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CINEMA

Cf aussi Notes de lecture, section Films.


RELATIVISONS !

Bertrand Tavernier, dans une des émissions consacrées sur France Culture à Régis Debray durant l'été 2009, cite ce jugement de Joseph Mankiewicz : "La télévision, c'est le chewing-gum de l'oeil." A propos de la qualité du cinéma actuel, il relativise en racontant qu'il avait eu jadis à visionner tout le cinéma populaire français de l'année 1939 : "Aujourd'hui, ces années-là, on ne les connaît qu'à travers quelques films de Duvivier, de Renoir, de Pagnol, de Grémillon, et ça nous paraît mirifique. Mais à côté de ça, y avait des centaines de conneries vraiment épouvantables, c'est une forme de cauchemar, ça donne une vision de l'espèce humaine qui est affreuse, entre les vaudevilles dont on ne peut pas soupçonner la bêtise, des films colonialistes qui sont d'une arrogance épouvantable,..."


V.O. vs V.F

Je ne pense pas utile de développer ici tous les arguments artistiques évidents qui incitent à préférer voir un grand film en version originale. En revanche, ce choix peut sembler moins incontestable lorsqu'il s'agit d'un film de simple divertissement, d'autant plus que certains doublages français sont désormais excellents. On peut même aller dans certains cas jusqu'à préférer (réalité ou effet de l'habitude née de notre premier contact avec ces oeuvres ?) la version française. Le doublage du Prisonnier, par exemple, n'est globalement pas fabuleux en ce qui concerne les voix secondaires, mais la voix française du n°6 (Jacques Thébaut) met bien mieux en valeur le caractère sarcastique du personnage que la voix de Patrick McGoohan. Autre exemple dans le même registre : Jean-Claude Michel, qui fut jusqu'à la fin des années 90 la voix française de Clint Eastwood, une voix merveilleusement adaptée à la plupart de ses rôles de cette époque.

Sans parler des voix, il arrive que la formulation soit (ou nous semble, du moins) plus savoureuse dans la traduction française. J'avais à l'inverse noté ici à quel point certaines répliques du Brigadoon de Minnelli étaient plus drôles initialement, mais certaines répliques de Galaxy Quest, par exemple, ou du Pour le pire et pour le meilleur, me semblent plus drôles en VF, ce qui tend simplement à montrer le talent de certains traducteurs. En littérature, on peut de la même façon noter que la traduction française de La Conjuration des Imbéciles par Jean-Pierre Carasso est au moins aussi drôle que l'original.


NOUVELLE VAGUE

"Le pire travers de l'acteur moderne consiste à montrer qu'il possède bien l'intelligence du texte. Et il fait avoir entendu Gérard Philippe réciter des poèmes pour imaginer le plaisir que l'on pourrait éprouver à étrangler un comédien."

Je n'ai ni une particulière sympathie pour Truffaut, ni une extrême admiration pour son oeuvre inégale, ni la moindre chose contre Gérard Philippe d'ailleurs, mais j'aime bien cette phrase de Truffaut, citée par Jean Douchet dans son histoire de la Nouvelle Vague, sur France Culture. Intéressante, cette série d'émission, car la Nouvelle Vague n'y est souvent qu'un point de départ pour parler du cinéma en général. Je n'ai pas d'avis bien défini sur la Nouvelle Vague et ses adversaires : ça me semble avoir été une polémique en grande partie vaine, sur laquelle on peut porter avec le recul un regard tempéré par un peu d'éclectisme. Prenons le problème du studio : retourner dans la rue, comme les Frères Lumière, a donné des choses formidables, certes (ainsi que des choses laides et ennuyeuses), mais l'artifice du studio avait son charme, et sa fonction. Il suffit de regarder, dans Brigadoon, Gene Kelly danser (sans faire tomber sa veste de ses épaules, cf. Minnelli) avec derrière lui une falaise peinte sur un décor : on est dans un pur numéro musical, dans un univers parallèle, et le décor y contribue. La même scène en décor naturel serait inefficace et terrifiante : au lieu d'apprécier le numéro musical, on s'angoisserait en pensant que Gene Kelly pourrait tomber de cette falaise ! Déjà qu'on a peur que la veste tombe de Gene Kelly !

