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GAME of THRONES

Même si The Wire reste pour moi la meilleure série jamais réalisée, Game of Thrones est incontestablement, dans un genre très différent, une grande réussite, tant par son côté spectaculaire que par le scénario ou encore l'interprétation. Des personnages souvent très attachents et/ou drôles comme Brienne ou Bronn, et pas mal d'admirables rédemptions, à commencer par celle du Limier (Rory McCann, vu jadis dans Hot Fuzz, ainsi d'ailleurs que Jim Broadbent, mais bon, Jim Broadbent, on le voit un peu partout, des adaptations de Shakespeare à Harry Potter). Cela dit, même après sa relative rédemption, le Limier n'en reste pas moins assez abrupt avec autrui, mais c'est justement ce qu'on aime chez lui, à commencer par la manière dont il envoie bouler son roi Joffrey en pleine bataille.

La dernière saison est un peu décevante. La grande bataille contre les marcheurs blancs contient quelques grands moments, mais elle est souvent incompréhensible à cause de l'obscurité. L'attaque au dragon sur Port-Réal est spectaculaire, mais on peine à s'en réjouir. Il n'y a plus guère de dialogues humoristiques, la plupart des personnages ont déjà évolué et n'offrent plus guère de surprise. Les auteurs avaient le choix entre une fin désormais attendue mais pleinement satisfaisante ou quelques derniers revirements : fidèles aux principes de leur série, ils font ce dernier choix, au risque de décevoir certaines attentes et de finir sur une note bien sombre. Sans parler de l'éventuelle signification idéologique que l'on peut donner à l'évolution de Daenerys : au fond, trop de changement peut être dangereux, soyons content de nous en tirer avec une vague démocratie molle (en français : "plutôt Hollande que Mélenchon !")


Théophile GAUTIER (1811-1872)

Défendant l'idée que l'Art n'a pas à être utile (préface à Mademoiselle de Maupin) : "L'endroit le plus utile d'une maison, ce sont les latrines."

 

Le Roman de la Momie

Gautier prend la peine d'écrire un long prologue pour présenter son roman comme un texte antique découvert dans une sépulture. Mais on n'y croit pas une seule seconde lorsqu'on commence à lire le texte en question, à moins d'admettre que les Egyptiens écrivaient jadis comme Théophile Gautier. On est loin des efforts d'Umberto Eco pour faire de "Nom de la Rose" un texte qui semble avoir été écrit par un moine médiéval. La solution de Flaubert pour "Salammbô" était sans doute la plus judicieuse : attaquer directement le récit et nous offrir un roman historique écrit par Gustave Flaubert.

Ceci dit, qu'est-ce qui ne fonctionne pas dans l'illusion que cherche (mais le cherchait-il vraiment ? visiblement, il s'en fout !) à créer Gautier ? D'abord, le fait d'ouvrir le récit par une longue description, pleine de métaphores et cherchant visiblement à faire comprendre au lecteur une chose essentielle propre à le dépayser : il fait très chaud dans ce patelin. Un Egyptien antique n'aurait pas eu besoin de donner cette information, évidente pour ses lecteurs. Il aurait sans doute commencé en présentant son personnage et/ou la généalogie de celui-ci, enfin un truc de ce genre. Les littératures antiques utilisaient tout un tas de tournures figées, de procédés conventionnels et systématiques. Il y aurait toute une recherche à faire sur l'histoire et l'évolution de l'utilisation des procédés de style de toutes sortes.

Ce qui me semble aussi trop "XIX°", c'est le fait de s'attarder ainsi sur des détails, sur l'aspect de la ville CE JOUR-LA, sur la tenue de Tahoser CE JOUR-LA (même si l'on comprend que cette description a ici pour but de nous faire reconnaître la momie du prologue), sur telle attitude prise A CE MOMENT-LA, le jour et le moment en question n'ayant visiblement rien de particulier, si ce n'est qu'on devine que l'action va y prendre naissance. La narration antique ne s'attache-t-elle pas davantage aux faits saillants, à ce qui "mérite" d'être noté (idée à nuancer : cf. ce qu'écrit Auerbach dans "Mimesis" sur la cicatrice d'Ulysse) ? Gautier s'intéresse au contraire à la poésie des détails inutiles.

