THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG - 2017

"Passe-moi la salade, je t'envoie la rhubarbe" (Nicolas Sarkozy)

En lien direct avec les élections de 2017 et avec la France insoumise :

* Sélection thématique d'extraits d'interventions de Jean-Luc Mélenchon.

* Avant-projet de tableau argumentaire.

* Réflexions sur les points du programme à améliorer.

* Réflexions sur quelques moyens d'action.



23 décembre : INSOUMIS = névrosés aux passions tristes (nananèèèreu).

Nous ne nous lancerons pas dans une analyse philosophique des concepts de Spinoza (ou de Spinoza relu par Deleuze).

Nous ne sommes pas compétents pour cela, n'ayant pas acquis une haute formation philosophique en apportant son café à Paul Ricoeur.

D'ailleurs, Spinoza se situe sur le plan de l'éthique personnelle. Pas du militantisme politique.

Il inclut par exemple dans les passions tristes la pitié (qui restreint notre « puissance d'agir »). Cela fait certainement sens dans son système, mais en politique rejeter la pitié, la conscience et le souci du malheur des autres, peut sembler problématique, du moins pour qui prétend défendre des valeurs de gauche.

De plus, on peut raisonnablement penser que l'objectif d'une telle formule n'était pas de susciter une analyse philosophique chez les électeurs français, mais simplement de leur expliquer en termes fleuris que les Insoumis sont, en substance, des aigris et des tarés.

Faisons simple, donc.

Les caractères sont divers, mais je pense avoir pu observer, notamment durant l'enthousiasmante campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, beaucoup de joie, d'allégresse, de plaisir et de fraternité chez les Insoumis.

Passions joyeuses, donc.

D'autres « passions tristes » semblent-elles en revanche mieux caractériser les Insoumis ?

Haine ? Mépris ? Indignation ? Colère ? Jalousie ?

C'est en tous cas l'image que se plaisent à donner d'eux de nombreux médiacrates, dont l'attitude semble d'ailleurs elle-même relever davantage de la haine et du mépris que d'improbables passions joyeuses (hormis celle consistant à remuer la queue en s'entendant féliciter par la voix de son Maître).

Il serait intéressant d'observer les « passions tristes » à l'oeuvre chez nos donneurs de leçons, mais passons …

Je ne crois pas que la JALOUSIE soit bien grande chez les Insoumis. Non, ils ne rêvent pas d'être aussi absurdement riches que les multimillionaires chez lesquels ils dénoncent l'accumulation délirante, l'égoïsme absolu ou l'évasion fiscale.

Ressentir de l'INDIGNATION face à une situation injuste est peut-être une passion triste du point de vue spinoziste. Pour ma part je la trouve plutôt saine.

Ressentir du MEPRIS, voire de la HAINE, face aux chiens de garde d'un système injuste, acharnés à salir toute opposition sérieuse à ce système (tout en étant curieusement beaucoup plus mesurés face à l'extrême-droite), ressentir MEPRIS ou HAINE face aux méthodes de ce type d'individus n'est sans doute pas très gentil ... mais c'est compréhensible et pour tout dire assez inévitable.

Tout ceci nous amène à la névrose.

On peut considèrer la névrose comme une insatisfaction douloureuse face au réel, ce qui l'oppose à la psychose qui est une vision fausse de la réalité.

Pierre Desproges résumait la chose ainsi :

Un psychotique, c’est quelqu’un qui croit dur comme fer que 2 et 2 font 5, et qui en est pleinement satisfait.

Un névrosé, c’est quelqu’un qui sait pertinemment que 2 et 2 font 4, et ça le rend malade.

Je suis persuadé d'être Donald Trump ou Jacques Séguéla = psychose.

Je rêve d'avoir le teint aussi superbement orangé que Donald Trump ou Jacques Séguéla, je sais que cela m'est impossible et cela me rend horriblement malheureux = névrose.

Il y a des degrés dans la névrose : plus mon insatisfaction me rend malheureux et m'empêche de bien vivre, plus elle est pathologique et gagnerait à être soignée.

Mais à petite dose, la névrose est-elle une si mauvaise chose ?

Si mon insatisfaction face au réel me déprime totalement et m'empêche d'agir (ce qui est également la fonction des médiacrates), c'est en effet navrant. Mais si elle n'est pas assez forte pour cela, elle me pousse au contraire à chercher des solutions pour améliorer les choses.

Une névrose relative, une capacité à percevoir, à déplorer et à combattre les « imperfections » du monde qui nous entoure, c'est en réalité la nature même de l'espèce humaine.

Hormis quelques imbéciles heureux satisfaits de tout (par nature ou par décérébration médiatique), tout homme normal, sensé et équilibré, porte en lui une part de névrose.

C'est cette névrose qui le fait homme. C'est elle qui explique l'incroyable évolution de l'Humanité.

L'insatisfaction et la volonté d'améliorer le réel sont à la base du progrès et de l'évolution. Elles sont également au coeur de l'AVENIR EN COMMUN.

C'est parce que des "névrosés" étaient insatisfaits de manger de la viande crue ou de coucher dehors qu'ils ont inventé la cuisson des aliments et la maçonnerie.

Ce sont des névrosés aux passions tristes comme Louis Pasteur (haineux et pleins de ressentiment envers les maladies) qui ont sacrifié leur temps et usé leur vie à faire avancer la médecine au lieu d'aller jouer au squash.