Pour revenir à la Nouvelle Vague, c'est un beau bric-à-brac, en fait. J'adore Rohmer, Truffaut m'agace mais a tout de même fait quelques bons films, Godard est intéressant mais pompeux et saoûlant, ... Ce sont des expériences nouvelles, parfois intéressantes, parfois stériles, voilà tout. Les lignes de partage, tant esthétiques qu'idéologiques, entre la Nouvelle Vague et le cinéma de la "qualité française", sont loin d'être très claires. Faux débat, simples rivalités de personnes et de générations, qui n'ont plus grand intérêt de nos jours. Comme souvent (toujours ?), on se focalise sur les mauvais clivages.


LIMITES DU CINEMA CONTEMPORAIN

Le cinéma, tout en atteignant des sommets techniques, semble avoir atteint ses limites en matière de créativité artistique, et la logique de marché n'y est évidemment pas pour rien. On produit désormais des "produits" aseptisés, calibrés, "parfaits", tandis que les films intéressants et réellement originaux se font de plus en plus rares. Simple impression de ma part ? John Carpenter suggère de son côté que cette évolution est en grande partie liée au 11/09/2001, événement qui a selon lui ramené le cinéma américain à des discours niais, lisses et patriotiques.

En tous cas, ça laisse la liberté de savourer a peu près tranquillement et à peu de frais les chefs-d'oeuvre du passé, pendant que les marchands fourguent leur soupe au prix fort.

PS : Dans Festivus Festivus, Philippe Muray apporte une réflexion complémentaire sur cette "fin" du cinéma : "Au cinéma, l'horreur est un chantage et une intimidation, comme en d'autres circonstances l'argent que tel film a coûté. Tout cela relève du terrorisme, qu'il soit économique ou tératologique. Il faut qu'un film ait coûté beaucoup : de l'argent ou du sang ; ou alors qu'il défende et illustre une cause incontestablement bonne, ce qui revient à peu près au même. (...) Je me demande s'il y a un seul spectacle cinématographique aujourd'hui qui ne relève pas du chantage, et si les cinéastes peuvent être désormais autre chose que des maîtres-chanteurs (comme tous les "artistes"). Les fictions cinématographique et le cinéma en général sont devenus si inutiles qu'ils ne répondent plus qu'à un seul impératif : celui de prolonger leur propre règne au-delà de tout besoin réel de ceux que l'on oblige littéralement à entrer dans des salles parce qu'on a réussi à les convaincre qu'il fallait de toute urgence sauver le septième art."


BLUFF CINEMATOGRAPHIQUE ?

Que reste-t-il aujourd'hui des films esthético-démagos de Jean-Jacques Beineix ? La dernière fois que je l'ai vu, c'était à l'époque du Loft, qu'il s'efforçait de considérer comme un sujet de méditation philosophique afin de paraître, comme toujours, à la fois culturel et branché.


DEFENSE D'UN CINEMA ENGAGE "CONVENTIONNEL" : D'YVES BOISSET A MICHAEL MOORE

Serge Daney et d'autres critiquent ont (eu) tendance à juger très défavorablement des réalisateurs comme Boisset ou Costa-Gavras, leur reprochant d'être besogneux, sans génie (ce qui est plutôt vrai) et de colporter une "bonne conscience de gauche" qui ne remet pas radicalement en cause la société (ne serait-ce que parce qu'ils font un cinéma lui-même conventionnel). Mais Boisset n'a jamais prétendu être l'égal de Kubrick et il a choisi de faire un cinéma conventionnel parce que c'est ce qui se prête le mieux à ce qu'il cherche à faire : vulgariser certaines idées, valeurs, réflexions,... toucher un public populaire, aussi large que possible. Même si cela n'a rien à voir (ou peu) avec de l'art, je crois à l'utilité de cette éducation populaire, en particulier à travers le cinéma et la télé.

