THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG

2011



26 décembre : LE RETOUR D'ANDRE WILMS

Interviewé par Télérama, André Wilms déclare entre autres choses :

"Récemment, un événement m'a rendu fou, c'est la pétition qui a circulé pour défendre la pièce de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu, au Théâtre de la Ville. Notre génération pétitionne, se lamente sans arrêt. On mobilise je ne sais pas combien de CRS pour quarante catholiques intégristes. Au lieu d'aller nous-mêmes leur mettre une raclée. On n'a même pas besoin d'être courageux, on est six cents, ils sont quarante ! On devrait être contents qu'ils nous attaquent, nom de Dieu ! Au lieu de cela, l'auteur s'excuse presque en disant qu'il est lui aussi chrétien. Permettez-moi de citer Brecht : « Faire du théâtre, c'est organiser le scandale. » Et Heiner Müller : « Qu'on me donne un ennemi ! » On fuit les conflits, on a peur de tout, et en même temps, chacun s'arrange dans son coin. Les CRS défendent le théâtre de gauche, le directeur du théâtre peut faire chaque soir son speech, les pétitionnaires se font leur pub. Tout cela au nom de la gauche, au nom d'une sacro-sainte liberté d'expression extraordinairement abstraite !"

"Le métier d'acteur est devenu le passe-temps favori des enfants de la bourgeoisie, ceux qui ont raté leurs études. Les parents sont ravis maintenant que leurs rejetons s'engouffrent dans ce maelström. Idem du côté des metteurs en scène de théâtre : n'importe quel clampin devient metteur en scène."


25 décembre : LE RETOUR DE GILLES LAPOUGE

Ce n'est malheureusement que sous la forme de rediffusion, par France Culture, de sa série consacrée à l'histoire des pirates. Mais enfin c'est mieux que rien et l'on a plaisir à réentendre sa voix au lieu de celle de tous ces neveux et nièces de gens en place.

Il cite en outre ce beau discours du pirate Bellamy à un officier capturé : « Que Dieu vous damne, vous êtes un chien rampant comme tous ceux qui acceptent d'être gouvernés par les lois que les riches ont faites pour leur propre sécurité ; car ces couards de petits chiens n'ont pas le courage de défendre autrement ce qu'ils ont gagné par leur friponnerie. Mais soyez damnés tout à fait : eux comme un tas d'astucieux gredins, et vous, qui les servez, comme un paquet de sans-crâne au cœur de poulet. Ils nous vilipendent, ces canailles, alors qu'entre nous, il n'y a qu'une différence : ils volent les pauvres en se couvrant de la loi, alors que nous, nous pillons les riches sous la seule protection de notre courage. Ne feriez-vous pas mieux de devenir l'un des nôtres au lieu de ramper après ces scélérats pour un emploi ? Quant à moi, je suis un prince libre et j'ai autant d'autorité pour faire la guerre au monde entier que si j'avais cent vaisseaux sur la mer ou cent mille hommes en campagne, voilà ce que me dit ma conscience. Mais il ne sert à rien de discuter avec de tels chiots morveux qui permettent à des supérieurs de leur donner des coups de pieds tout au long du pont, tout leur saoul, et qui épinglent leur foi à un maquereau de pasteur, un pigeonneau qui ne croit ni ne pratique tout ce qu'il met dans les têtes ridicules des niais qu'il prêche. »


23 décembre : CONTRE L'IRONIE

L'article que Wikipédia consacre à l'ironie s'achève en signalant une certaine tendance contemporaine à la condamner (car elle est destructrice, méchante, cynique,...) et à lui préférer un humour positif et bon enfant ("just kidding"). Cette critique est apparemment (et évidemment ?) surtout le fait de néo-conservateurs (le cas de David Foster Wallace étant plus ambigu), rejoints par des comiques (Steve Martin) sans doute tout aussi conservateurs, ce qui tend à me confirmer que cette l'ironie qu'ils détestent tant est sans doute la meilleure arme (peut-être la seule) qui subsiste contre cette idéologie stupide désormais triomphante.


18 décembre : INUTILES PROPHETIES

Les diverses régressions actuelles ont été non seulement annoncées mais très correctement analysée depuis des années. Le danger a été parfaitement cerné, même si ce ne fut que par une minorité. Cela n'a pas empêché ces régressions d'avoir lieu. Rien d'étonnant en soi : parce que, comme nous le disions, seule une minorité en était consciente, mais aussi parce que comprendre un risque ne suffit pas si l'on n'agit pas (c'est ce qui pourrait se passer dans de nombreux autres domaines, par exemple pour les problèmes climatiques).

Mais le plus effrayant ici, ce ne sont pas les faits, les régressions sociales elles-mêmes, c'est la régression idéologique et le fait qu'elle a frappé non seulement la masse (cette masse qui de toute façon n'a jamais cherché à comprendre les choses et se complait dans l'abrutissement que lui procurent les medias), mais aussi ceux qui avaient il y a peu conscience du risque et qui souvent aujourd'hui ne le voient plus, ou s'y sont habitués, ont renoncé à l'analyse. Défaite absolue.

On se demande d'ailleurs, devant l'ampleur du désastre, s'il faut continuer à essayer de faire voir aux autres ne serait-ce qu'une part de vérité. Peut-être vaut-il mieux désormais une suicidaire mais confortable ignorance. Question délicate qui me fait penser au merveilleux Congrès de futurologie, roman horrible et hilarant de Stanislas Lem : il y est question d'une réalité extrêmement dégradée et insupportable, qu'un produit permet de voir sous un jour beaucoup plus plaisant. C'est d'ailleurs un thème qu'on retrouve chez Philip K. Dick, entre autres, et plus récemment encore dans Matrix, où un personnage renonce au combat et à la réalité pour retrouver un monde certes illusoire mais où l'on a au moins l'impression de manger de vrais steacks.


11 décembre : MEME SANS RENAUD CAMUS, LE STUPEFIANT FINKIELKRAUT ASSURE

L'émission du 10/12 porte sur "le journalisme et la vie privée". Répugnante réunion de notables choqués que l'on ose ainsi fouiller dans la vie privée des grands, que l'on demande aux hommes politiques d'être "des saints",... Pendant une heure, tout va tourner autour de cela, comme si ce qui était reproché à DSK relevait seulement de l'adultère, ou de pratiques sexuelles déviantes mais consenties. Hormis quelques tentatives de Christophe Barbier pour sortir un peu de cette mauvaise foi, à aucun moment ses compères, Alain Finkielkraut (La Défaite de la pensée, 1987) et Alain Duhamel, ne songeront à (se) rappeler qu'il est question en réalité, dans la plupart des affaires concernant DSK, de pratiques contraintes. Finkielkraut s'offusque de voir les Français réclamer et obtenir pour eux la liberté des moeurs, tout en l'interdisant à leurs dirigeants : j'ignorais que tout citoyen français avait désormais le droit (sauf s'il est un homme politique, si j'ai bien suivi le raisonnement ...) de violer impunément des soubrettes.

Duhamel nous fait aussi le coup du "ressentiment" : les Français brûlent aujourd'hui celui qu'ils ont failli porter au pouvoir hier car "les citoyens, et peut-être les Français un peu plus que d'autres, sont à la fois fascinés par le pouvoir et le détestent ; le pouvoir leur insupporte et ils sont heureux de pouvoir démontrer en chaque occasion qu'un homme public est par nature moralement condamnable, qu'on ne doit pas l'admirer." Finkielkraut le suit évidemment sur ce terrain de "l'ambivalence des peuples démocratiques" : "on élit ceux qu'on espère être les meilleurs et en même temps quelque chose en nous résiste à ce choix en quelque sorte aristocratique" (carrément !). Il ne viendrait pas à l'esprit de ces pauvres crétins que peut-être le peuple ne demande qu'à être réellement gouverné par des gens honnêtes et efficaces, qu'il serait ravi de l'être enfin un jour, et que personne n'a forcé DSK à se comporter comme il le fait.

Et puis, une fois lancé, comme on n'est plus à une ânerie près, Finkielkraut s'indigne de voir les journalistes protester contre l'espionnage de leurs SMS par le procureur Courroye, "alors qu'il ne s'agissait pas d'espionner leur intimité mais seulement (seulement !) d'identifier leur source", tandis que ces mêmes journalistes n'hésitent pas à publier les SMS de DSK. On résume : pour Finkielkraut, il est inconvenant de publier les SMS d'un homme politique (lesquels révèlent en l'occurence son implication dans des soirées particulièrement glauques), mais il est normal qu'un procureur notoirement lié à Sarkozy espionne des journalistes pour coincer l'ordure qui leur a fourni des informations sur les liens scandaleux entre le pouvoir actuel et la famille Bettencourt. On peut agir ainsi au service des puissants (des "aristocrates", pour reprendre ses propos précédents en essayant de ne pas rire) et pour étouffer des vérités qui les dérangent, mais certainement pas pour révéler au peuple (méchant et envieux par nature, comme on sait) des vérités propres à écoeurer tout le monde, sauf apparemment un Finkielkraut ou un Duhamel (et sûrement quelques autres du même acabit).

Cette fois, c'est Duhamel qui prend le relais et qui renchérit sur son comparse : "les journalistes sont une corporation" qui "tient à ses privilèges" et refuse aux autres d'utiliser ses méthodes (!!!) et par ailleurs "il est évident que le membre de cabinet ministériel qui a été raconter aux journalistes tout ce qu'il savait manquait à son devoir : qui a eu l'air de s'en indigner ? est-ce que c'est normal que le collaborateur personnel d'un ministre ait le droit de faire le contraire de ce qui est son devoir ?". Reste à savoir si le devoir d'un haut fonctionnaire est de servir l'intérêt de la Nation ou de couvrir les malversations de son ministre ...

Mais alors qu'on le croit épuisé par tant de mauvaise foi, notre ami Finkielkraut en a encore sous le pied, et le voilà maintenant qui finit dans un feu d'artifice, citant Soljenitsyne et Camus (Albert cette fois) pour justifier ses théories de valet du pouvoir. Je m'en tiendrai à Soljenitsyne et à la réponse impeccable de Christophe Barbier, aussi directeur de L'Express soit-il :

AF : Soljenitsyne parle de la presse et il dit : "La voici qui viole impudemment la vie privée des célébrités au cri de "tout le monde à le droit de tout savoir !" Slogan mensonger pour un siècle de mensonges, car bien au-dessus de ce droit il y en a un autre, perdu aujourd'hui, le droit qu'a l'homme de ne pas savoir, de ne pas encombrer son âme créée par Dieu avec des ragots, des bavardages, des futilités." Que fait la presse aujourd'hui du droit de ne pas savoir ?