Ce sont des névrosés aux passions tristes comme Charles Baudelaire (insatisfaits, haineux, méprisants envers la trivialité du quotidien) qui ont sacrifié leur vie à l'Art pour rendre le monde plus beau et plus supportable. Au lieu de rejoindre la République en Marche.

Je défie n'importe quelle personne à peu près sensée de me citer un seul individu qu'elle admire (ou même un seul individu avec lequel elle prendrait plaisir à prendre un verre) et qui ne serait pas plus ou moins névrosé, même à un degré infime.

Je ne sais plus exactement qui a qualifié les Insoumis de « névrosés aux passions tristes », mais j'espère avoir montré ici que cette définition était relativement discutable. En tant que névrosés (aux passions tristes), nous ne saurions nous en satisfaire sans trépigner, nous rouler par terre et agonir d'injures les passants.

Au fond, peut-être cette définition nous renseigne-t-elle avant tout sur celui qui l'a employée.

Elle indique qu'il s'agit d'un individu prêt à toutes les approximations pour décrédibiliser ses adversaires. Un individu qui se plaît à utiliser des termes plus ou moins "savants" pour donner à ses insultes le vernis de la culture ainsi que la force persuasive d'un argument d'autorité (« je me réfère à de grands penseurs DONC j'ai forcément raison »).

Quelque sottise que l'on dise, elle impressionnera les gogos pour peu qu'on l'enrobe de termes tels que :

- névrosés (médecine, psychiatrie, neurologie, philosophie freudienne : ça en jette !)

- ou passions tristes (philosophie spinoziste).

Des gens mal intentionnés pourraient bien sûr (hélas !) employer la même technique grossière et user d'un vocabulaire scientifico-philosophique pour désigner l'auteur de cette formule.

En le qualifiant par exemple :

- d'ÂNE (zoologie quadrupédique, psychiatrie équine),

- d'ANDOUILLE (gastrosophie culinarienne)

- d'ECTOPLASME (biologie cellulaire, tintinologie, occultisme métapsychique)

- ou encore, s'ils veulent vraiment briller par leur culture, de CONNARD (éthique, anthropologie de l'Ego, sciences cognitives, gynécologie).


16 décembre : FINKIELKRAUT, CAZENEUVE & JULLIARD vs MELENCHON

Quelques commentaires sur l'émission Répliques d'Alain Finkielkraut du 16 décembre 2017 : « La Gauche a-t-elle un avenir ? », avec Bernard Cazeneuve et Jacques Julliard.

FINKIELKRAUT

Ce n'est pas par masochisme, mais il m'arrive encore d'écouter l'émission de Finkielkraut.

De moins en moins souvent, car au moins une semaine sur deux le titre annonce le ressassement de quelques points aveugles de sa réflexion :

« La France face à l'immigration »

« L'Identité nationale en question »

« La République face aux incivilités »

« L'Islam n'est-il pas le vrai responsable du changement climatique ? »

J'ai beau n'avoir pas la moindre sympathie pour les radicalismes religieux de tous poils, la manière dont Finkielkraut tend à mettre tous les musulmans dans le même sac et à voir dans l'Islam le problème essentiel de notre temps (pour ne pas dire le seul) est assez répugnant. De même que sa façon de s'offusquer des délits et incivilités du bas peuple et de trouver des excuses aux arnaques de l'élite sociale.

Mais enfin, malgré mes nombreux points de désaccord avec lui, je trouve sa pensée plus complexe qu'on ne le croit généralement à gauche et, s'il est de plus en plus nase sur la plupart des sujets, il conserve à mes yeux quelques qualités :

1. ses positions sur l'école et la culture, ainsi que sur l'euthanasie.

2. sa relative honnêteté intellectuelle qui le fait inviter et traiter avec respect des gens qui sont parfois en complet désaccord avec lui (raison pour laquelle j'ai été consterné par la manière dont Finkielkraut a été reçu à Nuit Debout).

On peut cependant déplorer que, pour parler de l'avenir de la gauche et notamment de la percée de JLM, cet homme qui n'a pas hésité à affronter des contradicteurs aussi insupportables qu'Edwy Plenel ou, pire encore, Philippe Meirieu, n'ait pas cru bon d'inviter un représentant de la France Insoumise.

Son ouverture d'esprit et son goût du dialogue semblent avoir trouvé là leurs limites.

CAZENEUVE ET JULLIARD

Jacques Julliard développe dans l'émission quelques points intéressants, reprochant notamment au PS son oubli du peuple et sa politique scolaire.

Mais tout cela est aussitôt annulé par son acquiescement aux justifications de Cazeneuve. En substance : oui, c'est vrai, Hollande, Valls et vous avez fait du bon travail, c'est juste que vous n'avez pas su défendre votre bilan ...

Nos amis évoquent des accusations absurdes contre un PS "qui ne serait plus de gauche". Selon eux, c'est une accusation vague qui ne veut rien dire.

Bon ben si vous voulez je vais être plus précis : le PS mène une politique néolibérale depuis des décennies, il a abandonné le peuple, fait des cadeaux fiscaux aux plus riches,... ça vous suffit ou c'est toujours trop vague ?

MECHANMELANCHON

Puisqu'il est question de l'avenir de la gauche, difficile de ne pas parler de la France Insoumise, bien sûr unanimement condamnée par nos trois compères.

Le ton est ferme mais les raisons plus ou moins floues.

