THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG

PARADIS FISCAUX - FRAUDE FISCALE

Cf aussi LIBERALISME

Ordre plus ou moins chronologique, de haut en bas.


L'HISTOIRE SOCIALE EN RESUME

Jadis une élite de brutes s'est octroyé le privilège de glander pendant que tous les autres devaient bosser pour les nourrir.

Les grandes révolutions (industrielles et politiques) ont conduit sous diverses formes à des approches nouvelles dans lesquelles :

- le travail a été optimisé pour produire mieux, plus et avec moins d'efforts humains.

- les élites sociales ont été contraintes, pour conserver une part (non-négligeable, qu'on se rassure) de leur statut d'élite, à en abandonner une autre part et à contribuer, par l'impôt, à l'amélioration du bien-être collectif.

Troisième et dernière étape : l'élite sociale (qui est d'ailleurs le plus souvent une élite nouvelle) cherche à se retirer au maximum de la logique de solidarité et à profiter seule, autant que possible, des richesses produites de manière de plus en plus automatisée. Elle joue pour cela sur la crédulité des masses, mais aussi sur la cupidité d'une bonne partie d'entre elles, à qui elle fait miroiter la possibilité de rejoindre un jour l'élite.


QUELQUES CHIFFRES

Cités par Fred Vargas :

4% des 250 plus grandes fortunes mondiales feraient vivre l'Afrique entière.

10% feraient vivre le monde entier.

Estimation un peu différente (plus récente ?) de Yann-Arthus Bertrand : 4% de la richesse cumulée des 225 plus grosses fortunes (qui totalisent 1000 milliards de dollars) suffiraient à assurer l'accès à une éducation, une alimentation correcte et des soins de base à toute la population de la planète.


EN STRICTE MORALE

L'économiste libéral Paul Leroy-Beaulieu, par ailleurs l'une des têtes de turc d'Alphonse Allais, fut un grand opposant à l'instauration d'un impôt sur les revenus et affirma dans son Traité de la science des finances que "le contribuable aisé, en stricte morale, a le droit de chercher à échapper par la dissimulation à ces spoliations ; il peut en toute sécurité de conscience dérober son actif à la vue et à la poursuite du fisc car l'Etat se conduit ici comme un voleur."

D'ailleurs, selon une étude utilisée par le sociologue Pierre Lascoume, les Français ont un "taux de tolérance très élevé" face à la fraude fiscale ou à l'escroquerie aux assurances.


Février 2007 : EXTENSION DU DOMAINE DE LA FRAUDE

Jadis, on parlait en souriant de quelques capitalistes roublards qui allaient planquer des lingots en Suisse. Aujourd'hui, la Suisse est partout, les paradis fiscaux et les moyens d'en profiter sont à la portée de tous ces gens, qui devraient faire preuve d'une abnégation hors du commun pour résister à une pareille tentation, il faut l'avouer. Et puis, je crois que cette élite ne se sent tout bonnement pas concernée par la redistribution et la justice sociale. Je suppose qu'à partir d'un certain degré de fortune, on a le sentiment d'appartenir à une espèce différente. Peu de gens, attablés devant un superbe gâteau, auraient le coeur, même en étant déjà rassasiés, d'en abandonner la moindre miette pour nourrir des rats. C'est un sentiment bien compréhensible, de même que la facilité avec laquelle on oublie qu'on est soi-même un rat, et que la fortune dont on jouit a souvent été bâtie par des moyens qui ne font honneur ni à l'espèce humaine ni à celle des rats. Mais bon, c'est ainsi, ils ont gagné, n'en parlons plus.


6 avril 2008 : REVELATIONS SENSATIONNELLES

C'est étonnant comme on peut s'aveugler sur des évidences et recevoir ensuite toute information sur ces évidences comme une révélation brutale. Il y a quelques mois, par exemple, un scandale a éclaté en Allemagne lorsqu'on a découvert des preuves de fraude et d'évasion fiscale de la part de grandes fortunes allemandes mais aussi françaises et autres. Le monde tel qu'il est actuellement rend la fraude et l'évasion fiscale possibles, et même faciles : que croyait-on ? que personne n'en profitait, du moins pas chez nous ? Pour quel genre de créatures mythologiques pensait-on qu'étaient faits tous les paradis fiscaux de la planète ?


