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ACTEURS & ACTRICES

Quelques remarques en vrac concernant quelques acteurs et actrices, comédiens, comédiennes.

* Malgré son imbécile de sœur et son répugnant beau-frère, Valeria Bruni Tedeschi est plutôt sympathique. Mais sans doute est-elle meilleure comédienne (à condition d'être dirigée par d'autres) que réalisatrice. Un film comme Actrices est pompeux et soporifique, sonnant souvent faux, à côté.

* Christian Bale est un des acteurs les plus surprenants qui soient. A première vue peu charismatique, il donne toujours l'impression de n'être qu'un second choix, d'être là parce que tel ou tel autre n'était pas libre ou était trop cher. Et puis, à chaque fois, plus ou moins rapidement, voilà qu'il nous bluffe totalement et qu'on se dit qu'on a affaire à un acteur extraordinaire. C'est particulièrement impressionnant par exemple dans 3h10 pour Yuma, mais également dans bien d'autres films en tous genres : Le Prestige, American Bluff, Hostiles, Vice, et j'en oublie.

* Michel Houellebecq est bien meilleur acteur qu'écrivain.

* Basil Rathbone fut à une certaine époque le spécialiste hollywoodien des rôles de traîtres. Dans le Robin des bois de Curtiz, il ressemble étonnamment à Sarkozy.

* La stupide et poujadiste Mathilde Seigner est tout de même suffisamment bonne actrice, il faut bien l'admettre, pour réussir lorsqu'il le faut à interpréter des personnages beaucoup moins cons qu'elle.

* Everett Sloane, qu'on voit souvent chez Orson Welles, incarne un amusant chef de bande dans le Voleur de Tanger de Rudolph Maté. Cet excellent comédien, toujours très digne, est au fond une sorte de Jacques François anglo-saxon et avant la lettre, quoique plus diversifié car Jacques François n'aurait sans doute pas pu jouer un voleur. Un banquier, oui, mais pas un voleur.

* A Yves Boisset lui ayant écrit qu'il aimerait travailler avec lui, Richard Widmark aurait répondu : "Je ne suis pas tombé si bas pour accepter de tourner dans un film d'un metteur en scène inconnu dans un pays inconnu."


Emile CHARTIER dit ALAIN (1868-1951)

Système des Beaux-arts

Alain explique que les acrobates de cirque font en permanence des salutations parce que ça leur permet d'affirmer une assurance dont ils ont besoin, ces gestes posés témoignant de la maîtrise du corps, et renforçant cette maîtrise en l'affichant. Il serait donc original de concevoir un numéro de cirque dans lequel l'acrobate, à la grande surprise du public, ferait mine de paniquer, passant d'un trapèze à l'autre en gesticulant et en hurlant. Ne serait-ce que pour voir combien de temps il tiendrait sans s'écraser.

A ce sujet, voir Parade de Jacques Tati.

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Beaucoup des conceptions d'Alain dans ce livre semblent très datées, fondées sur l'art de son temps et ne prévoyant pas (qui l'en blâmerait ?) les évolutions qui allaient rendre caduques bon nombre de ses théories trop limitatives, en particulier dans ce qu'il dit de la prose et du roman. Quelques belles idées toutefois, par exemple lorsqu'il oppose le style clair au style orné : "Les fausses richesses (des mots rares et brillants par exemple) font quelquefois effet, par souvenir, au lieu qu'une belle oeuvre étonne quand on y revient ; et les vraies beautés s'offrent à la lecture." Cela rend assez bien compte de ces oeuvres qui nous émerveillent une fois mais ne supportent pas la relecture.

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"Il n'y a point de mensonge dans la politesse ; car ce que je montre par impolitesse ce n'est point moi, c'est un animal inquiet, tremblant, brutal."

Dans l'émission de Finkielkraut, Mona Ozouf cite un autre passage d'Alain, disant que "la difficulté de la vie conjugale, c'est que l'on se dit abruptement tout ce que l'on pense, c'est-à-dire tout ce que l'on ne pense pas" (en termes clairs : tout ce qu'on ne prend pas la peine de méditer avant d'ouvrir sa gueule). En effet, commente ensuite Alain, ce qu'on appelle le mensonge social n'est parfois simplement qu'une invitation à chercher ce que nous pensons et à trouver les mots adéquats pour le dire, au lieu de nous contenter de la facilité qui consiste à dire n'importe quelle connerie en invoquant notre liberté d'expression.

 


Alphonse ALLAIS (1854-1905)

"Si j'étais riche, je pisserais tout le temps !"

