THE UNOFFICIAL JOHN DOGGETT's BLOG

REFLEXIONS DIVERSES


LES TROIS LOIS D'ARTHUR C. CLARKE :

1 - Quand un savant distingué mais vieillissant estime que quelque chose est possible, il a presque certainement raison, mais lorsqu’il déclare que quelque chose est impossible, il a très probablement tort.

2 - La seule façon de découvrir les limites du possible, c’est de s’aventurer un peu au-delà, dans l’impossible.

3 - Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie.


RENOUVELER LE CORPS JAPONAIS

Il paraît qu'une des obsessions japonaises depuis le début du XX° siècle est de "renouveler le corps japonais", de le renforcer, en particulier par l'union avec des étrangères. Olivier Paquet, qui rapporte cette info, relie cette obsession à la thématique du robot dans les mangas et dessins animés japonais : le robot comme armure et prolongement du corps humain.


EXOTISME

Quatre jeunes japonaises regardant l'église, en face. Difficile de mesurer l'effet exotique de nos villes et de nos constructions pour ceux qui viennent de très loin. Y compris peut-être aussi l'exotisme des gens qui glandent en terrasse sous les arcades.


ANAGRAMMES

Saussure (1857-1913) avait développé une théorie des anagrammes, selon laquelle toute la tradition poétique indo-européenne serait fondée sur la répétition, l'étalement dans le texte de surface, des lettres d'un mot donné, par exemple le nom d'un dieu. Il en trouvait partout, en latin, en sanskrit,... Jusqu'au jour où il s'est mis à douter de l'intentionnalité du procédé, touchant du doigt la notion d'inconscient, et laissa tomber sa théorie du jour au lendemain.


REFUS DE LA DOMESTICATION

Philippe Descola observe que, malgré leur grande diversité, toutes les cultures amérindiennes, au Nord comme au Sud, répugnent à la domestication des animaux. Ils savent les apprivoiser, recueillent et font vivre chez eux des tas de bestiaux variés (tapir, marmouset, coati, pecari,...), mais se refusent en général à créer des lignées. Une des raisons en est l'idée que ces animaux appartiennent déjà à des esprits : on peut donc les laisser vivre chez soi, mais pas les considérer comme sa propriété. Une cause plus profonde sans doute est le fait que dans ces vastes espaces tardivement peuplés, l'homme croise plus souvent des animaux que des humains, d'où un lien beaucoup plus fort avec eux.


VOLONTE ET ATTENTION

Simone Weil oppose l'attention et la volonté. Pour accomplir un travail intellectuel, la volonté seule ne sert à rien car se dire "je veux réussir cela", c'est encore rester concentré sur soi-même, alors que l'attention est oubli de soi-même et concentration sur l'objet.


CRITERES

Qu'il s'agisse de définir l'intelligence, la vertu ou, de manière générale, la valeur personnelle, chacun a tendance à établir les critères en fonction de ses propres limites et surtout en fonction de la nature de sa propre intelligence, de sa propre "vertu", etc.


CHOIX

Je suis de moins en moins convaincu de la valeur de mes choix existentiels. Je suppose que c'est un phénomène universel : avec le temps et l'âge, on a tendance à ne plus voir, de nos choix, que leurs conséquences négatives. Mais comme je demeure encore moins convaincu de la valeur des autres choix possibles, il n'y a finalement rien à regretter.


PROPHETES EN LEURS PAYS

Au sein de l'académie où elle sévit, Mme P., autocratique I.P.R. et donc vivant pléonasme, évite soigneusement, dit-on, d'aller inspecter dans le secteur où elle fut enseignante, préférant y expédier ses sbires. "Elle est trop connue, là-haut, tu parles !", conclut mon interlocuteur.

Voilà qui éclaire d'un jour nouveau et intéressant le proverbe selon lequel "nul n'est prophète en son pays". En son pays, ils savent à quel lascar, à quel escroc ou à quel guignol ils ont affaire. Nul n'est prophète en son pays, parce qu'en son pays on se souvient toujours de ce qu'il était avant de se faire passer pour prophète : nul.


