LA LOGIQUE DE PORT-ROYAL - Troisième partie - Section 1 : les Raisonnements
Selon les auteurs, la plupart des erreurs viennent moins du raisonnement lui-même que de la fausseté de telle ou telle proposition qu'on y intègre, ce qui relativise l'importance de cette partie, conservée avant tout comme occasion d'exercer l'esprit.
Il y a raisonnement lorsque, la seule considération du sujet et de l'attribut ne suffisant pas pour conclure, on a recours à une troisième idée, appelée moyen, que l'on met en relation avec les deux autres.
Dans le syllogisme, c'est-à-dire le raisonnement courant à trois propositions, pour répondre à la question, j'utilise deux prémisses, la majeure (qui met en relation le moyen et l'attribut, aussi appelé grand terme) et la mineure (le moyen et le sujet, aussi appelé petit terme), prémisses grâce auxquelles je peux ensuite formuler ma conclusion.
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Il existe une forme de raisonnement à deux propositions seulement (enthymème), mais c'est simplement que l'une des prémisses y est si évidente qu'elle peut demeurer implicite. Exemple : Je pense (or quelque chose qui pense existe forcément), donc je suis. L'enthymème est très fréquent et il est au contraire assez rare que toutes les propositions soient exprimées "parce qu'il y en a d'ordinaire une assez claire pour être supposée, et que la nature de l'esprit humain est d'aimer mieux qu'on lui laisse quelque chose à supposer, que non pas qu'on s'imagine qu'il ait besoin d'être instruit de tout."
D'autre part, un raisonnement (alors appelé sorite) peut également comporter plus de trois propositions : lorsque la mise en relation avec une troisième idée (le moyen) ne suffit pas à conclure, on complète en mettant les termes déjà utilisés en relation avec une quatrième idée, une cinquième, et autant qu'il est nécessaire (cf. plus loin).
Les auteurs de la Logique distinguent les syllogismes simples, où le moyen n'est joint qu'à un des termes de la conclusion à la fois, et les syllogismes conjonctifs, où les deux termes de la conclusion sont joints au moyen dans une des prémisses.
Si un état électif est sujet aux divisions, il n'est pas de longue durée.
Or, un état électif est sujet aux divisions :
Donc un état électif n'est pas de longue durée.
Il me semble toutefois que cette opposition est assez artificielle et tient surtout à la formulation. Dans cet exemple en tous cas, on pourrait aisément modifier la majeure (Un état sujet aux divisions n'est pas de longue durée.) et obtenir ainsi un syllogisme simple.
1 - les propositions particulières sont enfermées dans les générales de même nature (I dans A, O dans E), et non les générales dans les particulières (A dans I, E dans O).
2 - Le sujet d'une proposition, pris universellement ou particulièrement, est ce qui la rend universelle ou particulière.
3 - L'attribut d'une proposition affirmative n'ayant jamais plus d'étendue que le sujet, il est toujours considéré comme pris particulièrement, parce que ce n'est que par accident s'il est quelquefois pris généralement.
Ex : Si je dis que tous les dindons sont des animaux, la proposition est universelle dans la mesure où elle concerne tous les dindons, mais l'attribut est pris particulièrement. En d'autres termes, la proposition ne concerne pas tous les animaux, mais uniquement ceux qui sont des dindons, c'est-à-dire "certains animaux". Je pourrais reformuler ainsi (et avec une grande élégance) : tous les dindons sont une partie des animaux existants.
4 - L'attribut d'une proposition négative est toujours pris généralement.
Ex : Contrairement aux apparences, Claude Allègre n'est pas un dindon. La proposition est particulière (elle ne concerne que Claude Allègre et non la totalité des gros cons de la planète), mais le mot dindon est pris généralement dans la mesure où cela ne signifie pas simplement que Claude Allègre n'est pas tel ou tel dindon particulier, mais qu'il n'est aucun des dindons de l'univers. Il n'est pas davantage un chien, un porc, une mouche du coche ou un blaireau, sauf bien entendu si j'emploie tout ou partie de ces noms d'animaux à titre de métaphores, mais cela relèverait alors de la rhétorique, voire de la poétique, et non plus de la seule logique. Aussi restons en là et laissons le dans sa bauge morale, qui est infinie.
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Règle I : Le moyen ne peut être pris deux fois particulièrement : il doit nécessairement être pris au moins une fois universellement.
Je ne peux rien conclure de ces deux propositions : Certains riches sont des voleurs et Certains riches sont respectés.
En revanche, je peux dire :
Certains riches sont des voleurs.
Tous les riches sont respectés.
Donc il y a des voleurs respectés.
NB : le moyen est sujet dans ces exemples, mais n'oublions pas qu'il est également pris particulièrement lorsqu'il est attribut d'une universelle affirmative (axiome 3). Ex : Je ne peux rien conclure de ceci : Tous les dindons sont des animaux / Or tous les kangourous sont des animaux ... Donc ?
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Règle II : Les termes de la conclusion ne peuvent pas être pris plus universellement dans la conclusion que dans les prémisses.
De ce qu'un homme est noir, on ne peut pas conclure que tous les hommes sont noirs.