16 mai 2008 : PARADIS FISCAUX ET AUTRES IGNOMINIES DE L'ECONOMIE CONTEMPORAINE

France 2 a diffusé l'autre soir (tard, évidemment) un documentaire édifiant de Frédéric Brunnquell sur les paradis fiscaux. Je n'y ai rien appris d'essentiel, mais cela m'a du moins confirmé que je ne ne délirais pas en voyant là le problème fondamental du monde actuel. Les plus grandes fortunes refusent désormais le partage et la contribution aux dépenses collectives. Les paradis fiscaux, les avocats spécialisés et les cabinets d'audits leur facilitent la tâche : ils seraient bien niais de ne pas en profiter. Bref, toutes les dépenses reposent désormais de plus en plus sur les classes inférieures (qui n'ont pas les moyens de frauder). Non seulement le Tiers-Monde ne peut pas remonter la pente dans ces conditions, mais les pays développés sont en voie d'appauvrissement, endettés, amenés à limiter toujours plus leurs dépenses publiques.

Quelques chiffres :

- Coût total estimé du détournement : 11 000 milliards de dollars pour les particuliers, au moins autant pour les entreprises.

- Selon l'ONU, 50 milliards de dollars pendant 5 ans suffiraient pour éradiquer la pauvreté dans le monde.

Soit dit en passant, parmi les Johnny Halliday et autres Rolling Stones qui s'arrangent pour ne pas payer d'impôts,le documentaire signale également U2, dont le leader charismatique passe sont temps à plaider la cause du Tiers-Monde endetté. Voilà encore un bon gros tartuffe, comme la plupart des bigots papistes de son acabit.

Quelques propos extraits de ce documentaire :

* Arnaud Chastel, président d'un cabinet d'avocats associé à Price Waterhouse Cooper à Paris. Pour lui, le contournement des règles fiscales est justifié par le caractère "excessif" des impôts. Ecoutons ce grand humaniste : "Je crois qu'on n'a pas d'autre choix que de bouger. L'Etat, français en particulier, doit s'adapter. Euh ... certes, c'est une vision personnelle, mais ... c'est important pour les entreprises car aujourd'hui, nous vivons dans un monde très ouvert, global,... les analystes financiers nous regardent, regardent notre performance, la performance financière des entreprises ... et donc, effectivement, si cette performance est altérée par une charge d'impôts très forte, notre compétitivité en souffrira, et donc il est important de ce point de vue-là qu'on puisse avoir une fiscalité qui soit réellement attractive et compétitive." J'ajouterai pour ma part que, pour avoir une économie encore plus compétitive, le plus simple serait dans ce cas de ne plus avoir de fiscalité du tout, et de laisser crever les improductifs en tous genres (vieillards, malades, handicapés, bébés, etc.)

* La directrice du Centre Financier International des Iles Vierges rétorque au journaliste qu'elle "n'aime pas le terme de paradis fiscal. C'est péjoratif. Nous sommes un Centre Financier International, comme d'autres places financières : Dubaï, Londres, New York,..." Le type lui explique la combine qu'il vient de mettre en place avec une facilité déconcertante, grâce aux services dudit Centre Financier International, pour obtenir, grâce à une société-écran domiciliée aux Iles Vierges, un bénéfice énorme qui échappera au fisc (sa société française officielle "rachetant" les produits plus cher à la société-écran ce qui fait qu'elle ne semble faire que très peu de bénéfices). Gênée, l'autre répond : "Euh... je n'encourage pas ces pratiques un seul instant. Mais ... si vous pouvez le faire et que vous y trouvez votre compte et que c'est légal, qu'il en soit ainsi ! Mais ces histoires de transfert de prix,... je sais bien que c'est la bête noire du système économique ... mais les pays n'ont qu'à s'organiser et s'assurer que personne n'en abuse."

 

Ajoutons que l'ignominie des milliardaires ne s'arrête pas là. Non content de ne plus vouloir payer d'impôts, ils cherchent perpétuellement de nouveaux moyens d'augmenter leur part du gâteau, donc d'appauvrir toujours plus le reste de l'humanité. L'actuelle montée des prix de l'alimentation, résultat de spéculations abjectes, en est une belle illustration. Ces pourris seraient capables de profiter un jour d'une catastrophe environnementale (voire de la provoquer - vous me dites si j'exagère ...) pour vendre de l'air respirable et non-contaminé aux pauvres (ou plutôt aux classes moyennes : les pauvres, incapables de payer, pourraient bien sûr crever, comme toujours).