1. La "violence" de JLM. On cite la récente "Emission politique" en faisant passer Laurence Debray pour une pauvre femme aux intentions pures (dénoncer la misère du peuple vénézuelien) et au discours honnête, victime de la grossièreté de Mélenchon. On parle aussi de la violence du concept de "dégagisme" : il ne s'agit pourtant que de cesser de voter pour ceux qui nous trahissent depuis si longtemps, un processus parfaitement démocratique mais dont certains (et pas seulement dans cette émission, la méthode est devenue courante) font une sorte d'équivalent de la peine de mort.

2. On classe à l'extrême-gauche un mouvement qui ne l'est pas et qui incarne en réalité plus ou moins ce que le PS devrait être s'il n'avait pas renié ses idéaux.

3. On qualifie son programme d'utopique, l'accusant de prétendre mieux répartir les richesses, mais de ne pas dire comment il compte faire. D'ailleurs, ajoutent-ils, il faut d'abord créer des richesses avant de les distribuer. Passons sur le fait que les richesses existent mais sont justement concentrées dans quelques poches, ou plutôt dans quelques comptes à l'étranger. On dirait que ces gens n'ont jamais pris la peine de se documenter ne serait-ce qu'un peu sur le programme de la France Insoumise. Bien sûr que si, on dit comment ! En créant de l'emploi grâce à la transition écologique, par exemple, mais aussi et surtout en combattant fraude et évasion fiscales.

Mais curieusement, pas un mot ne sera dit sur l'évasion fiscale durant toute l'émission.

 


14 juin : THIS IS THE BEGINNING ?

Finalement, me voici condamné à râler encore au moins cinq ans. Les résultats des présidentielles laissent espérer la possibilité d'une victoire en 2022, mais d'ici là la casse sociale va continuer, et avec elle les tensions communataires (les deux alimentant le vote FN) et je doute que quoi que ce soit de suffisant soit fait pour résoudre les problèmes environnementaux. La nomination de Nicolas Hulot, qui n'a très certainement été qu'un gadget pour rassurer les électeurs à la veille des législatives, aura au moins ceci de positif qu'en 2022, date à laquelle Hulot aura sans doute depuis longtemps démissionné, plus personne ne devrait se faire d'illusions sur une quelconque intention réelle des libéraux de défendre la planète.

Avec une campagne largement aussi bonne que celle de 2012, avec un programme et un discours qui ont été revus avec pertinence (quoique pas assez revus à mon goût sur certains points, le discours demeurant trop léger sur des questions telles que l'éducation ou la sécurité), la principale cause de cet échec en demi-teinte semble clairement être le matraquage médiatique, qui a réussi à persuader une partie de l'électorat de voter pour un pantin puis de lui donner une majorité à l'assemblée, qui a réussi aussi, lorsque le danger qu'incarnait Mélenchon est devenu trop menaçant, à le discréditer assez dans l'esprit d'une partie des électeurs pour le faire échouer au seuil du 1° tour des présidentielles, puis pour susciter aux législatives une abstention qui permettra à Macron d'obtenir une large majorité.

Il y a donc encore tout un travail à faire sur les médias et la communication de la France insoumise. L'équipe de campagne a déjà largement et brillamment mis en place sur Internet des outils de communication alternatifs. Reste à toucher tout un électorat qui n'a pas d'accès Internet ou n'utilise pas Internet pour s'informer politiquement. Reste aussi à améliorer les moyens de contrer les attaques médiatiques.

Je pense réfléchir ici à ce dernier point, à la fois à travers les vidéos du Colonel Badern et dans ce blog. Pour plus de clarté et d'efficacité, je vais d'ailleurs dédoubler sur un Blog France insoumise toutes les réflexions en lien avec ces questions.


17 avril : THIS IS THE END ?

En créant cet espace lors des luttes sociales de 2003, en le vouant essentiellement à la critique des régressions sociales et des idéologies ultralibérales et/ou réactionnaires qui sont devenues dominantes depuis les années 80, j'avoue que je n'aurais jamais pensé voir la campagne de Jean-Luc Mélenchon prendre une telle ampleur, en dépit des grincements de dents et des coups bas de tous les médias. Mais l'expérience de 2012 a porté ses fruits, il n'a pas refait les mêmes erreurs et a su élargir son audience d'une manière admirable.

La victoire semble à portée de main désormais. Quand je considère le contenu de ce site, il est évident que la plus grande partie pourrait en devenir caduque. La page aura été tournée, espérons-le définitivement et tout ce que j'ai pu écrire ici correspondra à un monde passé. Hormis ma petite sélection de notes de lectures et quelques bricoles de ce genre, tout cela n'aura plus aucun intérêt, sinon un vague intérêt de témoignage sur une période révolue.

Et c'est tant mieux !!!


8 avril : DEUX MACRONISTES

C’est triste de vieillir, comme nous le savons. Y compris pour nous, qui voyons déraper sur la fin des gens que nous avons appréciés et respectés.

Dernières déceptions en date : Renaud et Guy Bedos, qui soutiennent Macron.

Bon, Renaud, on ne va pas l’accabler, on sait dans quel état il est et on ne peut pas trop lui en vouloir.

Mais Bedos, c’est lamentable. Comme on sait, l’antiracisme est son grand combat et donc il veut “faire barrage au FN” dès le 1° tour, voilà l’argument. Comme s’il était incapable de comprendre que le projet de société de Macron (en plus d’être intrinsèquement dégueulasse sur le plan social et sur le plan humain) ne fera que préparer mieux encore le terrain pour le FN pour l’avenir ! Comme s’il était incapable de comprendre que les solutions de Mélenchon, si on lui donne une chance de les appliquer à temps, c’est la chute inévitable du FN et de toutes les intolérances, parce que toute cette merde ne prospère que sur le fumier de la misère sociale et intellectuelle, de l’insatisfaction et de la frustration.