Et si je dis que tous les hommes sont semblables (or, tel homme est noir : donc tous les hommes sont noirs) ? Non bien sûr, car, outre que c'est ici forcer le sens de "semblables" (semblables à quels niveaux et dans quelles limites ?) et que c'est proférer une ineptie contredite par l'expérience commune (on notera cependant qu'un noir d'il y a plusieurs siècles pouvait bien entendu croire que, tous les hommes qu'il avait vu dans sa vie étant noirs, tous les hommes l'étaient), il faut aussi observer ici que, le moyen ("semblables") n'étant présent que dans une des prémisses, nous n'avons nullement affaire ici à un syllogisme, mais à une simple généralisation abusive vaguement grimée en syllogisme, ce qui n'est qu'une forme de sophisme (baliverne illogique à laquelle on a donné une apparence de raisonnement logique).
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Règle III : On ne peut rien conclure de deux propositions négatives.
"De ce que les Espagnols ne sont pas Turcs et de ce que les Turcs ne sont pas chrétiens, il ne s'ensuit pas que les Espagnols ne soient pas chrétiens (ni d'ailleurs qu'ils le soient forcément), et il ne s'ensuit pas non plus que les Chinois le soient, quoiqu'ils ne soient pas plus Turcs que les Espagnols."
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Règle IV : On ne peut prouver une proposition négative par deux propositions affirmatives.
Contre-exemple : Claude Allègre est socialiste (?). Or, les socialistes sont intelligents (???). Donc Claude Allègre n'est pas un con.
Il suffit de considérer que "intelligent = non-con" et que la formulation de la majeure pourrait emprunter une forme négative : les socialistes ne sont pas des cons (?????????). Peut-être mon exemple est-il mal choisi (voire grotesque) : en tous cas, puisque MM. Arnauld et Nicole affirmant que c'est impossible, nous sommes bien obligés de nous ranger à leur avis et d'admettre à regret que Claude Allègre est donc bien un con (entre autres choses).
Plus exactement, l'erreur dans cet exemple est de modifier le moyen, ce que les couleurs montrent clairement. Si je veux respecter la forme syllogistique, je dois adopter la version alternative, les socialistes ne sont pas des cons (?????????), c'est-à-dire une proposition négative, ce qui confirme bien la règle IV. Je peux évidemment conserver la forme initiale, puisqu'elle ne change rien au sens, dans un raisonnement de forme libre, mais ce n'est plus un véritable syllogisme. Pour se conformer aux règles d'une formulation claire, je devrais y ajouter une proposition supplémentaire (faisant de mon raisonnement un sorite), d'ailleurs fort inutile quant à la progression du raisonnement : Claude Allègre est socialiste / Les socialistes sont intelligents / Les gens intelligents ne sont pas des cons / Donc Claude Allègre n'est pas un con. Cela dit, il va de soi que l'exemple demeure particulièrement contestable et qu'il ne contient pas une seule proposition qui ne soit fausse ou douteuse, y compris celle que nous venons d'y ajouter.
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Règle V : La conclusion suit toujours la plus faible partie, c'est-à-dire que, s'il y a une des deux prémisses qui soit négative, la conclusion doit être négative, et s'il y en a une particulière, elle doit être particulière.
Les poules sont mortelles ; or Neptune n'est pas mortel. Je ne peux effectivement tirer de cela que des propositions négatives : Neptune n'est pas une poule ou les poules ne sont pas Neptune.
Toutes les poules sont mortelles : or certaines poules sont blanches. Je ne peux guère en déduire que ceci : Certains animaux blancs sont mortels (ou certaines créatures mortelles sont blanches), mais pas que tous les animaux blancs sont mortels (proposition qui est certes vraie mais qui découle du fait que tous les animaux sont mortels, et non de mon histoire de poules) et encore moins que toutes les créatures mortelles sont blanches.
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Règle VI : De deux propositions particulières, il ne s'ensuit rien. (voir règle I)
Certaines poules sont blanches ; or certaines créatures blanches sont des baleines.
Donc certaines poules sont des baleines ? ou certaines baleines sont des poules ? ou toutes les poules sont des baleines ? ou toutes les baleines sont des poules ? Non, on voit bien (si on y regarde de près) que toutes ces conclusions excèderaient ce que les prémisses nous permettent ici de conclure (à savoir rien).
La règle I ne concernait que le moyen : elle pouvait donc concerner (contrairement à la règle VI) une, voire deux propositions universelles affirmatives (cf. exemple sur les dindons et les kangourous).
Quid d'une particulière affirmative et d'une particulière négative ? Aucune poule n'est verte / Certaines juments sont vertes. Il ne s'ensuit rien, en effet.
