THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG

2013



21 décembre : GODWIN

On parle de plus en plus de la "loi" de Godwin énoncée en 1990 : "Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1." Il y a évidemment du vrai là-dedans, mais cela s'explique assez aisément, me semble-t-il, par le fait que le nazisme incarne une des formes les plus achevées du Mal politique absolu et de l'ignominie dont est capable l'homme.

Il va de soi qu'il faut rester prudent et garder à l'esprit qu'une comparaison n'est qu'une comparaison, c'est-à-dire qu'elle ne s'applique généralement que sur quelques points, voire un seul (si le comparé et le comparant sont semblables à 100%, c'est qu'ils sont tout bonnement une seule et même chose). D'autre part, cela peut impliquer une part d'exagération destinée à souligner une idée : là où certains ne voient pas où est le problème dans la politique de (par exemple) Sarkozy, montrer qu'en poussant les choses un peu plus loin on tomberait dans un discours ou/et une pratique caractéristique du nazisme permet de mettre en relief le problème, sans que cela implique pour autant que Sarkozy soit un nazi.

Bref, la loi de Godwin attire notre attention sur le fait que de telles comparaisons doivent être faites et comprises avec prudence. Mais elle est en fait en train de devenir une arme, un pseudo-argument, pour tous ceux que de telles comparaisons pourraient déranger. Désormais, pour tout dérapage rapprochant dangereusement son auteur du discours et/ou des pratiques du nazisme, à ceux qui le lui font remarquer, il lui suffit d'opposer la loi de Godwin ou, mieux encore, plus fort encore dans le discrédit, le point Godwin.

Cette expression semble d'ailleurs avoir curieusement évolué. De l'idée d'un point Godwin que l'on atteint (le "point de Godwin" serait sans doute plus adéquat) on passe à l'idée d'un (mauvais) point attribué à la personne qui recourt à une comparaison avec le nazisme, bref on passe d'une approche d'allure scientifique à un simple jeu enfantin, dont la valeur argumentative est à peu près égale à celle d'une réfutation consistant à rétorquer : J'ai pas dit "Jacques a dit" !


30 novembre : UNE BOLCHEVIK CHEZ SARKOZY

Finkielkraut invite ce jour un personnage qui se veut original (et qui vient d'écrire un livre sur son expérience prétendument rocambolesque). Marie de Gandt se présente comme une femme de gauche, mais elle a été une des "plumes" de Sarkozy ces dernières années. Elle assure apparemment qu'elle n'a pas fait mention de ses engagements personnels avant d'être engagée et qu'elle a en quelque sorte roulé le pouvoir sarkozyste dans la farine en cachant qu'elle était de gauche. Ce qui ne l'a pas empêchée non seulement de servir loyalement Sarkozy, mais encore de tirer de cette expérience la conclusion qu'il y a plein de gens formidables à l'UMP, intègres et au service de la Nation (sans rire, elle dit ça ... évidemment), et même plus qu'au PS où les gens sont souvent "sectaires". Chez Finkielkraut, face à Michel Schneider, autrement plus critique, elle nous ressort le même type de camelote et nous assure, en choeur avec Finkielkraut, que la politique est aujourd'hui encore un sacerdoce, un sacrifice permanent à l'intérêt collectif (y compris chez la bande de maffieux pour qui elle vient de travailler) et que ces gens méritent toute notre gratitude (les vrais méchants étant, comme le rappelle pour la énième fois Finkielkraut, Edwy Plenel ou encore tous les mauvais citoyens qui persiflent). Bref, sans les interventions de Michel Schneider, l'émission serait inécoutable.

Marie de Gandt, c'est au fond le coup des Besson-Kouchner en plus subtil : elle ne se présente pas comme une transfuge débauchée par l'UMP mais comme une quasi-ethnologue en immersion. Mais le discours et l'intention sont les mêmes (et les trente deniers aussi, sans doute). Quant à l'apparent paradoxe (une femme de gauche chez les crypto-lepénistes), il s'écroule dès que l'on a compris que par "de gauche", cette femme entend qu'elle est proche du PS (qu'elle trouve par ailleurs finalement "sectaire", rappelons-le). Bref, elle est autant "de gauche" que Marine Le Pen, que Nadine Morano ou que François Hollande. Et si l'on avait l'idée de me reprocher cet ultime amalgame, je soulignerais que cela, dire que le PS et l'UMP c'est exactement la même chose, c'est justement le message que fait passer (involontairement ?) Marie de Gandt.


14 octobre : FN'S FANS & RATS

La banalisation du FN se développe, encouragée tant pas les dérapages de la droite dite "décomplexée" que par l'inaction révoltante du gouvernement dit "socialiste", en passant par le soutien indirect des medias qui au mieux s'indignent mais sans rien analyser, plus généralement se contentent de prendre acte de cette montée de l'extrême-droite, mais dans tous les cas ne cessent d'en parler.

Lorsque je plaçais sur ma page d'accueil la bande-annonce de La Vague bleu Marine (Sortie prévue 2017 - Réalisation : François Hollande), j'étais loin d'imaginer à quel point un an à peine de gouvernement Hollande me donnerait raison, à quel point l'action de ces gens serait consternante de lâcheté et de reniement (et il n'y avait pourtant pas grand chose à renier car franchement, déjà au départ, ça ne prétendait pas aller bien loin) et à quel point le bénéfice pour le FN serait immense.

Après des décennies de purgatoire (il fait dire que les nazis avaient un peu abusé et "occasionné de la gêne pour certains de leurs concitoyens", comme disait si bien l'évêque Williamson), l'extrême-droite (tout en prenant bien soin de dire qu'elle n'est pas d'extrême-droite) peut enfin de nouveau parader glorieusement, fière de ses succès et de l'élargissement constant de sa base électorale, fière aussi (à plus juste titre) d'être à peu près la seule à oser évoquer des problèmes que tous les autres s'emploient à nier. Evidemment, tous ces problèmes, elle les pose mal et elle n'y propose que des solutions aussi stupides qu'abjectes, mais aux yeux de bien des gens peu et mal informés (et ça, la faute à qui ?), le seul fait d'oser évoquer ces questions constitue un mérite suffisant.

