn't it be good, mais le clip de The Riddle, énigme oblige, est pire encore et laisse pantois. C'est plutôt sympathique : il y a là du Lewis Carroll et du Twin Peaks avant l'heure, sans parler de Cocteau et de diverses idées farfelues. Mais les trucages sont énormes, les acteurs en font des tonnes, le montage est maladroit,... Mais au fond quelle importance ?

Pop goes my heart est en revanche un faux clip, une parodie récente des clips des années 80, réalisée pour le film Le Come Back, avec Hugh Grant. C'est plutôt bien vu et, en prime, le médecin des dernières scènes est une sorte de sosie de Villepin. Le sommet est atteint lorsque les deux leaders du groupe dansent dans le bloc opératoire et que surgissent leurs trois comparses musiciens, guitare ou basse en main pour deux d'entre eux, mais le batteur n'a pu surgir évidemment qu'avec ses baguettes, qu'il tape l'une sur l'autre en affichant une mine particulièrement déterminée. Après quoi on entrevoir de nouveau Villepin, qui danse avec un porte-perfusion.

 

 


NAVETS

(cf. également l'article consacré à l'esthétique des Charlots)

En laissant de côté les navets évidents des Max Pecas and Co, voici une liste hélas non-exhaustive de nullités, à compléter au fil des mauvaises rencontres.

* 10.000 BC. Toutes les belles images dont est capable la machine hollywoodienne au service d'un scénario totalement niais et d'une préhistoire à brushings. Comme je regrette mon ancien lecteur DVD, qui permettait de regarder ce genre de choses en accéléré !

* After Earth. Quelques éléments esthétiquement intéressants dans l'univers SF initial, mais d'autres relèvent plutôt de l'image numérique médiocre. L'histoire elle-même est du déjà vu, mais en moins bien, avec un Will Smith inexpressif et un scénario convenu qui est, semble-t-il, d'inspiration scientologique, ce qui explique sans doute à la fois son ineptie et le fait que les types qui interviennent à la fin ont des mines de Témoins de Jéhovah.

* Barbecue. Malgré un casting en partie prometteur (Lambert Wilson, Guillaume de Tonquédec), c'est une des comédies les moins drôles qui soient, énième variation, particulièrement lourde celle-ci, sur des choses déjà mille fois vues et revues. On est consternés pour le pauvre Lambert Wilson, qui cumule rôle à la con et monologues de narrateur à la con. C'est visiblement une tentative (entièrement ratée) de refaire Mes Meilleurs Copains, Le Coeur des hommes, etc.

* La Bostella d'Edouard Baer, acteur d'habitude excellent. N'ayant jamais vu l'émission dont il est question, j'ai du mal à discerner si c'est nul exprès, si c'est une habile déconstruction ou si ce n'est qu'un moyen un peu roublard de sublimer la médiocrité.

* Brick Mansions. Cascades belles de David Belle, mais scénario con de Luc Besson.

* Evan Tout-puissant, de Tom Shadyac.

* Hector et la recherche du bonheur. Malgré l'excellent Simon Pegg et une réalisation soignée agrémentée d'animations, on est vite agacé par cette accumulation de clichés géographiques et de poncifs du "développement personnel". De plus, il aurait peut-être été intéressant de nous montrer un agriculteur ou un banquier se mettre à s'interroger sur le bonheur, mais qu'un psychanalyste se pose d'un seul coup cette question et découvre des choses qui devraient être pour lui des évidences depuis le début de sa carrière, c'est consternant.

* Hic. Le film se veut apparemment original (aux actions humaines se mêlent des gros plans d'insectes : merci Blue Velvet, tout de même ...) et farfelu (un vieux hoquète interminablement). Puisque c'est hongrois et qu'on voit un cochon (et même les couilles du cochon), je suppose qu'il n'a pas manqué de gens pour trouver cela truculent. En attendant, le vieux continue à hoqueter en play-back et a du mal à se retenir de rire de ce qu'on lui demande de faire. Il est bien le seul.