On appelle mode la disposition d'un syllogisme selon les quatre types de propositions :
A (universelle affirmative)
E (universelle négative)
I (particulière affirmative)
O (particulière négative)
Des 64 combinaisons possibles, seules 10 ne sont pas en contradiction avec les règles qui viennent d'être énoncées :
* 4 modes affirmatifs : AAA / AII / AAI / IAI
* 6 modes négatifs : EAE / AEE / EAO / AOO / OAO / EIO
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On distingue également différentes figures, en fonction de la disposition des trois termes (sujet, attribut, moyen) dans les prémisses :
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1° figure : le moyen est sujet dans la majeure et attribut dans la mineure. * Règle A : la mineure est nécessairement affirmative. Si la mineure était négative, la majeure devrait être affirmative (règle III), de même que la conclusion (règle V). L'attribut serait pris particulièrement dans la majeure (attribut d'une affirmative) et généralement dans la conclusion (attribut d'une négative), or, on ne peut rien conclure du particulier au général (règle II). * Règle B : la majeure est nécessairement universelle. Le moyen ne pouvant être pris deux fois particulièrement (règle I) et étant déjà pris particulièrement dans la mineure (où il est attribut d'une affirmative), il doit être pris universellement dans la majeure. Exemple : le célébrissime Tous les hommes sont mortels / Or Socrate est un homme / Donc Socrate est mortel. (Darii : AII) Ou encore : Tous les hommes sont mortels / Tous les Espagnols sont des hommes / Donc tous les Espagnols sont mortels (Barbara : AAA) NB : En revanche, de ce qu'affirmait Pierre Desproges, à savoir que Tous les Portugais sont gais et que Tous les Espagnols sont gnols, on ne peut hélas rien conclure, faute de moyen. Le principe de la 1° figure est que "ce qui convient à une idée prise universellement, convient aussi à tout ce dont cette idée est affirmée" ou, pour les modes négatifs, que tout ce qui est nié d'une idée prise universellement, est nié de tout ce dont cette idée est affirmée. Celarent (EAE) : Aucun dieu n'est mortel / Tous les habitants de l'Olympe sont des dieux / Donc aucun habitant de l'Olympe n'est mortel. Ferio (EIO) : Aucun dieu n'est mortel / Certains hommes ont été élevés au rang de dieux / Donc certains hommes (Hercule, le joueur de balle au pied Pelé, Hiro-Hito, Jean d'Ormesson) ne sont pas mortels. On observera : - que la 1° peut conclure A,E, I ou O : elle est la seule. - qu'elle est surtout la seule à pouvoir conclure A. En effet, pour démontrer une universelle affirmative, outre qu'aucune prémisse négative n'est donc possible, il faut que le sujet soit universel aussi dans la mineure (car je ne peux conclure du particulier au général) ; le moyen, attribut pris particulièrement dans la mineure affirmative, devra donc être pris universellement dans la majeure, donc en être le sujet.
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2° figure : le moyen est attribut dans la majeure et dans la mineure. * Régle C : Il faut qu'une des deux propositions soit négative (puisque le moyen ne peut être pris deux fois particulièrement, cf. règle I). * Règle B (cf. 1° figure) : La majeure est nécessairement universelle (la conclusion étant forcément négative, l'attribut y sera pris universellement : il faut donc qu'il soit universel en tant que sujet de la majeure). 4 modes possibles ici : Cesare (EAE) : Aucun dindon n'est un mammifère / Tous les chiens sont des mammifères / Donc aucun chien n'est un dindon. Certains lecteurs m'ont fait savoir que mes exemples stupides dénaturaient la Logique de Port-Royal. Je vais donc désormais m'en tenir aux exemples fournis par MM. Arnauld et Nicole, qui sont finalement plus clairs et plus pimpants : Camestres (AEE) : Tous ceux qui sont à Jésus-Christ crucifient leur chair / Tous ceux qui mènent une vie molle et voluptueuse ne crucifient point leur chair / Donc nul d'eux n'est à Jésus-Christ. Tout bien réfléchi, je vais revenir à mes Arielle Dombasle et à mes dindons : Festino (EIO) : Nul dindon ne crucifie sa chair / Certains ascètes crucifient leur chair / Donc certains ascètes ne sont pas des dindons. Baroco (AOO) : Toute dinde est galante (cf. Rameau) / Nadine Morano n'est guère galante / Donc Nadine Morano n'est pas une (vraie) dinde. Principe de Cesare et Festino : ce qui est nié d'une idée universelle est également nié de tout ce dont cette idée est affirmée, c'est-à-dire de tous les sujets de cette idée. Principe de Camestres et Baroco : tout ce qui est compris dans l'extension d'une idée universelle ne convient à aucun des sujets dont on la nie, l'attribut d'une proposition négative étant pris dans toute son extension : Nadine Morano n'est aucune des (vraies) dindes.