Bref, le FN est en pleine expansion. Du coup, des personnalités médiatiques qui s'étaient jusque là abstenu d'exposer aussi ouvertement leurs idées, n'hésitent plus. Le navire étant enfin renfloué, les rats remontent dedans. Après Jean Roucas, c'est Alain Delon qui affiche son soutien au FN. On dirait qu'il va y avoir de la castagne pour savoir qui aura le ministère de la Culture en 2017, d'autant que Brigitte Bardot, elle, n'a pas attendu que le vent tourne pour clamer ses préférences.


5 octobre : REACTION ET INDIGESTION

Interrogé par Finkielkraut sur les "nouveaux réactionnaires", Tristan Garcia a cette analyse :

"Je crois que la Réaction c'est généralement un acte d'indigestion. Au fil des années 2000, moi qui étais totalement étranger à la pensée réactionnaire, qui pensais que c'était vraiment du passé, en bon moderne, que c'était derrière nous, j'ai eu le sentiment que, non pas le moderne mais le contemporain, donnant à manger n'importe quoi à l'esprit, vraiment, dans l'actuel, dans l'actualité, ... le contemporain comme la digestion de tout, rendant tout comestible, prémâchant tout, avait produit malgré lui les conditions de la Réaction, c'est-à-dire de l'indigestion et de la vomissure. Du fait de rendre. La réaction, c'est ça, c'est quand l'esprit "rend", ne veut plus avaler ce qu'on lui donnait comme le sens de l'Histoire, etc."


27 septembre : ROMS - VALLS JOUE AVEC LE FEU

Certains ont pu croire naïvement que Manuel Valls méritait respect et attention parce qu'il parvenait à défendre des valeurs de gauche tout en refusant l'angélisme et en acceptant de se confronter à certains problèmes que la gauche préfère habituellement nier.

Son action depuis qu'il est ministre et ses propos récents sur les Roms confirment en réalité qu'il ne s'agit que d'une posture électoraliste. Soulever des problèmes, c'est bien : y répondre par des généralisations ethnicisantes, c'est tout à fait autre chose (cf. notre illustration).

***

ET MONTEBOURG ?

Quant à Montebourg, l'autre "outsider" atypique du PS (lui, son originalité, c'est d'être de gauche), il condamne fermement les propos de Valls. On n'en attendait pas moins de lui. Il est sympa, Montebourg. Il est sincère, même, sans doute.

Il est sympa, mais il est tellement outsider que dans l'hypothèse assez improbable où il était élu un jour président (ce qui semble être son but avoué), on voit très mal avec quels autres membres du PS il pourrait fonder un gouvernement, à moins de renoncer à sa politique et de faire du Hollande avec les mêmes guignols. A peine élu, on le voit déjà seul et dépassé par les circonstances. On a envie de lui dire : si vraiment tu prétends défendre les mêmes idées que Mélenchon mais en restant au sein du PS, renonce à cette absurdité ! Rejoins le Parti de Gauche ! Accepte de n'être le cas échéant que le premier ministre de Mélenchon (qui a infiniment plus de charisme pour l'emporter un jour et de détermination pour ne pas dévier de son cap) ... Certes, cela a moins de chances d'arriver, et rester au PS c'est augmenter ses chances d'obtenir un ministère (et un beau en plus : celui du "Redressement productif") et donc de pouvoir agir (on voit le résultat ...). Rejoindre le PG, c'est avoir moins de chances de se retrouver au pouvoir, mais c'est aussi, dans l'hypothèse où on y arrive un jour, avoir plus de chance de pouvoir mener réellement la politique à laquelle on croit.

Enfin bon, il fait comme il veut, Montebourg, c'est sa vie.


14 septembre : UNE NOUVELLE AVENTURE DE FINKIELKRAUT

Afin de célébrer comme il se doit le centenaire de la naissance d'Albert Camus, Finkielkraut, pour bien parler de ce philosophe humaniste et généreux, a invité le délicieux Henri Guaino. Dommage que Joseph Goebbels soit mort. Même s'il n'a pas connu personnellement Camus, lui aussi aurait été un orateur tout indiqué pour célébrer son oeuvre.


7 septembre : RENTREE PEDAGOGISTE

Enième émission de Finkielkraut sur l'école. Ses propos restent dans l'ensemble intéressants, mais même sur ce sujet ils sont de plus en plus contaminés par ses obsessions ethnicistes. Face à Denis Kambouchner, nous avons droit à l'insupportable "spécialiste" de l'éducation au Monde, Maryline Baumard, qui nous ressort systématiquement tous les clichés pédagogistes en vigueur depuis des décennies, parmi lesquels l'inévitable et vibrant éloge de l'hétérogénéité des classes. Face aux multiples témoignages contraires de professeurs invoqués par Finkielkraut, elle rétorque pour soutenir sa théorie : "C'est ce que dit la science ! C'est ce que disent les observations ! C'est ce qui disent les économistes !"

On devrait évidemment lui demander : quelle science ? sont-ce la "pédagogie" et les prétendues "sciences de l'éducation" que vous appelez ainsi sans aussitôt mourir de rire à défaut de mourir de honte ? et quelles observations, bien entendu, si ce n'est celles de ladite "science" ? Mais le plus étonnant demeure pour moi le troisième terme : les économistes nous assurent donc, selon Baumart, que l'hétérogénéité des classes est bonne pour les élèves. Je laisse chacun goûter à sa façon ce qu'on prendra au choix comme une énormité lâchée au milieu de tant d'autres ou comme un lapsus révélateur.