CB : Je ne peux adhérer à la secte de ceux qui ne veulent pas savoir ou qui, pire, veulent ne pas savoir. Se réfugier dans l'ignorance, c'est devenir un sous-citoyen et c'est ruiner, fouler aux pieds des siècles de conquêtes démocratiques.

Il ajoute que ceux qui ne veulent pas savoir ont la liberté de ne pas acheter la presse, ce qui ne semble pas suffisant aux deux autres, visiblement moins soucieux en réalité du droit des citoyens à "ne pas savoir" que du droit des élites à agir "sans que ça se sache".

CB : Parce que le "droit de ne pas savoir", c'est aussi, derrière l'excuse de la pipeulisation, c'est aussi ne pas savoir ce qui se passe dans les pays arabes, ne pas savoir que des gens meurent de faim,...

AF : Ce n'est pas ce que dit Soljenitsyne !!!

(et là le piège dans lequel il s'est fourré lui-même se referme magnifiquement)

CB : Eh non ! Bien sûr, mais on peut très bien reprendre son argumentation pour justifier l'ignorance.

Touché coulé.


10 décembre : ELECTIONS DIVERSES

* Il est regrettable que l'agriculteur à qui Sarkozy a dit un jour "Casse-toi, pauv'con" ne soit pas candidat aux présidentielles de 2012. Même lui aurait de bonnes chances de battre un Sarkozy fini, il ne ferait sûrement pas un plus mauvais président que Hollande et cela pourrait donner lieu à une passation de pouvoir divertissante.

* En Russie, de grandes manifestations ont lieu contre Poutine, dont la dernière victoire fut médiocre et vraisemblablement frauduleuse. Ce serait formidable que les Russes foutent cette brute à la porte, pour installer à sa place, je ne sais pas ... disons une bande de popes fanatiques.


7 décembre : "BACHAR AL-ASSAD NIE TOUT RÔLE DANS LA REPRESSION"

En revanche, vu son talent d'humoriste, il pourrait jouer un rôle dans le prochain spectacle de Renaud Camus et de Finkielkraut.


23 novembre : BROUILLAGE INTELLECTUEL

Je crois qu'il y a une étude approfondie à faire, sans doute l'étude la plus indispensable de notre temps, sur la façon dont on a réussi durant ces dernières décennies à faire reculer l'esprit critique, et même le simple bon sens, de façon inimaginable. Je suis pour ma part dépassé, écoeuré, par le phénomène lui-même, et par ailleurs bien incapable de réaliser l'étude en question. Il y faudrait quelqu'un comme Umberto Eco, et d'ailleurs peut-être est-il déjà sur le coup, ce serait assez son genre.

Je ne peux que constater diverses choses.

Constater que l'on entend aujourd'hui des énormités inconcevables il y a vingt ans, et ce dans quasiment tous les domaines. Et pourtant, il y a vingt ans, on pouvait déjà considérer que l'on vivait dans un monde dominé par la manipulation médiatique et l'abrutissement généralisé : c'était déjà une réalité, certes, mais jamais on n'aurait pu penser que cela pouvait aller encore beaucoup plus loin.

En créant ce site il y a près de dix ans, je croyais encore que rappeler quelques règles de logique élémentaire pouvait suffire. En réalité, les nouvelles générations, élevées dans ce triomphe des évidences claironnées, ne voient même plus le problème. Et elles ne sont pas les seules. Les manipulateurs ne me semblent pas spécialement plus doués qu'autrefois, peut-être même nettement moins, et pourtant de plus en plus de gens les suivent. Des aberrations sont aujourd'hui admises comme des vérités incontestables, y compris par des gens dont on attendrait plus d'e'sprit critique (que de gens de gauche sincères autour de moi qui déplorent la réforme des retraites mais "reconnaissent" qu'il était inévitable d'en passer par là ... puisque tout le monde le dit !)

Le constat est effarant, les exemples abondants, et accablants. Passons.

Je disais que les manipulateurs et la manipulation ne me semblent pas spécialement plus subtils qu'autrefois et ce point me semble important. Difficile de considérer un Frédéric Lefebvre ou une Nadine Morano comme des modèles de finesse psychologique. Peut-être faut-il en déduire tout bêtement, et c'est pathétique, que la mauvaise foi la plus outrancière et la répétition inlassable et péremptoire des mêmes conneries ont un impact beaucoup plus puissant que la plus perverse des manipulations mentales. Au fond, la complexité du cerveau humain compte pour bien peu face à l'instinct animal qui nous fait hurler avec la meute.

Et c'est terrible, parce que la meilleure des argumentations n'y pourra bientôt plus rien, n'y peut déjà plus rien dans bien des cas. Plus la masse convertie à tous ces slogans s'accroît, plus il devient impossible de la ramener à la raison, mais également plus il devient difficile à chacun de résister, de trouver encore de la force à ses propres arguments pour résister, parce que l'effet de masse finit par user les idées les plus justes, parce qu'il faudrait un courage immense pour continuer à dire seul la vérité (ou ce qu'on croit en tous cas l'être) face à la désertion générale.

Cela faisait longtemps que Rhinocéros de Ionesco n'avait pas été à ce point d'actualité. Peut-être au fond n'y a-t-il rien de si nouveau dans ce qui se passe, peut-être ne s'agit-il mutatis mutandis que d'une nouvelle manifestation d'abrutissement collectif, comme le XX° siècle en a tant connues et qui ont conduit à toute une série de pimpants totalitarismes. Peut-être est-ce simplement parce que nous n'en sommes pas encore là que le phénomène me semble différent.


20 novembre : SAUGRENUITES DIVERSES

* Elections législatives en Espagne : pour punir la gauche socialiste d'avoir mené une politique de droite, les Espagnols semblent majoritairement décidés à ramener au pouvoir ... la droite. Chez nous, Hollande a davantage de chance : le PS n'est plus au pouvoir en France depuis assez d'années pour qu'on ait oublié que lui aussi gouvernait à droite.

* C'est fou ce que les medias donnent comme place aux diverses déclarations et manifestations de la fille Pen. Ils chercheraient à focaliser toujours plus l'attention sur elle qu'ils ne s'y prendraient pas autrement.

* Les Pisse-Vinaigre en spectacle ! - Les amateurs d'Alain Finkielkraut pourront le retrouver en grande forme en écoutant son émission du 19/11, intitulée Malaise dans la civilisation, titre ironiquement pompeux pour qualifier une conversation de vieux grincheux au sujet de l'impolitesse des nourrissons. Malgré la présence un peu trop rationalisante de Claude Habib (erreur de casting), le fou rire est assuré, Renaud Camus formant avec Finkielkraut un duo comique inoubliable.


19 novembre : SANG NEUF

Reprenant la lecture du DVD des Beaux Gosses, de Riad Sattouf, petite comédie admirablement écrite et interprétée à côté de laquelle on se demande comment des tas de réalisateurs osent encore nous servir le genre de productions ternes et médiocres qui est (plus que jamais ?) le quotidien de la comédie dans le cinéma français (il y avait sans doute plus de navets complets au temps de Darry Cowl ou Pierre Tornade, mais sans doute aussi moins de médiocrité fade) ...

Bref, relançant le DVD, je tombe par le plus complet hasard sur une émission musicale d'une importance planétaire. Il y est question d’un certain Lulu Gainsbourg qui se lance dans la chanson (la 1° question de l’intervieweuse est d’une grande pertinence, dans le genre “comment diable en êtes-vous venu à vouloir faire ce métier ?'”, et l’autre : “oh moi je voulais pas faire ça au départ, mais ça s’est fait un peu comme ça ... les hasards de la vie ...”) et qui faiit là, si j’ai bien compris, sa première télé (c'est dire si je suis tombé sur un scoop, la première manifestation d’un nouveau génie).

Ce Lulu Gainsbourg a tout pour devenir un grand artiste : il s’est fait un look original en associant la barbiche de Johnny Depp et le chapeau de la femme agaçante des Paniers de Yoplait, il n’a aucune voix (ce qui est très tendance depuis les Bruni et consorts) et il reprend, en modifiant un peu l’orchestration, des chansons de Serge Gainsbourg (tiens, c’est marrant, c’est le même nom).

Bref, qui a prétendu que la chanson française était moribonde ?


15 novembre : SOLUTIONS A LA CON ou/et LES NOUVEAUX MALHEURS DE FINKIELKRAUT

Grande période de solutions débiles. En France, Sarkozy annonce qu'il va s'attaquer à la "fraude sociale", et il se trouvera certainement bon nombre de gens pour confondre cela avec la fraude fiscale. Non seulement cela rapportera beaucoup moins (en considérant les moyens à mettre en oeuvre pour traquer ces petits fraudeurs, on peut même supposer que cela ne rapportera quasiment rien) qu'une lutte contre la fraude fiscale, ou encore contre la plus lourde partie (environ 80%) de la fraude sociale, celle que pratique une partie du patronat et contre laquelle il n'est évidemment pas question de lutter.

Quant aux Syriens, un type vient de se proposer pour remplacer Bachar al-Assad. Il s'agit de Rifaat al-Assad, oncle du précédent, brouillé avec lui mais dont le passé politique est largement aussi répugnant. Il faut que quelqu'un explique au monsieur que les Syriens ont (devraient avoir, plus exactement), comme n'importe quel peuple, le droit de ne pas être dirigés par un connard qui s'appellerait forcément al-Assad.

Rien à voir, mais Finkielkraut (La Défaite de la pensée, 1987) a invités l'autre jour, pour parler de la disparition du livre sous sa forme papier, François Bon, qui joue les ravis du progrès et qui se permet de faire ses commentaires pendant que Finkielkraut parle ("incivilité" que l'autre se retient de lui faire observer, mais il doit bouillir intérieurement, et pour une fois on le comprend), et Frédéric Beigbeder, incarnant, avec le producteur-animateur, la lamentation passéiste, mais dont on sent trop à quel point il ne s'agit guère pour lui que d'une pose ; il dit lui-même : "ce qui est intéressant (sic) avec moi, c'est que je suis connu comme un mec branché et tout à coup je deviens réac !" On en viendrait presque à plaindre Finkielkraut, qui doit au bout du compte se sentir bien seul. Je dis bien "presque".


6 novembre : PERFECT KISS

Chevènement a confirmé qu'il serait candidat aux présidentielles. C'est infiniment plus enthousiasmant qu'un Hollande ou une Aubry, mais enfin, entre lui, le candidat PS, Mélenchon et les pseudo-écolos, les voix de gauche risquent quelque peu de s'éparpiller (et de favoriser ainsi le FN). On se demande si, après les primaires socialistes, une primaire plus générale à gauche ne serait pas opportune. Les électeurs étant ce qu'ils sont, Hollande l'emporterait certainement ici encore, mais au moins on limiterait les risques et on pourrait même, dans le meilleur des cas, voir se construire un certain nombre d'accords, une plate-forme commune, une nouvelle Union de la Gauche. Mais arrêtons un peu de rêver ...