Il faut attendre d'être arrivé à la moitié du roman pour qu'il se passe enfin quelque chose. L'histoire est parfaitement abracadabrante, mais ça devient intéressant, et le beau style de Gautier, marié maintenant à une narration qui l'allège un peu, se laisse enfin goûter.

 


Gérard GENETTE (1930-2018)

Gérard Genette fut, avec Umberto Eco, un des critiques littéraires les plus pertinents, les plus profonds, les plus clairs (les plus drôles aussi dans ses derniers ouvrages), de notre époque.

 

Figures II

Dans son étude du Moyse sauvé de Saint-Amant ("D'un récit baroque"), dont l'action principale est l'exposition de Moïse enfant sur le Nil : "Il est déjà apparu, sans doute, que le Moïse du récit principal est un héros passif, plutôt vagissant qu'agissant, ce qui est d'ailleurs excusable à son âge (trois mois). Une fois seulement, dans l'épisode des mouches, Saint-Amant s'efforce de lui donner une sorte de rôle actif, quoique défensif, le faisant combattre autant qu'il le peut les insectes qui l'assaillent, comme Hercule étouffa les serpents dans son berceau (la comparaison est dans le texte). Mais cette action est évidemment limitée, et d'une dignité héroïque assez mince."

 

Figures III

Pg 59, un commentaire lié au "petit cabinet sentant l'iris" de Proust.

Dans l'après-propos : "(Proust) est presque toujours révolutionnaire malgré lui (je dirais bien que c'est ici la meilleure façon de l'être, si je n'avais le vague soupçon que c'est la seule)."

 

 

Figures V

Genette y raconte la meilleure "histoire drôle" à ma connaissance et à mon goût. Jésus arrête la foule prête à lapider la femme adultère :

- Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre !

Silence de mort, puis, soudain, une grosse pierre atteint la femme à la tête et Jésus soupire :

- Putain, maman, tu fais chier ...

 

A propos d'un passage de Chateaubriand, où celui-ci explique avec une certaine coquetterie que ses voyages l'ont conduit dans des lieux aujourd'hui connus de tous et qu'il lui faudrait désormais aller beaucoup plus loin pour faire parler de lui, passage qui se termine ainsi : "Je me souviens qu'un antiquaire des environs de Saint-Denis en France m'a écrit pour me demander si Pontoise ne ressemblait pas à Jérusalem", Genette, après avoir commenté l'essentiel, conclut : "Quant à la question finale, notez qu'il ne sait pas y répondre - faute, peut-être, d'avoir encore vu Pontoise."

 

 

Bardadrac

Le livre est une sorte de dictionnaire fourre-tout (anecdotes, réflexions,...), varié, intelligent, plein d'humour, d'une lecture particulièrement goûteuse. Plein de formules à la fois sobres et profondes. Genette écrit par exemple, à propos des colloques : "ces occasions compétitives sont toujours malsaines pour qui ne vit pas en très bons termes avec son propre ego - ni davantage, il faut l'avouer, avec celui d'autrui."

"Toute métaphore encore vive laisse voir à la fois son sens figuré et son sens littéral."

Clairement ouvert depuis Figures V aux genres considérés comme mineurs ou populaires, il y revient également ici, mais sans jamais aucune démagogie, en esprit éclairé qui ne refuse pas les plaisirs simples mais demeure capable de hiérarchiser les choses. Il admet ainsi que, si certaines séries B offrent un plaisir réel, "les films culte sont assez souvent des nanars pour incultes, adoptés par caprice générationnel".

Genette évoque une forme sophistique consistant en un enchaînement d'arguments contradictoires, appelée "chaudron", car elle "doit son nom à l'histoire de la bonne femme qui rend percé un chaudron emprunté en soutenant successivement qu'elle le rend non percé, qu'il était déjà percé quand on le lui a prêté, et qu'il marche mieux percé."