"Les enfants ne sont agréables que pendant qu'on les fait." (source incertaine)

"Il vaut mieux être cocu que veuf : il y a moins de formalités."

"Dieu a agi sagement en plaçant la naissance avant la mort ; sans cela, que saurait-on de la vie ?"

"Je déteste la montagne : ça cache le paysage."

Deux tableaux monochromes d'Allais :

* un rectangle rouge intitulé "Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la Mer Rouge".

* un rectangle jaune : "Manipulation de l'ocre par des cocus ictériques".

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Allais en terrasse : "Garçon ! Un Picon grenadine ... et un peu moins de vent s'il vous plaît !"

Au chef de gare de Dozule-Putot : "Je tiens à vous féliciter : vous avez là une ravissante petite gare ... Vous auriez ça rue saint-Lazare à Paris, vous auriez un monde fou !"

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Oeuvres Anthumes (Bouquins)

"Elle était composée de la pulpe de je ne sais quel rêve rose." (Un Miracle de l'Amour)

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Dans "le Tripoli" (274), histoire du soldat Lapouille, qui menace systématiquement d'écrire "à la République française" si on l'emmerde.

"Café d'affaires" (279) : "C'est une sorte de vieux dépenaillé bohême qui a dû être bien rigolo dans les environs de 1867."

302-304 : "Une Hallucination". Excellent.

513 : "Ah ! on ne s'embête pas à l'Académie des sciences ! Je vous donne en mille à quoi ces bougres-là passent leur temps, au lieu de travailler !". "Un peu de mécanique" contient une retranscription (fictive ?) d'une communication de l'Académie des Sciences dans le Journal officiel concernant un débat sur la manière dont un chat retombe sur ses pattes, au mépris de la loi d'inertie, si on le lâche sur le dos d'une hauteur de 1,50 m. Un des intervenants suggère que le chat exerce une pression, avant de tomber, sur la main qui le lâche. Un peu plus loin, hommage est rendu aux circulaires du général Poilloüe, "littérateur rigolo et poète pittoresque", qui expliquent que les gardes d'écurie doivent être bien traités sans quoi les chevaux sentent, en les voyant "déguenillés et grelottants" qu'ils vont leur dérober leurs couvertures. "Ils sont craintifs, ne se reposent pas, dépérissent et maudissent le numéro de leur régiment."

"Un des gros ennuis de la bicyclette réside en l'étrange facilité de son larcin. Le cycle, en effet, a ceci de particulier qu'il sert à favoriser la fuite rapide de ce qui vient de le dérober, ce qui n'arrive pas dans mille autre cas, comme, par exemple, le vol d'un sac de farine ou d'un lot d'escargots." (Sauvegarde des bicyclettes)


Woody ALLEN (né en 1935)

Je suis loin d'être un fan absolu de Woody Allen, dont je trouve la production assez inégale, mais il a tout de même réalisé quelques merveilles, dont les principales sont à mon goût Annie Hall, approche intelligente et particulièrement drôle des aléas du couple, et Love and Death (en version française Guerre et Amour), qui n'est une approche intelligente de rien de particulier, mais est également tout particulièrement drôle, quoique dans un registre beaucoup plus saugrenu. Est-ce un hasard si mes deux films préférés de Woody Allen le mettent en scène aux côtés de Diane Keaton ? Je ne sais pas. Toujours est-il que les actrices ayant un véritable talent comique sont assez rares et que, à mon goût, Diane Keaton est, avec Cameron Diaz, une des plus douées dans ce registre.

Mais même en dehors de ces chefs d'oeuvre d'humour, il faut tout de même noter également que dans quasiment toute comédie de Woody Allen, même un peu plate et mineure, il y a en général toujours au moins une scène irrésistible. C'est (dans le désordre chronologique le plus total) l'utilisation d'une énorme lune par le musicien de Sweet and Lowdown (Accords et Désaccords) ; la scène où Woody Allen éternue à un moment très peu opportun (en dire plus serait criminel), dans Annie Hall, il me semble ; celle de l'appel téléphonique anonyme enregistré dans Meurtres mystérieux à Manhattan ; le moment où Allen et Keaton tentent d'assommer un type dans Love and Death et, surpris avant, s'assomment mutuellement en souriant niaisement, ... Dans Small Time Crooks (Escrocs mais pas trop), outre le fait que le personnage principal se plaît à préciser qu'il était surnommé "le Cerveau" en prison et qu'un ancien co-détenu s'escrime à lui expliquer que "non, mais ... c'était sarcastique !", il y a une conversation surréaliste inoubliable, dans une réception, entre la cousine Mae et un veuf qui la trouve très spirituelle.