COMMUNAUTES

Celui qui ne sait pas ou ne veut pas s'intégrer pleinement dans une "communauté" (de quelque nature que ce soit) est a priori voué tôt ou tard à une solitude plus ou moins totale. Les liens d'individu à individu, fondés sur la seule affinité et non sur le principe d'un réseau d'intérêts, ces liens-là sont aisément détruits par le temps, ne serait-ce que parce que les gens changent, que les affinités peuvent se modifier, que l'intérêt lui-même, hors d'un véritable réseau (impliquant plus de deux personnes) n'a pas forcément de raison de perdurer.

Cela dit, après avoir mis mon lecteur en garde contre cette réalité, comment ne pas malgré tout donner raison à ceux qui font ce choix, en dépit de tout ?


DIRE LE VRAI

Quand on a (jusque là) la chance de pas trop être frappé par le Destin, de pas trop avoir à souffrir des drames et horreurs qui détruisent la vie de tant de gens, il me semble qu'on peut au moins avoir la décence de ne pas nier ces drames et ces horreurs, en particulier tous ceux qui ne relèvent pas des hasards de la Nature mais de l'action humaine.


DIGNITE PROFESSIONNELLE

Hermann Broch observe qu'après la disparition de Dieu et des valeurs qui forment un système idéologique cohérent dans une société, chaque secteur d'activité se met à chercher en lui-même sa légitimité. On peut expliquer ainsi la naissance de l'Art pour l'Art, mais aussi les affaires pour les affaires. "L'homme se livre aujourd'hui à la valeur dans laquelle accidentellement il se trouve plongé. Sa dignité humaine s'est ravalée au rang d'une simple dignité professionnelle."


NEUTRE

Pourquoi la forme latine des noms neutres est-elle la même au nominatif et à l'accusatif ? Peut-être tout simplement parce que, sauf exception, ils désignent des objets et que les risques de confusion entre sujet et complément s'en trouvent limités.


GRANDEUR ET DECADENCE DE L'ANEMONE

Dans les années 80, la sympathique actrice Anémone bénéficiait d'une grande popularité, par ses films avec l'équipe du Splendid, mais également, hors du comique pur, grâce au succès du Grand Chemin (aujourd'hui totalement oublié, mais en son temps énorme succès public : les Choristes de l'époque, quoi). Et puis d'un seul coup, alors qu'ont prospéré les Lhermitte et autres Claviers, elle a quasiment disparu des médias.

Je ne connais pas les ressorts de l'affaire, mais je ne serais pas étonné qu'elle ait été frappée d'un boycott plus ou moins avoué. Ce qui est certain, c'est qu'avant qu'elle ne disparaisse presque entièrement des medias populaires, je l'ai entendue, dans quelque émission grand public de l'époque, expliquer très posément qu'il était choquant que, dans un pays comme la France, on en soit réduit à faire appel à la charité publique pour combattre la misère ou pour financer la recherche médicale, problèmes majeurs qui auraient dû selon elle être pris en charge par l'ensemble de la société à travers l'Etat (et donc l'utilisation des impôts, largement gaspillés selon elle dans des budgets militaires à la con). C'était déjà pour moi une telle évidence, et elle le présentait tellement comme une évidence, que je n'ai pas du tout perçu sur le moment à quel point oser dire cela à la télé était une gravissime faute de goût. Sans pouvoir en être sûr, je pense qu'Anémone paie depuis cette époque des déclarations de ce genre, tandis que ses camarades du Splendid perdurent en arborant une "sensibilité de gauche" de bon ton ("Le Pen est méchant et le SIDA c'est mal") pour les moins répugnants et sarkozystes d'entre eux.


ICONES

Point capital dans l'histoire de l'art religieux : alors que l'Eglise catholique admettait les images comme "utiles" pour les illettrés, l'Orient, à l'issue du conflit entre iconoclastes et iconodules, finit par considérer les images comme sacrées (on adore Dieu et les saints à travers les images), d'où une liberté bien moindre pour les peintres.