Dans l'excellent article "Contaminations", Genette évoque une étudiante américaine qui, suite à je ne sais quel colloque intitulé "Artaud-Bataille", voulait faire une thèse sur l'oeuvre d'Artaud-Bataille (le nom étant perçu comme celui de Toulouse-Lautrec ou Michel-Ange). Partant de cette anecdote, il réactive la fameuse proposition de Borges sur Céline et L'Imitation de Jésus-Christ, suggérant d'étudier par exemple, comme s'il s'agissait à chaque fois d'un artiste unique, l'oeuvre de Poussin-Mozart ou de Mozart-Stravinski.

Il s'émerveille (et moi avec lui) d'apprendre que la canopée des sequoias californiens forme un second étage de sol nourricier, à environ 36 étages d'immeubles au-dessus du premier. Il y pousse, sur de la terre apportée là par le vent, divers arbustes, des myrtilles, etc.

Sans le dire explicitement, Genette semble tenir Serge Doubrovski en piètre estime (là aussi, nous sommes au moins deux). Revenant sur le terme d'autofiction, il explique qu'il en avait proposé jadis une définition ("récit dans lequel l'auteur se met en scène dans une histoire fictive") différente de celle de Doubrovski. La définition de Genette est à la fois plus utile et plus conforme à la formation du mot lui-même, alors que l'autofiction de Doubrovski se distingue finalement assez mal de l'autobiographie (si ce n'est pour nous dire que toute autobiographie est une réinvention : quel scoop !). Mais, Doubrovski ayant le premier utilisé ce mot, Genette a préféré ne pas insister, privant ainsi une forme intéressante d'un véritable nom et laissant un nom intéressant mal utilisé, le tout à cause d'un crétin.

"Dérivations : Un ministre de l'Intérieur encore en liberté se faisait fort, jadis, de "terroriser les terroristes". J'aime assez ces mots d'ordre par dérivation étymologique. Je propose encore de nationaliser les nationalistes, naturaliser les naturalistes, pacifier les pacifistes, bouder les bouddhistes, fâcher les fascistes, intégrer les intégristes, essayer les essayistes, interner les internautes, licencier les licencieux, insulter les insulaires, emballer les handballeuses, haranguer les harengères, papoter de la papauté, entarter l'Antarctique, faire ami-ami à Miami, labelliser la belle Ysé, mettre les koulaks au goulag (c'est fait), et assurer, dès que possible, l'égal accès aux galaxies."

Cette longue citation est tirée d'une longue liste de "médialectes", relevé très complet (bien plus que mon propre relevé occaasionnel des "misères de France Culture", mais dans le même esprit) de clichés mais aussi d'impropriétés fréquents dans les medias au sens large. C'est souvent drôle (mieux vaut en rire), mais cela montre surtout qu'on peut (on doit ?) aujourd'hui décider de s'exprimer publiquement (en tant que journaliste, homme politique, etc.) sans maîtriser sa propre langue.

Dans l'entrée "oracles", Genette évoque la phrase de Hegel au pied des Alpes : "Les Alpes sont là.", avant de raconter un dîner new-yorkais auquel assistait un célèbre analyste (Lacan, visiblement) et au cours duquel l'hôte évoqua abondamment ses souvenirs d'enfance "lourdement oedipiens, et visiblement destinés à mettre à contribution sa compétence interprétative." A un moment, le type s'absente et tout le monde se tourne vers Lacan, "en attente d'un commentaire sophistiqué, et si possible en forme de laborieux calembour." Et Lacan déclare : "Drôle de type !"

 

 

Apostille

Après un Codicille de même tenue, Genette complète encore son Bardadrac avec cette Apostille, dont je retiens ces quelques "médialectes" :

Euphémismes : J'ai connu l'époque où, pour éviter en économie le mot "austérité", on alla chercher un synonyme moins démoralisant : "rigueur". Puis ce fut à ce dernier de porter le mauvais oeil du tabou "sémantique". On chercha un troisième synonyme, on ne le trouva pas, on revint donc à "austérité", censé plus supportable (on avait entre-temps oublié qu'austérité était déjà lui-même un euphémisme cafard pour "tour de vis", "serrage de ceinture", ou, comme on ne craignait pas de le dire sous Vichy, "restrictions"). Ce jeu de cache-tampon est désormais au point : dix ans d'austérité, dix ans de rigueur, l'un servant de repoussoir ou d'échappatoire à l'autre, réciproquement et ainsi de suite. Cela s'appelle l'alternance, c'est typiquement binaire, et c'est la forme la plus économique du "changement" : pour marcher, il suffit parfois de deux mauvaises jambes.