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"I'm not a fighter. I have bad reflexes. I was once run over by a car being pushed by two guys."


AMSTERDAM au cinéma : à la recherche de la course-poursuite perdue

Il y a dans Indiana Jones et la dernière croisade une belle course-poursuite à Venise, qui m'est immédiatement revenue à l'esprit un jour où je prenais un verre sur une terrasse en étage donnant sur un canal d'Amsterdam : c'était comme si des hors-bords en folie pouvaient surgir d'un moment à l'autre, se poursuivre, exploser de ça de là,... Bref, il me sembla évident qu'Amsterdam était l'endroit idéal pour réaliser une très belle scène de ce genre. Peut-être avait-elle déjà été tournée ? Malgré mon goût assez modéré pour les James Bond, je misais beaucoup sur Les Diamants sont éternels avant de le voir, mais ce film ne montre guère d'Amsterdam qu'un couloir et un ascenseur (qui pourraient se trouver dans n'importe quelle autre ville). Il y a bien sûr Amsterdamed, qui a son charme, glauque et nocturne, mais on n'y trouve rien de comparable à la course-poursuite rêvée.

On se retrouvait donc avec des types qui tournent des James Bond à Amsterdam mais qui n'en font rien et d'autres qui réalisent par exemple des Jason Bourne avec de superbes séquences de ce genre, mais jamais à Amsterdam ...

Jusqu'à ce qu'apparaisse enfin, en 2017 seulement, la fameuse scène, dans un film qui aurait pu échapper à ma vigilance si je n'en avais vu la bande-annonce sur le DVD d'un autre film (quant à lui sans intérêt). Il s'agit d'Hitman and Bodyguard ou, pour mieux dire, en VO, The Hitman's Bodyguard. Amsterdam y est abondamment filmée, la course-poursuite est, comme il se doit, longue et variée, particulièrement réussie. Et en plus le film est drôle.


Wes ANDERSON (né en 1969)

Le cinéma de Wes Anderson (comme celui de Michel Gondry, dans un style assez voisin), plein de bonnes idées, de trouvailles, mais souvent aussi de langueurs mélancoliques un peu posées et artificielles, me laisse généralement insatisfait, à l'exception notable de Moonrise Kingdom (où il y a bien toujours ça et là quelques petites choses agaçantes) et surtout de son Grand Budapest Hotel, véritable merveille, avec un Ralph Fiennes que je n'avais jamais vu aussi drôle.


Jean-Jacques ANNAUD (né en 1943)

J'ai un peu laissé passer tout ce qu'a fait Annaud après Le Nom de la Rose, son dernier bon film à mon goût, ayant trouvé ensuite L'Ours ou L'Amant assez ennuyeux. Cela dit, le début de Deux Frères est très beau visuellement magnifique (si on aime les vieux temples envahis par la jungle et les gros chats).

Quoi qu'il en soit, le plus extraordinaire chez Annaud, ce sont ses tout premiers films, drôles et merveilleusement justes, sur la colonisation (La Victoire en chantant) ou l'utilisation du football comme opium du peuple (Coup de Tête).

Jean-Jacques Annaud souligne que Coup de Tête est un film si (injustement) négligé dans sa filmographie qu'un jour sa femme lui a dit : "J'ai une amie qui regarde Coup de Tête une fois par semaine. Elle adore ce film. Mais elle refuse de croire que c'est toi qui l'a réalisé."

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Deux Frères, enfin vu entièrement, me confirme dans ma première impression. C'est superbe à regarder : temples dans la jungle, tigres splendides ou adorables selon l'âge (comme le lion, le tigre est un animal nettement moins élégant que son cousin le chat, mais enfin quand même, ça a de la gueule),... Bref on a un peu honte d'aimer ça, l'impression de s'attendrir devant des chromos, devant quelque calendrier des postes exotique et en mouvement, mais après tout pourquoi se priver ? D'autant que, contrairement à L'Ours, le film repose sur une intrigue suffisante pour qu'on y prenne un peu d'intérêt.