* Le Justicier de Shangaï, film bête et mal interprété, qui se laisse voir à la limite pour les combats, encore que ceux-ci soient rendus passablement grotesques par des bruitages donnant l'impression que les personnages ont des corps en bois.

 *Lancelot, avec Richard Gere et Sean Connery, présente un Moyen Age particulièrement aseptisé. Camelot est très joli (au lieu d'être "a silly place", comme chez les Monty Python), de même que la coiffure impeccable de Sean Connery et les costumes des chevaliers de la Table Ronde (qui évoquent une bande de gendarmes en survêtements).

* LOL. Cf. plus haut, Les Beaux Gosses, rubrique Comédies.

* Maciste en enfer. Certainement un des scénarios les plus cons du monde (la malédiction d'une sorcière frappe un village écossais du XVII° siècle : arrive Maciste, tout droit sorti de l'Antiquité !). Cela dit, il semble qu'il existe un Maciste contre Zorro, qui pourrait rivaliser.

* Les Naufragés de la D17. Particulièrement navrant. Certains comparent pourtant ça à Tati. Comme son génie permettait à Tati d'être extrêmement drôle à partir de trois fois rien, il y a visiblement des gens qui croient qu'il suffit de faire trois fois rien pour être drôle.

* Pearl Harbor, de Michael Bay : un sommet, certainement le film le plus bête qu'il m'ait été donné de voir. Bien sûr, il y a les films de Michel Lang ou de Max Pécas, mais en rapport qualité-prix (sans parler du rapport qualité-durée), ils sont indéniablement plus supportables que cette boursouflure lourde et sirupeuse.

* Samuraï Commando, de Masaaki Tezuka : concept fascinant, résultat grotesque. Se laisse voir quand même, une fois, pour rire un peu.

* Sin City, de Rodriguez (et Tarantino). Moralement abject.

* La Sirène rouge, d'Olivier Megaton. Adapté d'un très bon roman de Maurice G. Dantec (à l'époque où celui-ci écrivait de bonnes choses, avant de se convertir au catholicisme et de mener croisade contre l'islam), le film n'est qu'un mauvais clip de deux heures, d'une lourdeur inouï, totalement dépourvu du pouvoir captivant qu'avait le roman. La scène finale où la Méchante (vraiment très très méchante, la dame) arbore un sourire de satisfaction démoniaque en se faisant flinguer par propre fille, tout cela au ralenti évidemment, est d'un grotesque achevé.

* Les Tuche. Pas seulement un navet (qui réussit le tour de force de ne pas être drôle alors qu'il bénéficie de la présence d'Isabelle Nanty), mais aussi un film extrêmement putassier, qui se moque des pauvres, mais assez gentiment pour qu'ils aiment le film (et paient pour le voir) en se disant qu'ils ne sont tout de même pas aussi caricaturaux que les Tuche et en admettant l'idée que le film se moque en réalité des "bourgeois au coeur sec qui tardent à voir à quel point les Tuche ont bon fond". S'ajoute à cela une idéologique passablement glauque (les chômeurs sont des fainéants, les syndicalistes des emmerdeurs grincheux, les boursicoteurs des gens sympathiques,...) pour produire un résultat aussi répugnant qu'ennuyeux. Cent fois plus drôle et respectable était la charge au vitriol de La Vie est un long fleuve tranquille, réalisée par un bourgeois assumé qui avait le mérite d'être largement aussi impitoyable (si ce n'est davantage encore) avec sa propre classe.

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Semi-navets

* Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine, de et avec Coluche. Mêlés à pas mal de balourdises navrantes, quelques personnages et épisodes savoureux, en particulier tout ce qui concerne le groupe des conspirateurs (fameuse brochette) et toutes les interventions chantées du Chevalier Blanc.