30 août : LE NOUVEL ONFRAY vs MELENCHON

Malgré les habituelles approximations, simplifications et répétitions, le discours de Michel Onfray à l'Université populaire de Caen reste intéressant et relativement cohérent, même après ses (dé)prises de position douteuses lors des présidentielles de 2012. Il ne se fait visiblement aucune illusion sur Hollande, mais ça n'en rend son attitude de l'an passé que plus déplorable.

Il semble essayer de se justifier en faisant de plus en plus souvent référence à ce qu'il appelle des "robespierristes" ("vous en avez encore aujourd'hui", ne manque-t-il pas de préciser), dont il condamne nettement la vision politique en l'opposant à une action libertaire individuelle. Changer nos vies avant de songer à changer la société, c'est bien gentil, mais ça risque d'être très long, surtout face au pouvoir de nuisance du capitalisme actuel. C'est pourquoi, même si je suis moi-même bien plus en accord dans l'absolu avec son approche libertaire, il me semble qu'à un moment il faut savoir admettre qu'un socialisme d'Etat à la Mélenchon, si tant est qu'il puisse un jour être mis en place, permettrait de freiner un peu les ravages de la finance en lui imposant au moins quelques règles. Cela me semble d'autant plus souhaitable que je ne crois absolument pas que Mélenchon (et, paradoxalement, encore moins le PCF actuel) puissent avoir la moindre tentation de dérive dictatoriale, stalienne ou robespierriste. Penser cela relève du délire, même si Mélenchon se plait par provocation à célébrer les régimes de gauche forts.

On peut se sentir en désaccord sur bien des points avec le Front de Gauche, tout en estimant qu'il représente aujourd'hui (et enfin) une solution plutôt acceptable et intéressante sur un échiquier politique il n'y a pas si longtemps complètement sinistré. Onfray le savait d'ailleurs parfaitement puisqu'il a soutenu le Front de Gauche avant de le lâcher, en pleine campagne médiatique anti-Mélenchon. Quel qu'ait pu être son calcul (on évoque son amitié pour Montebourg, sa volonté de se voir confier l'expo Camus,...), il y avait certainement quelque chose de malsain dans ses motivations. Ce fut en tous cas irresponsable, même si, avouons-le, il est aujourd'hui patent que, même avec le soutien d'Onfray, Mélenchon ne l'aurait pas emporté, la presse déchaînée contre lui, mais aussi ses propres maladresses (*), ayant empêché la majeure partie des masses populaires les plus crétinisées et/ou flouées de se détourner du Front National en sa faveur.

Quoi qu'il en soit, Onfray ne doit pas être fier de cette histoire, et il s'emploie donc (son positionnement libertaire ne suffisant visiblement pas, même à ses propres yeux, à le justifier) à retrouver sa bonne conscience en s'acharnant sur ceux qu'il a trahis, allant jusqu'à déclarer que le FG est "un Front National de gauche". Ou encore à qualifier Mélenchon d'homme du ressentiment : voilà un type avait fait son trou au PS, qui était parfaitement "arrivé" politiquement, et qui lâche tout pour une aventure plus que hasardeuse parce qu'il en a marre de voir le PS s'obstiner à ne pas être ce qu'il devrait être ... où est le ressentiment là-dedans ? Et Michel Onfray croit-il sérieusement que, derrière ses rodomontades de tribun, Mélenchon soit réellement un assoiffé de sang bien décidé à remettre en marche massivement la guillotine ?

Bref, Michel Onfray n'est pas encore devenu Philippe Val, mais il est sur la bonne voie. Ne manque encore qu'une petite sinécure à lui offerte et hop !

(*) : sans parler des points sur lesquels je suis en désaccord avec son programme, comme l'éducation, je me limiterai à citer une mesure dont l'effet a été forcément négatif : le droit de vote aux immigrés. Quand on a une once de bon sens, on ne met pas cela en avant dans un contexte comme le nôtre, surtout quand on s'emploie à expliquer aux électeurs du FN qu'ils se trompent de combat. Une fois élu, Mélenchon aurait pu mettre en place le vote des immigrés, tout comme Mitterrand avait aboli la peine de mort, malgré les réticences populaires : à côté d'une véritable politique sociale et économique de gauche, la chose serait alors apparue aux yeux des électeurs pour ce qu'elle est, un simple détail sans importance.


25 août : LE FIN DU FIN DE LA FIN

L'ambiguïté du mot "fin" (achèvement ou objectif) est une source perpétuelle de confusion, levée en général par le contexte mais qui le sera de moins en moins dans la mesure où les nouvelles générations connaissent de moins en moins le sens "téléologique" du mot. Supprimer cette signification pour éviter toute équivoque serait-il vraiment un appauvrissement de la langue ? L'appauvrissement n'est-il pas plutôt de s'obstiner, pour épater la galerie, à employer le mot dans ce sens alors que les équivalents ne manquent pas : objectif, intention, but, et même tout simplement finalité, plus lourd mais bien plus clair.

Le même genre de pédants avides d'obscurité utilisera de même systématiquement le mot "procès" pour parler d'un processus.

On m'objectera que ce n'est pas un débat très important, ni très intéressant. Cela est vrai. Parlons plutôt de l'action époustouflante du président Hollande et de son gouvernement. Préparer le terrain au Front National, telle semble être pour lui la fin de la démocratie.


12 août : LES AVENTURES DE JULIEN DRAY

Tel Martine à la plage et à la montagne, le "socialiste" Julien Dray est actuellement présent sur tous les fronts. Deux titres trouvés dans la presse du jour en font foi : Julien Dray trouve que "trop d'impôt tue l'impôt" (Le Parisien) et Julien Dray est las des débats sur le voile (Le Point).

Traduction : Julien Dray estime que suffisamment de temps a passé, que tout le monde a certainement oublié les affaires auxquelles il a été mêlé et qu'il peut donc à compter de ce jour l'ouvrir à tout propos.