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3° figure : le moyen est sujet dans la majeure et dans la mineure. Règle A : La mineure doit être affirmative (cf. 1° figure). Règle D : On ne peut conclure que particulièrement (le petit terme, attribut dans la mineure affirmative, y étant pris particulièrement, ne peut être universel en tant que sujet de la conclusion). 6 modes sont donc possibles : trois affirmatifs (AAI, AII, IAI) et trois négatifs (EAO, EIO, OAO). Principe des modes affirmatifs : Lorsque deux termes peuvent s'affirmer d'une même chose, ils peuvent aussi s'affirmer l'un de l'autre, pourvu qu'ils soient pris particulièrement. Darapti (AAI) : La baleine est un animal marin / La baleine est un mammifère / Donc il y a des mammifères marins. Datisi (AII) : Toute baleine est un animal marin / Moby Dick est une baleine caractérielle et vindicative / Donc certaines créatures caractérielles et vindicatives sont des animaux marins (en fait). Disamis (IAI) : Le Capitaine Haddock est caractériel et vindicatif / Tous les capitaines de navires sont marins / Il y a donc des animaux marins caractériels et vindicatifs (cf. baleine). NB : On voit bien par ces deux exemples que la différence entre Datisi et Disamis tient surtout à la formulation choisie pour la conclusion et qu'en inversant sujet et attribut (donc majeure et mineure), un syllogisme de type Datisi peut devenir un Disamis. Principe des modes négatifs : Lorsque, de deux termes, l'un peut être nié et l'autre affirmé de la même chose, ils peuvent se nier l'un de l'autre, du moins particulièrement et non généralement. Felapton (EAO) : Aucune baleine n'est un poisson / Toutes les baleines savent nager / Il y a donc des animaux qui savent nager mais qui ne sont pas des poissons. Ferison (EIO) : Aucune baleine n'est un poisson / Certaines baleines sont caractérielles / Parmi les gens caractériels, certains ne sont donc pas des poissons. Bocardo (OAO) : Le capitaine Haddock n'aime pas l'eau, ni la Castafiore / Tous les capitaines de navire sont marins / Il y a donc des animaux marins qui n'aiment pas l'eau (ni la Castafiore).
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4° figure : le moyen est attribut dans la majeure et sujet dans la mineure. Certains, comme Aristote, ne prennent en compte que les trois premières figures. Si l'on se souvient que la majeure n'est pas simplement la 1° prémisse, mais celle dans laquelle le moyen est mis en relation avec l'attribut (grand terme) de la conclusion, on admettra en effet que la 4° figure peut n'être qu'une variante de la 1° figure, dans laquelle on aurait placé la mineure avant la majeure : Tout corps est divisible (mineure : sujet/moyen) Tout ce qui est divisible est imparfait (majeure : moyen/attribut) Donc tout corps est imparfait. Il suffit ici d'intervertir les deux prémisses pour retomber sur la 1° figure. On ne peut donc distinguer une 4° figure que lorsque le moyen est attribut dans la majeure (dont le sujet est donc le grand terme, l'attribut de la conclusion) et ensuite sujet de la mineure (où le sujet de la conclusion devient attribut du moyen). Cette 4° figure n'est pas naturelle et "l'esprit ne s'y porte jamais", mais elle peut exister et permettre de conclure quelque chose de vrai, ce qui suffit à en "faire un vrai syllogisme". Si l'on considère les exemples de 4° figure qui sont fournis, on comprend que l'esprit "ne s'y porte jamais" naturellement en observant qu'une formulation différente, plus naturelle, les ramènerait à la 1° figure : Certains fous disent vrai / Quiconque dit vrai mérite d'être suivi / Donc, il y en a qui méritent d'être suivis, qui ne laissent (cependant) pas d'être fous. (conclusion modifiée : Donc certains fous méritent d'être suivis.) Aucun malheureux n'est content / Il y a des personnes contentes qui sont pauvres / Il y a donc des pauvres qui ne sont pas malheureux. Ici, la mineure pourrait aisément devenir : Il y a des pauvres qui sont contents, ce qui nous ramène cette fois à la 2° figure. On retiendra surtout de ce débat un peu vain : - que l'ordre des propositions (majeure, mineure, conclusion) n'a rien de figé et qu'on peut même aussi bien commencer par la conclusion : Tout corps est imparfait / En effet, tout ce qui est divisible est imparfait / Or, tout corps est divisible. - qu'il est préférable d'éviter dans un syllogisme les formulations inutilement contournées et de s'en tenir autant que possible aux formulations les plus naturelles et les plus claires. 5 modes sont possibles pour cette 4° figure : deux affirmatifs (AAI, IAI) et trois négatifs (AEE, EAO, EIO). Je reprendrai ici autant que possible les exemples de la 1° figure pour illustrer ce qui vient d'être dit sur l'inversion des termes dans la conclusion. Barbari (AAI) : Tous les Espagnols sont des hommes / Or tous les hommes sont mortels / Donc certains mortels sont espagnols. Dibatis (IAI) : Socrate est un homme / Or tous les hommes sont mortels / Donc certains mortels s'appellent Socrate. Calentes (AEE) : Tous les habitants de l'Olympe sont des dieux / Aucun dieu n'est mortel / Donc aucun mortel n'est un habitant de l'Olympe. Fespamo (EAO) : Aucune baleine n'est un poisson / Tout poisson vit dans l'eau / Certains animaux vivant dans l'eau ne sont donc pas des poissons. Cette conclusion semble nettement plus naturelle que les autres dans sa formulation. A la réflexion, c'est parce que je me suis salement planté (en plaçant le moyen dans la conclusion à la place du grand terme) et que la conclusion "logique" devait être : Certains animaux vivant dans l'eau ne sont donc pas des baleines (ce qui est autrement plus édifiant). Fresisom (EIO) : Aucun poisson n'est une baleine / Il y a des baleines qui nagent / Certains animaux qui nagent ne sont donc pas des poissons.
