THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG

CULTURE, SAVOIR, MEDIAS, NOUVELLES TECHNOLOGIES

Cf. aussi : EDUCATION

Ordre chronologique, de haut en bas.


27 septembre 2008 : NOUVELLES TECHNOLOGIES

Le développement d'internet, de Wikipédia,... rend sur bien des points caduc le rôle des enseignants et autres spécialistes, les cantonne quasiment dans le rôle ingrat de garde-fou (contre les erreurs éventuelles) ou, pour mieux dire, de rabat-joie. Un peu comme Maître Capelo jadis, caution universitaire (et chiante comme la pluie) au beau milieu des chansonniers des Jeux de 20 heures.


Janvier 2009 : JEREMY RIFKIN

Jeremy Rifkin observe que les enfants grandissant au sein d'une forte stimulation médiatique (TV, Internet,...) perdent en capacité de patience, donc d'attention, de concentration, le tout agrémenté d'une perte de vocabulaire. On augmente la vitesse, donc l'impatience : l'attention est détournée à chaque instant.

"Cette génération essaie d'être multi-tâche, mais le cerveau n'est pas conçu pour ça, il est "linéaire". On peut réfléchir en parallèle, mais quand on prend un problème, on le résout avant de passer au suivant. Cette génération qui grandit dans l'hypervitesse est moins concentrée, moins attentive, moins introspective, moins projective, toutes qualités pourtant nécessaires pour affronter ce monde complexe."


Avril 2009 : INTERNET

Des remarques, des commentaires, des indications de références, qu'il pouvait sembler intéressant de faire autrefois dans un cours ou dans une conversation, me semblent aujourd'hui superflues, dans la mesure où Internet fournit tout cela, réduisant sans cesse la part de ce qu'il est intéressant de savoir; de dire, etc. Il faut dépasser en partie cette impression en n'oubliant pas que cette source n'est utile qu'à qui sait l'utiliser. L'ultime intérêt de l'humain, c'est de savoir trier et interpréter les données fournies. Internet a l'intérêt de nous détourner de l'accesssoire (qu'il prend en charge) et de nous inviter à nous concentrer sur l'essentiel. C'est en tous cas ainsi qu'il faut essayer de l'envisager.


Juillet 2009 : INTERET DE L'HUMANITE A L'ERE INTERNET

J'ai déjà noté ici que le web rendait plus ou moins inutile la sociabilité en tant qu'elle nous apporte des informations. Doit-on le déplorer ? Pas dans la mesure où l'information est désormais fournie plus rapidement et de façon relativement plus fiable (non pas tant que la fiabilité humaine ait été moindre ou plus variable, mais le web permet des recoupements rapides à qui s'en donne la peine). La sociabilité demeure d'ailleurs une possibilité et je constate souvent que ma première impulsion (d'individu formé dans la période précédente) est généralement de demander un renseignement à quelqu'un plutôt que le chercher sur le net.

Reste à délimiter ce qui reste essentiellement lié à la sociabilité et que le net ne peut pas vraiment remplacer. Il me semble que cela peut tenir en deux mots : réflexion et sentiments. Je conçois mal un véritable débat d'idées hors du contact direct ; les débats qu'on trouve sur les forums internet ou autres sont généralement des confrontations stériles d'opinions. Mais sans doute ai-je tort, et il faut nuancer : d'abord en admettant que la plupart des discussions en contact direct sont également stériles (on peut y inclure la plupart des débats télévisés), ensuite parce que les techniques actuelles se rapprochent quasiment d'un contact direct. On devrait donc plutôt dire que, quel que soit le moyen de communication utilisé, la plupart des gens ne se soucient pas de débattre de façon constructive. Mais je reste persuadé, à tort ou à raison, que la distance liée à internet facilite cette tendance.

Quant aux sentiments, c'est sans doute tout ce qui reste véritablement à la sociabilité directe. Mais le fait que des sentiments sains ne puissent s'épanouir pleinement que dans cette forme de relation ne signifie pas qu'internet n'est pas en train de fabriquer des gens pour qui ce ne sera plus vrai, des gens à ce point conditionnés par la communication par écran interposé, à ce point handicapés dans toute communication directe qu'ils en viendront à estimer sincèrement que cela leur suffit et leur convient parfaitement.