A l'annonce de la candidature de Chevènement, Brice Hortefeux a salué en lui "un homme de gauche sincère et expérimenté".

A perfect kiss is a kiss of death ...


5 novembre : LE TEMPS NE FAIT TOUJOURS RIEN A L'AFFAIRE

Réécoutant une émission de 2005 où Finkielkraut avait invité Baudrillard, j'entends le premier dire à propos du référendum sur le TCE qu'il comptait initialement voter contre (et d'expliquer que ce n'est pas l'Europe qu'il souhaite et que cette campagne d'intimidation où on dit aux gens qu'il faut absolument OUI lui répugne), mais qu'il a changé d'avis en constatant que certains manifestants, dans les rues, mêlaient le refus du TCE et celui de la journée raffarine dite "de solidarité" du lundi de Pentecöte.

Il est tout de même sidérant de voir un intellectuel (un "professeur burlesque" comme l'appelle certes Patrick Rambaud) être aveugle devant la réalité sociale et économique au point de croire que la journée "de solidarité" relève sérieusement de la solidarité. Mais il est plus inquiétant encore de le voir, pour un si minuscule détail qui le gratouille, oublier aussi sec ses belles considérations philosophiques sur l'Europe et le libre examen pour se coucher bien sagement aux pieds du pouvoir. Le pire est qu'il est sans doute sincère en exposant ainsi sa "conversion" : Finkielkraut est un homme assez intelligent pour voir ce qui choque dans les positions qu'il a désormais choisi de défendre, mais assez malhonnête intellectuellement pour saisir le premier prétexte venu qui lui permettra de les justifier malgré tout, que cette incroyable mauvaise foi soit consciente ou non.

***

Le temps ne fait rien à l'affaire non plus pour les demeurés qui prétendent venger l'honneur de Dieu en détruisant le site internet ou les locaux de Charlie-Hebdo. Leur dieu est bien pitoyable s'il est incapable d'exercer lui-même sa vengeance et s'il ne peut y parvenir sans l'assistance de quelques pauvres diables frustrés.

Ces gens nous parlent aujourd'hui sans rire de tolérance et de liberté. Comprenez : si vous vous permettez la moindre critique sur ce que MOI j'estime être vrai, vous ne respectez pas MA liberté et donc vous méritez une bonne correction.

***

Dans une autre émission, de 2006, Finkielkraut confronte Régis Debray à une de ses formules, "ces anciens maoïstes ou communistes à vingt ans, qui auraient rougi de s'avouer comme juifs, bretons ou homosexuels, et qui à soixante ne sont plus que bretonnants, judaïsants ou Gay Pride", qui'il "commente" : "Peut-être le sont-ils, mais on a du mal à mettre toutes ces choses-là sur le même plan."

L'idée est pourtant parfaitement claire et ce retour aux particularismes, quels qu'ils soient, est un phénomène suffisamment répandu aujourd'hui pour être noté. On voit donc mal pourquoi Finkielkraut ne veut pas mettre dans le même panier, par exemple, disons ... un ex-gauchiste devenu "judaïsant" d'une part et, d'autre part, des homosexuels. Sans doute quelque scrupule philosophique lui fait-il considérer qu'on ne saurait confondre le fait d'être breton ou homosexuel (qui sont des réalités auxquelles l'individu ne peut pas changer grand chose) avec quelque caprice identitaire fondé sur quelque chose d'aussi fumeux que des billevesées religieuses (que tout homme, quelle que soit son origine, a le loisir de récuser en faisant appel à sa Raison). Si c'est le cas, c'est tout à son honneur ... (ricanements).


31 octobre : PAROLES TSIGANES

Une anecdote racontée par Alexandre Romanes-Bouglione :

En Espagne, les tigres de mon cousin Roland s’étaient échappés. On les retrouve tous sauf un. Après quinze jours de recherches, on le retrouve dans une ferme à l’écart, tenue par une vieille femme. Quand on lui a demandé si elle n’avait pas eu peur du tigre, elle n’a rien compris. Elle trouvait qu’il mangeait beaucoup de poules, et qu’il était bien gros, mais elle voulait le garder. Jamais, disait-elle, elle n’avait vu un chat aussi beau.

Et ce trait de sagesse politique : "Quand un homme désire très fort le pouvoir, il ne faut surtout pas lui donner."


30 octobre : FINKIELKRAUT ET L'ODIEUSE EGALITE

Quelques chiffres indiqués par Pierre Rosanvallon :

* En 1981, sous Giscard et Barre, le taux marginal supérieur d'imposition du revenu est de 65%. Aujourd'hui, il est de 41% et personne, même dans l'opposition socialiste, ne semble envisager de le ramener beaucoup plus haut (on se prend à regretter Raymond Barre !).

* Dans les années 70, l'écart de revenus entre ouvriers et PDG dans les entreprises du CAC 40 était de 1 à 40. Il est aujourd'hui de 1 à 400.

Loin d'être impressionné par ces chiffres, l'ami Finkielkraut explique que le vrai problème, c'est "l'accroissement continu des dépenses sociales", qui creuse les déficites et la dette. Pas les milliardaires défiscalisés, non : les pauvres honteusement assistés, voilà l'ennemi !


28 octobre : ELEVAGE HUMAIN

Quelqu'un à qui je parlais des douteux propos télévisés d'Alain Minc (prenant en exemple son propre père qui venait de subir une opération extrêmement coûteuse et trouvant choquant que la collectivité dépense autant d'argent pour des gens à qui il reste peu à vivre) me signale que le système de santé anglais rembourse certaines choses ou non selon l'âge du patient : on remboursera par exemple une prothèse à quelqu'un qui peut encore travailler, mais celui qui a plus de 75 ans devra se l'offrir sur ses propres deniers (s'il en a ...). Mon interlocutrice y trouve une ressemblance étonnante avec les animaux d'élevage : on ne soigne que la bête qui peut encore être utile.

Voilà qui rejoint et complète ce que je notais ici le 14 août, en particulier le passage de Patrick Rambaud sur la Chine. Le refus de l'euthanasie dont je parlais alors n'est évidemment pas en contradiction avec cette logique : laisser crever ceux qui ne sont plus utiles, oui, mais surtout pas les laisser mourir en douceur et dans la dignité, sans quoi cela pourrait donner des idées aux esclaves-travailleurs-consommateurs-endettés dont le système a grand besoin pour continuer à engraisser les amis d'Alain Minc.

Tout cela m'amène à trouver après coup de plus en plus de cohérence dans ce que j'ai qualifié d'extinction et qui peut sembler un ensemble fort hétéroclite (droit à l'euthanasie, décroissance, baisse de la natalité, promotion de la méditation zen,...). Ce fourre-tout extincteur me semble relever d'une opposition politique aujourd'hui beaucoup plus significative que l'opposition droite-gauche, l'opposition entre une logique de la qualité de l'existence et une logique productiviste aveugle : toujours plus de gens, de choses, de consommation, de pollution, de misère, de catastrophes en tous genres, pourvu que l'élite y trouve toujours plus de bénéfices.

NB : Minc disait cela pour suggérer que les gens qui ont assez de moyens ne soient pas remboursés, proposition en apparence plutôt "sociale", mais il serait certainement naïf d'y voir autre chose qu'une manière détournée d'introduire dans les esprits et dans le débat des idées et des projets beaucoup plus nauséabonds.


24 octobre : HIVER ARABE

Certes, je m'étais dit dès le départ qu'il ne fallait pas se faire TROP d'illusions, mais le lynchage de Khadafi et le rétablissement de la charia en Lybie n'augurent vraiment rien de bon.

Même en Tunisie, les islamistes "modérés" semblent en passe de l'emporter et il est triste de constater qu'une partie de la population s'est battue pour donner la liberté politique à des masses qui en font le pire usage qui soit.

Cela ne donne pas raison pour autant aux tenants du "choc des civilisations" : l'Italie berlusconne, le Royaume-Uni chassant les pseudo-travaillistes pour ramener au pouvoir les descendants, légitimes cette fois, de Thatcher, et bien sûr la France qui a élu Sarkozy à 53% et qui demain, quand elle ne votera pour le Sarko-Light du PS, croira combattre le système en votant FN ... Bref, personne n'a de quoi pavoiser et tout cela, loin d'illustrer je ne sais quelles différences entre des blocs culturels, illustre au contraire l'universalité de la connerie humaine.

Un système éducatif insuffisant (voire saboté par l'Etat dans notre cas) + un niveau de vie fragile ou fragilisé = une population qui vote n'importe comment. Aucune découverte là-dedans. Tout cela était prévisible et il était bien naïf d'attendre autre chose.

Dans certains cas, ce qui attend ces pays vaudra peut-être tout de même un peu mieux que ce dont ils sortent, mais il était au fond naïf de croire que de formidables laboratoires venaient de naïtre, qui allaient construire (et diffuser par l'exemple au monde entier) de véritables modèles démocratiques capables d'en remontrer à nos démocraties imparfaites. Ces expériences étaient vouées à être récupérées, détournées et stoppées, soit par les requins du libéralisme, soit par les islamistes, peut-être parfois par les deux associés.


19 octobre : BEZIERS

Les collègues de l'enseignante qui s'est immolée par le feu à Béziers ont diffusé un message dans lequel on peut lire notamment ceci :

"Lise a dit en s'enflammant : "je le fais pour vous". Luc Chatel a menti , elle n'était pas suivie médicalement, ni fragile, mais consciencieuse, compétente, aimant son travail et courageuse."

L'affaire a inspiré un très beau texte à une collègue de Nancy.

***

Le chirurgien Forbes Wilson attribuait en 1840 la montée des suicides à la diffusion des idées socialistes, à l'humidité atmosphérique, ainsi qu'à "un certain vice secret qui, nous le craignons, est pratiqué sur une très vaste échelle dans nos grandes écoles d'enseignement secondaire."

Sur une très vaste échelle, en plus, c'est on ne peut plus dangereux.


18 octobre : MONTEBOURG 2 LE RETOUR

Les 17% de Montebourg aux primaires socialistes font plaisir : cela prouve qu'il y a tout de même des électeurs qui trouvent que Hollande ou Aubry, c'est un virage à gauche très insuffisant. Ma première tendance, optimiste, serait d'y voir le début d'une prise de conscience plus massive, mais je crains qu'il n'en soit rien et que ces 17% ne représentent une portion plus ou moins stable de la population, une portion qu'on retrouvera sans doute d'ailleurs en grande partie l'an prochain votant pour Mélenchon, mais je doute que le chiffre de cette "gauche de la gauche" monte jamais beaucoup plus haut. Le FN a malheureusement un bien plus grand potentiel d'évolution : c'est malheureusement comme ça, ça le restera tant qu'on abrutira les masses au lieu de les éclairer, et par ailleurs la montée du FN arrange l'UMP comme le PS et on ne risque donc pas de voir ces braves gens y faire sérieusement obstacle.