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Petit bilan sur les syllogismes simples :
- un seul peut conclure A
- 4 peuvent conclure E
- 6 peuvent conclure I
- 8 peuvent conclure O
- marre du poisson.
4)
Réparation des
syllogismes qui ne marchent pas
Comme il a été dit en ouverture de cette section, toutes les régles qui précèdent peuvent servir à exercer l'esprit mais, dès lors qu'il s'agit d'examiner la vérité d'un raisonnement, s'avèrent souvent plus encombrantes que le simple usage de notre bon sens. Hormis peut-être pour certains esprits mathématiques, il est assez laborieux de suivre les raisonnements purement abstraits qui président à l'établissement des règles que nous venons de présenter, tant générales que liées aux divers types de syllogismes, et il est souvent plus facile de comprendre ces règles en considérant des exemples concrets : il semble donc plus efficace d'analyser directement les exemples que de vouloir leur appliquer artificiellement les règles établies, d'autant plus que ces règles supposent des syllogismes simples, dont la formulation doit être suffisamment standardisée pour qu'on y distingue sans erreur le sujet et l'attribut de chaque proposition : faute de cela, des confusions et des erreurs peuvent surgir si l'on s'en tient bêtement aux règles.
Tout d'abord, comme le remarquent Arnauld et Nicole, personne dans la réalité ne s'exprime par syllogismes simples : "les syllogismes simples, et presque tous les exemples qu'on en apporte, sont composés de propositions incomplexes, qui sont si claires, que personne ne s'est jamais avisé de les proposer sérieusement dans aucun discours ; car, à qui a-t-on jamais ouï faire ces syllogismes : Tout homme est animal : Pierre est un homme : donc Pierre est animal."
Mais surtout, certains prétendent appliquer strictement les règles du syllogisme, mais ne considèrent pas assez attentivement l'exemple qu'ils jugent, ce qui les fait parfois condamner un raisonnement juste au prétexte qu'il semble contrevenir aux règles, parfois estimer vrai un raisonnement faux parce qu'il semble les respecter. "Ces personnes ont bien montré qu'elles consultaient plus la lettre et l'écorce des règles, que non pas la lumière de la raison, par laquelle ces règles ont été trouvées.
Contentons nous de quelques exemples.
* Exemple de syllogisme faux qui a l'air vrai : Nous devons croire les Saintes Ecritures / Or, les oeuvres de Copernic, de Darwin, de Marx, de Freud, ne sont point les Saintes Ecritures / Donc nous ne devons pas croire tous ces rastaquouères, polonais et autres gens du voyage.
Voilà qui semble conforme à toutes les règles, mais la formulation correcte devrait être : Les Saintes Ecritures doivent être crues / Or (...) / Donc tous ces rastaquouères libertins ne doivent pas être crus, mais cuits en place publique.
Or on ne peut rien conclure d'une mineure négative dans un syllogisme de la 1° figure (règle A).
* Exemple de syllogisme vrai qui a l'air faux : Ce qui n'a pas d'yeux ne peut pas voir / Or, un pylone électrique n'a pas d'yeux / Donc un pylone électrique ne peut pas voir (et c'est à vous de vous excuser si vous vous cognez dedans).
Cela paraît assez sensé, pourtant on se souvient (n'est-ce pas ?) qu'on ne peut rien conclure de deux négatives (règle III). Qu'à cela ne tienne ! A y regarder de plus près on constatera que la mineure n'est pas aussi négative qu'elle en a l'air et que, "mieux formulée", elle devrait ressembler à quelque chose comme : Or, un pylone est une chose qui n'a pas d'yeux. En d'autres termes, la négation est dans l'attribut lui-même (une chose sans yeux), mais nullement dans la relation du sujet à l'attribut.
* Un dernier pour la route : La loi divine commande d'honorer les rois / Louis XIV est roi / Donc la loi divine commande d'honorer Louis XIV.
Nous avons en apparence un syllogisme de la 2° figure, or il contrevient aux règles de celle-ci, étant constitué de deux affirmatives. Mais enfin, qu'est-ce que c'est que cette formulation à la con ? "la loi divine commande d'honorer les rois" : où finit le sujet ? où commence l'attribut ? En réalité, le moyen "roi" est le sujet et non l'attribut de la majeure, pour peu que je me donne la peine de formuler un syllogisme qui ressemble à un syllogisme, et il est évident qu'il doit être pris universellement et désigne "tous les rois" : Tous les rois doivent être honorés (ce qui suppose une affirmation préalable établissant que "la loi divine commande que tous les rois soient honorés") / Or Jean-Pierre Pernaut est le roi des journalistes (*) / Donc Jean-Pierre Pernaut doit être honoré.
(*) : A celui de Louis XIV, nous préférons un exemple moins éphémère. Il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des journalistes.