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Acteurs-navets

* Jean de La Fontaine, le défi (VS Lorant Deutsh et Julien Courbey). Le sujet n'est évidemment pas inintéressant, mais l'interprétation, sans être aussi grotesque que le titre du film, est très inégale, à commencer par celle du pauvre La Fontaine qui méritait tout de même mieux qu'un Lorant Deutsch pour l'incarner. Certes, c'était alors un acteur à la mode. J'ai peine à dire s'il joue comme un cochon ou s'il est seulement médiocre et que c'est la propagande politique dont il nous a gratifiés depuis lors qui me conduit à noircir mon jugement. Sans doute à la demande d'un Deutsch en quête de faire-valoir, le rôle de Molière (rien que ça !) a été confié à Julien Courbey, acteur de la même génération qui n'a pas eu la même carrière car le malheureux ajoutait à son absence de talent la double malédiction d'être le quasi-homonyme d'un journaliste putassier et (dans sa jeunesse en tous cas) le quasi-sosie de Lorant Deutsch. Occasion pour ce dernier, donc, de clarifier les choses et de bien montrer le fossé existant entre lui, mauvais dans un premier rôle, et ledit Courbey, mauvais dans un rôle secondaire (quoique supposément prestigieux) pas franchement écrit pour le mettre en valeur et dans lequel il est attifé et perruqué de manière non seulement à évoquer Jean Sarrus, mais encore à faire regretter le jeu d'acteur (pourtant exécrable) de celui-ci (mais il y mettait, ainsi que ses compères Charlots, une énergie et une bonne humeur qui manque cruellement à nos Deutsch-Courbey : c'est hélas plutôt le Jean Sarrus quelque peu affadi des derniers opus que l'on croit retrouver ici …) Mais n'accablons pas trop Courbey ! Le rôle étant visiblement conçu pour le diminuer, il n'est sans doute pas plus mauvais que Deutsch et du moins, n'ayant pas atteint à la même notoriété, nous a-t-il (à ma connaissance) épargné l'étalage de ses opinions politiques (qui d'ailleurs, si cela se trouve, sont bien moins répugnantes que celles de Deutsch).

 

 


HISTOIRES DE CONS

Autant j'adore certains films de Scorsese (Taxi Driver, After Hours, La Dernière Tentation du Christ, ou plus récemment Les Infiltrés), autant, malgré les qualités indéniables de son cinéma, je reste hermétique à d'autres, galeries d'hystériques et de psychopathes, comme Raging Bull, Les Affranchis ou Casino.

J'ai de plus en plus de mal avec les histoires, romans ou films, mettant en scène des gens qui se comportent comme des cons. Ca ne m'apprend plus rien, à dire vrai. Ca n'a d'intérêt que documentaire. On apprend en voyant des personnages commettre des erreurs que nous-mêmes pourrions commettre, mais ceux qui sont susceptibles d'atteindre ce niveau de connerie ne risquent guère d'en prendre conscience en voyant un simple film.Il est intéressant de voir des personnages se débattre avec de vraies difficultés, tenter des solutions, qu'elles réussissent ou non. Mais voir d'absolus crétins se cogner encore et encore la tête dans le mur, on s'en lasse.

Je ne dirai pas comme Chabrol que L'Opinion publique de Chaplin est le seul film au monde où tout le monde se comporte intelligemment (ce qui est d'ailleurs très excessif). Il est évident que les personnages doivent se tromper de temps à autre, sans quoi le récit n'a aucun intérêt. Un bon récit nous présente les tentatives plus ou moins fructueuses de personnages qui font ce qu'ils peuvent face aux problèmes. Mais la vie est suffisamment tragique et difficile en elle-même pour qu'on ne se sente pas fasciné par des imbéciles qui en remettent une couche en construisant des murs rien que pour pouvoir se cogner le crâne dedans. C'est le cas par exemple dans Belle du Seigneur : Solal est certes très malin, très lucide, très intelligent, mais au lieu de partir de sa conscience de la réalité amoureuse pour construire quelque chose malgré tout, il choisit la facilité de la destruction.

Quelques exemples :

* Au Hasard Balthazar, de Bresson. Cas extrême puisque, à l'exception notable de l'âne, à peu près tout le monde dans ce film est con (et le mot est faible), à commencer par le réalisateur.