Par ailleurs, je ne sais pas ce qu'aurait réellement fait Montebourg s'il avait été choisi, puis élu président en 2012. Je suis certain qu'il aurait appliqué son programme Education aberrant (comme celui de la quasi-totalité des candidats de droite comme de gauche : il est évident que l'éducation sera plus sacrifiée que jamais, quel que soit le résultat des présidentielles). Je ne sais pas dans quelle mesure il aurait appliqué les aspects intéressants de son programme, en particulier le contrôle accru du politique sur l'économique : en se ralliant à Hollande, il perd en crédibilité (Pierre Laurent, du PCF, l'a qualifié après cela de "lion qui miaule"), mais enfin on peut supposer que cela aurait tout de même mieux valu qu'une présidence Hollande (dans le moins pire des cas de figure qui nous attendent désormais).

Et surtout, même si Montebourg n'est sans doute pas aussi radical qu'il prétend l'être, ce qui me le rend tout de même un peu sympathique, c'est la trouille qu'il a foutu aux tenants de l'Ordre établi avec ses 17%. Un article de Libération sur le web, évoquant l'apparemment calamiteuse nouvelle émission politicomique de TF1 avec Canteloup et Aliagas, signale que le running gag en est la présentation de Montebourg, systématiquement affublé d'une particule, en nobliau. Il suffit de faire un tour sur les forums où il est question de lui pour constater que bon nombre d'intervenants de droite lui attribuent eux aussi cette particule. Sans doute son nom s'y prête-t-il et l'erreur est humaine, mais l'erreur systématisée à ce point ressemble un peu à une campagne de dénigrement.


12 octobre : ULTRA-RICHES

J'ai déjà cité, en particulier en évoquant l'évasion fiscale ou Fred Vargas, ces calculs selon lesquels "la fortune délirante d'une minorité de quelques % suffirait à ..." Ces chiffres ne semblent cependant pas très diffusés (mais que fait Jean-Pierre Pernaut ?) ou alors tout le monde s'en fout, ou plus exactement n'y comprend rien tant ces fortunes atteignent des dimensions qui, telles l'infini cosmique, dépassent l'imagination. Le plus gênant est que, non content de daigner prendre en considération ces chiffres scandaleux, la plupart des gens préfèrent trouver à leurs maux financiers ("trou de la Sécu" et autres déficits servant à justifier toujours plus de sacrifices) d'autres explications plus faciles à concevoir, avec des responsables plus faciles à visualiser (d'autant plus qu'ils sont généralement colorés) : on se demande d'où viennent ces pseudo-explications (mais que fait Jean-Pierre Pernaut ?). Il semble par exemple plus facile d'attribuer le trou de la Sécu aux hypocondriaques qui abusent de médicaments (je préfère pour ma part vivre dans un pays où les hypocondriaques peuvent se rassurer que dans un pays où les vrais malades hésitent de plus en plus à se soigner) plutôt que de considérer les véritables causes de ce déficit (défaut de cotisation d'un certain nombre de grandes entreprises, argent "emprunté par l'Etat à d'autres fins mais jamais rendu,...). Plus facile d'accuser les immigrés d'abuser des allocations que d'accuser la mère Bettencourt de planquer son fric dans un paradis fiscal. D'autant qu'on s'imagine qu'un Etat fort (fort fascisant) pourrait très bien mettre au pas les hypocondriaques et expulser les immigrés (ce qui ne changerait rien aux problèmes mais soulagerait provisoirement les aigreurs poujadistes), alors qu'on sait très bien qu'aucun homme politique n'aura jamais le courage de dire aux Bettencourt de tous poils "tu rapatries tout ça et tu paies tes impôts comme tout le monde, sans quoi je saisis tout ce que je peux saisir sur le territoire français".

Tout cela pour introduire quelques chiffres complémentaires fournis par Thierry Pech (qui est ou fut lié à la CFDT et ne peut donc pas être accusé d'être un virulent gauchiste), auteur du Temps des riches : anatomie d'une sécession et invité samedi dernier de La Suite dans les idées. Sans compter le patrimoine, en ne prenant en compte que les revenus : 1% des Français gagnent mensuellement plus de 10.000 euros (cela concerne 580.000 personnes). Mais 5800 personnes (0,01 %) gagnent plus de 89.000 euros par mois, soit un million par an.

Autre constat frappant (pas surprenant, au fond) de cet auteur : il y a quelques décennies, la plupart des gens qui travaillaient gagnaient plus que leurs parents, tandis qu'aujourd'hui ils gagnent souvent moins (pour ne parler que de ceux qui ont un travail). Il insiste en outre sur le fait que la plupart des gens ont un rapport très ambigu à la richesse (ressentiment et fascination à la fois) et qu'ils ont finalement eux-mêmes contribué à cette évolution, en adhérant à l'apologie de la réussite à tout prix (au détriment de la solidarité) et en votant pour des gens dont les projets fiscaux allaient ouvertement dans le sens de l'enrichissement des plus riches, et ce avant même le point culminant (du moins souhaitons-le) du sarkozysme. Je lui laisse la parole pour conclure :

"Les individus qui composent notre société sont des plantes de serre extrêmement fragiles qui se prennent pour des animaux de la jungle. Ils pensent ne rien devoir à personne. On leur a donné l'illusion, parce que la main de l'Etat-providence est encore plus invisible que celle du Marché, qu'ils ne devaient leur destin qu'à eux-mêmes. Ceux qui sont en bas de l'échelle savent que cette histoire est en partie fausse (même pas sûr ...). Mais ceux qui sont au milieu de la distribution et tout en haut, en revanche, ils se racontent l'histoire des animaux de la jungle. Et retrouver le sens de la dette sociale, le sentiment de la dette sociale, mettre un prix sur les prestations qui viennent de la redistribution, est sans doute une urgence."


6 octobre : SOZIS

L'idéologue sarkozyste Dominique Reynié a inventé jadis un concept pour désigner la partie de la gauche qui avait osé dire NON à l'Europe (à son idée de l'Europe) : le social-nationalisme. La référence est claire, sans doute efficace sur les esprits faibles et d'une honnêteté intellectuelle digne de Dominique Reynié.


29 septembre : FREINS

Il y a des situations qui nuisent au progrès de la réflexion collective, voire qui la font régresser. Je pense depuis longtemps que l'existence politique du Front National et de son idéologie d'un autre temps avait pour effet de focaliser bien des esprits sur ce (réel) danger, sans lequel ils se demanderaient, non pas comment préserver la démocratie telle qu'elle existe en France, mais bien comment l'améliorer. Depuis les années 80, le FN a "permis" la stagnation sociale ; mieux, il a permis aux partis de pouvoir d'opérer une régression sociale, laquelle à son tour donne plus de force au Front National.

Des phénomènes équivalents peuvent exister dans le domaine de la réflexion simplement psychologique ou morale. J'écoutais il y a peu une émission sur Dostoievski où l'on insistait sur la notion de culpabilité "sans crime", une culpabilité inscrite en l'homme avant même tout action criminelle, le péché originel en d'autres termes. Ce discours me répugna très vite, tout comme me répugne l'habituel discours de Finkielkraut sur les "dominés" qui ne sont pas des saints : ce n'est pas que ce discours soit entièrement stupide, c'est qu'il me semble inaudible à l'heure actuelle, à l'heure des Sarkozy, Poutine et autres Berlusconi. Se pencher sur les états d'âmes de Raskolnikov (lorsqu'il ne s'agit pas tout bonnement de les instrumentaliser) et nous rappeler que la conscience du criminel est un châtiment pire que la justice des hommes, c'est une vérité psychologique qui semble étrangement déplacée dans un monde gouverné par le cynisme le plus absolu. Nous n'en sommes plus là. Nous sommes quasiment retombés au stade animal, et toute réflexion un peu subtile ne pourra guère reprendre que lorsque l'humanité aura (si elle en trouve encore la force et l'occasion) surmonté cette régression pour revenir au moins à son état moral antérieur (lequel ne consistait évidemment pas en une véritable perfection morale, mais en un relatif respect des valeurs humaines, qu'on ne se permettait de bafouer qu'en secret).

J'ai sans doute tort. Peut-être qu'aucune circonstance extérieure, politique ou autre, ne devrait jamais brider la réflexion. La grandeur de tous les vrais penseurs fut certainement de penser malgré leurs temps, de ne pas se laisser arrêter par ce qui les entourait. Aujourd'hui encore, il me semble qu'un Umberto Eco parvient merveilleusement à tenir le cap, lui qui combat le berlusconisme sans pour autant lâcher quoi que ce soit en termes de subtilité, tant dans ce combat que dans ses autres réflexions. Le vrai problème, ce sont plutôt les pseudo-intellectuels qui utilisent la subtilité (celle des autres, en général) pour détourner l'attention de problèmes plus graves. C'est (cas typique mais pas unique) Finkielkraut minimisant l'affaire Woerth-Bettencourt, parlant de lynchage médiatique dès qu'un puissant est pris la main dans le sac, mais montant sur ses grands chevaux dès qu'il s'agit des "incivilités" des "jeunes de banlieue".


28 septembre : PERSPECTIVES VARIEES SUR L'AVENIR A COURT TERME

Plaisantes perspectives : Hortefeux de plus en plus grillé dans l'affaire Karachi (et Sarkozy ne s'en tirant qu'à coups de dénégations qui ne trompent que ceux qui veulent être trompés), la comptable des Bettencourt qui confirme ses accusations après un an de silence et le procureur Courroye (pompier du régime dans l'affaire Bettencourt) convoqué pour une mise en examen. La Justice française a beau ne pas être parfaite, elle fonctionne tout de même encore assez bien, dirait-on.

Perspective moins plaisante : François Hollande, candidat officiel de l'UMP aux primaires PS semble bien placé pour les remporter.

Consolation : ses concurrents sont de toute manière à peine plus enthousiasmants.


22 septembre : EQUIVOQUE

"L’affaire Karachi s’étend au plus haut sommet de l’Etat. L’Élysée dément tout lien avec Nicolas Sarkozy" (Ouest-France)

Je suppose qu'il faut comprendre que l'Elysée dément tout lien entre cette affaire et Nicolas Sarkozy, et non que l'Elysée dément tout lien entre lui (l'Elysée) et Nicolas Sarkozy. Ce serait pourtant beaucoup plus drôle (et plus crédible, en un sens).