Le problème, c’est que Bedos ne voit que la conséquence (le racisme) sans essayer de comprendre les causes. Il n’imagine même pas soutenir Mélenchon, sans doute parce qu’il le trouve (selon ses critères bedossiens) à la limite du racisme, trop intransigeant sur les questions de laïcité par exemple. Comme si le véritable antiracisme consistait à nier les problèmes que peut poser une certaine conception de l’Islam (ce qui est au contraire le meilleur moyen de donner raison au FN) au lieu de combattre la connerie et l’intolérance où qu’elles soient.


31 mars : MELENCHINE

Mélenchon, dans son discours de ce jour sur la politique internationale, évoque l'accession de la Chine au rang de grande puissance économique, sans aucune volonté impérialiste de sa part, simplement parce que l'Occident lui a "confié le soin de produire à bas prix ce qu'on ne voulait pas produire chez nous, de manière à n'avoir pas chez nous à augmenter les salaires." Il poursuit ainsi :

"Bref, la Chine, entre temps, ne s'est pas contentée, comme le croyaient certains économistes baltringues, de produire des parasols et des castagnettes dont on se serait ensuite régalé dans nos contrées."


11 mars : ONFRAY, MELENCHON ET LA VINASSE

Michel Onfray, toujours bien décidé à déconseiller de voter Mélenchon, préface un livre prônant l'abstentionnisme (position que j'ai moi-même défendue lorsqu'il n'existait aucune alternative politique intéressante mais que je trouve déplorable à l'heure où la méthode Mélenchon mérite au moins d'être tentée) et déclare par ailleurs que, de toute façon, tout est perdu d'avance, tout est déjà joué, et que la seule chose à faire est de boire du bon vin avec ses amis.

A priori, je saisis mal en quoi le fait de voter Mélenchon (ce qui, malgré la terrible image de Robespierro-castriste qu'on lui colle, compromet infiniment moins la démocratie que de s'abstenir et de laisser voter les sectateurs de la mère Pen) empêche qui que ce soit de boire du vin avec ses amis. L'un n'empêche pas l'autre, non ?

Et puis, à la réflexion, je me dis qu'Onfray a trouvé un créneau éditorial. Lui qui jadis appelait à voter pour n'importe quel zozo anticapitaliste (zozos pour lesquels j'ai moi-même voté la plupart du temps, faute de mieux, mais enfin il n'y a pas de quoi se vanter), il s'est trouvé un nouveau fonds de commerce avec la décadence, l'abstentionnisme, le repli total sur l'hédonisme individuel. Et avec l'argent que lui rapportent ses bouquins, il peut s'acheter des pinards encore meilleurs et les boire avec ses potes. Voilà. C'est ça, son projet de société.


5 mars : LOI DE GODWIN

Vers la fin du Faiseur d'histoire, un roman uchronique parfois un peu longuet mais pas mauvais du tout, Stephen Fry imagine que son personnage s'adresse ainsi en pensée à Hitler : "Mais si tu savais, si tu avais la moindre idée du dégoût avec lequel on prononce ton nom sur tout le globe, qu'éprouverais-tu ? Est-ce que ça te ferait rire ? Ou protester ? Est-ce qu'en enfer on te diffuse des émissions de télé pour te montrer comment l'histoire t'a vaincu ? Es-tu forcé de regarder des films et de lire des livres où toutes tes idées et toute ta gloire sont exposées comme les conneries vulgaires et immondes qu'elles étaient ? Ou est-ce que tu attends, tu attends qu'un autre comme toi remonte, comme une vomissure ?"

La nature du nazisme, une des expressions historiques les plus frappantes du Mal, en fait un outil de comparaison assez naturel. La loi de Godwin ("Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1.") est de plus en plus souvent utilisée, non pour dénoncer les comparaisons abusives, mais pour discréditer toute comparaison utilisant le nazisme.

Prenons un exemple dans l'actualité du jour. Après des semaines de dégringolade sondagière et de lâchages successifs de la part de ses soutiens, François Fillon joue son va-tout en laissant la parole à son onéreuse Penelope, laquelle déclare au sujet de ses différents emplois suspects et surpayés : "tout était légal et déclaré". Bien. Mais "légal et déclaré", il n'en est pas moins question de rémunérations insensées attribuées par un élu à son épouse pour un travail assez flou. Et en lisant l'argument de cette dame, l'envie me prend (et tant pis pour Godwin car je sais parfaitement qu'une escroquerie n'a PAS le même degré de gravité qu'un génocide) d'établir une comparaison : oui, Hitler aussi aurait pu se défendre en disant "tout était légal et déclaré".


26 février : MEHDI MEKLAT ET LES 2 GAUCHES

L'affaire des tweets antisémites, homophobes, etc. d'un protégé de la gauche Inrocks pose une nouvelle fois la question de l'islamo-gauchisme, qu'il soit assumé comme idéologie ou qu'il soit (comme ici ?) le simple résultat d'un manque de discernement.

On pourrait distinguer 2 sortes de gauche (pour les droites, voir René Rémond).

Une gauche lucide et rationnelle, qui s'interroge d'abord sur ce que sont les valeurs fondamentales de la gauche, considère également la réalité, puis tente de mettre en oeuvre au mieux ces valeurs de gauche dans le monde réel. Cette gauche me semble aujourd'hui assez bien représentée par Mélenchon, même si je ne partage pas toutes ses analyses.