* Devdas, film bollywoodien : j'apprécie la réalisation, le kitsch des décors, le jeu outré des acteurs, mais difficile de s'intéresser à l'intrigue. Belle histoire romantique, certes, mais la bêtise des personnages est navrante. D'abord la bêtise machiste et les préjugés sociaux (certes relatifs) du héros, mais surtout la capacité qu'ils ont tous, face à ce qui les accable, à ne pas agir, ou à agir de travers. Nul combat des personnages contre leur destin, juste de la complaisance dans le malheur.

* Les Chaussons rouges, de Powell et Pressburger : superbe réalisation, images splendides, réflexion passionnante sur l'art et les compromis, mais la fin (malgré cette étonnante idée du ballet joué sans sa vedette, remplacée par une "poursuite" lumineuse) laisse sceptique ... Si la psychologie de Lermontov me semble crédible, celle des autres ne l'est guère : la façon dont ils se laissent glisser vers un drame parfaitement évitable, le fait que ce soit Julian qui fasse le choix final pour sa femme, tout cela est assez gros, et navrant.

* Le Gaucher, d'Arthur Penn : très belles scènes au début avec Tunstall, mais ensuite le héros s'enferme, s'enfonce, dans une vengeance qui semble de moins en moins justifiée, avec un comportement parfaitement irrationnel.

* Sweeney Todd. Malgré les indéniables qualités esthétiques que sait déployer Tim Burton, et malgré tant d'excellents films, celui-ci, par la lourdeur à se complaire dans l'horrifique et par ses chansons assez rapidement épuisantes, mais surtout bien sûr par la hâte et la généralisation stupides de la vengeance (qui conduisent le personnage à tuer même la femme qu'il veut venger, quel crétin !), me semble mériter d'accéder au rang des histoires de cons. Evidemment, tout cela est volontaire, assumé, mais il n'importe.

* Seuls sont les indomptés, magnifique film de David Miller, ressemble à une histoire de cons sans en être une le moins du monde. L'histoire de cons suppose qu'on passe à côté d'une solution évidente, mais il faut bien entendu que celle-ci soit moralement respectable. Il y avait sans doute d'autres issues pour le héros de ce film, interprété par Kirk Douglas, mais il ne les choisit pas (ou n'y songe même pas) en fonction de choix moraux qui lui sont propres et qui sont parfaitement respectables, à la différence des héros d'histoires de cons qui prennent simplement des décisions à la con, par stupidité ou (ce qui revient un peu au même) parce qu'ils sont totalement égocentrés, comme l'est, dans mon souvenir le héros du Gaucher.

Cf. aussi dans Shakespeare.

Cf. aussi bien sûr ce qui est peut-être la plus ancienne histoire de cons, celle d'Orphée, qui n'a qu'un truc à faire pour sauver sa femme de la mort, ne pas se retourner, et qui, évidemment ... Quel con, vraiment !

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Variante : le film russe trop russe. Il comporte un nombre déraisonnable de personnages alcooliques qui passent leur temps à gueuler ou à chanter (en gueulant).

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On peut établir une distinction entre l'histoire de cons critique, où l'auteur indique clairement qu'il juge que le personnage agit comme un con (par exemple Le Massacre de Fort-Apache, où John Wayne incarne la consternation de John Ford devant la stupidité des décisions d'Henry Fonda ... alors que, paradoxalement, dans la vraie vie, John Wayne était vachement plus con qu'Henry Fonda, mais passons), l'histoire de cons neutre (où l'auteur ne porte aucun jugement) et l'histoire de cons intégrale (dont l'auteur participe à la connerie en la présentant comme admirable).

Fort-Apache pose un autre problème, celui de l'intérêt narratif. Nous ne sommes pas dans une tragédie, puisque le pire pourrait être évité, mais le film perdrait en intérêt narratif (et sa dénonciation perdrait en intensité) si les solutions sensées proposées par John Wayne l'emportaient.