***

Mais il est inutile de nous étendre sur cette affaire, qui ne concerne en rien le chef de l'Etat, puisqu'on nous l'affirme. M. Sarkozy n'est qu'un pauvre garçon naïf et bienveillant, uniquement soucieux du bien commun, et qui n'a que le tort d'être entouré de sinistres margoulins qu'il croyait honnêtes. A chaque révélation sur la véritable nature de ses proches, son coeur doit saigner et des larmes de déception doivent embuer ses yeux. Snif.


11 septembre : ERREUR DE JUGEMENT ?

Denis Seznec a assisté aux journées d'été du FN. Il précise qu'il ne cautionne pas les idées de ces braves gens et qu'il est venu écouter le discours de Gilbert CoLLard, à l'invitation de celui-ci. On pourrait cependant estimer que, lorsqu'on combat depuis tant d'années l'erreur judiciaire, on évite de frayer, même avec des pincettes, avec des fascistes en puissance. Que Seznec soit écoeuré par les imperfections de la justice, même en démocratie, ne devrait pas lui faire oublier que l'erreur judiciaire prospère d'autant plus que la démocratie le cède à l'arbitraire.

Quelle déception (et le mot est faible) pour tous ceux qui ont soutenu le combat des Seznec ...


14 août : CAPITALISME ET DEMOGRAPHIE

Apologie de la natalité dans un monde surpeuplé, refus de l'euthanasie,... on explique souvent que c'est le fait d'une forte survivance de la mentalité judéo-chrétienne, mais on peut se demander si ce qui reste de surexcités de la morale judéo-chrétienne ne sert pas simplement de porte-voix et de paravent à d'autres intérêts.

Parlant de Wilhelm Reich, Michel Onfray rappelait il y a peu que le capitalisme a tout intérêt à la surpopulation, qui signifie pour lui à la fois davantage de consommateurs et une main-d'oeuvre surabondante qui lui permet de fixer ses conditions. Dans une société qui ne serait pas surpeuplée et où il serait loisible à chacun de quitter l'existence en douceur lorsqu'elle lui devient insupportable, on peut supposer que fort peu de personnes accepteraient les conditions de travail qui sont actuellement celles de la plupart des salariés.

***

Complément automnal. Dans le premier chapitre de sa Quatrième Chronique du règne de Nicolas I°, Patrick Rambaud apporte à cette thèse un éclairage intéressant. Partant des suicides à France-Télécom, il écrit : "Le directeur de ces malheureux appelait leur détresse une mode. En Chine, grand pays de plus de un milliard d'esclaves, on déployait des filets sur les façades pour que les travailleurs ne se jetassent point par les fenêtres, et dès l'embauche ils devaient signer un papier où était écrit : Même si mes conditions de travail sont abominables, je jure de ne pas me tuer (...) Quel exemple pour les mal-embouchés qui chez nous rechignaient au travail forcé ! A Pékin, à Shangaï, les ouvriers ne bronchaient guère quand ils trimaient à la chaîne douze heures par jour, avec un salaire minuscule à la clef, mais ils avaient la bonne fortune d'être hébergés à même les entreprises, non distraits par leurs familles, et ils se posaient seuls chaque nuit dans des dortoirs en forme de pierre tombale."


24 juillet : UN SEUL ÊTRE VOUS MANQUE

Le One Boy's Band pseudo-philosophique Enthoven vient (enfin) de faire sa dernière émission sur France Culture, au grand désespoir de tout son fan-club. C'est à croire que le pauvre Raphaël est victime d'une sanction (pour avoir osé dire que le chanteur Renaud représentait - à égalité avec les "sarkophobes" - le pire snobisme qui soit ? pour n'avoir pas craint de déclarer que le libéralisme est au fond "inoffensif" ? pour avoir dénoncé avec courage les activités antisociales de Mediapart et de Stéphane Hessel ?). La réalité semble bien plus heureuse pour lui (et par la même occasion pour nous qui n'entendront plus ses vocalises, ni ses paradoxes à deux balles) : il devrait simplement poursuivre sa brillante ascension médiatique, au Grand Journal de Canal+ si j'ai bien compris. Superbe tribune philosophique au demeurant.

Ces derniers jours, France Culture a également diffusé un reportage sur la mort de Jean Ferrat, et plus exactement sur la vive émotion qu'elle a suscité chez énormément de gens, alors que l'on pouvait croire ce chanteur bien oublié. Très beau reportage, très beaux témoignages de gens qui l'ont connu ou non. Conscience morale, générosité, courage, etc. Ce ne sont pas les immenses qualités de Ferrat qui surprennent, c'est de voir qu'il reste encore autant de gens pour qui elles ont un sens, quoi qu'en laisse croire la France telle que représentée par TF1. Sans rentrer dans des considérations artistiques (il est évident qu'un Brel ou un Brassens ont été plus importants que Ferrat sur ce plan), il faut admettre que la grandeur éthique de Ferrat, et la façon dont il a mis la chanson au service de la transmission de son éthique et de ses idéaux, force le respect. Tant qu'il y aura des gens pour penser et pour ressentir humainement les choses, il y aura des gens pour regretter Jean Ferrat. Combien de chanteurs contemporains laisseront-ils le même souvenir ? Que restera-t-il dans quarante ans de Raphaêl Enthoven ou de Lady Gaga, de leur éthique et de leurs idéaux ?

PS : Je suis toutefois obligé d'admettre que des phénomènes de la même ampleur (de nature certes différente, mais de même ampleur) ont accompagné (et accompagnent toujours) la mort de chanteurs comme Claude François. Un relativiste de l'extrême dirait que ce ne sont que deux variantes du même phénomène : d'un côté on pleure la perte d'une conscience morale, de l'autre celle d'un gesticulateur pailleté, mais qui sommes-nous pour affirmer qu'il est plus important de défendre un idéal que de gesticuler en costume à paillettes ? D'autant que l'évolution ("la France telle que représentée par TF1" et l'Elysée) nous montre que le second way of life a largement triomphé. Finalement, j'aurais dû en rester à ce reportage consolant sur Ferrat et éviter d'approfondir le sujet ...


9 juillet : CLOUER DES BECS

Finkielkraut fait une émission sur l'affaire DSK, occasion bien entendu de sortir son habituel couplet contre la "critique de la domination". Il reproche notamment à certaines féministes de vouloir faire d'une affaire particulière l'emblème ou le révélateur du sexisme en général. L'invitée la plus modérée, Irène Théry, intervient :

I.T. : Les faits divers sont les révélateurs de questions générales et il n'est pas choquant qu'à leur occasion on discute de questions générales ...

F. : Si.

I.T. : Non, ce n'est pas choquant, et je peux vous dire que vous avez vous-même écrit un article, Alain Finkielkraut, pour prendre position dans ce débat, et j'ai trouvé qu'il n'était pas absurde qu'une des personnes qui ont commenté votre article dise : "Mais quand il y a eu l'affaire Anelka, sur le football, c'était une affaire entre des individus mais vous avez trouvé logique d'en tirer une réflexion générale."

F. (penaud) : Oui, bien sûr, tout à fait d'accord.

I.T. : Et bien vous ne pouvez pas avoir deux poids, deux mesures.


3 juillet : LE CHARME DISCRET DU POUJADISME

"Nous sommes gouvernés par une bande d'apatrides et de pédérastes. Ce n'est pas en notre honneur. Vous en riez tous, mais il vaudrait mieux, bien mieux, pour nous gouverner, un bon commerçant, un bon métallo, un bon charcutier. Il ne serait pas polytechnicien, mais sain de corps et d'esprit." (Poujade, 1956)


19 juin : BLACK BAGAD

L'idée m'étant venue d'un bagad rock composé de sonneurs en costume et lunettes noirs, qui s'appellerait de ce fait Black Bagad (idée dont je ne ferai absolument rien et qui est à qui en voudra), j'ai eu la curiosité de rechercher sur le net si un tel nom n'était pas déjà pris, ce qui m'a donné l'occasion de tomber sur une "conversation" quelque peu sidérante, sur je ne sais quel forum de métalleux.

On appréciera en particulier (si on a encore la force d'en rire) le passage sur l'Inquisition qui n'est "qu'une dérive à deux balles" du christianisme, ainsi que cette intervention rafraichissante : "une connaissance nazi aime ton projet".


8 juin : RESISTANCE

Il est indéniable (même si ce n'est pas une excuse pour le dire et le redire ad nauseam) que l'idéologie néolibérale-néoconservatrice (la différence n'est que superficielle et les deux tendances s'accordent fort bien) lancée dans les années 80 à l'assaut des medias et des consciences, et confortée par la chute du Bloc de l'Est, est aujourd'hui triomphante. On peut désormais entendre quasiment partout, et pas seulement dans les rades les plus mal famés ou les manifestations du FN, des propos qui semblaient en voie d'extinction il y a trente ans. L'ethnicisation des débats est un phénomène ahurissant mais réel, et ce n'est qu'un aspect parmi d'autres de cette défaite de la pensée, pour reprendre les mots de Finkielkraut alors qu'il est désormais partie prenante de cette défaite.

Finkielkraut est quelqu'un qui, par exemple, part du fait que la "critique de la domination" a (elle aussi) parfois servi à dire d'énormes conneries et en conclut apparemment que toute forme de critique de la domination est fondamentalement condamnable. C'est très pratique et ça fait plaisir aix gens polis. Cela permet de vitupérer le "ressentiment" des prolos et les "incivilités" des "jeunes des banlieues", tout en évitant de se poser jamais les questions de la corruption politique, de l'évasion fiscale, des diverses catastrophes humaines ou sanitaires provoquées par la course au profit, toutes choses dont la simple évocation relèverait d'une grossière et indélicate "critique de la domination".

Samedi dernier, on a pu entendre dans son émission un des invités qualifier Stéphane Hessel de personnage "pitoyable". Hessel est devenu, avec son succès de librairie et d'indignation, la principale bête noire de Finkielkraut et de pas mal d'autres : on le prend "au mot" pour le discréditer, "l'indignation, c'est mal, ce n'est qu'une pulsion, ça empêche de réfléchir correctement !" (comme si le sarkozysme et autres abjections dénoncées par Hessel incarnaient la pensée !). Le refrain anti-Hessel revient donc régulièrement depuis quelques mois. Mais là on atteint des sommets : un monsieur Patrice Gueniffey juge Stéphane Hessel "pitoyable". Personnellement, je conçois qu'on ne soit pas d'accord (et je ne suis pas d'accord sur tout) avec Stéphane Hessel et qu'on lui oppose des arguments, non des insultes. J'ai la chance, tout comme ce M. Gueniffey né en 1955, de n'avoir pas été confronté à la réalité du choix entre Résistance et Collaboration : je peux donc me bercer de l'agréable certitude que j'aurais choisi la bonne cause, ça ne mange pas de pain. Stéphane Hessel, lui, a effectivement combattu dans la Résistance, ce qui devrait lui donner le droit d'être contredit honnêtement et non insulté par le premier venu.