25 juillet : RAISON vs REGRESSION

On sait bien (?) qu'il est plus facile de détruire que de construire, plus facile de végéter dans la médiocrité ou de se pourrir la vie que de raffiner son existence. Face à certaines attitudes stupides, on est tenté de rappeler à certains individus qu'ils vivent au XXI° siècle, que l'humanité a évolué et que plus rien ne les obliger à penser et à vivre aussi stupidement ... On est tenté, et puis on se souvient que justement le XXI° comporte bien des régressions, que certaines idées et certains combats qui étaient dépassés redeviennent d'actualité, et que d'une certaine manière cela semble justifier de nouveau que l'on pense comme des cons. En d'autres termes, toutes les régressions, économiques, sociales, morales, plus ou moins consciemment voulues et créées par quelques uns, ont peu de chance de rencontrer une résistance dans la masse des imbéciles auxquels cela convient finalement tout à fait de pouvoir réendosser le rôle du gros con borné, de pouvoir redevenir machistes et ne pas avoir à composer avec la libération féminine, de pouvoir redevenir ouvertement racistes au lieu d'avoir à analyser les véritables causes de leur misère et de leurs frustrations, etc.

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Dans un article de 1980, "Crise de la crise de la Raison" et, comme bien d'autres textes recueillis également dans la Guerre du faux, encore largement actuels, Umberto Eco analyse la tendance intellectuelle, alors naissante et aujourd'hui triomphante, qui consiste à rejeter Raison et Lumières au prétexte de leurs limites ou de leurs échecs (quand on ne les accuse pas d'être responsables de tous les maux du XX° siècle). Son texte commence ainsi :

"Il m'est arrivé de lire dans un hebdomadaire une phrase d'un célèbre romancier qui affirmait que, comme la raison ne suffit plus à expliquer le monde dans lequel nous vivons (*), nous devons avoir recours à d'autres instruments. Malheureusement, l'interviewé ne précisait pas de quels instruments il s'agissait et laissait le lecteur libre de penser aux choses suivantes : le sentiment, le délire, la poésie, le silence mystique, un ouvre-boîtes, le saut en hauteur, le sexe, les intraveineuses d'encre sympathique."

Au fil de son argumentation, Eco laisse percer ça et là un agacement réconfortant :

"Flanquons des coups de pied à qui vient nous dire qu'il a la vision immédiate de l'Absolu et vient nous l'imposer."

"Ce que je continue à considérer comme irraisonnable, c'est que quelqu'un me soutienne, par exemple, que le désir l'emporte toujours sur le modus ponens (**) (ce qui serait même possible), mais pour m'imposer sa notion de désir et pour réfuter ma réfutation, qu'il essaie de me prendre en contradiction en utilisant le modus ponens. J'éprouve le désir de lui fracasser le crâne."

(*) : quelqu'un (j'entends : un défenseur de la Raison) a-t-il d'ailleurs jamais prétendu un jour que la raison permettait désormais de tout expliquer ?

(**) : le modus ponens est une règle de base du raisonnement selon laquelle, lorsque je considère que "si A alors B", s'il s'avère que A est vrai, alors B l'est aussi. Le modus ponens ne garantit pas la vérité de nos conclusions, mais fixe du moins une règle logique minimale à nos raisonnements.


18 juillet : CHRONIQUE DE LA PESTE NOIRE ET CONTRADICTIONS DE LA PESTE BRUNE

Le Joueur de Flûte de Jacques Demy, outre son charme (lequel constitue un tour de force lorsqu'il s'agit le plus souvent de filmer des rats ... mais la scène où ils surgissent d'un gâteau en forme de cathédrale est mémorable), est un film agréablement anticlérical, dont le propos, naturel en son temps, serait peut-être qualifié d'excessif ("voyons ! l'Eglise ne se limite pas à l'Inquisition !") en notre ère de régression et de revanche de l'obscurantisme sur les Lumières.

La religion comme moyen de juguler sa propre trouille (bien naturelle) de la mort, c'est compréhensible ... à condition que cette religion n'amène pas à gâcher sa propre vie (mais enfin chacun est libre) et surtout celle des autres.

Mais considérons simplement l'évolution de la médecine. Faute d'une perspective historique même minimale, certaines choses paraissent aujourd'hui si évidentes qu'on en oublie contre quoi elles ont dû lutter pour s'imposer et qu'on se remet à trouver les obstacles en question (par exemple l'ignorance crasse, la superstition, la pensée magique) comme sympathiques et intéressantes.

Durant des siècles, on a combattu la peste en priant, éventuellement en brûlant des hérétiques ou des juifs. Demy présente un médecin qui cherche à comprendre le phénomène pour le combattre : on lui fait savoir que sa vision de la peste est hérétique. Si la peste est une punition divine, chercher une autre explication est évidemment sacrilège. Parce que des esprits curieux, libres et courageux ont risqué leur vie pour faire avancer le savoir (qu'on songe aussi à l'interdiction de la dissection), la médecine a progressé. L'existence de microbes, jadis inconcevable, est devenue une donnée incontestée de notre connaissance du monde.

Les avancées du savoir ont toujours été le fait d'une minorité, certes, et la majorité préfère rester vautrée dans son incuriosité et sa paresse intellectuelle en regardant TF1. Mais ce qui est plus gênant, c'est le retour en grâce de l'irrationnel et du religieux, accompagné d'une offensive contre l'esprit des Lumières, y compris de la part de prétendus intellectuels.

***

Mediapart accuse Marine Le Pen d'avoir versé une partie de son salaire d'eurodéputée à son conjoint (en un seul mot) Luis Alliot (*), ce qui est interdit. La Pen menace d'attaquer en diffamation et argue qu'elle n'est ni mariée ni pacsée avec Luis. En clair, la nouvelle égérie du pétainisme se vante de coucher avec un type (au prénom suspect) hors des liens sacrés du mariage.