5)
Réduction
à quelques règles pratiques
fondamentales
Afin d'éviter toute complexité inutile et purement formelle, les auteurs proposent de réduire l'ensemble des règles déjà présentées à quelques principes clairs et suffisants. Il est évident que toutes ces règles ne servent qu'à faire voir que la conclusion est contenue dans une des prémisses (qu'on peut qualifier de proposition contenante) et que l'autre prémisse (proposition applicative) sert à le faire voir.
Les règles peuvent se réduire à deux, fondement de toutes les autres :
1 - Aucun terme ne peut être plus général dans la conclusion que dans les prémisses (car "certains hommes" ne contient pas "tous les hommes").
2 - Le moyen doit être pris au moins une fois universellement.
Ces deux règles découlent logiquement du principe fondamental que la conclusion doit être contenue dans les prémisses.
On peut également formuler les choses ainsi : tout ce qui se trouve dans le contenu se trouve dans le contenant, et tout ce qui est hors du contenant est hors du contenu.
Sans se soucier désormais de modes ou de figures, on peut donc juger de la validité d'un raisonnement par ce seul principe général : l'une des deux prémisses doit contenir la conclusion, et l'autre faire voir qu'elle la contient.
6)
Réfutation
des syllogismes qui ont l'air de marcher
Quelques applications :
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L'Evangile promet le salut aux chrétiens. Or il y a des criminels qui sont chrétiens. Donc l'Evangile promet le salut aux criminels. |
* Soit l'on considère que chrétiens est pris universellement dans la majeure, et alors la majeure est fausse (l'Evangile ne promet pas le salut à tous les chrétiens : il ne suffit pas de l'être pour être sauvé. * Soit l'on considère que chrétiens est à prendre particulièrement dans la majeure (certains chrétiens) et dans ce cas la majeure ne contient pas la conclusion : les chrétiens auxquels l'Evangile promet le salut ne sont pas les mêmes que ceux qui se disent chrétiens mais qui sont criminels et donc mauvais chrétiens (*). (*) : Cela ne concerne évidemment pas ceux qui accomplissent des crimes au nom de la religion, ni ceux qui sont bien polis et qui votent à droite, ni les criminels de guerre nazis anti-communistes, ni les prêtres pédophiles, ni les papes qui incitent des populations en danger à ne pas utiliser de préservatif, ni ceux qui torturent pour la bonne cause, etc. |
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Il faut respecter les gendarmes. Jean d'Ormesson n'est pas un gendarme. Donc il ne faut pas respecter Jean d'Ormesson. |
La règle morale présentée dans la majeure n'est pas la seule règle morale qui soit et elle n'induit pas qu'il ne faille respecter que les gendarmes. |
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M. Sarkozy appartient au règle animal. Le dindon est un animal. Donc M. Sarkozy est un dindon. |
Animal est pris deux fois particulièrement : Sarkozy est un certain type d'animal, le dindon un autre type d'animal, et l'on ne peut rien conclure de tout cela. |
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Vous n'êtes pas ce que je suis. Je suis homme. Donc vous n'êtes pas homme. |
De ce que je suis un certain homme (particulier), je ne peux déduire que mon interlocuteur n'est aucun des hommes (général). |
On appelle ainsi ceux dont la majeure contient tous les éléments de la conclusion. Ils peuvent être de trois sortes :
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1- Syllogismes conditionnels : la majeure en est une proposition conditionnelle qui contient toute la conclusion. Elle a deux parties : l'antécédent et le conséquent. De la même majeure, on peut former deux conclusions : * ayant affirmé l'antécédent, on affirme le conséquent : S'il y a un Dieu, il faut l'aimer / Or il y a un Dieu / Donc il faut l'aimer. * ayant nié le conséquent, on nie l'antécédent : S'il est indigne d'un homme d'Etat de dire "Casse-toi, pauv'con" à un type qu refuse de vous serrer la main, alors Sarkozy n'est qu'un pitoyable branquignol / Or, Sarkozy n'est pas un pitoyable branquignol / Donc il n'est pas indigne d'un homme d'Etat de (...). Un syllogisme conditionnel peut être défectueux : * par son contenu, lorsque la majeure est une conditionnelle déraisonnable (Si j'avais un marteau, la face du monde en eût été changée) ou que la mineure est une affirmation dont la vérité reste encore à prouver (il y a un Dieu, ou les dindons sont des baleines, ou Sarkozy a la stature d'un chef d'Etat,...). * par sa forme, en tirant une mauvaise conclusion de la mineure, soit en affirmant l'antécédent à partir de l'affirmation du conséquent : Si les Chinois sont raéliens, ils ne sont pas chrétiens / Or, ils ne sont pas chrétiens / Donc ils sont raéliens. soit en niant le conséquent à partir de la négation de l'antécédent : Si les Chinois sont raéliens, ils ne sont pas chrétiens / Or ils ne sont pas raéliens / Donc ils sont chrétiens. Si les nazis avaient volé les pièces jaunes de Mme Chirac, ce seraient des criminels / Or ils n'ont pas volé les pièces jaunes / Donc ce ne sont pas des criminels mais de braves gens. Toutefois, une conclusion issue de cette dernière forme peut être vraie lorsqu'une exclusion est sous-entendue dans la majeure : Si et seulement si les Chinois reconnaissent Gilbert Bourdin comme Christ Crypto-cosmique et Messie Cosmoplanétaire, alors les Chinois appartiennent à la secte du Mandarom / Or les Chinois ne reconnaissent pas Gilbert Bourdin comme Christ Crypto-cosmique et Messie Cosmoplanétaire / Donc tous les Chinois n'appartiennent pas à la secte du Mandarom. Sans l'exclusion, la conclusion ne serait pas certaine, car cela supposerait que l'on peut appartenir à la secte du Mandarom sans reconnaître Gilbert Bourdin comme Christ Crypto-cosmique et Messie Cosmoplanétaire (ce qui serait absurde, évidemment). De même, si je considère que seul le fait de voler les pièces jaunes de Mme Chirac est criminel, alors il n'est pas absurde de conclure que les nazis (du moment qu'ils n'ont pas volé les pièces jaunes) sont de braves types.