***

Quoi qu'il en soit, le combat est décourageant. Quelqu'un avait jadis écrit un fort beau texte sur l'efficacité à long terme de la résistance, mais ce quelqu'un était Philippe Val, ce qui nous fait une raison de découragement supplémentaire.

Cependant, s'il reste des gens encore prêts à se battre contre toute forme d'endoctrinement, je serais tenté, en leur passant le relais, de leur rappeler (conseil que j'ai moi-même trop peu mis en pratique) que l'ironie est certainement beaucoup plus efficace (sauf évidemment avec les gens qui ne la comprennent pas) que l'indignation. Cela reste d'ailleurs extrêmement relatif, puisque l'adversaire peut lui aussi s'en servir, mais on peut supposer qu'une ironie appuyée sur une réfutation intellectuellement et/ou moralement honnête a quelque chance de l'emporter sur une ironie de pur procédé fondée sur le seul mépris, les attaques ad hominem, les arguments vagues ("c'est dépassé"), etc. De toute façon, si elle n'est pas le gage d'une victoire plus rapide ou plus certaine, l'ironie présente en tous cas l'avantage de gâcher un peu le plaisir de ceux qui triomphent, en leur montrant que tout le monde n'est pas dupe de leur discours et en leur mettant sous le nez la réalité odieuse que ce discours est censé cacher : en ce sens, la Modeste Proposition de Swift concernant les enfants irlandais reste un modèle absolu.


31 mai :

Halte aux méthodes du néomanagement ! par Miguel Benasayag


30 mai : COMME DES QUILLES ?

Accusé de harcèlement sexuel, le détestable Georges Tron a choisi de démissionner pour se consacrer à plein temps au nettoyage de son "honneur" (sic). Quel dommage que Woerth et Alliot-Marie n'aient pas réagi avec la même célérité !

Aujourd'hui, c'est le risible Gérard Longuet (souvenez-vous : Gérard est un ancien militant d'extrême-droite et un perpétuel déçu : le monde est méchant avec Gérard) qui est accusé d'avoir bénéficié des largesses de Ben Ali. On se prend à rêver ... et si tous les ministres, puis leur leader charismatique, étaient contraints les uns après les autres à se retirer, la main dans le sac et la queue basse ?

Rêvons ...


28 mai : JESUS CAMP

Même s'il est indéniable qu'on puisse trouver en d'autres temps et en d'autres lieux des formes plus répugnantes encore de propagande à destination des enfants, celle des évangéliques telle que la montre le film de Heidi Ewing et Rachel Grady fait froid dans le dos. Dans la foulée, elle vous flanque aussi la nausée pour le même prix. Mais la progression, les ressorts et les techniques de cette manipulation sont parfaitement montrés.

Pour permettre au spectateur de respirer de temps à autre, le film présente de temps à autre les interventions radiophoniques d'un chrétien modéré, Mike Papantonio, ainsi que quelques scènes où le ridicule l'emporte ("Seigneur, bénissez notre installation électrique ... bénissez le Power Point ...")


21 mai : DU SALAIRE DE SARKOZY (ET DE L'ARGENT ODORANT EN GENERAL)

Certains sont choqués par le salaire des stars du football. Celui de Sarkozy est bien plus choquant, car un footballeur accompliit généralement son travail correctement.

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On continue un peu partout à ne parler que de DSK, ici pour le blâmer, là pour le défendre, ailleurs pour évaluer les pseudo-conséquences de l'affaire sur la politique française ou sur l'économie mondiale. On devrait simplement souhaiter que la justice fasse son travail correctement et passer à autre chose. D'ailleurs, le mouvement social qui se développe en Espagne devrait infiniment plus attirer notre attention que les dérapages graveleux d'un antipathique.

Soit dit en passant, il n'est pas si évident que DSK (narcissique, vulgaire, incapable de se contrôler) ait perdu toute chance de diriger un jour le pays qui a élu Sarkozy.

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J'avais un jour évoqué ici, sur une page consacrée aux Racines du Mal, entre la misère économique et la misère intellectuelle, la misère sexuelle. L'affaire DSK m'amène à supputer que cette même misère sexuelle pourrait peut-être, dans bien des cas, expliquer cet étrange frénésie de pouvoir et/ou d'argent qui semble posséder une bonne partie de nos élites sociales. Tous ces gens qui accumulent des fortunes faramineuses qui suffiraient à faire vivre tous leurs descendants durant des millénaires, qui gagnent en un mois de quoi nourrir toute la population africaine, et qui évidemment fraudent le fisc pour ne pas perdre une miette d'un gâteau qui excède pourtant cent ou mille fois la capacité de leur estomac, même en se faisant vomir plusieurs fois. Tout ça est étonnant, on a tendance à se dire : "ce sont de grands névrosés, souffrant d'un besoin compulsif d'accumuler des sommes dont ils n'ont aucun besoin, alors que toute personne normalement constituée estimerait pouvoir vivre parfaitement à son aise avec bien moins". On se dit qu'aimer le confort et le luxe n'explique pas tout, qu'aucun être humain (lequel n'est jamais, ne l'oublions pas, qu'une variété de singe un peu évoluée) n'a besoin d'autant de luxe, d'autant de maisons, d'autant de voitures, d'autant de piscines, pour vivre heureux et que par ailleurs l'existence d'autant de misère autour de nous, misère découlant largement de cette course à l'enrichissement maximal, devrait quelque peu leur gâcher le plaisir : si tout le monde sur la planète avait les moyens d'avoir une piscine privée et un yacht, je trouverais peut-être moi aussi enviable de posséder ce genre de choses, mais lorsque la majorité de mes semblables ne fait que survivre péniblement, je ne sais pas, moi ça me ferait honte de me pavaner avec une Rollex, une Porsche ou des conneries de ce genre. Eux non, visiblement. Alors on se dit : qu'est-ce qui les fait fonctionner comme ça ? l'aveuglement ? l'habitude ? l'absence de sens moral ? ...

Peut-être tout simplement une forme de misère sexuelle qui n'épargne pas les ploutocrates (bien au contraire) : l'incapacité à aimer vraiment, le fait de savoir qu'avec l'âge on ne séduira plus que par sa fortune, le fait de savoir que, même auparavant, même réellement séduisant(e), on risque de n'être jamais aimé que pour cette fortune, pour ce pouvoir, et au bout du compte, dans le pire des cas, le fait de ne plus pouvoir concevoir sa "vie amoureuse" que comme un acte banal et renouvelé de consommation. La fortune permit à un Eddie Barclay d'épouser une nouvelle jeune fille tous les deux ans ou à la mégère Bettencourt de s'offrir l'ex-gigolo de son mari (si j'ai bien compris). Plus sordidement encore, cette élite sexuellement insatisfaite et donc potentiellement portée à toutes les dérives, a tout intérêt à ce que les autres s'appauvrissent. Dans le pire des scénarios, l'appauvrissement des déjà pauvres n'est peut-être pas une simple conséquence de l'enrichissement des déjà riches : c'est peut-être son but essentiel. En maintenant des zones de misère, en augmentant au maximum cette misère, on maintient un véritable vivier de proies sexuelles vouées à la prostitution sous toutes ses formes.

L'existence du tourisme sexuel n'est certes pas une découverte, mais on a tendance à considérer qu'il n'est le fait que d'une minorité de pervers. Je hasarde ici l'idée qu'il n'est que le degré ultime du mode de fonctionnement sexuel des élites.


15 mai : DIVERS ABRUTIS

Hier matin, Finkielkraut et ses deux invités ont longuement disserté sur le changement et le conservatisme. Assez stérilement, il faut bien le dire. Au bout d'un moment, les invités ont tout de même laissé entendre qu'il était vain de louer ou de critiquer le changement dans l'absolu, de même que le conservatisme, sans préciser ce qu'on entendait "changer" ou "conserver", car on pouvait trouver positif de conserver certaines choses (et pas d'autres). Bel effort, les gars ! Mais pas un n'a vraiment été capable de dire clairement ce qu'il fallait "changer", ce qui a permis au débat de continuer à s'enliser, chacun parlant d'un sujet différent, qui de société, qui d'écologie et (devinez) qui d'immigration.

L'affaire du jour est l'arrestation de DSK à New York pour agression sexuelle. On parle déjà de "coup monté", voire de "coup fourré" (toutes expressions fort mal venues dès qu'il s'agit d'un homme ayant la classe de DSK). A vrai dire, une machination de la mafia UMP est tout aussi probable qu'un dérapage chez DSK. On a juste envie de dire que, dans tous les cas, cela ne nous apprend rien de bien neuf sur tous ces cons, et que, coup monté ou pas, cette affaire est plutôt une bonne chose si elle peut obliger le PS de proposer en 2012 un candidat un peu plus ragoutant que celui que lui conseillaient jusqu'à présent les sondages ("beaucoup plus", cela semble impossible, mais "un peu plus", c'est presque inévitable).


4 mai : REDIFFUSIONS

Arte diffuse cette semaine plusieurs films des Monty Python, ainsi qu'un long documentaire sur leur histoire. Ce serait sans doute une bonne idée, pour les générations nouvelles, de rediffuser toute la série du Flying Circus, dont la diffusion marqua la naissance de cette chaîne, laquelle a par ailleurs récemment rediffusé Le Prisonnier et, actuellement, Twin Peaks.

En attendant, France 3 rediffuse Derrick.

***

REDIFFUSION ?

Chevènement, estimant que le choix probable de DSK pour représenter le PS en 2012 est particulièrement inepte (je paraphrase), vient d'annoncer sa candidature. C'est a priori une relative bonne nouvelle, à condition :

- que son discours soit aussi efficace qu'en 2002

- que les medias ne sabotent pas sa campagne comme en 2002

- qu'il ne nous refasse pas le coup du retrait après négociation d'un accord avec le PS comme en 2007.


2 mai : JETER L'EPONGE

Voilà un bon moment que je me dis que le combat est perdu d'avance. Entre le cynisme des uns et la bêtise des autres, entre le désir de tirer son épingle du jeu de massacre et la propagande médiatique, toute tentative de réflexion aussi objective et argumentée que possible est désormais dérisoire et n'intéresse guère que ceux qui sont déjà convaincus. Et encore faut-il distinguer, au sein d'une grande orientation "progressiste", des tas de chapelles diverses, dont certaines ineptes ou nuisibles et dont les membres ne se laissent eux-mêmes convaincre (comme tout le monde, au fond) que par ce dont ils sont déjà convaincus. Au mieux peut-on estimer que l'usage d'un minimum de réflexion mérite d'être conservé pour mener au mieux sa propre vie, mais quant à un usage collectif ... Que valent quelques petites victoires occasionnelles, quelques discussions au cours desquelles on parvient à faire voir à l'autre un aspect de la réalité qu'il avait négligé et qui modifie la vision qu'il a d'un problème, que valent ces modestes (et souvent très temporaires) pas en avant face à la marche en avant inexorable et triomphale de toutes les propagandes ?