Et il y a une gauche angélique, catéchistique, qui - ce qui lui fait déjà un premier point commun avec l'extrême-droite - se contente généralement de slogans et de certitudes simples sur ce qui est "bien" et ce qui est "mal". Heureusement, ses certitudes étant généreuses, elles sont dans l'ensemble moins dangereuses que celles d'un néo-nazi. Dans l'ensemble, mais pas toujours. Elles conduisent notamment à cette aberration qu'est l'islamo-gauchisme, qui consiste à soutenir n'importe quelle ignominie dès lors qu'elle qu'elle est commise par une communauté classée parmi les gentils (éh oh ! réveil, les gars ! ils n'y a pas de communautés de Gentils et de communautés de Méchants, mais une réalité un peu plus complexe que ça avec de braves gens dans toutes les communautés et avec de sales cons partout également).

L'affaire Meklat est sidérante et amène à s'interroger sur le nombre de taupes de la (vaste et diverse) "fachosphère" que protège en toute naïveté cette gauche à catéchisme. Va-t-on apprendre prochainement que Bruno Dumont (dont je n'ai a priori aucune raison de douter de la sincérité mais dont la manière de présenter le racisme ordinaire laisse parfois perplexe) roule en réalité pour le FN ?

Va-t-on apprendre que l'insolent Thierry Ardisson est un monarchiste (on ne rit pas !) ultra-réac qui monte depuis des années les communautés ethniques les unes contre les autres sous prétexte de journalisme audacieux, tolérant et rigolard ?

Va-t-on découvrir que l'insolent Karl Zéro a toujours été proche de Charles Pasqua dont son frère fut la "plume" ? Et que sa belle-soeur l'insolente Frigide Barjot est en réalité une cagote hystérique ? Ah non, ça c'est déjà fait.

"C'est la maxime des méchants esprits de se glisser doucement dans la croyance et faire comme les aiguilles qui entrent par la pointe dans le drap et agrandissent l'ouverture pour en sortir, y laissant le filet attaché." (Saint Augustin)

***

PS (si j'ose dire) : j'oublie évidemment une troisième catégorie, la gauche cynique, la gauche qui agite des valeurs de gauche pour être élue puis qui mène une politique de droite, la gauche qui ouvre un boulevard au Front national. En fait, je ne l'ai pas oubliée, puisqu'elle n'est pas de gauche.


15 février : FILLON DEJEUNE AVEC SARKOZY

Du mystérieux déjeuner de Fillon (qui persiste à maintenir sa candidature malgré les casseroles qui s'accumulent et les sondages calamiteux) avec Sarkozy (soupçonné d'être à l'origine des révélations qui ont abattu en plein envol cet abruti), une des rares choses qui semble filtrer c'est que Sarkozy a ensuite pris rendez-vous avec François Baroin. On en déduit l'accord suivant : tu t'engages à nommer Baroin Premier Ministre si tu es élu, en échange on (la mouvance sarkozique) arrête de menacer de te lâcher.

Ce qui me frappe le plus dans ce rebondissement, ce ne sont pas les compromis et les magouilles, monnaie courante en politique, c'est l'idée sidérante qu'ont ces gens (et, ce qui est pire encore, sans doute à juste titre) qu'il suffira que les députés en question cessent de réclamer un nouveau candidat pour que les électeurs eux aussi oublient tout et acceptent sereinement la candidature Fillon. C'est vraiment croire les électeurs extrêmement amnésiques et extrêmement faciles à manipuler, mais, je le redis, le pire est qu'ils ont certainement en grande partie raison. Une partie de l'électorat LR est réellement révulsée par les scandales Fillon (mais sans doute pas tant que ça vu que les mêmes ont voté jadis pour Sarkozy qui avait largement autant de casseroles), mais la plus grande partie n'aboie contre Fillon que si on lui dit d'aboyer et changera d'opinion et d'attitude sur demande.

Reste à évaluer les proportions et à savoir si cela lui permettra d'accéder malgré tout au second tour, mais c'est secondaire.


31 janvier : DEFENSE DU MARECHAL FILLON

Je ne me chargerai pas moi-même de la défense de celui-ci, d'abord parce que l'envie m'en fait défaut, ensuite parce que ses amis politiques font cela comme des chefs.

Par exemple, Bernard Accoyer, qui est à peu près le seul à déclarer qu'il a souvent vu la mère Fillon "participer à des travaux" à l'Assemblée nationale, tandis que Fillon, lui, déclarait sur TF1 que l'emploi fictif de sa femme ne l'avait jamais amenée à se rendre à l'Assemblée. C'est beau, la concertation.

Mais le plus épatant est Gérard Larcher, qui, des sommes exorbitantes ainsi détournée pour ces divers emplois fictifs, tire cette morale : Mme Fillon est "l'un des rares cas où les femmes sont mieux payées, c'est un motif de fierté".

***

UN PEU DE POESIE, POUR AERER :

Quelques extraits de la Ballade de la Grosse Margot, de François Villon (laissons de côté la Ballade des pendus), mettant en scène les amours tumultueuses d'un proxénète.

Mais adoncques il y a grand déhait

Quand sans argent s'en vient coucher Margot ;

Voir ne la puis, mon coeur à mort la hait.

Sa robe prends, demi-ceint et surcot,

Si lui jure qu'il tiendra pour l'écot.

Par les côtés se prend cet Antéchrist,

Crie et jure par la mort Jésus-Christ

Que non fera. Lors empoigne un éclat ;

Dessus son nez lui en fais un écrit,

En ce bordeau (bordel) où tenons notre Etat.