Prenons à présent le cas de 300. Dans le cadre du récit, les circonstances et la mentalité des personnages fait qu'il n'y a pas de solution alternative plus intelligente. Donc, 300 n'est pas un film de cons. C'est juste un film con (c'est-à-dire qu'il est l'oeuvre de cons, à commencer par Frank Miller).

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Poussons un peu plus loin la théorie de l'Histoire de cons.

Au fond, il y a trois catégories d'histoires (quatre si l'on ajoute le cas très particulier de l'histoire sans histoire, où il ne se passe absolument rien).

NB : Parce qu'histoire de cons sonne mieux que récit de cons, je n'entre pas ici dans la distinction entre l'histoire (les événements racontés) et le récit (le texte qui les raconte), même si elle peut avoir son importance quand il s'agit de distinguer, comme c'était le cas un peu plus haut, connerie des personnages et connerie de l'auteur.

- l'histoire d'aventures, dans lequel des épreuves inattendues tombent sur le personnage, qui s'efforce de les surmonter. Robinson Crusoé se retrouve bien malgré lui dans une situation désagréable et il serait fort injuste de dire que le roman de Defoe est une histoire de con. Le personnage peut bien sûr décider lui-même de partir à l'aventure pour atteindre tel ou tel objectif intéressant à ses yeux : il peut se douter que cela va l'exposer à divers risques mais estime que le jeu en vaut la chandelle. Affronter un dragon pour s'emparer de son trésor donne lieu à un récit d'aventures ; aller gifler un dragon endormi juste pour voir comment il réagit, ça c'est une histoire de cons.

- l'histoire tragique : c'est au fond la même que la précédente (le héros peut provoquer son destin ou ce destin peut lui tomber dessus sans qu'il ait rien demandé), à cette seule différence que les jeux sont faits dès le départ. Là où l'aventure laisse une chance au succès du héros, le tragique le voue à l'échec. Mais il y a de la grandeur à affronter son destin, même sans aucune chance de succès, et on ne saurait dire qu'Oedipe est une histoire de cons.

- et enfin l'histoire de cons, où, je le redis, le personnage pourrait trouver d'autres solutions, bien meilleures et souvent bien plus simples, mais choisit, par sottise ou par fierté (mais la fierté, chez les dérisoires créatures que nous sommes, n'est-elle pas une des multiples formes de la sottise ?), une solution inepte et (logiquement) catastrophique. Je précise "logiquement" entre parenthèses car on peut également imaginer, dans le cadre de la comédie, des solutions à la con qui, de manière inattendue, produiraient un résultat positif.

Rappelons enfin que, si beaucoup d'histoires de cons sont aussi des histoires à la con, ce n'est pourtant pas systématique et "histoire de cons" n'est pas en soi un jugement esthétique. Seuls sont les indomptés, de David Miller, me semble un cas-limite. A tous points de vue, c'est un film superbe et non un film à la con. Est-ce un film de cons ? Je serais tenté de dire oui, tant les décisions et l'obstination du personnage de Kirk Douglas peuvent sembler aberrantes. Cela dit, il agit selon ses propres valeurs, et surtout il le fait avec une telle désinvolture qu'on ne peut s'empêcher de le trouver sympathique et même admirable.

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SERIES A LA CON

30 mai 2021. J'apprends avec stupeur que l'acteur Gavin McLeod, capitaine de La Croisière s'amuse, vient de mourir. Je le croyais mort depuis longtemps étant donné qu'il semblait déjà avoir un âge plus qu'avancé dans cette série.

Dans le genre vieux birbe qui, dans une série ennuyeuse, accueille des crétins dans un endroit où ils vont prendre conscience de leur moi profond, réaliser leur rêve le plus fou ou encore lever une meuf (ce qui en général correspond justement à leur rêve le plus fou et à leur moi profond), nous avions également Ricardo Montalban, son île fantastique et son nain Tattoo.

Wikipédia nous rassure : tout ce beau (ou petit) monde est mort depuis belle lurette, y compris, je l'espère, cette île à la con.


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