L'EVANGILE SELON FANTOMAS

 


  

1) Antéchrist ou Anti-Christ ?

2) Nativité et figure de la Vierge

3) Prédication et disciples

4) Miracles

5) Résurrections


1) Antéchrist ou Anti-Christ ?

Rappelons que le préfixe “ anté ” marque dans “ antéchrist ” une simple antériorité : l’Antéchrist est celui qui, selon l’Apocalypse, doit venir avant le Christ. Mais comme il s’agit d’une figure satanique, il est évidemment tentant de le définir également comme un Anti-Christ, un adversaire du Christ ou, pour mieux dire, un reflet en négatif de celui-ci. C’est cette dernière image qui nous arrêtera maintenant, car nous allons voir que Fantômas est souvent montré comme un équivalent inversé du Christ : dans certains de ses actes, de ses propos, ce n’est pas Satan que l’on retrouve mais bel et bien Jésus. L’explication tient en deux mots :

* TROMPERIE : le Mal ne s’affiche pas toujours en tant que tel et prend souvent le visage du Bien, de même que l’Antéchrist tente de se faire passer pour le Christ.

* SACRILEGE : l’imitation parodique du Bien, son image à la fois fidèle et inversée, est à la base de tout satanisme (messe noire, croix inversée,...)

 


2) Nativité et figure de la Vierge

Gurn est originaire du Natal (en Afrique du Sud), nom qui évoque étymologiquement l'idée de naissance et celle de Noël.

Lady Beltham évoque la Vierge Marie : femme pieuse et charitable au fond, elle trompe Lord Beltham (Joseph) en croyant à l’amour (valeur fondamentale pour elle, qui la fera d'ailleurs aider Fandor dans Le Policier apache) et devient d'une certaine façon l'épouse du dieu Fantômas, en réalité un dieu trompeur, dissimulant le Mal, qui l’entraîne à commettre des crimes.

Trinité : Fantômas est à la fois Père, Fils et Saint-Esprit en tant qu’amant de Marie/Lady Beltham : visites secrètes, Annonciation,... Celle-ci est la Vierge aussi dans sa non-maternité : elle n'a pas d’enfants de Lord Beltham, et les enfants de Fantômas qui apparaîtront ultérieurement ne sont pas les siens.

Dans Le Pendu de Londres, on trouve une scène où Lady Beltham apparaît à Berthe comme la Vierge à Bernadette.

Comme la Vierge, elle se refusera à accepter le supplice de Fantômas, à la fin du premier volume. Mais contrairement au Christ, Fantômas s'y refusera également et Lady Beltham va pouvoir participer à l'opération destinée à sauver celui qu'elle aime (cf. Résurrections)


3) Prédications et disciples

Le Train perdu, pg 42 (Bouquins) : “ - Que savez-vous ?...Que croyez-vous ? ” Ces questions de Fantomas à sa bande évoquent les questions du Christ à ses disciples. Pg 44. Encore des phrases à consonance religieuse : “Juve est à Bordeaux.... Je veux qu’il meure”, “Je vous annonce du sang, je vous promets de l’or.” A la fois Dieu et prophète, Fantômas parle à ses "disciples", puis disparaît de façon incompréhensible.

Il entretient avec sa bande ce rapport de maître à disciples qui évoque un peu le Christ. On pourrait chercher des équivalences plus précises :

- le Judas potentiel : Bouzille ?

- "le disciple que Jésus aimait", Jean = Mimile ?

Toujours considérer que l’allégorie est moins significative que ludique, parodique.

Les femmes dans Fantômas sont souvent "pécheresses", prostituées ou femmes adultères : Sonia, Nini Guinon,... peuvent évoquer des figures scripturaires comme Eve, Marie Madeleine, Jézabel,... Si l’on suppose à Jésus une relation amoureuse, Lady Beltham est à la fois une figure de Marie de Magdala, en tant que femme adultère et maîtresse de Fantômas, et de la Vierge Marie (par ses apparitions).

Pistes : Consulter Evangiles, Apocalypse,...

Y a-t-il aussi un équivalent des paraboles ?