D'autre part, la police française vient d'arrêter un néo-nazi norvégien, adepte de Breivik, qui semblait préparer quelque attentat. Sur son site internet, le monsieur néo-nazi appelait l'an dernier à voter Front National. Evidemment, nous qui ne sommes pas dupes, ça ne nous étonne pas le moins du monde, mais jouons un peu les naïfs : on avait cru comprendre que le FN n'avait strictement rien à voir avec le nazisme, ni même avec ce qu'on appelle plus généralement l"extrême-droite ... et pourtant, les néo-nazis trouvent le FN sympa ... Mais il est vrai que vous ne pouvez pas empêcher les gens de vous trouver sympathique ... et pourtant on retrouve la Pen invitée à danser la valse au Bal des Nazis ... "Bah, je passais dans le coin, je suis tombée en panne, j'ai vu de la lumière, je suis rentrée ... et d'ailleurs j'ai été très bien accueillie par ces gens, dont je ne partage absolument pas les idées mais qui savent organiser une soirée plaisante et sans rastaquouères" (ont-ils laissé entrer Luis ?)

(*) : c'est Louis ? pas Luis ? j'ai dû confondre avec Luis Rego (qui est amusant également).


24 juin : GESTATION POUR AUTRUI

Pour débattre de ce sujet, Finkielkraut a invité samedi deux juristes, une égérie de Terra Nova et de l'Empire du Bien, Valérie Sebag Depadt, qui a des formules un peu niaiseuses mais dont le raisonnement se tient, contrairement à celui de sa consoeur Muriel Fabre-Magnan, truffé de sophismes approximatifs et de mots détournés de leur sens. Je n'ai pas d'avis sur la GPA, sujet dont je me contrefous même assez fortement, mais j'ai un avis très précis sur l'honnêteté intellectuelle de Mme Fabre-Magnan.

Autre opposante à la GPA, Sylviane Agacinski, alias la Mère Jospin, devenue encore plus pisse-froid que son époux, et citée en début d'émission : "J'éprouve un certain dégoût à devoir argumenter pour dire pourquoi il est indigne de demander à une femme de mettre son ventre à la disposition d'autrui." On ne sait pas trop si le dégoût vient de l'idée de la GPA (force est de constater que d'autres acceptent ou du moins discutent cette idée sans "dégoût", ce qui devrait inciter Mme Agacinski à consulter un psy ou du moins à ne pas se mêler de sujets qui la mettent dans de tels états) ou si ce dégoût vient du fait de "devoir argumenter", c'est-à-dire non seulement de ne pas voir ses opinions automatiquement admises par tout le monde comme d'incontournables évidences, mais aussi de devoir pour les défendre utiliser des "arguments" aussi douteux. Sa copine Fabre-Magnan utilisera lors de l'émission une comparaison entre la GPA et le nazisme qui n'était pas mal non plus.

Quant à Finkielkraut, plus modéré dans son opposition, ce qui le chagrine, c'est plutôt que la GPA ouverte aux couples de même sexe n'a plus rien de thérapeutique : "Il ne s'agit plus de soigner la stérilité. Il s'agit de combler le désir d'enfant de deux femmes homosexuelles qui refusent d'en passer par un homme." Voilà. Tout le problème est là. Finkielkraut n'a rien contre l'homosexualité, c'est un homme relativement tolérant : mais il n'admet pas qu'on puisse avoir le beurre et l'argent du beurre, qu'une femme puisse avoir un enfant sans faire l'effort "d'en passer par un homme". Qu'elles soient lesbiennes, admettons, mais il faut qu'elles le paient par l'absence d'enfant, ou du moins qu'elles ne puissent en avoir qu'en forçant un peu leur "nature". Morale de l'effort. Et il a raison : c'est comme si un philosophe hétérosexuel (par exemple Finkielkraut) se mêlait de donner son avis sur l'homosexualité sans faire préalablement l'effort de ... comment dit-on, déjà ? ... ah oui, voilà : "d'en passer par un homme".


3 juin : REBELLES DE DROITE

Je n'ai aucune envie de défendre outre mesure la loi-gadget sur le "mariage pour tous", paradoxal cache-sexe de l'absence de politique de gauche des pseudo-socialistes au pouvoir, mais enfin cela nous aura donné l'occasion de mesurer la sottise des opposants à cette loi qui ne méritait qu'une indifférence polie. Les manifs de droite, c'est toujours jubilatoire à regarder, mais surtout cela s'avère souvent plus virulent (curieusement ?) qu'une manif de gauche. Nous avons eu droit en prime au suicide d'un écrivain d'extrême-droite à l'intérieur de Notre-Dame, ou encore à des envois postaux d'excréments à des personnalités soutenant la loi. Actions pour le moins saugrenues venant de gens qui se posent en défenseurs des valeurs traditionnelles et de la décence. Peut-être ne suis-je pas objectif, mais il ne me semble pas que des militants d'extrême-gauche aient fait des choses de ce genre (des bombes, à la limite). Mais c'est surtout la contradiction qui frappe : ces gens présentent les gauchistes comme de féroces excités capables de tout, donc il n'y a pas à s'étonner des excès commis par lesdits gauchistes ... Mais il est surprenant de voir à quel excès se porte la droite lorsqu'elle se retrouve en position d'opposante en colère. On aura même eu le bonheur d'entendre les manifestants réactionnaires se plaindre de la répression policière et appellent à la "résistance" face à un "Etat fasciste" !

Hollande a réagi en disant : "Les mots ont toujours un sens. Il faut leur donner leur signification. La Résistance, c'était par rapport au nazisme, à l'Occupation. La collaboration, c'était des Français qui étaient avec l'occupant. Et le fascisme, le nazisme, la dictature, c'était une époque qui heureusement est révolue. Donc nul n'a le droit d'utiliser ces mots pour défendre des idées - si on peut appeler ça des idées - d'aujourd'hui."

Réaction douteuse, car, même si le propos de ces crétins était évidemment grotesque, la réponse de Hollande semble suggérer (“une époque qui heureusement est révolue”) qu’il n’y a plus aujourd’hui dans le monde ni fascisme ni risque de retour du fascisme ... Aujourd'hui est forcément merveilleux, surtout avec le parti du Bien au pouvoir : Philippe Muray aurait adoré.