CRITIQUE ET BALANCEMENT

Antoine Perraud observe que les critiques de cinéma masculins écrivent souvent des choses comme "la jolie Sophie Marceau", alors que leurs consoeurs n'écrivent pas "le bien balancé Untel". Desmond Morris expliquerait sans peine ce phénomène en disant que le critique masculin étale ainsi sa position de pouvoir social et (donc) sexuel. Le phénomène n'est d'ailleurs pas si limité que cela aux hommes : Danièle Heymann (fort sympathique au demeurant) ne se prive généralement pas de vanter au Masque et la Plume les bien balancés Untels.


SEXES GRECS

Dans la Grèce antique, la nudité des dieux représentés n'était pas vraiment un symbole de virilité puisqu'elle s'accompagnait systématiquement de la représentation d'un sexe de très petite taille (au contraire de toutes les représentations ithyphalliques que l'on trouve dans la plupart des cultures primitives). Signalant ce fait, Maurice Sartre cite également Aristophane qui, dans les Nuées, évoque l'heureux temps d'avant les sophistes en disant que jadis les éphèbes avaient "la fesse ronde et la verge petite" et qu'ils ont désormais "la fesse tombante et la verge grosse". Signe de pudeur sans doute (l'homme nu était considéré comme impudique s'il cachait sa verge), ou peut-être volonté égalitaire visant à n'humilier personne en sous-estimant la taille moyenne au lieu de la surestimer ?


BLANCHEUR

Le latin distinguait candidus (blanc brillant) d'albus (blanc normal, mat, terne), de même qu'il distinguait niger et ater.

Concernant le rejet du bronzage autrefois, le fait (généralement évoqué) de montrer qu'on ne travaille pas semble être une cause secondaire par rapport à la symbolique chrétienne du blanc positif. A la limite, la nécessité de travailler dehors n'était qu'une difficulté qui pouvait empêcher d'avoir la peau aussi blanche que possible. Cela concernait d'ailleurs surtout les femmes, au Moyen Age : les chevaliers étaient, eux, davantage amenés à prendre le soleil.


A qui s'étonne des anglicismes et autres formulations idiomatiques apparemment saugrenues, on peut suggérer, entre autres choses, de se demander comment un étranger (ou même un français qui y penserait plus que de coutume) appréhenderait une expression française comme "qu'à cela ne tienne".


L'érudition a-t-elle encore un sens à notre époque ? Elle n'est guère utile que dans le contexte d'une civilisation où le stockage des informations est difficile et coûteux. Libérés de ce poids, c'est l'essentiel que nous devrions confier à la mémoire (sans oublier toutefois que celle-ci est d'autant plus vaste qu'on l'utilise davantage).


Toute langue est susceptible de s'enrichir pour exprimer des choses nouvelles et toujours plus complexes. Il n'en demeure pas moins qu'un peuple vivant de mannière primitive et isolée na (n'avait) pas besoin d'une langue très fournie. La complexité du langage évolue avec celle de l'environnement et des besoins. Disposer d'une langue trop pauvre dans un environnement complexe est évidemment nuisible. Mais peut-être est-il tout aussi nuisible de disposer d'une langue trop complexe par rapport à nos propres besoins ? Là est peut-être le malheur de la connaissance ...

Mais c'est là une vision pessimiste. Il faudrait plutôt considérer que la complexité, même inutile, devrait être, pour un esprit sain et alerte, quelque chose de ludique et de stimulant.


21 décembre 2000

Entre les mains d'un con, un avertisseur devient un klaxon.


L'expérience cubiste de Picasso est une belle tentative de voir le réel sous toutes ces facettes. Dans des conditions normales, lorsque nos yeux ou notre esprit regardent quelqu'un, surtout avec amour, il y a pas mal d'angles morts.