Méga : (...) En grandissant, ma petite-fille elle-même a abandonné un jour le superlatif "trop bien" pour l'hyperlatif "mégabien". J'attends le "téra-", qui vaut mille milliards, comme ne savait apparemment pas le capitaine Haddock.

Surtout : Adverbe bien commode pour éviter de répondre à une question gênante en répondant à une autre, qui n'a pas été posée : "Monsieur le Premier ministre, approuvez-vous les propos de votre garde des Sceaux sur la politique à suivre à l'égard des violeurs récidivistes (ou des chômeurs sans papiers, des pirates du Net, des "gens du voyage", etc.) ? - Ce que j'approuve surtout, ce sont les progrès accomplis dans notre lutte contre la délinquance juvénile (ou contre l'obésité, ou contre la maladie du sommeil, etc.)

Technocrate : L'actuelle tendance langagière consiste à substituer les termes technocrate et technocratie, tenus à la fois pour plus savants (comme plus récents, je suppose) et phonétiquement plus péjoratifs, à ceux de bureaucrate et de bureaucratie, qui n'ont pourtant rien perdu de leur fonction de référence : la bureaucratie consiste en la mainmise des "bureaux" (des administrations), en principe simples exécutants, sur l'exercice du pouvoir légitime des politiques et de leurs mandants. Le pouvoir exorbitant des bureaux ne repose le plus souvent sur aucun savoir proprement technique, mais seulement sur leur maîtrise des procédures paperassières, et c'est selon moi faire trop d'honneur aux bureaucrates "de Bruxelles" ou d'ailleurs que de leur attribuer dans les mots, en les qualifiant de "technocrates", une compétence technique qu'ils n'ont pas, et qu'ils seraient souvent bien incapables d'acquérir. Je trouverais presque plus juste de qualifier de "technocratique" le pouvoir qu'exerce, dans une famille, celui ou celle qui sait se servir de la télécommande.

Ainsi que ce début d'article sur le Râteau : Il m'est arrivé deux ou trois fois, dans mon enfance, de "m'en prendre un", expression qui ne s'employait alors qu'au sens propre de : recevoir en pleine figure le manche d'un tel outil dont on avait malencontreusement piétiné les dents. Aujourd'hui, où l'on n'a plus guère d'allées à ratisser, la même expression s'applique plutôt, figurément, au fait d'"essuyer un refus", en tous domaines, et particulièrement dans celui des initiatives amoureuses, où elle pare toute rebuffade d'une peu consolante connotation horticole.

 

 


Edward GIBBON (1737-1794)

Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain

"La prodigalité de Caracalla fut la source de tous les maux qui désolèrent l'Etat après sa mort. S'il eût été capable de réfléchir sur les suites naturelles de sa conduite, la triste perspective des calamités qu'il léguait à ses successeurs, aurait peut-être eu de nouveaux charmes pour cet indigne tyran."

***

L'excellente série L'Apocalypse, de Prieur et Mordillat, rappelait bien que Rome, malgré son habituelle tolérance envers tous les cultes des peuples conquis, a persécuté les chrétiens parce que leur monothéisme leur interdisait de rendre un culte à l'empereur, mais n'expliquait pas vraiment, me semble-t-il, pourquoi le monothéisme juif, qui posait le même problème, ne fut pas inquiété (les Juifs n'ayant été persécutés par Rome que lors de révoltes politiques). Je trouve une réponse chez Gibbon : les Juifs étaient une nation, les chrétiens une secte. Rome tolérait le particularisme juif parce qu'il était fondé sur une tradition. Mais le christianisme supposait le plus souvent (chez les chrétiens qui n'étaient pas d'origine juive) une conversion, un abandon des anciennes traditions religieuses, rien qui puisse justifer par l'antiquité de la coutume le refus du culte impérial.

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Gibbon, parlant des consignes de Trajan à Pline le Jeune : "Au lieu de déployer le zèle implacable d'un inquisiteur avide de découvrir les plus légères traces de l'hérésie, et se glorifiant dans le nombre ses victimes, l'empereur prend bien plus de soin à protéger l'innocence qu'à empêcher le coupable de s'échapper."