Lorsqu'on considère la science, la technique, l'Art, on est obligé de constater que l'Homme est capable d'une ingéniosité et d'une créativité fantastiques pour rendre la vie meilleure. Sa capacité à résoudre les difficultés est admirable. Malheureusement, l'Homme est en concurrence avec la Râclure d'humain, qui emploie ses capacités à prospérer sur la misère des autres au lieu de la combattre.

A tort ou à raison, je préfère le réformisme éclairé (en tous cas, je l'apprécierais s'il avait un peu plus de couilles) aux révolutions sanglantes et hasardeuses. Je ne crois pas que la violence soit une bonne solution. Pourtant, en voyant aujourd'hui des ordures spéculer sur la faim, je me dis que si un jour ces types-là, et les politiciens qui leur servent de larbins, sont mis à mort par un peuple poussé à bout, il n'y aura pas grand chose à y redire. Mais il y a évidemment peu de risques que cela arrive : ces gens sont prévoyants et savent se protéger. Le peuple poussé à bout se défoulera sur les classes moyennes, voire sur le voisin, comme c'est désormais le cas lors de chaque flambée de violence en banlieue.

***

POST-SCRIPTUM

Le problème n'est certainement pas près d'être réglé, mais avoir une approximation (certainement inférieure à la réalité) de l'évasion fiscale est en un sens très rassurant. En effet, ces chiffres montrent qu'une pression fiscale supplémentaire sur les grosses fortunes ne serait en réalité même pas nécessaire au bon fonctionnement des Etats, ni même à la lutte contre la misère dans le monde. Supprimer la fraude et l'évasion fiscale suffirait, semble-t-il. Si un accord international permettait d'éradiquer ce fléau, même pas besoin d'une politique violemment égalitaire pour parvenir à un monde décent. C'est rassurant, mais cela rend également d'autant plus choquant l'égoïsme des privilégiés et leur tendance délirante à accumuler des millions dont ils ne savent même plus quoi faire.


25 juillet 2008 : EVASION FISCALE ET CLASSES MOYENNES

Paradis fiscaux (suite) : 200 clients français rien que pour le Lichtenstein.

Si je m'en tiens à mon schéma explicatif (et forcément simpliste : évasion fiscale des plus riches, tensions déplacées entre classes moyennes et classes inférieures), on pourrait se dire que, finalement, les classes moyennes sont innocentes, sont elles aussi victimes. Non. Le crime des classes moyennes, c'est de ne pas analyser la situation, de se contenter des analyses fournies par les médias, d'espérer tirer elles aussi quelques marrons du feu, de rentrer dans le jeu de la confrontation plus ou moins larvée avec les classes populaires, au lieu de profiter de sa capacité numérique, de sa relative éducation, du poids politique qui est (encore) le sien, pour exiger une société plus juste en dénonçant les véritables problèmes.

Faute de cela, les classes moyennes ne méritent aucune sympathie et méritent par avance ce qui ne tardera pas à leur arriver, de part et/ou d'autre (révolte des classes inférieures, pression croissante des classes supérieures).


16 juin 2011 : FRAUDE FISCALE (énième épisode)

Tombé hier soir sur le JT de France 2, j'y ai relevé deux évocations de la fraude fiscale (dont l'existence n'a pour moi rien d'un scoop), mais j'ai surtout été frappé par le traitement hâtif du sujet.

- un reportage sur la crise grecque signale en passant, sans s'y attarder le moins du monde, que cette crise interminable est essentiellement due au fait que l'Etat ne parvient pas à lutter contre la fraude fiscale. Cela montre où est le vrai problème et cela laisse supposer que les prêts du FMI et plus encore les conditions dont ils sont assortis (privatisations massives), ne vont rien régler du tout, si ce n'est donner aux rapaces toujours plus d'occasions d'engranger des profits (toujours sans payer d'impôts, évidemment). Mais ça, le reportage ne le développe pas, préférant montrer des combats de rue propres à susciter l'émotion du téléspectateur ("salauds de pauvres grecs qui cassent tout !").

- un reportage sur la divulgation par la Belgique de 100.000 comptes ouverts sur son territoire par des "citoyens" français et permettant potentiellement de frauder le fisc. Ce n'est pas inintéressant, mais le meilleur n'est signalé là encore qu'incidemment : les révélations ne concernent pas les citoyens français soumis à l'ISF. Bref, on tape sur les doigts de quelques fraudeurs de médiocre envergure, mais on laisse continuer les fraudeurs dont une année d'impôts honnêtement payés suffiraient sans doute à éponger la dette de la Grèce.

 


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