X-Y-Z


Michael YOUN (né en 1973)

Au milieu des niaiseries qu'on peut s'attendre à y trouver, Les 11 Commandements contiennent quelques scènes drôles, comme l'irruption d'un groupe country qui chante et danse sur les tables de ce que je suppose être une bibliothèque. De même, on peut sauver une scène de roulade dans Fatal.

Mais Michael Youn semble cultiver la régression et, si j'ose dire, cultiver l'inculture, considérant sans doute que tout ce qui a été créé avant sa naissance est nécessairement dénué d'intérêt. L'avantage (pour lui) de ce refus de fonder son (éventuel) talent sur la connaissance de ce qui a été fait avant lui, c'est que, partant de rien, il éprouve certainement un grand enthousiasme à chaque fois qu'il réinvente le fil à couper le beurre.

 


ZHANG Yimou (né en 1951)

Les films que j'ai pu voir de ce réalisateur sont toujours magnifiques. Le décor, réduit mais fascinant, d'Epouses et concubines, cette atmosphère rituelle dans laquelle on se laisse prendre. Les envolées épiques de Hero, avec ses tableaux en noir et rouge. Les couleurs du bordel chatoyant, dans Le Secret des poignards volants, puis ces paysages splendides en vert, roux et blanc : l'histoire elle-même importe assez peu, on pourrait se contenter de regarder l'arrière-plan avec délectation.

Si le décor d'Epouses et concubines est si fascinant, c'est essentiellement par son côté labyrinthique et trompeur : on s'y retrouve parfois (effet peut-être typiquement asiatique, qu'on retrouve en tous cas dans le temple de Raining in the Mountain de King Hu) dans un lieu identique à celui qu'on a traversé juste avant. Impression troublante mais agréable, qui n'est pas sans rappeler au touriste égaré sa première soirée dans une ville comme Amsterdam.

Shadow, superbe visuellement, tout en faux noir et blanc.

 


Emile ZOLA (1840-1902)

L'Oeuvre. Décrivant "sans le savoir" la tendance encyclopédique de son créateur, Sandoz parle d'une "oeuvre où l'on tâcherait de mettre les choses, les bêtes, les hommes, l'arche immense ! Et pas dans l'ordre des manuels de philosophie, selon la hiérarchie imbécile dont notre orgueil se berce ; mais en pleine coulée de vie universelle, un monde où nous ne serions qu'un accident, où le chien qui passe, et jusqu'à la moindre pierre des chemins, nous complèteraient, nous expliqueraient ; enfin, le grand tout, sans haut ni bas, ni sale ni propre, tel qu'il fonctionne ..."

De très belles descriptions aussi, dans ce deuxième chapitre, des paysages où Claude et Sandoz se promenaient autrefois près de Plassans. Sensuelles et sensibles, très picturales justement, mais aussi dynamiques. Peintures en mouvement qui donnent envie de parcourir et de goûter les paysages décrits.

La Débâcle. Une fin très habile. Et surtout, il y a un chapitre magnifique racontant le siège d'une petite maison où Weiss s'est retranché avec quelques soldats et un jardinier qui a tout de l'inspecteur Harry.

Vérité. "Et le père Théodose, encouragé, illuminé, venait d’avoir une brusque idée de génie pour tirer du saint (Antoine de Padoue) une autre moisson de gros sous. Il lançait une stupéfiante affaire financière, il émettait des obligations hypothécaires de cinq francs sur le paradis. Des circulaires, des prospectus inondaient le pays, expliquant le fonctionnement ingénieux de cette mise en actions des béatitudes célestes. Chaque obligation était divisée en dix coupons de cinquante centimes, chacun à valoir sur le trésor des bonnes œuvres, prières et saintes messes, le tout payable ici-bas au comptant et remboursable au ciel, à la caisse du miraculeux saint Antoine. Des primes devaient en outre allécher les souscripteurs, vingt titres donnaient droit à une statuette coloriée du saint, et cent titres assuraient une messe annuelle. Enfin, le prospectus expliquait qu’on avait donné à ces titres le nom d’obligations de saint Antoine, puisque le saint était le caissier chargé de les rembourser au centuple dans l’autre monde. Et il terminait par ces phrases : « De telles garanties surnaturelles font de ces obligations de vraies obligations hypothécaires, d’une sûreté absolue. Aucune catastrophe financière ne peut les menacer. La destruction du monde elle-même, à la fin des temps, les laisserait indemnes, ou plutôt mettrait immédiatement les souscripteurs en jouissance des intérêts capitalisés. »

 


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