Jean ANOUILH (1910-1987), Fables

Je m'étais procuré le livre après avoir découvert avec plaisir et intérêt sa version du Chêne et du Roseau, puis je l'avais laissé de côté en étant un peu déçu par le reste. Je viens de le reprendre et ma déception n'en est que plus amplement confirmée. Passons sur le style faussement brillant mais quelque peu approximatif comparé à la magnifique précision poétique d'un La Fontaine, ainsi que sur le peu d'intérêt de la plupart des ses fables : avant cette exception du Chêne et du Roseau, je considérais déjà Anouilh comme un écrivain dont les brillances de salon compensent mal le manque d'intérêt. Ce qui me gêne davantage, c'est que ces Fables dégagent le plus souvent un parfum des plus réactionnaires, avec ça et là quelques pointes d'un antisémitisme à peine contenu.


Tour du Monde de l'Amiral Anson

Je suppose que la traduction est d'époque car, ayant commencé à lire ce texte tandis que j'étais encore dans la Quatrième Chronique de Rambaud, je fus étrangement surpris par la ressemblance de style, à tel point que, passant parfois directement de Rambaud au Tour du Monde, je lisais celui-ci en le trouvant étrangement factuel et en me sentant absurdement déçu de ne pas y trouver l'humour permanent que j'y attendais (encore).

Destiné notamment à ceux qui voyageront dans les mêmes zones, le texte contient des considérations souvent intéressantes sur la navigation et la géographie, et la façon dont l'escadre s'en sort après tant de "traverses" rend le récit plutôt agréable. Mais le texte contient aussi (finalement) quelques passages assez drôles, par exemple l'impréparation et la couardise de la plupart des adversaires espagnols lors de la prise de Paita ("Le gouverneur n'avait pas été des moins pressés, car il s'enfuit un pied chaussé et l'autre nu"), avec en prime l'histoire du matelot manquant à l'appel au moment du départ, une fois la ville incendiée, et qui surgit au dernier moment, appelant ses camarades s'éloignant dans les chaloupes :

"Il avoua que la cause de son retard était une dose un peu forte d'eau-de-vie, qu'il avait prise le matin, et qui l'avait plongé dans un sommeil dont il n'avait été tiré que par le feu, qui l'avait approché d'un peu trop près et qui s'était fait sentir un peu trop vivement. Il fut fort surpris, en ouvrant les yeux, de se trouver au milieu des flammes, et de voir ça et là des Espagnols et des Indiens. Sa frayeur fut si grande et si subite qu'elle dissipa dans l'instant son ivresse, et lui rendit assez de présence d'esprit pour avoir l'attention de s'échapper à travers la plus épaisse fumée pour se dérober aux yeux de l'ennemi. Il courut de toute sa force vers le rivage, et entra dans la mer aussi avant que le pouvait un homme qui ne savait pas nager ; le tout sans avoir la moindre curiosité de regarder derrière lui."

Il est question également de l'excellence de la chair des tortues "franches", que les Espagnols croient malsaine et ne mangent pas et que des esclaves capturés sur les prises découvrent à bord des navires anglais : "(...) ils y prirent goût, en devinrent très friands et se félicitèrent d'avoir fait une expérience qui les assurait à l'avenir de faire de bons repas et à fort bon marché, si jamais ils pouvaient revenir dans leur pays. Ceux qui connaissent la vie misérable que ces gens mènent savent qu'après les liqueurs fortes, la plus grande félicité qu'ils connaissent, est celle d'avoir à suffisance une nourriture passable ; d'où il suit qu'une découverte qui leur assurait toujours et à discrétion un mets plus délicat que ceux que leurs maîtres se réservaient pour eux, était un des plus grands bonheurs qui pût leur arriver."

Ou encore cette affaire d'Acapulco. Ne retrouvant pas le canot qu'il avait posté au large quelques semaines plus tôt pour surveiller ce port, Anson en déduit que ses hommes ont été découverts et capturés, et il fait parvenir au gouverneur une lettre proposant d'échanger ces hommes contre les prisonniers espagnols qu'il garde à son bord. Quelques jours plus tard, voyant approcher un canot qu'il suppose apporter la réponse, il a la surprise de constater qu'il s'agit du fameux canot, éloigné par le mauvais temps et revenant enfin. L'escadre s'en va aussitôt, libérant tout de même ses prisonniers, mais sans attendre la réponse d'un gouverneur que l'on peut raisonnablement imaginer perplexe.

S'apprêtant enfin à prendre les galions de Manille, quoiqu'avec un effectif très inférieur au leur, Anson parvient à communiquer cette confiance à son équipage, à tel point que, s'inquiétant de ne plus se voir servir de mouton (dont un grand nombre avait été embarqué à Macao) et demandant à son boucher "s'ils étaient tous tués, le boucher lui répondit d'un ton très sérieux qu'il en restait encore deux, mais que si M. le chef d'escadre voulait bien le lui permettre, il les garderait pour en régaler le général des galions."