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Il ressort de tout ce qui a pu être écrit sur cette époque que le II° siècle fut, de Trajan à Marc-Aurèle, une des époques sans doute les plus agréables à vivre de toute l'histoire de l'Humanité.

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"Les Romains abâtardis avaient pris une telle horreur pour la profession de soldat, que, pour en être dispensés, plusieurs jeunes hommes d'Italie et des provinces se coupaient les doigts de la main droite ; et cet étrange expédient fut d'un usage assez commun pour nécessiter la sévérité des lois, et un nom particulier dans la langue latine."

PS : après de longues recherches pour trouver quel était le mot en question, je suis enfin tombé sur cette hypothèse, la plus convaincante que j'aie pu trouver : cette pratique aurait donné lieu à l'expression pollex truncatus (pouce coupé), laquelle aurait ensuite donné le mot poltron.

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A Byzance, la faction des Bleus, forte du soutien impérial, sème la terreur. Ils "affectèrent un vêtement particulier et dans la forme de celui des Barbares ; ils adoptèrent la longue chevelure, les larges habits et les manches serrées des Huns, une démarche fière et une voix bruyante."

 

 


Noël GODIN, alias Georges Le Gloupier (né en 1945)

Auteur d'une Anthologie de la subversion carabinée (L'Age d'Homme), Noël Godin est également le créateur et la principale incarnation du fameux entarteur Georges Le Gloupier, dont le slogan bien connu est "Gloup ! Gloup ! Entartons, entartons, les pompeux cornichons !". On se souvient notamment de ses entartages à répétition de Bernard-Henri Lévy, qui donnèrent à celui-ci l'occasion de montrer (à coups de pieds) toute l'étendue de son détachement philosophique.

Avant d'entarter Marguerite Duras en 1969, Noël Godin avait précédemment imaginé et raconté dans une de ses chroniques que Duras était venue entarter Georges Le Gloupier à la terrasse du Café de Flore, lequel Gloupier aurait rétorqué : "Madame, je préfère votre pâtisserie à votre littérature." Suite à l'entartage réel de Duras, interrogé par la presse, il ressortit cette anecdote fictive en expliquant que Georges Le Gloupier avait donc voulu se venger : "Ce qui fait que la réalité et la fiction se sont entremêlées de la plus tordante manière et que Marguerite Duras a été acculée à s'expliquer, à improviser une conférence de presse pour dire : Mais non, je n'ai jamais rencontré ce monsieur, je n'y comprends plus rien !"

Par ailleurs, il a fait savoir à BHL qu'il cesserait définitivement de l'entarter s'il entonnait publiquement la chanson "Avez-vous vu le chapeau de Zozo ?". BHL, offusqué, a répondu qu'il refusait de céder à ce "chantage".

 


John B. L. GOODWIN (1912-1994)

Cité par Carelman dans son Catalogue :

"Rêver d'un manteau signifie qu'un ami va venir sur un navire aux voiles de mousse et à l'ancre de cheveux."

"Rêver d'une échelle signifie qu'une nuit la lune se perchera sur tes épaules en chuchotant qu'elle t'aime."

 


Daniel GOOSSENS (né en 1954)

Voir ailleurs.

 


John GOWER, poète anglais francophone du XIV°

Car que l'on doit sans nul détour

Louange rendre au créatour

Esample avons de l'alouette

Qui bien matin de tour en tour

Monte et, de Dieu volant entour,

Les laudes chante en sa gorgette.

(je me fous évidemment des louanges du créatour, c'est la gorgette qui m'enthousiasme)

 


Julien GRACQ (1910-2007)

Un beau ténébreux m'enthousiasme moins que Le Rivage des Syrtes (sans doute est-ce mon goût pour les cartes géographiques), mais j'en retiens notamment ce passage :

"J'aime tout du théâtre : les parfums violents, l'orage rouge des peluches, la pénombre de caverne lustrée, nacrée, cloisonnée, lamellée comme l'intérieur d'un coquillage ou d'une ruche. Où que je me trouve placée d'ailleurs dans un théâtre, la complication des couloirs, des déclivités, des escaliers, me donne toujours à croire que j'y ai pénétré par un souterrain et cela est essentiel à la sensation de sécurité, d'isolement parfait que j'y recueille."