Puis paix se fait et me fait un gros pet,

Plus enfle qu'un vlimeux escarbot.

Riant, m'assied son poing sur mon sommet,

" Gogo ! " me dit, et me fiert le jambot.

Tous deux ivres, dormons comme un sabot.

Et au réveil, quand le ventre lui bruit,

Monte sur moi que ne gâte son fruit.

Sous elle geins, plus qu'un ais me fais plat,

De paillarder tout elle me détruit,

En ce bordeau où tenons notre Etat.

Vente, grêle, gèle, j'ai mon pain cuit.

Je suis paillard, la paillarde me suit.

Lequel vaut mieux ? Chacun bien s'entresuit.

L'un l'autre vaut ; c'est à mau rat mau chat.

Ordure aimons, ordure nous assuit ;

Nous défuyons honneur, il nous défuit,

En ce bordeau où tenons notre Etat.

***

COMPLEMENT FILLON

Un autre amusant s'est manifesté durant la journée. Bernard Debré estime qu'il est "anormal que l'on vienne perquisitionner chez des députés, dans les bureaux ... parce que ... y a des dossiers qui ne regardent personne. Des dossiers en préparation ... préparations de projets de loi, propositions de lois, des réunions qu'on a eues qui ne regardent personne."

On a tendance à penser naïvement que le travail d'un élu du peuple regarde tout le monde, mais il a raison : il peut y avoir certains trucs qui ne regardent personne. Genre si le projet de loi est encore en préparation, les flics qui viennent perquisitionner au sujet de l'argent détourné pour Penelope, ils tombent sur le projet de loi, ils en parlent, les médias l'apprennent, ils annoncent le projet de loi AVANT la date prévue, ça tue le suspense, c'est nul. Donc, non. Il ne faut pas perquisitionner chez les députés car il y a des choses qui ne regardent personne. Il ne faut pas non plus perquisitionner chez les trafiquants d'armes ou de drogue, chez les tueurs en série ou chez les gens qui mettent leurs bébés dans le frigo car il y a chez eux des choses qui ne regardent personne.

Chez les receleurs aussi, il y en a, des trucs comme ça, donc non plus, là, pas perquisitionner.

Bien.

A part ça, on peut commencer à se demander qui va remplacer Fillon pour les présidentielles s'il est mis en examen. Il semble que Sarkozy s'y voit déjà et certains supposent même qu'il pourrait être à l'origine des fuites. Sarkozy a pourtant largement autant de casseroles, mais pour cet électorat (qui a ovationné Fillon et sa dame lors du dernier meeting LR), avoir trempé dans des escroqueries est presque un gage de qualité, c'est le Label "Candidat 100% de Droite".

En voyant que la femme Pen est elle aussi inquiétée par la Justice ces derniers temps, on se prend à rêver d'une élection où tous les candidats à casseroles seraient, par la force des choses, remplacés par des types a priori honnêtes. Déjà, la victoire de Hamon aux primaires du PS (quoiqu'on pense des lacunes de son programme et surtout du fait que sa présence va diviser l'électorat de gauche entre Mélenchon et lui) marquait le triomphe d'un outsider et (surtout) le rejet des Valls et autres Hollande. Imaginons que la droite ne trouvant aucun candidat LR qui ne soit pas susceptible de finir en prison se rabatte sur Bayrou ! Imaginons que les souverainistes de droite, privés de leur Pen, se rangent par défaut derrière Dupont-Aignan ! Agréable perspective, non ? Si la droitisation des esprits fait que réellement la droite doit inévitablement l'emporter, on accepterait presque avec plaisir que ce soit avec un candidat comme Bayrou ou Dupont-Aignan.


29 janvier : DEFENSE DU MARECHAL HOLLANDE

Malgré la qualité de la campagne de Mélenchon, la présence d'a priori au moins trois candidats "de gauche" et le fait que la majorité des électeurs français soit idéologiquement de droite (y compris au PS) font que sa victoire semble hélas hautement improbable. La perspective d'une victoire de Marine Le Pen ou de Fillon, ou du remplaçant de celui-ci s'il se retrouve devant des juges d'ici quelques jours, disons donc du FN ou des R (ou doit-on dire des LR ? du LR ? de Les Républicains ? on ne sait trop : bien fait pour leur gueule, ils n'avaient qu'à garder leur ancien nom) ... cette perspective incite à penser que l'on va regretter François Hollande.

Car au fond, que peut-on reprocher à François Hollande. Pour caricaturer un peu, François Hollande n'a rien fait. Ni en bien (ou si peu), ni en mal (hormis des réformes que la droite aurait également faites, et sans doute plus violemment). Ce ne furent que cinq années pour rien, mais au fond, cinq années de relative pause entre Sarkozy et je ne sais qui, c'était toujours bon à prendre. Pas trop de scandales ; une liaison people pour faire comme Sarkozy mais enfin ça, c'est son problème ; une réaction au terrorisme plutôt adéquate (on peut toujours déplorer le prolongement incessant de l'état d'urgence, mais imaginons ce qu'aurait fait la droite au pouvoir dans la même situation ...) ; une politique étrangère pas trop absurde ; des comptes publics plutôt bien rééquilibrés, ...

Bref, tel Pétain face à une défaite jugée (à tort ou à raison) définitive, Hollande, persuadé de l'inévitable triomphe de l'ultralibéralisme, s'est contenté de tenir la barre en limitant un peu les dégâts (j'ignore si ma comparaison, qui se limite à cet aspect des choses, est insultante pour François Hollande ou trop indulgente pour Pétain). Comme Pétain, il s'est en quelque sorte sacrifié historiquement, acceptant de rester dans les mémoires comme un lâche, un médiocre, un collabo. On ne va pas le plaindre car il aurait mieux fait de laisser le champ libre à un vrai candidat de gauche, mais on peut cependant comprendre son point de vue et apprécier le relatif répit qu'il nous aura apporté durant ces cinq ans.