ANTHOLOGIE bilingue de la poésie anglaise, Pléiade.

J'ai tendance à oublier régulièrement que Milton est un très grand poète en le confondant systématiquement avec je ne sais quel raseur qui a affadi la poésie anglaise en voulant la rendre syllabique, Dryden ou Pope (encore qu'on trouve d'eux quelques beaux textes également dans cette anthologie).

Quelques autres poètes plus ou moins célèbres mais méritant qu'on s'y arrête : Henry Howard, earl of Surrey, George Gascoigne, Sir Walter Raleigh, John Lyly, Nicholas Breton, George Peele, Robert Greene, Chidiok Tichborne, Thomas Lodge, Christopher Marlowe, Thomas Campion, Lady Mary Wroth, Henry Vaughan, Andrew Marvell, Aphra Behn, James Thomson, Samuel Johnson, Thomas Gray, William Cowper, William Collins, Christopher Smart, William Blake, Robert Burns, Wordsworth, Walter Scott, Coleridge, Byron, Shelley, Keats, Tennyson, Browning, Arthur Hugh Cloug, Matthew Arnold, Dante Gabriel Rossetti, Christina Rossetti, Lewis Carroll, Thomas Hardy, Henley, Housman, Yeats, Davies, Walter de la Mare, Edward Thomas, D.H. Lawrence (en particulier les magnifiques Piano et Snake), certains poèmes antimilitaristes de Siegfried Sassoon (notamment They), T.S. Eliot, Isaac Rosenberg, Wilfred Owen, Robert Graves, Basil Bunting, Stevie Smith, John Bejteman, Louis MacNeice, Auden, Kathleen Raine, Stephen Spender, Norman MacCaig, Roy Fuller, George Barker, Ronald Stuart Thomas, Dylan Thomas, Alun Lewis, David Gascoyne, Edwin Morgan, Peter Porter, Ted Hughes, Geoffrey Hill, Tony Harrison, Seamus Heaney, Derek Mahon, Craig Raine, James Fenton, Simon Armitage + Brian Patten, Carol Ann Duff, Kathleen Jamie, Peter Reading et Tom Paulin que je ne peux plus replacer précisément dans l'ordre chronologique.

Etrange et peu utile sélection, où j'ai l'impression d'avoir cité tout le monde. Elle a d'autant moins de valeur qu'elle ne se fonde pour la plupart de ces auteurs que sur les poèmes qui se trouvent dans l'anthologie (ce qui vaut également pour la poésie espagnole, ci-dessous).

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Parmi les découvertes, Gerard Manley Hopkins (1844-1889), poète jésuite au style brutal, martelé, imprécatoire, qui n'est pas sans évoquer Céline (qu'on lit lui aussi pour sa musique et malgré son idéologie inepte).

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William Blake, The Tiger, par Tom O'Bedlam.

Coleridge, The Rime of the Ancient Mariner, par Ian McKellen.

Comment changer un pneu, par Ian McKellen.


ANTHOLOGIE bilingue de la poésie espagnole, Pléiade.

Observons au passage que pour le XX° siècles (seconde période très riche de la poésie espagnole après le Siècle d'or : entre les deux, à en croire cette anthologie, c'est le vide absolu, ce qui n'est pas sans rappeler ce que disait Borges à Jean-Pierre Bernès lui demandant quel écrivain espagnol il pourrait citer entre Cervantès et lui-même : "Je crains que ce ne soit pas très encombré"), un critère relativement subjectif s'impose dans le jugement que l'on porte sur les poètes espagnols, à savoir leur position durant la guerre civile et sous le franquisme. Difficile d'apprécier pleinement un poète, même talentueux, qui a soutenu Franco. Devant une langue étrangère, il est très difficile de juger si l'un de ces individus possède un génie équivalent à celui de Céline, mais Céline est un romancier : cela n'excuse en rien ses prises de positions abjectes, mais elles affectent moins la perception qu'on peut avoir de son écriture que dans le cas d'une oeuvre prétend associer fascisme et poésie.