"Comme si un commissaire de police venait mettre la main au collet d'un héros de tragédie."

 


Peter GREENAWAY (né en 1942)

Quasiment tout Greenaway est à voir. Je ne me lasse pas de revoir régulièrement le sublime Meurtre dans un jardin anglais et ses images splendides, de réentendre par dessus la merveilleuse musique de Michael Nyman, et d'en ressortir à chaque fois sans la moindre certitude d'avoir compris quoi que ce soit, mais cela fait partie du charme.

Découvert plus récemment ses premiers courts métrages, qui valent aussi le détour, en particulier A Walk through H, avec ses fascinantes "cartes", ou le minimaliste mais épique Water Wrackets. Ou bien encore Vertical Feature Remake, rencontre de Borges (Tlön) et des Monty Python (The Larch !). Sans vouloir faire injure au génie de Greenaway, il faut bien dire que beaucoup de ces premiers films, notamment l'interminable The Falls, sont un prolongement des Monty Python (un type énonce des incongruités avec le plus grand sérieux et en pontifiant), en moins outré, mettant davantage l'accent sur l'intellect, réduisant l'absurdité afin de trouver un équilibre précaire et de susciter le doute.

 


GREEN DAY

Green Day fait partie de ces découvertes isolées que je fais de temps à autres un peu par hasard et dont mes comparses ricanent en se disant "Mais où a-t-il encore été pêcher ce truc ?", me laissant m'en délecter seul durant des années jusqu'à ce que la chose devienne brutalement incontournable : Dan Ar Bras ou Alan Stivell, ploucs absolus quand j'en parlais dans les 80's, jusqu'à la mode celtique des années 90 ; Manic Street Preachers, obscure bande de gallois jusqu'à "Everything Must Go" ; Green Day jusqu'à "American Idiot". Je ne vais pas me poser en prophète, je suis passé (et je passe encore) à côté de choses aussi importantes, sinon plus, en raison de mon absence quasi-totale de contact avec l'actualité musicale. Ces quelques découvertes ne sont finalement dues qu'aux hasards de l'existence, associés à une sensibilité mélodique vouée à sa seule satisfaction, libre de toute influence médiatique ou désir de plaire à une chapelle.

En ce qui concerne Green Day, il faut bien avouer qu'il s'est longtemps agi d'un petit groupe sympathique et propret qui reprenait à son compte avec vingt ans de retard le style punk des années 70, et qui n'apportait donc rien de bien original, si ce n'est d'excellentes mélodies, associées à une énergie digne des Clash. Mais le punk rock n'a peut-être justement d'intérêt (musicalement parlant bien sûr ; je laisse les autres aspects à qui en veut) que lorsqu'il repose sur cette association, sans quoi il se réduit la plupart du temps à un bruit assez répétitif. Et pour le coup, si Green Day n'a sûrement pas le mérite d'avoir inventé le genre, le groupe a fourni une flopée de mélodies superbes : de quoi rendre jaloux (opinion qui n'engage que moi) les Clash ou, dans un genre très différent mais eux aussi considérés comme de grands mélodistes, les Beatles.

Il y a des perles mélodiques chez Green Day depuis toujours, de très belles dans "Dookie", dans "Insomniac", dans "Nimrod", et de plus en plus variées au fil du temps. Jusqu'à "Warning", plus pop, mais qui ne contient que cela : rien que de petites merveilles mélodiques. Et enfin jusqu'à "American Idiot" qui s'éloigne de l'enfilade de morceaux autonomes pour développer un concept musical plus riche et plus complexe, le tout avec un engagement politique sans doute peu original à notre époque, mais sympathique, de toute évidence sincère, et surtout qui, par les développement auxquels il donne lieu, a le mérite de contribuer à une véritable amorce de réflexion politique qui sort un peu Green Day de ses précédents slogans anarcho-punks, évidemment sympathiques mais plus folkloriques qu'autre chose (surtout chez eux). Il faut écouter "American Idiot", intégralement et dans l'ordre, ne pas en rester aux quelques tubes dont se sont emparés les médias, tubes parfois jolis mais mollassons (Broken Dreams, ou le tout de même superbe Wake me up when september ends) mais aussi, parfois, jubilatoires, comme Holiday. Il faut écouter ces autres longs morceaux pleins de variations, de reprises, de changements de rythmes, ... Il faut entendre ce passage sublime et en rupture totale avec ce qui précède, qui commence par ces mots : "Dearly Beloved ...".