Enfin, pour poursuivre la comparaison, comme Pétain, Hollande n'est pas le pire de la bande. Ce n'est qu'un ramolli, sans doute persuadé de bien faire, traînant à sa suite un certain nombre de parasites, de charognads, de margoulins et de forts en gueule.

Et voilà. L'ai-je bien défendu ?


21 janvier : TRUMP

A peine en place, le nouveau président des Etats-Unis a déjà bazardé les rares choses positives quoique insuffisantes que son prédécesseur avait accomplies, à l'intérieur (l'Obamacare) comme au plan mondial (l'action contre le réchauffement climatique, qui, selon Donald, n'existe pas, ce qui lui fait un point commun - sans doute pas le seul - avec l'immonde Claude Allègre).

Les Américains semblent déjà s'en mordre les doigts. C'est sympa de rejeter le "système" et les élites en place du genre de la femme Clinton, mais si c'est pour les remplacer par pire encore, ça ne soulage pas très longtemps. Les électeurs du FN s'en rendront compte sans doute très bientôt eux aussi. Le problème, avec eux comme avec les électeurs de Trump, c'est que, pour que ces gros nases puissent enfin apprendre de leurs erreurs, tout le monde est obligé de subir les conséquences desdites erreurs.

Tas d'abrutis.


10 janvier : POLEMIQUE BENYETTOU

Peut-être me manque-t-il des éléments d'information, mais tout ce que j'ai pu lire ou entendre à propos de la polémique suscitée par l'intervention télévisée le 7 janvier de Farid Benyettou, ex-mentor des crétins Kouachi et djihadiste repenti, venu présenter son livre, co-écrit avec Dounia Bouzar, et arborant un badge "Je suis Charlie", tout cela ne m'aide pas à comprendre pourquoi il y a polémique. Je ne vais pas refaire l'historique, mais ce type a purgé sa peine de prison, s'est réinséré socialement, semble regretter tout à fait sincèrement son passé djihadiste et s'être impliqué sans arrière-pensée dans la déradicalisation. Au pire, quand bien même il ferait semblant d'avoir changé d'avis, son discours actuel est tout à fait cohérent, c'est tout à fait celui qu'on peut attendre d'un ex-djihadiste qui a réfléchi : rien à voir avec le discours hypocrite de ceux qui condamnent mollement le terrorisme pour s'empresser ensuite de lui trouver des excuses. Rien de tel dans ce qu'ai j'ai pu consulter du discours de Benyettou : il assume totalement ses erreurs, ne se trouve aucune excuse, pas plus qu'au terrorisme, et cherche simplement par son témoignage à aider d'autres jeunes à ne pas sombrer dans les mêmes erreurs. Les mauvaises langues peuvent toujours dire qu'il cherche aussi à se faire un peu de fric en vendant un bouquin : oui, et alors ? l'essentiel est que le livre en question propose un discours sain et utile, ce qui me semble être le cas. On ferait mieux de s'offusquer des publications nauséabondes d'un Emmanuel Todd sur les manifs de janvier 2015 : voilà un véritable connard, pour lequel j'ai infiniment moins de respect que pour Farid Benyettou.

Mais je me suis un peu égaré en chemin. Je disais qu'au pire, même si Benyettou était un faux-repenti, le discours qu'il tient est celui d'un vrai repenti. Il ne peut en avoir que les effets positifs et on voit donc mal l'intérêt qu'aurait une telle "tromperie". Ses anciens potes restés djihadistes lui crachent aujourd’hui à la gueule : on voit mal l’intérêt qu’il pourrait avoir à faire tout ça s’il n’était pas sincère.

Que quelqu'un qui a son passé arbore un "Je suis Charlie", il me semble que c'est le sens-même de la formule "Je suis Charlie" : quelles que soient mes opinions, quelle que soit ma religion, quel que soient mes erreurs passées, je condamne totalement et inconditionnellement cette barbarie et l'idéologie qui y conduit. Rien à voir avec l'ignoble "je me sens Charlie Coulibaly" de Dieudonné. Il n'y a pas ici la moindre provocation.

Même si j'ai été comme beaucoup affecté par ce qui s'est passé le 7 janvier 2015, je ne suis évidemment pas à la place des survivants de Charlie, pas à la place des proches des victimes. Mais j'ai du mal à comprendre qu'ils ne puissent considérer cela que comme une indécence, et non comme un hommage. Je n'ai jamais trouvé la moindre justification à ce massacre, j'ai souvent déploré ici-même que l'on n'entende pas assez de musulmans condamner beaucoup plus fermement le terrorisme, au point d'être très certainement considéré par certains comme "islamophobe", mais là je ne comprends pas : voilà un homme qui condamne on ne peut plus clairement et il se fait engueuler. J'ai pu voir certains dessins du prochain Charlie sur le sujet et, ça me gêne d'avoir à le dire, mais je les trouve indignes.