7 novembre 2009 : OUTILS

Umberto Eco estime que la télévision rend les gens bêtes plus intelligents, mais abrutit les gens intelligents, et qu'au contraire, Internet favorise les gens intelligents (qui savent y trier l'information) et abrutit plus encore les gens incultes.


26 décembre 2009 : LECTURE

Jean-Claude Carrière, invité de Finkielkraut pour parler de la lecture, évoque le cas extrême d'un homme rencontré sur un banc du métro avec une pile de livres à côté de lui, qui lisait et lui a expliqué qu'il n'avait jamais rien fait d'autre et passait ses journées ainsi.

Carrière considère l'invention de la télécommande comme une date cruciale dans l'histoire de la connaissance, car elle instaure une supériorité de celui qui est enseigné sur celui qui enseigne ou qui montre. Finkielkraut complète en citant Fellini déplorant la transformation du spectateur en téléspectateur, lequel se conduisait comme un petit despote infantile et impatient. Il cite également Derrick de Kerckhove, pour qui "un livre est un lieu de repos pour les mots écrits (...) la page imprimée est le seul endroit où les mots (...) ne sont pas sans cesse en mouvement". Cette fixité est selon lui essentielle car "aujourd'hui le défi n'est pas d'accélérer l'information, mais de la ralentir ; l'information va déjà assez vite d'elle même (...) la génération de la nanoseconde est celle qui ramasse sa chaussure et la jette avec colère contre l'écran parce que l'ordinateur ne se met pas en marche assez vite. Les livres demeurent donc nécessaires pour deux raisons : ils sont des ralentisseurs de l'information, ils distillent l'information, et se refusent à toute manipulation de la part du nouveau lecteur, hypertextuel, interactif."


31 décembre 2009 : "TOTALITE" DU LANGAGE ET DE LA CULTURE

"On sait que l'acquisition du langage se fait, chez l'enfant, non par une simple extension du vocabulaire, mais par une série de divisions internes, sans modification de l'emprise totale : à chaque étape, les quelques mots dont il dispose sont pour l'enfant tout le langage, et ils lui servent à désigner toutes choses avec une précision croissante, mais sans lacune. De même, pour un homme qui n'a lu qu'un livre, ce livre est toute sa "littérature", au sens premier du terme ; lorsqu'il en aura lu deux, ces deux livres se partageront tout son champ littéraire, sans aucun vide entre eux, et ainsi de suite ; et c'est justement parce qu'elle n'a pas de vides à combler qu'une culture peut s'enrichir : elle s'approfondit et se diversifie parce qu'elle n'a pas à s'étendre."

(Gérard Genette, Figures I, "Structuralisme et critique littéraire")


3 janvier 2010 : POESIE ET PUBLICITE

Toujours dans Figures I ("L'envers des signes"), Genette oppose la démarche de Barthes dans Mythologies (analyser les connotations idéologiques ajoutées aux objets afin de retrouver leur réalité sous ce vernis) à celle de la poésie moderne (laquelle prétend accéder directement à la réalité des choses, en ignorant purement et simplement la parole idéologique). "La parole "poétique", si l'on veut désigner ainsi celle qui nomme immédiatement le sens profond sans avoir désamorcé le sens idéologique, risque d'être à son tour investie par la parole sociale, et d'éaliéner ce qu'elle a pris en charge. Combien de vérités poétiques sont-elles ainsi devenues des mythes publicitaires ? C'est que, sous la pression de l'idéologie, la parole la plus innocente est aussi la plus exposée, et donc la plus dangereuse."


17 août 2010 : RENAUD CAMUS SE PAVANE DE SON BON FRANCAIS (ALORS MOI AUSSI)

Je n'ai pas spécialement envie de dénigrer Renaud Camus, lequel a déjà eu fort à faire avec les bien-pensants hystériques qui lui firent il y a quelques années un procès en antisémitisme, aussi justifié que celui qu'il firent à Siné pour avoir moqué l'opportunisme de Jean Sarkozy (cf. Philippe Val) ou à d'autres pour avoir ricané des frasques adultères de DSK. Bref, Renaud Camus est un réac, certes, un réac parfois fort déplaisant, même pour mon goût de réac (de réac de gauche, c'est là que ça coince), mais ça ne l'empêche pas d'avoir raison sur certains points et d'avoir le mérite d'irriter certains cons.