Au bout du compte, les formes d'art les plus radicalement révolutionnaires idéologiquement et esthétiquement (réussies ou non sur ce second point) n'ont absolument rien changé au monde. L'échec de la gauche sous toutes ses formes face au retour en force des idéologies de droite est une réalité pénible mais indéniable. Et s'il y a eu, au milieu de cette débâcle globale, quelques avancées au moins partielles dans les esprits et dans les moeurs, on le doit sans doute bien davantage à des gens comme Boisset (et même à des sitcoms comme Maguy, sans aucun intérêt artistique mais qui ont touché un large public tout en lui proposant une vision un peu moins réactionnaire de la société) qu'aux réalisateurs favoris de Daney dans sa période militante.

Mais sur l'essentiel l'idéologie ultralibérale a triomphé, même incarnée par les pires crétins. On peut s'étonner que Michael Moore n'ait pas réussi, avec son Farenheit 9/11, à empêcher la réélection de Bush. Je ne crois pas que son film soit en cause, même si une certaine gauche élitiste fait la fine bouche devant le côté vulgarisateur (sans doute n'ose-t-elle pas aller jusqu'à dire "vulgaire" ...) de Moore et devant certains de ses procédés de persuasion (nécessaires face à un adversaire infiniment plus malhonnête et manipulateur). L'échec de ce genre de films, qui pourtant ont tout pour être efficaces, tient plutôt à l'incurie, à la lâcheté et à la malhonnêteté de la gauche politique. On rétorquera que la population américaine est massivement constituée de bouseux sans éducation : justement, un Michael Moore fait tout ce qu'il peut pour toucher même ceux-là. Non, le problème, c'est que la gauche n'ayant rien su faire pour proposer une alternative crédible aux ravages du libéralisme, les masses incultes se tournent vers le pire, même si c'est une aberration, car elles ont suffisamment de bon sens pour sentir que la gauche n'a fait depuis bien longtemps que les tromper : et tous les films d'un Michael Moore, aussi sincère soient-ils, n'y peuvent plus rien.


CINEMA ET HYSTERIE

Autant j'adore certains films de Scorsese (Taxi Driver, After Hours, La Dernière Tentation du Christ, ou plus récemment Les Infiltrés), autant, malgré les qualités indéniables de son cinéma, je reste hermétique à d'autres, galeries d'hystériques et de psychopathes, comme Raging Bull, Les Affranchis ou Casino.

J'ai de plus en plus de mal avec les histoires, romans ou films, mettant en scène des gens qui se comportent comme des cons. Ca ne m'apprend plus rien, à dire vrai. Ca n'a d'intérêt que documentaire. On apprend en voyant des personnages commettre des erreurs que nous-mêmes pourrions commettre, mais ceux qui sont susceptibles d'atteindre ce niveau de connerie ne risquent guère d'en prendre conscience en voyant un simple film.Il est intéressant de voir des personnages se débattre avec de vraies difficultés, tenter des solutions, qu'elles réussissent ou non. Mais voir d'absolus crétins se cogner encore et encore la tête dans le mur, on s'en lasse.

 Cf Histoires de cons.


ASSAUTS

John Carpenter affirme s'être inspiré de Rio Bravo pour son excellent Assault on Precinct 13. On n'est tout de même assez loin de l'original, mais quoi qu'il en soit le résultat est excellent. Tout aussi réussis et fascinants (avec, en prime, une réalisation plus soignée) sont le remake de Richet en 2005 (Assaut sur le Central 13) et la variante de Florent Emilio Siri en 2001, Nid de guêpes : tension paroxystique, distribution impeccable, en particulier Pascal Greggory, dans un rôle sombre et eastwoodien.


MYTHES CONTEMPORAINS

Parmi les rares mythes durables créés récemment, je pense qu'on peut inclure l'écureuil obsessionnel de L'Age de glace.

 


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