Je pensais par exemple qu'après quatre ans de scandales, de honte et d'accroissement des inégalités, le vrai visage du sarkozysme était devenu évident. Pas du tout. Face à des évidences aussi frappante que répugnantes, je me suis entendu répondre il y a peu que tout le mal venait des 35h et du passage à l'euro, et que c'était une évidence puisque "tout le monde le dit". J'ignore si la catastrophe de Fukushima doit être attribuée à l'euro ou aux 35h. Quoi qu'il en soit, tel Vercingétorix devant César, je m'avoue vaincu et je jette les armes devant Jean-Pierre Pernaut.


30 avril : UN PEU DE STYLISTIQUE

Revisionnant ces jours-ci les dernières saisons de Kaamelott, tout en lisant Palimpsestes de Genette, je me disais que ce dernier pourrait aujourd'hui reprendre et compléter son étude du burlesque à la lumière de cette série, de la manière dont elle joue (dangereusement car ce n'est pas toujours avec succès) avec les limites du genre en voulant (ré)intégrer de la gravité dans un cadre burlesque. Au fond, un des intérêts de cette réintégration du sérieux dans les dernières saisons, c'est d'observer les réussites et les échecs d'une telle pratique. Il y aurait d'ailleurs toute une étude à faire sur la façon dont Alexandre Astier a su, avec plus ou moins d'adresse mais tout de même a su, faire évoluer sa série, non seulement en fonction de ses propres envies, mais aussi en fonction des critiques qui lui étaient adressées. La manière dont était traité le personnage de Guenièvre relevait au départ d'un humour machiste assez lourd et on peut supposer que c'est pour rectifier le tir que son personnage a évolué, que la saison VI a mis en place l'histoire d'une promesse expliquant qu'Arthur ne la touche pas.

Pour rester dans le stylistique, de plus en plus de guignols médiatiques emploient à tort et à travers des termes comme "oxymore" ou "métonymie", visiblement à la mode dans ces milieux. J'ai entendu il y a peu quelqu'un parler de mise en abyme à propos de la Règle du jeu de Renoir, sous prétexte qu'on y trouve, je cite, "une fête dans le film". Bon, en parlant d'un "spectacle théâtral dans le film" (ce qui est le cas) on pouvait à la limite s'en tirer, mais "une fête dans le film" ... A ce compte, il y a mise en abyme dès lors qu'un truc se trouve dans un machin. Pour en rester à des exemples décents, un sucre dans le café ou une baffe dans la gueule seraient donc des exemples de mise en abyme ?


22 avril : LE CHARME DU VOTE FN

Il faut évidemment être sacrément con pour espérer soigner les maladies de la démocratie en la confiant à des gens qui veulent sa peau. Contrairement à ceux qui nous préviennent que critiquer la corruption et/ou la lâcheté des partis de gouvernement c'est "faire le jeu du FN", je persiste cependant à dire que, plus encore que ces cons d'électeurs, les vrais responsables sont les partis de gouvernement, en premier lieu le PS, qui, en abandonnant cyniquement les classes populaires à leur sort, leur a ôté tout espoir de voir un progrès naître du discours progressiste et les a donc poussé à l'espérer du discours le plus réactionnaire, le plus haineux et le plus inepte qui soit. Je passe ici sur le sabotage de l'école qui facilite de tels égarements et qui relève largement lui aussi de la responsabilité du PS.

Dans l'état actuel des choses, le moins pire (mais "le moins pire" est devenu une expression encore trop optimiste) est de souhaiter une victoire du PS en 2012 en se disant que ça nous sortira au moins des pires excès du sarkozysme. C'est toutefois une vision à court terme et on peut se douter que, quelques années plus tard, à nouveau (inévitablement) déçus par le PS, les électeurs revoteront "au mieux" pour l'UMP ou seront enfin massivement "mûrs" (au sens de "bien pourris") pour porter au pouvoir les assassins de la démocratie (entre autres choses).

Le seul charme éventuel de cette perspective serait pour moi d'avoir la garantie (et si Marine la Pen le promet formellement, peut-être même voterais-je pour elle afin d'avoir au moins cette satisfaction au sein d'un désastre général devenu apparemment inévitable) que tous les hommes politiques UMP et PS (je n'écris plus UMPS depuis que cette créature déplaisante a repris la formule) qui ont exercé des fonctions importante et qui ont contribué, par leur malhonnêteté ou leur lâcheté, à faire de la démocratie une farce mortifère, que tous ceux-là seront dûment exécutés par le nouveau pouvoir. Une telle promesse faite à l'avance les pousserait peut-être dès maintenant à faire enfin leur travail dans l'intérêt de la Nation. Faute de cela, et quoique normalement ennemi de toute peine de mort, on aurait au moins le plaisir (avant d'être soi-même éliminé) de voir ces types ne pas échapper à l'horreur qu'ils ont créée.

Mais l'on sait trop bien que, même si la Pen faisait cette promesse, seule la frange agitée et contestataire de la populace aurait fort à craindre du nouveau pouvoir et que les plus ignobles de nos politiciens (sans parler des plus nuisibles de nos capitaines d'industrie) n'auraient aucun souci à se faire. On peut même parier qu'un idéaliste comme Claude Allègre, toujours prêt à se rallier à une noble cause (qu'il s'agisse du non-réchauffement climatique, du nucléaire, du sarkozysme ou de la destruction de l'école républicaine) est déjà en train de camper devant la maison des Pen en vue de quémander un ministère.

***

ANTISEMITISME

D'ailleurs, en ce qui me concerne, je deviens de plus en plus antisémite. Par exemple, j'ai beau faire, je n'arrive pas à considérer Gainsbourg autrement que comme un faiseur (lorsqu'il n'était pas simplement un plagiaire), auteur de quelques chansonnettes plaisantes dans sa jeunesse mais totalement dénué du "génie" que certains grands malades lui attribuent. Loin d'y voir je ne sais quel provocateur libertaire, je ne vois guère en lui qu'un narcissique dénué de toute pensée généreuse et uniquement soucieux de se mettre en valeur. Pour rester dans les auteurs de chansons (et sans aller chercher un véritable génie comme Brassens), je préfère mille fois, tant pour ses textes que pour ses mélodies, tant pour sa voix nonchalante que pour ses engagements, un type admirable comme Moustaki.

Idem pour les pseudo-humoristes juifs, ils ne me font pas rire du tout, les Arthur, les Kakou, les Finkielkraut. J'ai beau faire, je préfère Woody Allen ou Bedos.


16 avril : CAMUS, LA PESTE (BRUNE ?)

Renaud Camus, qui brigue la candidature suprême dans le cadre de son Parti de l'In-nocence, est l'invité de Finkielkraut ce matin, avec Manuel Valls. Il réussit par contraste le tour de force de faire passer ses deux interlocuteurs pour des hommes de gauche. Même Finkielkraut se sent obligé de lui faire observer que TOUS les maghrébins ne sont pas des délinquants et/ou des terroristes.

A propos du répugnant lynchage de Noisy-le-Sec, le répugnant commentaire de Renaud Camus est en substance le suivant : Ce jeune a été tabassé par d'autres jeunes parce qu'il prétendait sortir avec une fille d'une autre cité ; dans notre société comme dans d'autres sociétés, le mariage est exogamique, mais la loi du "bled" c'est l'endogamie. C'est faire bon marché de tous les mariages exogamiques, et même carrément interraciaux ou interconfessionnels, "impliquant" pourtant des maghrébins (Camus souligne pourtant lui-même que la victime de l'agression se prénomme Haroun, sans doute pour bien montrer qu'il n'est pas raciste, mais il ne semble pas noter que cet Haroun a justement été victime de ses vélléités exogamiques). C'est faire semblant de croire que ces jeunes crétins de Noisy-le-Sec sortent tout droit du bled et ne sont pas le fruit d'une déjà longue acculturation (pour le pire plus que pour le meilleur, hélas). C'est attribuer à la tradition ce qui n'est que le fait d'une sinistre bêtise moderne se réfugiant vaguement, quand ça l'arrange, dans une tradition mal digérée. C'est surtout refuser de comprendre que cette bêtise est le produit de la misère économique et intellectuelle, laquelle misère est bien davantage le produit de l'injustice sociale sans cesse accrue par l'ultra-libéralisme que de je ne sais quelle tradition ethnique. J'ose espérer pour lui que Renaud Camus fait juste semblant d'être con.

Dans la même émission il y a quelques années, le discours d'un Renaud Camus était encore audible, et même intéressant sur certains points. Peut-être simplement parce qu'il ne parlait pas tout à fait des mêmes sujets ... peut-être parce que Brel avait bien raison à propos des cochons ...

Vers la fin de l'émission, Finkielkraut confirme sa (sans doute provisoire) renaissance intellectuelle en rétorquant à Renaud Camus que le printemps arabe a montré que ces peuples étaient parfaitement capables d'avoir les mêmes idéaux que nous. Waoh ! Tel Marilyn, Finkielkraut se prend un sacré coup d'air frais quand il est à proximité d'une bouche d'égout !


5 avril : ENTHOVENNERIES

Hier, une émission "consacrée" à Badiou, avec un de ses disciples qui vient de publier un bouquin pour l'agonir d'injures. C'est plus intéressant que d'inviter Badiou lui-même ou de confronter les deux points de vue. Occasion en tout cas d'une nouvelle enthovennerie : "Le succès de librairie rencontré par les auteurs qui dénoncent les procédures de la loi du marché n'est-il pas en soi un symptome de l'époque ?"

Aujourd'hui, duo de choc, Enthoven invite Finkielkraut, dont une des plus belles finkielkrauteries du jour est sans doute sa "critique" du livre de Stéphane Hessel, Indignez-vous ! : "Je constate que cette indignation est extrêmement pauvre. Nous devons nous indigner d'un pouvoir politique diabolisé, affublé de tous les défauts, de toutes les tares, qui voudrait, pour des raisons inexplicables, sinon par méchanceté pure, démanteler les réformes et les mesures issues du programme de la Résistance." Raisons inexplicables, sinon la méchanceté ? Notre ami manque singulièrement d'imagination !

De manière générale, face à un Finkielkraut qui refuse la "critique de la domination" au nom de la complexité du réel, on a envie de répondre qu'il est intéressant et sain de ne pas oublier la complexité du réel, mais que ce genre d'argument serait plus digeste s'il ne servait uniquement à absoudre la rapacité d'une élite économique et s'il s'accompagnait d'une prise en compte de la réalité de la misère et de toutes les conséquences de cette rapacité criminelle.