14 juillet 2000 (Saint Tsoin-Tsoin)

Sans rapport avec la date (je crois) :

C'est la contemplation qui est plaisir. Peut-être faut-il renoncer à la connaissance, qui est déception.


Avec un peu de concentration, on peut regarder tout le monde avec mépris. Il est facile de renoncer à voir dans les gens et les choses la beauté qui nous échappait, de renoncer à y chercher ce qui nous élève, pour la seule, simple et facile satisfaction de tout rejeter en bloc, de chercher le détail qui tue et non plus celui qui sauve.

(M'en fous, je vais le faire quand même)


La musique est sans doute l'art qui se substitue le mieux au sentiment amoureux : elle est comme lui communion sans raisonnement, sensation pure, vibrations, caresses. Elle s'y substitue d'autant mieux que que le plaisir qu'elle donne est éternel, infiniment renouvelable.

***

Pourquoi devient-on fou ? Parce qu'on a regardé la réalité de trop près et qu'on n'était pas assez fort pour la supporter. Assez fort ? Cela reste à prouver. Si Cioran n'est pas devenu fou, ni moi non plus (à ce jour, à ma connaissance et toutes proportions gardées car il va sans dire que je ne suis pas Cioran), c'est parce que nous sommes des tricheurs masochistes, qui ne regardons la vérité que par intermittence. Nous nous blessons les yeux en regardant régulièrement le soleil en face, puis nous refermons les paupières pour savourer la piqûre de cette cruelle lumière, nous phrasons, nous plaçons des adjectifs devant les substantifs, bref nous prenons du recul. Et c'est cette prise de recul qui sauve. Mais quiconque contemplerait la réalité de manière intense, attentive, prolongée et sans prise de distance, y laisserait la raison.


Le mensonge est un sujet fascinant. Il est si facile de faire croire une chose fausse. Et si facile de "démentir" une chose vraie.


15 juillet 1998

Tombé sur la fin d'un reportage concernant Yo-Yo-ma chez les bushmen. Un vieux type (sorti d'où, je ne sais, sans doute un autre violoncelliste ... ?) compare les cultures à des passerelles :

"C'est bien là le problème du monde. Il est plein de ponts que les gens ne traversent pas : ils les prennent pour des barrières."


Le désir est nécessaire pour perpétuer l'espèce. Mais comment expliquer les diverses perversions ? Papes et papoliques, de l'Eglise romaine et pathologique, s'en tirent à bon compte en affirmant que le Malin crée ces tentations. Le principe du Mal permet d'expliquer bien des choses très facilement, tout comme le principe du Bien d'ailleurs : dès qu'un type fait preuve d'un dévouement exemplaire, on en déduit que c'est Dieu qui lui a envoyé sa grâce.

Desmond Morris (sans parler de Freud) me semble infiniment plus sérieux en supposant que la sexualité, comme terrain d'exploration, satisfait notre instinct exploratoire, permet d'éviter l'ennui et la monotonie et renforce ainsi les liens conjugaux nécessaires à la longue éducation de l'enfant humain.

Toujours est-il qu'il est plus intéressant de chercher à comprendre pourquoi nous agissons que de prétendre l'expliquer à coups de balivernes dogmatiques.


L'Histoire, comme toute histoire, n'est vraiment fascinante que si on parvient à nous en faire sentir les enjeux, dépassant ainsi le simple exposé de faits, aussi pittoresques soient-ils.


AIGREUR

L'âge venant, l'aigreur est un sentiment qui peut sembler toujours plus inévitable. Il est tout à fait compréhensible qu'on râle, qu'on se plaigne, qu'on jalouse, qu'on critique, qu'on maudisse et qu'on vitupère. Après tout, sur quoi qu'elle porte, la critique est toujours potentiellement intéressante, voire pertinente. Cela peut même être savoureux lorsque c'est faux par un aigri qui a du talent. Ce qui en revanche est indigne et inacceptable, c'est qu'on soit assez con pour mettre son aigreur au service de politiciens arrivistes.

 


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