4) Miracles

Point commun essentiel entre Fantômas et le Christ : les miracles, qui ne sont chez Fantômas que magie, illusion, prestidigitation. Mais c'était aussi le cas de Jésus selon l'avis du gnostique Simon le Magicien qui voulut acheter à Saint Pierre ses secrets, ses "trucs".

Relevé des "miracles" de Fantômas à effectuer, et mise en parallèle avec ceux du Christ.

Autres pistes religieuses : prophètes, martyrs,...


5) Résurrections

Compte tenu du nombre de romans composant la série, Fantômas aura l'occasion d'être exécuté par la Justice à plusieurs reprises. On ne peut guère comparer ces mises à mort avec celle du Christ dans la mesure où Fantômas, outre qu'il mérite quelque peu ce qui lui arrive (ou du moins semble lui arriver), est exécuté sans tortures inutiles et de façon assez rapide (guillotine, pendaison).

En revanche, la comparaison avec la figure du Christ devient évidente lorsque, systématiquement, Fantômas "ressuscite".

Dans Le Pendu de Londres, Fantômas annonce par avance qu'il ressuscitera, et cela trois jours après sa mort, comme le Christ.

Le corps de Fantômas est racheté au bourreau, par Juve, qui tient ici le rôle de Joseph d'Arimathie (1), non pour prendre soin de la dépouille mais pour vérifier que le corps ne prendra pas la tangente, comme il a été prophétisé.

Le rachat du cadavre et les 3 jours évoquent très clairement l'Evangile : on ne peut guère parler ici d'archétype d'une situation humaine. Les références semblent ici tout à fait conscientes ; il est difficile d'attribuer de telles coïncidences au simple souvenir inconscient de l'éducation religieuse des deux auteurs.

Dans Le Train perdu, la bande de Fantômas l'aperçoit d’abord à peine et le prend pour un policier, comme les femmes au tombeau, prenant Jésus ressuscité pour un jardinier. La reconnaissance se fait avec une satisfaction mêlée de crainte respectueuse.

***

Mais revenons au premier volume, dans lequel Fantômas échappe à la guillotine en parvenant, avec l'aide de Lady Beltham et du gardien de prison Nibet, à se faire remplacer par l'acteur Valgrand, qui s'est lui-même déguisé et grimé en Gurn-Fantômas, dont il joue avec un grand succès le rôle au théâtre. La veille de l'exécution, se faisant passer pour une admiratrice enamourée, Lady Beltham fait venir Valgrand ainsi grimé dans un endroit proche de la prison : Valgrand est alors endormi et substitué à Fantômas par un passage secret. A son réveil, il aura la joie de constater que son maquillage est parfaitement réussi puisqu'on le guillotinera en lieu et place du véritable Gurn.

Il n'y a donc pas (et il n'y aura jamais, puisque Fantômas n'est pas, redisons le, un récit fantastique) véritablement résurrection et cette mauvaise plaisanterie nous éloigne apparemment du Christ. Apparemment seulement car le gnostique Basilide émit au II° siècle une théorie selon laquelle Jésus aurait lui aussi opéré une substitution de dernière minute. Simon de Cyrène ayant été sommé d'aider Jésus à porter la croix, Jésus en aurait profité pour prendre l'aspect de Simon de Cyrène, donner son apparence à celui-ci et s'éloigner tranquillement pendant que les soldats romains crucifiaient le pauvre bougre. Cette version hérétique de la crucifixion, où le Christ survit, non par la résurrection mais par le déguisement, la tromperie, la manipulation, l'escamotage, est beaucoup plus proche des méthodes habituelles de Fantômas, et l'acteur Valgrand peut donc apparaître comme un équivalent moderne de Simon de Cyrène.

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Pistes : Une étude plus approfondie des doctrines hérétiques, en particulier gnostiques, et une relecture des Ecritures de Cavanna peuvent être utiles pour traiter plus en profondeur le thème d’un dieu tricheur. Cf. aussi Crucifixion de Mordillat-Prieur.

(1) : Juve, Fantômas, Fandor, Lady Beltham et quelques autres sont les acteurs d'une troupe capable de monter toutes scènes et situations, de jouer toute parodie d'événement historique, littéraire ou biblique.


 

 

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