23 mai : MORT AUX CONS

Malheureusement, il n'y a pas que les cons et les ordures (cf. 14 avril) qui meurent (ça se saurait). Aujourd'hui, c'est le tour de Georges Moustaki et c'est infiniment plus désolant.

D'autant plus que je me demande de plus en plus ce qu'il nous reste désormais comme gens admirables et respectables encore vivants parmi les célébrités. A moins de considérer Umberto Eco ou Gérard Genette comme des célébrités (d'une célébrité toute relative), je cherche un peu en vain.

De même, étudiant il y a peu en classe un texte d'Alphonse Allais racontant une virée et une beuverie à la Foire au Pain d'épices en compagnie du duc d'Aumale et expliquant qu'il était particulièrement saugrenu d'imaginer un homme si "respectable" (au sens purement social) dans une telle situation, je peinai à trouver un exemple contemporain d'individu particulièrement austère, comme était jadis M. Louis Leprince-Ringuet. C'est un peu comme si une donzelle disait : "je suis allée à Disneyland avec le président de la République", mais non, même ça, aujourd'hui, ça ne choque plus ... Finkielkraut peut-être, à la limite.

Mais trêve de stupidités et de gens stupides ... Ecoutons plutôt Moustaki.

PS : J'apprends depuis que Moustaki aurait voté lors des primaires UMP pour les municipales parisiennes ! Quelle déception ! Un parcours moral et politique impeccable, et voilà qu'une fois mort, il vire à droite, comme le firent tant d'électeurs parisiens en particulier sous Tibéri ...


15 avril : URGENCE - LA LIBERTE MENACEE

La loi sur le Mariage pour tous est en passe (et le mot est faible !) d'être votée. C'est un véritable déni de démocratie, comme l'a bien montré Mme Frigide Barjot. Si cette loi est votée, tous ceux qui ont manifesté contre elle se trouveront obligés d'épouser une personne de même sexe.


14 avril : DING DONG

L'action de Margaret Thatcher et l'impulsion que cette action donna au développement de l'ultralibéralisme dans le monde font que, quoiqu'on pense du respect dû à un adversaire (enfin) mort, il est difficile de ne pas trouver sympathiques les manifestations de joie qui accompagnent actuellement sa disparition. Il suffit de repenser à la grève des mineurs, à toutes les victimes de cette sangsue, pour n'avoir qu'un seul regret : qu'elle ne soit plus là pour assister à cela, qu'elle n'ait jamais pris elle-même (du moins je le suppose) la mesure de ses ignominies.

Il semble que la chanson "Ding Dong, the witch is dead" soit très à la mode au Royaume Uni ces jours-ci. Bien qu'amateur de sa reprise par Klaus Nomi, je serais tenté de lui préférer, dans la circonstance, outre bien sûr le joli costume qu'à la mégère tailla jadis Renaud, le Ha Ha You're Dead de Green Day :

Ha Ha you're dead

And I'm so happy

In loving memory

Of your demise

When your ship is going down

I'll go out and paint the town

Ha Ha you're dead (...)

Ha Ha you're dead

The joke is over

You were an asshole

And now you're gone

As your ship is going down

I'll stand by and watch you drown

Ha Ha you're dead

Ha Ha you're dead

Ha Ha you're dead


7 avril : GENETTE

Quelques extraits d'Apostille, le dernier bardadrac de Gérard Genette :

Euphémismes : J'ai connu l'époque où, pour éviter en économie le mot "austérité", on alla chercher un synonyme moins démoralisant : "rigueur". Puis ce fut à ce dernier de porter le mauvais oeil du tabou "sémantique". On chercha un troisième synonyme, on ne le trouva pas, on revint donc à "austérité", censé plus supportable (on avait entre-temps oublié qu'austérité était déjà lui-même un euphémisme cafard pour "tour de vis", "serrage de ceinture", ou, comme on ne craignait pas de le dire sous Vichy, "restrictions"). Ce jeu de cache-tampon est désormais au point : dix ans d'austérité, dix ans de rigueur, l'un servant de repoussoir ou d'échappatoire à l'autre, réciproquement et ainsi de suite. Cela s'appelle l'alternance, c'est typiquement binaire, et c'est la forme la plus économique du "changement" : pour marcher, il suffit parfois de deux mauvaises jambes.

Surtout : Adverbe bien commode pour éviter de répondre à une question gênante en répondant à une autre, qui n'a pas été posée : "Monsieur le Premier ministre, approuvez-vous les propos de votre garde des Sceaux sur la politique à suivre à l'égard des violeurs récidivistes (ou des chômeurs sans papiers, des pirates du Net, des "gens du voyage", etc.) ? - Ce que j'approuve surtout, ce sont les progrès accomplis dans notre lutte contre la délinquance juvénile (ou contre l'obésité, ou contre la maladie du sommeil, etc.)

Technocrate : L'actuelle tendance langagière consiste à substituer les termes technocrate et technocratie, tenus à la fois pour plus savants (comme plus récents, je suppose) et phonétiquement plus péjoratifs, à ceux de bureaucrate et de bureaucratie, qui n'ont pourtant rien perdu de leur fonction de référence : la bureaucratie consiste en la mainmise des "bureaux" (des administrations), en principe simples exécutants, sur l'exercice du pouvoir légitime des politiques et de leurs mandants. Le pouvoir exorbitant des bureaux ne repose le plus souvent sur aucun savoir proprement technique, mais seulement sur leur maîtrise des procédures paperassières, et c'est selon moi faire trop d'honneur aux bureaucrates "de Bruxelles" ou d'ailleurs que de leur attribuer dans les mots, en les qualifiant de "technocrates", une compétence technique qu'ils n'ont pas, et qu'ils seraient souvent bien incapables d'acquérir. Je trouverais presque plus juste de qualifier de "technocratique" le pouvoir qu'exerce, dans une famille, celui ou celle qui sait se servir de la télécommande.