Par ailleurs, comme Finkielkraut ne dit pas QUE des conneries, il évoque dans l'émission la transmission culturelle fondée jadis sur la confiance (on me dit que tel livre est un chef-d'oeuvre et je fais l'effort de le lire et d'y entrer, et je finis effectivement par découvrir un chef-d'oeuvre là où je ne serais pas allé le chercher moi-même) et l'état d'esprit fondé au contraire sur la croyance en l'auto-construction de chacun, qu'il compare à cette aventure du baron de Münchhausen se sortant lui-même de la vase en se tirant par les cheveux.


20 mars : LYBIE

L'intervention américano-européenne (quoiqu'elle arrive bien tard) est en soi une bonne nouvelle et une action honorable (sans doute la première et la dernière action honorable qu'on pourra jamais mettre au palmarès de Sarkozy) SI ET SEULEMENT SI elle n'a d'autre but que de prêter main-forte à un soulèvement démocratique en péril.

Il n'est guère douteux que les pays qui interviennent espèrent au passage y gagner quelques accords pétroliers intéressants et, ce qui me gêne beaucoup plus, que Sarkozy essaie d'autre part de redorer ainsi son blason, ou plus exactement de le dorer, mais cela n'enlève rien à la nécessité, à l'urgence et au bien-fondé de cette intervention.

Il semble pourtant qu'une grande partie de l'opinion française soit indifférente à cette affaire, voire hostile à l'intervention française, par simple égoïsme. Bon, il n'y a pas de quoi s'étonner : c'est a priori la même "population française" qui n'a pas la moindre culture, ni intelligence politiques, qui a voté Sarkozy et qui, le rejetant aujourd'hui, est prête à lui préférer un DSK ou une Pen. Mais on trouve également tout un discours d'extrême-gauche dénonçant depuis samedi cette intervention "impérialiste" et c'est beaucoup plus choquant à mon avis. Que l'on prévoie une tentative de récupération "impérialiste" et qu'on la dénonce par avant pour l'éviter, formidable ! mais dénoncer l'intervention elle-même ... Il fallait parait-il laisser le peuple lybien faire sa révolution lui-même : grande idée, oui, dans l'absolu, mais en l'occurence la rébellion était à deux doigts de se faire massacrer et c'est elle-même qui appelait à l'aide. On peut toujours argumenter à l'infini sur ce type d'intervention étrangère dans un conflit intérieur, se demander pourquoi on intervient contre tel tyran et non contre tel autre. Mais une intervention quelque part vaut mieux que pas d'intervention du tout, surtout lorsque sa justification est évidente (ce qui était loin d'être le cas pour l'intervention en Iraq).

Aussi répugnant que soit Sarkozy, aussi détestables que puissent être les menées impérialistes (mais nous sommes ici, pour l'instant, dans le procès d'intention), je conçois mal qu'on puisse défendre jusqu'au bout de la connerie une opposition de principe. Il faut vraiment être d'un manichéisme forcené pour préférer voir un soulèvement démocratique écrasé plutôt que d'approuver la seule action respectable d'un connard, et pour dénoncer sans rire l'impérialisme yankee en joignant sa voix à celles de la Chine ou de la Russie de Poutine.


11 mars : LES ENFOIRES (suite)

La Baroine et sa clique paraderont ce soir pour appeler la populace à la charité, sur la Chaîne du Coeur, justement, sur TF1. Quant à Khadafi, il regagne du terrain sur les rebelles.


4 mars : DE LA PERMANENCE DES "ENFOIRES"

On ose croire que, lorsqu'il créa les "Restos du Coeur", Coluche espérait que cette initiative conduirait les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités, à assurer par l'impôt (mais l'impôt, encore faut-il qu'on ne le claque pas à des conneries, et encore faut-il que tous les Johnnys et toutes les Lilianes daignent le payer !) ce qu'il est scandaleux, à notre époque et dans une démocratie, de laisser reposer sur la charité.

Visiblement, l'Etat n'a pas pris acte, et du coup, voici 25 ans que les Restos du Coeur perdurent, heureusement en un sens, certes, mais on peut déplorer que cette permanence permette justement à l'Etat de ne pas se sentir coupable. D'autre part, cela permet chaque année à une petite clique de pseudo-artistes (à quelques exceptions sympathiques près) de faire chaque année sa B.A. auto-promotionnelle. Ces gens se sont baptisés du doux nom d'Enfoirés en hommage à un terme-clef de la pensée coluchienne, mais peut-être également pour prévenir les attaques : il serait en effet un peu trop facile de les affubler sincèrement de ce qualificatif alors qu'eux-mêmes s'en parent ironiquement. Et pourtant ... ET pourtant ... quand on voit parmi eux la crypto-comique, la fiscalement domicilée à Las Vegas, Michèle Baroin-Laroque, ces appels à la charité publique laissent songeur ...


2 mars : L'ANDOUILLE ET LE GORILLE

Khadafi ne semble plus en avoir pour longtemps, Alliot-Marie a enfin été démissionnée,... Autant de raisons pour se réjouir. D'autre part et à une moindre échelle, le philosophe médiatique auto-polissant Enthoven a perdu une occasion de se taire. Son invité sur France Culture, venu parler de Brassens et de La Fontaine, ayant déclaré que Le Gorille, par exemple, était une sorte de fable, même si la moralité n'en était pas explicitement formulée mais suggérée, notre ami s'est hâté de montrer qu'il avait saisi :

- Mieux coucher avec une vieille qu'avec un juge !

L'autre, poli :

- Mmmh ... Je crois que c'est bien plus clair que cela, c'est une fable contre la peine de mort.



21 février : LA FORCE DE L'EXEMPLE

A présent, même les Lybiens sont dans la rue. L'ordure locale est autrement plus coriace : déjà plus de 200 morts. Mais, en optant pour cette répression abjecte, Khadafi est déjà fini, ce n'est plus qu'une question de temps désormais.

Evidemment, les Français (dont la situation est par ailleurs évidemment moins terrible) sont trop ramollis pour lancer eux aussi un mouvement d'ampleur destiné à virer les escrocs au pouvoir, d'autant plus que les Français, eux, croient encore vivre dans une admirable démocratie. On se demande pourtant si le danger d'être foutu dehors par la rue, si la conscience de ce danger, n'est pas une des conditions essentielles au fonctionnement sain d'une démocratie. Face à l'inertie populaire, on finit par prendre l'habitude de l'impunité.

Par ailleurs, croyant rattraper un peu les facéties et abjections de l'hypersotte Alliot-Marie, Sarkozy a envoyé un nouvel ambassadeur à Tunis, un certain Boris Boillon, lequel est une sorte de connard arrogant situé quelque part dans l'échelle animale entre ledit Sarkozy et Mickael Vendetta. A peine arrivé, il a cru diplomatique de dire aux journalistes qui lui parlaient d'Alliot-Marie que leurs questions étaient "débiles". Depuis, les Tunisiens ont ajouté à leurs revendications le départ de cet abruti : "Petit Sarko, dégage !" Le fait qu'ils aient si aisément relié ce comportement grossier à celui de son patron montre assez bien quelle est l'image de Sarkozy à l'étranger.

Dans le même ordre d'idée, un enseignant français en Egypte a été sanctionné pour avoir manifesté avec une pancarte "Casse-toi, pauvre con" à destination de Moubarak, et l'agriculteur retraité qui fut à l'origine de ce mémorable trait d'esprit sarkozyen vient de publier un petit livre sur cet incident. Il raconte notamment qu'il n'a entendu la réplique du nain que plus tard, par la télé, et que c'est une chance pour Sarkozy parce que sans ça ...


1° février : SANS COMMENTAIRES

Tandis que l'Egypte semble déterminée elle aussi à virer son autocrate à coup de pompes, voici un florilège de quelques nouvelles hexagonales du jour. Même pas besoin de chercher ou de trier, il suffit de prendre les principaux titres du Monde actuellement affichés par Google :

* Les CRS se sont mobilisés pour faire reculer Brice de Neuilly, qui voulait dissoudre deux compagnies pour faire des économies : même les fonctionnaires cogneurs sont désormais menacés par le désengagement de l'Etat. Le pouvoir ferait pourtant bien d'en conserver un maximum, au cas où ici aussi ... on peut toujours rêver ...

* L'assurance-maladie a décidé de porter plainte contre les laboratoires Servier, dont l'avocat fut très longtemps, comme on le sait (on le sait ?), Nicolas Sarkozy.

* Le Canard enchaîné vient de révéler que Michèle Alliot-Marie (la VRP du savoir-faire français en matière de répression des émeutes) avait bénéficié, lors de ses récentes vacances en Tunisie, de l'avion privé d'un proche de Ben Ali.

* La police vient de retrouver à l'Institut Wildenstein une trentaine d'oeuvres d'art disparues ou volées. Guy Wildenstein est membre de l'UMP et proche de Sarkozy.

Mais n'oublions pas la nouvelle la plus importante, tombée hier : Mme Carla Bruni-Sarkozy a déclaré au Parisien qu'elle "ne se sentait plus de gauche".


18 janvier : BONNE ANNEE ?

En attendant 2012 qui risque d'être une année pourrie si l'on en croit le calendrier aztèque et les sondages concernant la prochaine élection présidentielle, 2011 est une année qui commence avec quelques événements porteurs d'espoir.

La révolution tunisienne se poursuit. Le peuple et l'opposition refusent le gouvernement provisoire qui s'est auto-instauré et qui compte de nombreux anciens ministres de Ben Ali. Il semble que ce soit avant tout le ralliement de l'armée à la révolte qui ait permis de mettre l'autre abruti en fuite. On dit que cette armée tunisienne est tout à fait légaliste et une prise de pouvoir à son profit ne semble donc pas à craindre. En revanche, cela relativise les chances d'extension à d'autres pays, pays dans lesquels l'armée (plus conforme en cela à ses traditions millénaires) n'est pas a priori aussi disposée à virer les ordures.

Rien à voir, mais autre signe d'espoir vers un monde meilleur, le Sénat vient d'adopter une proposition de loi visant à légaliser l'euthanasie : "toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier (...) d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur". Cette proposition a été concoctée et votée par des gens de tous bords politiques, UMP, PS, PC, PG, Centristes. Mais la majorité des députés UMP semble fermement décidée à rejeter cette loi, avec des arguments passablement malhonnêtes et répugnants (cf. l'article du Monde pour plus de détails). Il est évident que la loi ne passera pas, pas cette fois, mais le simple fait qu'elle ait pu être conduite jusqu'à ce stade est déjà en soi une avancée considérable.

 


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