Ici encore, je donnerai simplement une sélection de noms, dans l'ordre chronologique : Inigo Lopez de Mendoza, Juan de la Cruz, Cervantès, Gongora, Quevedo, Jauregui, Esproncida, Unamuno, Manuel et Antonio Machado, Juan Ramon Jimenez, Leon Felipe, Vicente Aleixandre, Damaso Alonso, Lorca, Prados, Cernuda, Altolaguirre, Miguel Hernandez, Blas de Oteron, Gloria Fuertes, Carlos Edmundo de Ory, Goytisolo, Biedma, Felix Grande, Gimferrer, Carnero, Siles, Villena.

 


ANTICYCLOPEDIE DU CINEMA

Par Emmanuel Prelle et Emmanuel Vincenot, au Cherche-Midi. Quelques extraits qui me plaisent tout particulièrement :

* A propos du "cinéma primitif" : "Parfois, les superstitions freinent les progrès de la science. Un cinéaste d'avant-garde suggère de projeter les films à la vitesse prodigieuse de 24 images par seconde (au lieu de 15). Ses collègues refusent de l'écouter, persuadés qu'un tel procédé ferait bouillir le sang des spectateurs."

* LEOTARD (Philippe) : voir WALKER (Johnny)

* "Interprète fameux de Papillon ou La Grande Evasion. Au début de chacun de ses films, Steve McQueen est emprisonné pour avoir essayé de s'évader dans le film précédent."

* "Loi du side-car : Tout side-car de la Wehrmacht lancé à la poursuite de soldats américains finit sa course dans une rivière."


Michelangelo ANTONIONI (1912-2007)

Les films d'Antonioni appartiennent à cette étrange catégorie des films délibérément longs et ennuyeux, mais devant lesquels on ne s'ennuie pas du tout, ce qu'on pourrait en d'autres termes appeler "des films chiants, mais dans le bon sens du terme". Evidemment, n'est pas Antonioni, Kiarostami ou Nuri Bilge Ceylan qui veut, et la plupart des réalisateurs qui croient réaliser un chef-d'oeuvre en étant long et ennuyeux ne parviennent qu'à être longs et ennuyeux (ce qui est à la portée du premier imbécile venu).

Bref, on ne s'ennuie pas du tout devant la plupart des films d'Antonioni, pas même devant l'Avventura où des gens arpentent une île en criant le prénom de leur amie qui a mystérieusement disparu, si longuement qu'on finit par se foutre totalement de ce qui lui est arrivé, d'autant que le film dure 143 minutes et qu'on n'y entend pas une seule fois la chanson de Stone et Charden. Et bien pourtant, c'est formidable.

Outre cette qualité constante d'ennui passionnant, on trouve ça et là quelques scènes sublimes et fascinantes : la partie de tennis de Blow Up, l'éclipe (longue et silencieuse) de l'Eclipse,...

Un sommet de l'oeuvre d'Antonioni est sans doute Zabriskie Point, en particulier son magnifique finale, ou encore ce passage étonnant montrant de nombreux couples d'amants disposés dans le paysage désertique (dire qu'il s'agit d'une partouze dans le désert serait partiellement faux et ne rendrait en tous cas pas pleinement compte de la beauté de la scène).


APPOLONIUS DE TYR

Quelques extraits de ce roman médiéval, cités par Michel Zink :

"Elle fut enflambée de son amour."

"Combien que ta taisance te montre être en tristesse, néanmoins il appert par ta face que tu es de grande noblesse."


ARBRES

Diversité infinie des formes des arbres. Ils se construisent finalement dans l'espace (s'adaptant à leur environnement en se développant dans telles ou telles directions) de la même façon que nous nous construisons dans le temps (en ne pouvant quant à nous, à chaque bifurcation, choisir qu'une seule voie).

A voir, le superbe film documentaire de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil, Arbres (2002), ainsi que l'interview du passionnant botaniste Francis Hallé en bonus DVD. Celui-ci, invité d'A Voix nue sur France Culture en mai 2010, ajoute à sa collection d'arbres (arbres qui communiquent, arbres qui marchent,...) une nouvelle découverte : les arbres souterrains. Seule émerge du sol une large tache de feuilles et de fleurs, détruite annuellement par le feu et qui repousse chaque année : l'arbre, âgé de milliers d'années se trouve donc là-dessous, presque entièrement enterré. Cette forme d'arbre existe en Argentine, mais aussi en Afrique du Sud (deux zones qui étaient voisines avant la dérive des continents).

Autre découverte, grâce au Radeau des Cîmes : la canopée émet des molécules volatiles (spécifiques à chaque type d'arbres) dont la fonction est d'agglomérer les gouttes d'eau qui vont ensuite se changer en pluie : l'arbre contrôle ainsi la pluie dont il a besoin.