Cependant, son Répertoire des délicatesses du français contemporain suinte un mépris assez déplaisant. Il s'agit d'un recensement des principales erreurs de langage commises à notre époque, assorti de commentaires un peu plus personnels parfois que dans d'autres ouvrages de ce genre, mais assorti également, comme je le disais, d'un ton assez méprisant : on sent que pour Renaud Camus, il y a "ceux qui savent" (que l'on dit ceci et non cela), c'est-à-dire les gens bien élevés, et il y a les autres, les ploucs, qui ne le savent pas. On a envie de lui répondre qu'il existe une troisième catégorie, ceux qui ne demandent qu'à apprendre, et qu'on se demande bien à qui s'adresse son livre, à une élite qui n'en a pas besoin ou aux ploucs qu'il regarde de si haut.

Mais le pire est que Renaud Camus n'est lui-même pas à la hauteur de ses prétentions, qu'il pérore, tranche, condamne, sans être exempt d'erreurs. Il intitule un de ses articles DE (PARTITIF DEVANT ADJECTIF) et y explique qu'il convient de dire "de nouveaux besoins" et non "des nouveaux besoins", formule réservée aux ignorants (comprenez : aux types encore plus ignares que ceux qui, comme Renaud Camus, confondraient partitif et article indéfini). Il considère en outre ce "de" comme une élision de l'article : de = de + les. Même si l'article indéfini pluriel a bien été formé sur le partitif, le "de" a cessé d'y avoir le moindre sens et il est difficile d'admette que l'on puisse y "entendre" une de ces décompositions qui firent jadis le succès de Les Nuls : je crée un nouveau besoin / il crée de (= de les) nouveaux besoins / nous créons des (= de les) besoins nouveaux" (alors qu'on peut "entendre" dans un véritable partitif : il y a des (= de les) frites, comme il y a du pain et de la viande). La préposition de qui le compose n'a aucune raison d'être sentie dans l'article indéfini : je peux dire que j'ai mangé de les frites, mais pas que "j'ai vu de les archipels sidéraux et de les îles".

Ailleurs, nous apprenons avec intérêt que la mode du prénom Cyrille remonte à l'alliance franco-russe, fin XIX°. Renaud Camus condamne sans appel l'orthographe Cyril comme non-conforme, puisqu'on orthographie Cyrille le nom du saint inventeur de l'alphabet cyrillique (plus exactement de l'alphabet glagolitique, lequel devint plus tard le cyrillique et donna plus tard encore son nom à la Messe glagolitique de Janacek ... je n'étale ici ma science que pour éclairer la suite de mon propos). Cela dit, l'orthographe française de Saint Cyrille est une pure convention, puisqu'il ne s'agit pas à l'origine d'un nom français : pour être puriste jusqu'au bout, il faudrait dire Kyrillos ! Cyrille n'en est que l'adaptation à notre langue. Les Anglais l'ont quant à eux (et sans en référer à Renaud Camus) adapté en Cyril, les Allemands en Kyrill ; mais surtout la plupart des langues slaves actuelles ont elles aussi perdu la voyelle finale (Kirill en russe, Cyryl en polonais,...) : on peut évidemment arguer que la langue française, dans son évolution phonétique, transforme en général une voyelle finale en E muet et que l'évolution naturelle de Kyrillos en français serait a priori Cyrille. Bien. Mais puisqu'il s'agissait avant tout d'acclimater un prénom russe, l'évolution phonétique n'a rien à faire ici et, pour adapter le prénom russe Kirill, Cyril semble donc tout aussi acceptable que Cyrille en tant que prénom moderne, même s'il semble justifié de l'orthographier Cyrille lorsque l'on parle d'antiques culs-bénits slavo-grecs, notamment du frère de Saint Méthode, ce qui nous ramène à nos alphabets. Renaud Camus conclut en effet son article en parlant de la "glacolithique saveur" de l'orthographe Cyrille. Honte au pédant qui cherche à épater la galerie avec des mots exotiques et qui, après nous avoir fumeusement pris le chou sur l'orthographe correcte de Cyril/Cyrille, écrit glagolitique n'importe comment ! "Glacolithique", comme chacun le sait, n'a rien à voir avec un alphabet slavon : c'est un néologisme signifiant "rocher-glaçon" et créé le 7 août 2010 pour désigner le pain de glace reçu par le coin de la gueule d'un charlatan climato-septique (non, Renaud Camus, je n'ai pas fait de faute à "climato-septique").

 


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