3 avril : CAHUZAC

Tout le monde s'offusque aujourd'hui des révélations de l'affaire Cahuzac. C'est être aussi partialement naïf qu'un Finkielkraut et penser que toute révélation venue de Mediapart est nécessairement un tissu d'infamies : sans cela, on ne ferait que s'étonner du fait que la vérité ait finalement dû être admise par l'intéressé. Tout ceci est parfaitement minable et confirme bien quel genre de "socalistes" sont actuellement au pouvoir.

Gérard Filoche, socialiste sincère on peut le croire, s'est présenté bouleversé et choqué par la révélation de telles turpitudes au sein de son parti, à une époque où l'on ne sait parler aux Français que de rigueur. Il est certainement sincère, mais il lui a fallu bien du temps pour comprendre, au brave Filoche. Ca fait quelques années que le Front de Gauche a été créé : il est peut-être temps de changer de boutique, non ?

Toutefois, lorsque j'entends Marine Le Pen en faire des tonnes sur les "mensonges d'Etat" et réclamer démissions massives et dissolution de l'assemblée, j'ai envie de lui dire :

- Attention, Mme Le Pen. Vous êtes une femme politique soucieuse des valeurs républicaines (remember ?). En tombant dans ce genre d'excès de langage, vous risqueriez d'alimenter la haine généralisée de la classe politique et de faire le jeu de l'extrême-droite, le jeu des pires fascismes.

Elle ne voudrait pas cela, Marine Le Pen.


9 mars : DESENCHANTEMENT DU MONDE

Il y a peu, dans une émission de France Culture, quelqu'un évoquait la photo de Valérie Kaprisky seins dévoilés qui alimentait ses fantasmes de jeunesse, comparant cela avec l'étalage de chair désormais accessible à tout un chacun sur internet : il y voyait la fin (ou le risque de la fin) du véritable désir et de sa magie.

C'est sans doute là, bien plus que la fameuse "mort de Dieu", le vrai désenchantement du monde.

Il y a diverses sortes d'enchantements, de magies, de mystères. Il y a une magie "religieuse" qui limite et contraint nos vies, nous maintient dans l'illusion et dans l'ignorance. Même si bien des gens sont hélas incapables de se soutenir sans elle, de donner sens à leur vie sans elle, d'agir moralement sans elle, la fin d'une telle illusion est a priori une bonne chose en soi.

Et puis il y a d'autres formes de mystères et de magies, celles qui émerveillent et fascinent avant d'être peu à peu comprises et déchiffrées, du moins en partie car le travail n'est jamais achevé. Elles n'amputent pas notre vie mais au contraire l'enrichissent de désir, de plaisir, de curiosité. La sexualité est (faut-il déjà dire "était" ?) évidemment de celles-là, mais aussi toutes les formes de curiosité et d'émerveillement artistiques et scientifiques, qui nous invitent à découvrir toujours plus, à nous compléter et à nous construire, et tout simplement à nous faire trouver intérêt et saveur à cette existence.

L'opposition est évidemment un peu schématique, mais je serais tenté de dire que c'est la perte (éventuelle) de cette seconde forme de "magie" qui est le véritable désenchantement du monde, le véritable désastre.


7 mars : HIPPOPOTAME / NAIN

Tandis que nos medias s'agitent autour de non-événements tels que le mariage pour tous, les attaques de NKM contre Ségolène, l'exil fiscal des cons ou les inepties de Vincent Peillon (*), une info beaucoup plus intéressante nous arrive de Thaïlande. C'est à mon avis l'une des anecdotes animalières les plus stupéfiantes depuis celle de la vache volante qui avait fait couler un chalutier japonais en tombant du ciel très très vite.

Lors d’un spectacle de cirque, un nain faisant un numéro de trampoline retomba par accident dans la gueule d’un hippopotame qui attendait son tour pour le prochain numéro et qui, dans un réflexe de déglutition (l'animal est végétarien), l'avala tout rond. Epoustouflés par la scène, les spectateurs applaudirent de plus belle.

(*) : S. me parlait hier d'un couple d'amis dont l'institutrice (enfin, celle de leur enfant) fait des tas de fautes d'orthographe. Ce n'est d'ailleurs certainement pas un cas isolé. Voilà où en est l'école française, et son ministre (un agrégé de philosophie, notez bien, pas un crétin de chez L'Oréal), au lieu de tenter quelque chose de sérieux pour la sauver du naufrage, n'a rien de plus pressé que de bricoler les jours de la semaine et les semaines de vacances.


2 mars : AUTORITE ET DEMOCRATIE

C'est le sujet de l'émission du jour de Finkielkraut, avec Jean-Claude Monod et Pierre-Henri Tavoillot.

Passons sur les obsessions récurrentes de Finkielkraut, qui ramène tout tantôt à l'immigration, tantôt à la néfaste influence des "amuseurs" qui ne laissent pas les politiques travailler en paix et les moquent sans relâche. Notons tout de même cette proposition cocasse : "Il faudrait que les bouffons rient plutôt d'eux-mêmes, ou que d'autres se moquent des bouffons." Des bouffons pour se foutre des bouffons, voilà une riche idée et une carrière d'avenir pour Finkielkraut lui-même (?).

Je préfère m'arrêter sur les propos moins ridicules mais par conséquent plus sourdement nuisibles de Tavoillot.

* Il observe une contradiction chez les Français entre une aspiration au pouvoir (on veut que l'Etat soit plus présent, qu'il agisse davantage, voire qu'il s'occupe de tout) et un rejet du pouvoir : on demande aux hommes politiques de faire quelque chose, mais dès qu'ils agissent on critique leur action. L'idée que l'action en question puisse être pure esbrouffe ou, pire, régression sociale inacceptable, que ce ne soit pas le type d'action attendue, ne lui vient évidemment pas à l'esprit. Surtout ne pas s'interroger sur la nature des actions politiques (celle des actions souhaitées par les uns, celle des actions réalisées par les autres), se contenter de ce concept simpliste d'action pour souligner à quel point les citoyens sont stupides : ils demandent de l'action, on leur en donne, ils sont pas contents ... les crétins !