Quel message lamentable envoie-t-on aux musulmans en réagissant de cette façon ? D'un côté on les accuse (et moi le premier) de ne pas avoir été assez présents et assez explicites pour condamner la tuerie du 7 janvier, de l'autre quand un musulman le fait clairement, on lui tombe sur le râble, sous prétexte qu'il a été le principal responsable de l'endoctrinement des assassins. De l'endoctriment, de la radicalisation : pas de l'organisation de cet attentat, qui, dit-il, l'a immédiatement révolté. Car ce n'est pas un repenti de fraîche date : en 2015 il avait déjà purgé sa peine de prison et s'était déjà déradicalisé suite aux attentats perpétrés par Merah.

***

Complément 18 janvier :

Je reste apparemment bien isolé pour estimer que toutes ces réactions sont quelque peu injustes et pour le moins contre-productives, ne trouvant autour de moi que des gens qui n'ont pas suivi l'affaire et n'ont pas d'avis, et dans les médias que des gens offusqués dont j'ai tenté de collecter les arguments pour essayer de comprendre leur point de vue, au-delà de l'évidente réaction instinctive des proches des victimes pour qui Benyettou est "lié" aux attentats de janvier 2015 (quoique sorti du milieu djihadiste avant 2015 et ne les ayant donc en rien préparé ou commandité) en raison de ses liens passés avec les abrutis Kouachi, lesquels abrutis auraient pu être endoctrinés par des tas d'autres prêcheurs de haine (ce n'est pas ce qui manque), mais bon, là, il se trouve que ce fut par Benyettou, donc on décide que Benyettou est tout spécialement responsable de ces attentats.

C'est ainsi que revient régulièrement dans les medias le qualificatif d'ex-mentor des frères Kouachi, pour bien insister sur le fait que c'est lui, là, qui est responsable de leur radicalisation, et donc des crimes qu'ils ont commis dix ans plus tard à l'initiative d'autres salopards. La vérité semble pourtant être que les Kouachi, tentés par le djihadisme, se sont tournés vers un des types qui le prêchaient à l'époque dans leur coin, et que ce type, courroie de transmission parmi bien d'autres, c'était Benyettou. Passons. Ca ne l'exonère en rien de sa responsabilité (qu'il ne nie pas, redisons-le), mais il me semble excessif et malhonnête d'en faire, comme le dit Laurent Baffie par exemple, en regrettant de lui avoir serré la main, "le mec qui est à l'origine de la tuerie de Charlie", ce qui est plus facile que de s'en prendre aux tueurs eux-mêmes (tous morts en lâches qu'ils étaient pour éviter d'avoir à affronter leur conscience et la Justice) ou à leurs véritables commanditaires (tous planqués et pas forcément identifiés). Bref, Benyettou fait un bouc émissaire idéal, ce qui ne serait pas trop choquant s'il était toujours dans son idéologie à la con mais devient un peu gênant à l'heure où il n'intervient que pour la dénoncer.

Prenons l'intervention sur ce sujet d'un grand penseur, Yann Moix.

Son premier argument est celui de beaucoup de gens : un terroriste reste un terroriste, les gens ne peuvent pas évoluer (donc, logiquement, un écrivain de merde reste un écrivain de merde : inutile de te fatiguer à écrire des trucs pompeux pour nous faire croire que tu as pris de la bouteille et de l'ampleur, Yann ...). Il le dit de la façon suivante : "Je ne crois pas à la déradicalisation. La radicalité se définit de la manière suivante : c'est un point de vue, c'est une intention, qui ne bouge pas, qui va, qui se déploie jusqu'à la fin." C'est-à-dire qu'il pose une définition totalement arbitraire (et à tout le moins incomplète) et sans espoir, mais qui l'arrange pour formuler son "indignation". Heureusement, le discours-même de Benyettou (sincère ou non) nous décrit de façon tout à faut crédible comment certains individus peuvent se déradicaliser.

Argument 2 : la "pornographie" des dates, argument que nous avons déjà évoqué, renforcé ici par un terme bien fort, "pornographie". Ca ne mange pas de pain.

Il revient ensuite à sa première idée en disant qu'il était dangereux d'inviter cet ex-terroriste sur un plateau de télévision où il aurait pu, sous prétexte de venir témoigner, "se faire exploser". Ben oui, c'était dangereux, il aurait pu. Il aurait pu, mais ce n'est pas ça qui s'est passé. Non seulement il ne s'est pas fait exploser (si ce n'est ensuite et moralement par toutes ces belles âmes), mais il a tenu un discours raisonné et utile.

D'autre part, Ardisson (l'homme qui a contribué à l'évolution lamentable de Dieudonné et qui "ethnicise" quasiment tous les débats depuis des décennies) joue comme d'habitude les champions de la liberté d'expression en expliquant "pourquoi il fallait donner la parole à Benyettou". Mais se demande-t-on pourquoi il a choisi de l'inviter justement le 7 janvier ? Croit-on sérieusement que c'est Benyettou qui a choisi cette date ?

Pour finir et pour revenir quant à moi au fait de me trouver apparemment très isolé sur cette position, je suis tenté de l'expliquer par le fait que Benyettou est pris entre deux grandes masses d'opinions : ceux pour qui la haine (justifiée) du terrorisme est devenue si irrationnelle qu'ils ne voient même plus qu'un ex-djihadiste qui condamne le djihadisme fait oeuvre utile et mérite au moins un minimum d'indulgence et de respect et, de l'autre côté, les islamo-gauchistes, toujours prêts à trouver des excuses aux véritables terroristes ("victimes" opprimées par un Occident responsable de tous les maux) mais qui doivent considérer Benyettou comme un traître à cette "noble cause" (dont on condamne certes un peu les méthodes mais qui peut se "comprendre"), une espèce de collabo de la lutte anti-terrorisme.

 

 


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