"On nous demande parfois si on a trouvé des animaux nouveaux. Mais la vraie difficulté dans la canopée, c'est de trouver des animaux déjà connus ! L'entomologiste qui part le matin, il récolte 80 espèces nouvelles dans la journée, rien que dans le groupe qu'il étudie." On trouve là-haut, selon Francis Hallé, des plantes magnifiques, des insectes "comme des bijoux". D'autre part, "les animaux n'ayant jamais vu l'homme, non seulement ils n'ont pas peur, mais en plus ce que vous faites les intéresse, alors ils viennent. Pour des zoologistes, c'est parfait ! Ils ont même trouvé des crabes là-haut !"

Francis Hallé explique par ailleurs qu'il existe une "marée" dans les arbres et que les luthiers ou les constructeurs de chalets suisses savent cela empiriquement depuis longtemps, car ils veillent à utiliser de préférence ce qu'on appelle du "bois de lune", infiniment plus résistant car coupé au bon moment (en gros, celui où toutes les fibres sont serrées et ne laissent aucune place à l'air, aux parasites, etc.) : un chalet construit dans ce matériau dure trois fois plus longtemps, et on construit même des cheminées avec ce bois (alors que ce même bois cueilli à un autre moment ferait un excellent combustible).

Pour consulter l'avis de Gilles Servat sur ces végétaux.

Maurice de Guérin : "S'entretenir d'une sève choisie par soi dans les éléments, s'envelopper, paraître aux hommes puissant par les racines et d'une grande indifférence, ne rendre à l'aventure que des sons vagues mais profonds, tels que ceux de quelques cimes touffues qui imitent les murmures de la mer, c'est un état de vie qui me semble digne d'efforts et bien propre à être opposé aux hommes et à la fortune du jour."


Denys ARCAND (né en 1941)

Les trois films les plus connus de ce réalisateur québécois sont tous les trois sont excellents, à commencer par l'étonnant et hilarant Déclin de l'empire américain. Jésus de Montréal et Les Invasions barbares sont également de très bons films, pleins d'humour et d'intelligence. D'un point de vue français, on peut parfois trouver son approche un peu réactionnaire sur certains sujets, en particulier sur le système public de santé, mais il faut considérer que le problème ne se pose pas forcément de la même façon au Québec et en France.

Dans Jésus de Montréal, les acteurs sont, comme toujours, excellents, très touchants. Il y a entre autres un personnage secondaire fascinant qui est ce prêtre sans foi, lucide mais résigné à jouer la comédie. Sa dernière discussion avec le personnage principal soulève des questions très intéressantes.

Le Déclin de l'Empire américain. Outre le plaisir d'entendre parler de sexe avec l'accent québécois, la réflexion sur la décadence des sociétés modernes est passionnante (d'autant plus passionnante qu'elle n'a rien de dogmatique et qu'il s'agit, comme souvent chez Denys Arcand, de filmer des gens qui débattent, aucun n'étant spécialement privilégié), le tout fusionnant dans une scène mémorable où un type se fait masturber par une femme qui lui parle du millénarisme médiéval. Ledit type, Pierre, déclare plus loin dans le film (à la même femme devenue sa compagne du moment) : "Il faut avoir une assez bonne opinion de soi-même pour vouloir se reproduire. Et moi je m'aime pas tellement." Suit un développement assez intéressant sur le fait de vieillir sans enfants.

Les Invasions barbares. Retournement plaisant : voici notre ami Pierre marié et père de famille.

Plus qu'une simple suite, Les Invasions barbares sont une superbe réflexion sur la mort, regardée en face, sans filtre religieux, mais toujours avec celui de l'humour. On peut regretter que l'argent du fils y aplanisse toutes les difficultés (même si on souligne bien au passage que "tout le monde n'a pas cette chance"), ainsi que les critiques du système public de santé et des syndicats, qui, sorties du contexte québécois et de l'esprit général du film, pourraient facilement être récupérées par le discours néolibéral. Cela dit, la critique du jargon bureaucratique, à travers le personnage de la directrice de l'hôpital, est savoureuse et pourrait dans bien des cas s'appliquer aussi à certaines institutions françaises.

Quelques retours discrets que je n'avais pas remarqués à la première vision, trop éloignée de celle des autres films. L'historien qui commente le 11 septembre à la télé est Alain, le jeune doctorant du Déclin de l'empire américain, et on retrouve deux personnages de Jésus de Montréal, le prêtre et Constance (devenue Soeur Constance).