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2 - Syllogismes disjonctifs : la majeure en est une proposition disjonctive (ou bien ... ou bien ...) Je peux nier un des éléments de l'alternative pour affirmer l'autre : La baleine est soit un mammifère, soit un poisson / Or ce n'est pas un poisson / Donc c'est un mammifère. ou (mais c'est moins naturel) affirmer un des éléments pour nier l'autre : La baleine est soit un mammifère, soit un poisson / Or c'est un mammifère / Donc ce n'est pas un poisson. La principale erreur dans ce type de syllogisme est d'utiliser une division inexacte, dans laquelle par exemple un troisième terme serait possible : Le dindon est soit un mammifère, soit un poisson / Or ... : de quelque façon que je poursuive, mon raisonnement ne vaut rien car le dindon peut être autre chose qu'un mammifère ou un poisson.
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3 - Syllogismes copulatifs : la majeure en est une proposition copulative négative. On ne peut pas à la fois se gaver de Pépitos et combattre efficacement Atlantes et Lémuriens lorsqu'ils attaquent le Bouclier de la Terre. On peut affirmer une partie pour nier l'autre : Or Gilbert Bourdin se gavait de Pépitos / Donc il ne pouvait pas combattre efficacement Atlantes et Lémuriens lorsqu'ils attaquaient le Bouclier de la Terre. En revanche, la négation d'une partie ne démontre pas forcément la vérité de l'autre, et je ne peux démontrer que Gilbert Bourdin défendait efficacement le Bouclier de la Terre contre Atlantes et Lémuriens du simple fait qu'il ne se gavait pas (ou pas tout le temps) de Pépitos. |
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* Les gradations comprennent davantage d'étapes : lorsque la mise en relation avec une troisième idée (le moyen) ne suffit pas à conclure, on complète en mettant les termes déjà utilisés en relation avec une quatrième idée, une cinquième, et autant qu'il est nécessaire Un bon Messie Cosmoplanétaire doit défendre efficacement le Bouclier de la Terre / Défendre efficacement le Bouclier de la Terre suppose une bonne forme physique / L'abus de Pépitos nuit gravement à la forme physique / Gilbert Bourdin abusait des Pépitos / Donc Gilbert Bourdin n'était pas un bon Messie Cosmoplanétaire.
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* Les épichérèmes consistent à joindre immédiatement à toute proposition douteuse les preuves qui l'établissent. A la majeure succèdent les preuves de la majeure, à la mineure les preuves de la mineure, puis on conclut. La défense de Milon par Cicéron en est un bon exemple : elle pourrait se réduire à un syllogisme classique, mais prend la forme suivante : Il est permis de tuer celui qui nous dresse des embûches + preuves de cette majeure tirées de la loi naturelle, du droit des gens (droit "international"), des exemples. Clodius a dressé des embûches à Milon + preuves de cette mineure : l'équipage de Clodius, sa suite, etc. Donc il était permis à Milon de tuer Clodius. |
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* Les dilemmes consistent, après avoir distingué une alternative et conclu de chacun de ses termes (parties), à conclure de l'ensemble (tout). Une femme est soit belle soit laide. Si la femme qu'on épouse est belle, elle cause de la jalousie. Si elle est laide, elle déplaît. Donc il ne faut pas se marier. Outre la fausseté d'une de ses propositions, un dilemme peut être faux : - lorsqu'on ne tient pas compte d'une autre possibilité (la femme peut n'être ni assez belle pour susciter la jalousie, ni assez laide pour déplaire) - lorsque les conclusions de chaque partie ne sont pas nécessaires (une belle femme peut être "si sage et si vertueuse qu'on n'aura aucun sujet de se défier de sa fidélité" et une femme laide peut avoir d'autres qualités qui font "qu'elle ne laissera pas de plaire"). Enfin, on notera que certains dilemmes peuvent se retourner contre eux-mêmes : En politique, soit on agit bien, soit on agit mal / Si on agit mal, on mécontente les dieux / Si on agit bien, on mécontente les hommes / Donc il ne faut pas se mêler de politique. Aristote signalait le renversement suivant : Si on s'y conduit selon les règles corrompues des hommes, on contentera les hommes / Si on garde la vraie justice, on contentera les dieux / Donc on doit s'en mêler.