Voilà un groupe qui n'a certes jamais rien inventé, stylistiquement parlant, en dehors de toutes ces mélodies dont quasiment aucune n'est seulement moyenne, mais c'est déjà énorme, du moins pour qui, comme moi, se soucie avant tout du plaisir des oreilles. Peu importe que Green Day n'ait jamais fait que mettre son talent mélodique au service de styles préexistants (mais ô combien maîtrisés).

Enfin, pour finir, je dois dire un mot de l'album "Shenanigans", très décevant car, sorti après l'excellent "Warning", il n'offre que de médiocres rebuts des premières années du groupe (genre "faces B"). A une exception près, un titre largement au niveau de "Warning" et dont je n'ai su qu'ensuite qu'il s'agissait justement du seul titre inédit et récent de l'album : Ha ha you're dead !. Comme son titre l'indique, il s'agit, sur un air des plus joviaux, de l'expression d'une joie mal contenue à la perspective ou à l'annonce de la mort d'un personnage visiblement peu apprécié du narrateur. Cela donne des choses comme : "When your ship is going down, I'll go out and paint the town" ou "As your ship is going down, I sat by and watch you drown". Eh bien, des chansons comme ça, quand par exemple votre pays subit durant trois ans un premier ministre gluant qui fait le forcing dans la voie de la régression sociale tout en s'enrobant d'une perpétuelle bonhomie cauteleuse d'aumônier pédophile qui assure ne vouloir que votre bien, alors oui, une chanson comme ça, ça fait du bien ... (2005)

***

Complément 2009 : Le nouvel album, 21st Century Breakdown, semble du même acabit qu'American Idiot, quoique moins bon à première écoute, mais vérifier sa date de sortie sur Wikipédia m'a donné l'occasion d'entendre parler des Stiff Little Fingers, groupe punk irlandais des années 70, dont je conçois mal qu'on parle si peu, car il est mélodiquement largement aussi intéressant que The Clash.

***

2012 : loin d'être épuisés, voici nos amis qui sortent trois albums en rafale, Uno, Dos et Tres. Retour aux titres courts après les deux punk-rock operas. Difficile de renouveler sur trois albums le coup d'éclat de Warning où quasiment tout est parfait : le résultat est plus inégal, mais loin d'être déshonorant (disons qu'environ un tiers de l'ensemble est excellent et que le reste est simplement bon). Dans la lignée de leurs expériences alternatives telles que Foxboro Hot Tubs, il y a ça et là des changements de style plutôt réussis : Kill the DJ, bien sûr, mais aussi une ballade à la Simon & Garfunkel, See you tonight.

 


GUILLEVIC (1907-1997)

 

Exécutoire

 

On retrouve son jour avec le souvenir

D'avoir été soi-même à l'intérieur du sang,

 

D'avoir déjà coulé à travers des tissus

Qui voulaient s'opposer par des bouches de rien,

 

D'avoir liquide lourd et devinant

Que pour ceux du dehors

 

On était forcément

D'un rouge un peu fâcheux.

 

***

On ne peut pas nier : la lune suppliait

Qu'on la fracasse à coups de triques

 

Ou qu'on la fonde avec l'eau sourde

A la fontaine.

 

***

C'est une étrange boucherie

Où l'on entre au printemps

Pour voir ce qui s'y fait

 

Et où l'on reste ecartelé

Avec les autres.

 

***

On ne serait pas tellement plus mal

Devenus le mur au bord de la place

Où les enfants jouent entre des vieillards,

 

Lui qui de toute la ville ne sait que la colère.

 

- On pourrait devenir aussi

Un mur caché par le feuillage, à la campagne,

Pour être heureux.

 

 

Terraqué

 

Si un jour tu vois

Qu'une pierre te sourit,

 

Iras-tu le dire ?


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