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Plus récemment, l'Age des Ténèbres se présente comme un troisième volet faisant suite au Déclin et aux Invasions barbares. On n'y retrouve quelques personnages qu'à titre secondaire. Le film est intéressant mais nettement plus déprimant que les deux précédents.

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Plus récemment encore, la Chute de l'empire américain, sans être parfait, est un très bon film, mais n'a lui non plus rien à voir avec les précédents. Le film ne commence pas si mal et contient quelques réflexions savoureuses sur l'intelligence qui handicape, sur la logique capitaliste, etc. Il m'est arrivé de déplorer chez Arcand quelques sorties un peu réacs, sur les syndicats par exemple, mais cela reste un homme de gauche, surtout comparé à son compatriote Bock-Côté, jadis entendu chez Finkielkraut avec un discours encore à peu près mesuré mais qui depuis s'est installé en France pour prendre le relais de Zemmour en tant que chroniqueur-télé obsédé par l'islam.


L'ARIOSTE (1474-1533)

Roland Furieux

C'est d'une inventivité incroyable, jamais ennuyeux, fourmillant de personnages, de péripéties, de magie, le tout avec une drôlerie certaine.

Au chant 25, une histoire de jumeaux travestis (Bradamante et Richardet).

Au chant 27, les guerriers païens ne cessent de se disputer, façon cour de récréation : C'est MON ch'val ! - Oui mais lui, là, y m'a pris mon épée - etc.

Il y a au chant 43 des histoires de cocus qui tranchent sur le ton général et qui seraient néanmoins plaisantes si on n'avait déjà lu tout cela, à peu de choses près, dans Boccace ou La Fontaine. Il y a surtout ça et là, sur la fin de l'oeuvre, quelques pages ennuyeuses énumérant et vantant les futurs seigneurs et dames de la maison d'Este (on s'en fout), mais cela reste heureusement ponctuel et ne nuit pas trop au plaisir que procure le reste.


AU BORD DE L'EAU, roman chinois de Shi Nai-an (XIV° siècle)

Très agréable à lire, malgré l'impossibilité de se concentrer durablement sur un personnage : on en suit un quelques chapitres, il rencontre un type qui va devenir le centre de l'action, etc. C'est un peu le principe des Faux-monnayeurs des siècles avant. Notons au passage cette phrase du chapitre XI : « Canaille ! Tu récalcitres et fais du tapage ! »

Je renonce à tenir le compte des personnages et à me souvenir de tous ! Il y a tout de même bien sûr, arrivé tardivement, l'impulsif (et un peu primaire) Li Kui (prononcer Coué). Son nom a immédiatement fait réagir la patronne d'un restaurant chinois quand je lui ai parlé de ce roman dont ma prononciation du titre devait laisser autant à désirer que celle du nom de cette pâtisserie (zong-zi, qui se prononce apparemment plutôt tsong-tseu que dzong-dzi) citée dans le roman et dont je voulais lui parler.

Li Kui manque par exemple de tuer une servante d'une pichenette et commente : « Je n'ai jamais rien vu d'aussi fragile et délicat que cette foutue donzelle ! Moi, par exemple, vous pouvez me flanquer cent coups de poing en pleine figure, sans que ça me fasse quoi que ce soit ! »

Le bonze Lu Zhi-shen est un peu du même acabit. Il est venu voir Shi Jin mais n'est accueilli que par ses acolytes qui lui disent que l'autre n'est plus là et lui proposent de monter à leur repaire. Lu Zhi-shen leur répond : « Si vous avez quelque chose à dire, parlez ! Puisque le grand frère Shi n'est pas là, quel foutu couillon irait se faire suer à grimper dans votre montagne ? »

La page sur le taoïsme de Mythologies du monde entier m'informe que l'immortel Zhang Guo-li dispose d'une mule qu'il monte parfois à l'envers, qu'il peut « plier et mettre dans un sac ». Les notes d'Au Bord de l'eau parlent plutôt de la rouler comme une feuille de papier : quand il l'asperge d'un peu d'eau, la mule est « derechef prête à fonctionner ». Il est représenté avec des pêches d'immortalité et « le sac contenant sa mule ».

Pg 810 du tome 2, un épisode savoureux où un type emprisonné, averti du jour où l'armée des brigands attaquera la ville et censé se tenir prêt à en profiter pour s'évader en demandant à aller aux toilettes, se trompe de jour et fait ça la veille, réussissant tant bien que mal à s'évader tout seul malgré tout, mais ne voyant rien d'autre se produire.


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