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Arnauld et Nicole ne sont guère enthousiastes en ce qui concerne la Topique ou étude des lieux, l'inventio des latins, supposée nous apprendre à trouver des arguments : les meilleurs arguments se trouvent en considérant le sujet qu'on traite et non en appliquant une méthode de recherche. Histoire tout de même de voir un peu de quoi il s'agit, et parce que cela peut éventuellement servir à considérer son sujet sous un plus grand nombre d'aspects, ils proposent une classification, empruntée à Jean Clauberg.
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* Lieux de grammaire : réflexion sur l'étymologie et les mots dérivés de même racine. C'est ainsi par exemple qu'on observera que certains mondains ne se divertissent jamais réellement, parce que se divertir, c'est se détourner un temps des occupations sérieuses et qu'ils ne s'occupent jamais sérieusement.
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* Lieux de logique : fondés sur les catégories de genre, espèce, différence, propre, accident, définition, division. Quelques maximes utiles : 1 - Ce qui s'affirme ou se nie du genre, s'affirme ou se nie de l'espèce. Ce qui convient à tous les hommes convient aux ministres, mais ils ne peuvent pas prétendre à des avantages qui sont au-dessus des hommes (vie éternelle, ambroisie, cheval ailé de fonction,...). 2 - En détruisant le genre, on détruit aussi l'espèce. Celui que ne réfléchit jamais, ne commet jamais d'erreur de jugement. Celui qui ne dit jamais rien, ne dit jamais de conneries (cf. Steevy). 3 - En détruisant toutes les espèces, on détruit les genres. Un animal qui n'est ni vertébré, ni invertébré, n'est pas un animal (si toutefois je ne m'égare pas en supposant que tout animal appartient forcément à l'une de ces deux catégories ...). 4 - Si l'on peut affirmer ou nier de quelque chose la différence totale, on en peut affirmer ou nier l'espèce. L'étendue ne convient pas à la pensée, donc la pensée n'est pas matière. 5 - Si l'on peut affirmer ou nier de quelque chose la propriété, on en peut affirmer ou nier l'espèce. Comme il est impossible de se figurer la moitié d'une pensée, ni une pensée ronde ou carrée, il est impossible que la pensée soit un corps. 6 - On affirme ou on nie le défini de ce dont on affirme ou nie la définition. Il y a peu de personnes justes, parce qu'il y en a peu qui aient une ferme et constante volonté de rendre à chacun ce qui lui appartient.
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* Lieux de métaphysique : fondés sur les causes, les effets, le tout, les parties, les termes opposés. Les causes en particulier sont classées en 4 espèces : * Cause finale : l'objectif visé, l'intention. On peut distinguer fins principales et fins accessoires, ou entre ce que l'on cherche à obtenir (la santé est la fin de la médecine) et celui pour qui l'on travaille (l'homme, en ce sens, est la fin de la médecine). * Cause efficiente : qui produit un effet. On distingue cause nécessaire (le feu qui brûle le bois) et cause libre ou contingente (dont l'effet n'est que probable). Autres distinctions et sous-catégories : - cause totale (Dieu créant Adam) et causes partielles (le père et la mère pour l'enfant, car "ils ont besoin l'un de l'autre" pour le produire). - le soleil est cause propre de la lumière, mais cause accidentelle de la mort d'un homme par insolation. - le père est cause prochaine de son fils, le grand-père n'en est que la cause éloignée. - la mère est cause productive de l'enfant, la nourrice cause conservante. - le père est cause univoque de ses enfants (ils sont de même nature que lui, humains), Dieu est cause équivoque de ses créatures (qui ne sont pas de nature divine). - L'ouvrier est cause principale de son ouvrage, ses outils n'en sont que la cause instrumentale. - l'air qui entre dans les orgues est cause universelle des sons produits, la disposition particulière de chaque tuyau et celui qui en joue sont les causes particulières qui déterminent l'universelle. - le soleil est une cause naturelle, l'homme est une cause intellectuelle de ce qu'il fait avec réflexion. - le soleil est la cause propre de la clarté d'une chambre, l'ouverture de la fenêtre n'est qu'une cause ou condition sine qua non (sans laquelle l'effet ne se ferait pas). - le feu brûlant une maison est une cause physique, le pyromane est une cause morale. - la cause exemplaire est le modèle qu'on se donne pour accomplir un ouvrage (le plan pour un architecte), ou ce qui est cause de l'être objectif de notre idée ou de quelque autre image que ce soit (le roi Louis XIV est la cause exemplaire de son portrait). * Cause matérielle : ce dont une chose est formée, comme l'or est la matière d'un vase d'or. * Forme : ce qui rend une chose telle et la distingue des autres. Cela renvoie à l'opposition aristotélicienne forme/matière et je laisse à d'autres la joie de saisir précisément et d'exposer ce que cela vient faire parmi les causes, car nous entrons là dans des considérations métaphysiques qui n'ont pas leur place au milieu des dindons, des baleines, de Steevy et d'Arielle Dombasle.
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