* Il explique plus loin qu'au fond l'anarchisme de gauche, c'est la même chose que l'anarchisme de droite : tout y est ramené à l'économie comme moyen de réguler les rapports humains. "Et là les radicalités se retrouvent, comme souvent, pour un éloge du marché ..." C'est amusant comme ces larbins du système libéral s'y entendent depuis quelques années pour se poser en critiques (mais éclairés, bien sûr) du Marché ! Mais il continue ainsi : "Alors ce sera le marché d'un côté, la coopérative de l'autre, mais qui est une forme de bureaucratie économique ... mais l'idée est assez similaire." Ah bon.

S'ajoute aussi à cela une critique de Stéphane Hessel quelques jours après sa mort : bref, la grande classe, ce Tavoillot.


26 février : LIRE

Mona Ozouf, reprenant et commentant Nietzsche : "Voilà ce qu'il faut pour bien lire : il faut du calme, il faut lire sans hâte, il ne faut pas interposer entre soi et sa lecture le jugement,... Que faut-il donc pour bien lire ? Calme, silence, solitude, humilité, modestie à l'égard du texte, et ce sont des biens dont notre société est cruellement dépourvue."


2 février : FORCE DU MENSONGE

En relisant Victor Klemperer (LTI, la langue du III° Reich), j'y trouve hélas confirmation de ce que je ressens depuis plusieurs années : même d'évidents mensonges, répétés et massivement repris, finissent par l'emporter.

"A chaque instant, le mensonge imprimé peut me terrasser, s'il m'environne de toutes parts et si, dans mon entourage, de moins en moins de gens y résistent en lui opposant le doute (...) Même reconnue comme fanfaronnade et mensonge, la propagande n'en agit pas moins, pourvu qu'on ait le front de la propager sans état d'âme." (Pocket, pg 289, fin du chapitre 30).


1° février : HUMOUR DE LOYS BONOD

Loys Bonod, jadis amusant pourfendeur du copier-coller, vient de produire six parodies des affiches de la campagne de Vincent Peillon destinée à recruter des enseignants. Si les affiches d'origine sont moins honnêtes et moins drôles, on admirera cependant leur principe : une question ("Qui veut ...?") et un(e) futur(e) enseignant(e) qui lève la main. Toujours et plus que jamais la même logique d'infantilisation.


19 janvier : HUMOUR DE GERARD GENETTE

Invité en 2011, au Collège de France, pour le séminaire d'Antoine Compagnon consacré à l'année 1966, Genette commence ainsi son intervention :

- J'ai le sentiment d'être ici parce que je suis à peu près le seul survivant ...

(rires de l'auditoire)

- Tant mieux que ça vous fasse rire.


6 janvier : ETAT DES LIEUX

Inutile de s'attarder sur le bilan consternant du gouverment pseudo-socialiste. La politique de régression sociale continue, l'hypocrisie doucereuse a simplement remplacé le cynisme affiché. Médiatiquement, le mariage gay (sans grand intérêt dès lors qu'il existe déjà un PACS et qu'on peut toujours aménager celui-ci s'il est imparfait) permet de sauver les apparences en suscitant l'ire des réacs, donnant ainsi l'illusion qu'il y a toujours une différence entre la droite et la gauche. L'hystérique ministresse Vallaud-Belkacem a cru en remettre une couche dans ce sens en déclarant vouloir proscrire la prostitution, sans se rendre compte que, loin de se démarquer ainsi de la Réaction, elle rétablissait au contraire la confusion entre les culs-bénits de gauche et les culs-bénits de droite.

Le seul projet impliquant vaguement un peu de redistribution sociale, à savoir la taxation à 75%, quoique fort insuffisamment, a été censuré par le Conseil Constitutionnel parce que mal conçu : lamentable !

Et pourtant, sur tous ces sujets, même si l'on n'a aucune envie de soutenir Hollande et sa clique, n'a évidemment pas non plus envie de donner raison à leurs opposants, par exemple à cette Frigide Barjot, belle-soeur à Karl Zero, qui se la jouait jadis rebelle et provocatrice et qui se définit aujourd'hui comme "lobbyiste catholique" opposée au mariage gay.

Ou comme bien sûr le grotesque histrion Depardieu, exilé fiscal belge puis russe, posant en victime de la haine des riches qui anime les révolutionnaires en pantoufles du PS. C'est un feuilleton permanent depuis des semaines et cela aussi, cela donne l'illusion que le gouvernement est de gauche.

Il y a eu la lettre de Philippe Torreton engueulant Depardieu, et la réplique de Luchini à Torreton, disant qu'il fallait une filmographie solide pour s'attaquer à un acteur comme Depardieu, citant notamment les Valseuses, mais ne citant pas Astérix et Obélix contre César ou bien encore l'immortel Disco.

Il y a eu la lettre ouverte de Roxanne Depardieu, expliquant que son père était un homme simple et proche du peuple, car il lui arrivait de garder "cinq jours de suite le même pantalon" (CQFD).

Et puis maintenant, il y a la retraite de Russie, l'accueil de Poutine, une datcha offerte et même un poste de ministre de la Culture de Mordovie s'il en veut ! De quoi amener cet ahuri à nous expliquer que la vraie démocratie est là, dans cette Russie ouverte et généreuse avec les gros Gégé, et non dans cette France aigrie qui le rejette sous des prétextes futiles, oubliant (si tant est qu'il en ait eu conscience un jour) que c'est justement le propre des pires dictatures que de pouvoir faire les cadeaux les plus ahurissants et les plus arbitraires à n'importe quel crétin pris soudain en amitié.

Ce devrait être le dernier épisode de l'affaire, car il est improbable que Depardieu parvienne encore à tomber plus bas.

A part ça, la fin du monde promise par les Mayas n'a pas eu lieu et on se prend presque à le regretter.

 


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