JOHN DOGGETT - Blog Présidentielle 2022

Cf. également le Blog 2017


Août 2021 : CREOLISATION vs UNIVERSALISME (ou : les MOTS à la CON qui risquent de faire perdre MELENCHON)

Une des maladresses de Mélenchon (maladresses que je déplore parce que je considère sa victoire en 2022 comme notre seule et peut-être notre dernière chance de sortir du cauchemar) est d'employer de plus en plus souvent le mot créolisation.

Parler en permanence de VI° République n'est maladroit que dans la mesure où de nombreux électeurs n'en perçoivent pas l'intérêt. Au mieux, le propos les laisse indifférents. Au pire, ils en déduisent que Mélenchon radote sur des sujets à leur yeux secondaires au lieu de se concentrer sur des sujets qui les touchent bien davantage.

La "créolisation", c'est pire encore. Certes, le concept est en réalité tout à fait pertinent et il est en général parfaitement expliqué par Mélenchon. Mais, pour ceux qui n'accèdent aux propos de Mélenchon que de seconde main et/ou ne s'y intéressent qu'en diagonale (c'est-à-dire pour une immense quantité de gens), il peut facilement être confondu avec une apologie du multiculturalisme et du communautarisme les plus débridés, à l'anglo-saxonne, et donc avec un abandon des idéaux républicains. Confusion d'autant plus désastreuse à une époque où le RN, soigneusement dédiabolisé de tous côtés, prospère et progresse, où le RN, héritier de l'Action française, de Pétain et du III° Reich, ne parle plus que de "laïcité" et de "République" (quand ce n'est pas de défense des travailleurs !) sans que personne ne s'en émeuve ou n'éclate de rire.

Le malentendu sur le sens à donner au mot "créolisation" est d'autant plus fort que Mélenchon nuance également son attachement à la notion d'universalisme. Ici encore, si l'on écoute attentivement ses explications, c'est une position défendable et intéressante, qui ne vise qu'à dénoncer un certain universalisme détourné de son sens. Mais l'effet n'en est pas moins désastreux pour ceux qui sont réellement attachés aux valeurs des Lumières et qui sont, me semble-t-il, le coeur de cible, pour ne pas dire le véritable électorat, de la France insoumise.

Qu'un mot aussi essentiel soit (comme tant d'autres !) détourné de son sens par certains au profit d'idées et/ou d'actions nauséabondes, cela doit nous inviter à lui redonner pleinement son sens et non à le prendre désormais avec des pincettes.

Je m'y risque rapidement.

Le véritable universalisme, ce n'est pas lorsqu'une culture donnée décrète que ses valeurs et traditions, y compris les plus arbitraires ou les plus répugnantes, ont vocation à devenir universelles. Estimer par exemple que la corrida, le fait de considérer les femmes comme inférieures ou bien encore l'ultralibéralisme devraient s'imposer au monde entier n'aurait rien à voir avec de l'universalisme et ne relèveraient que d'une volonté d'hégémonie culturelle consistant à penser que "si ça vient de chez nous, c'est forcément ce qu'il y a de mieux pour tout le monde" (même si en réalité, comme dans mes trois exemples, c'est de la m...)

Le véritable universalisme ne peut s'appliquer qu'à certaines idées, valeurs, progrès, dont le caractère positif est si évident pour toute personne de bon sens qu'il n'y a aucune raison pour que toute l'humanité ne mérite pas d'y accéder tôt ou tard : la démocratie plutôt que l'arbitraire d'un seul ou d'une caste, l'égalité des droits entre l'homme et la femme, la liberté de conscience, et j'en passe !

Les hasards de l'Histoire font émerger dans tel ou tel pays telle ou telle valeur à vocation universelle. Il n'y a ni à s'en vanter, ni à considérer que parler à leur sujet d'universalité relèverait d'une volonté d'hégémonie culturelle. Il y a simplement à se demander ce qui est bon ou non pour l'humanité. Et à le dire, à défendre ces valeurs. Evidemment pas à les imposer par la force et à les utiliser comme prétextes à guerre ou à colonisation, mais à proclamer leur universalité et à en convaincre les autres peu à peu.

Voilà l'universalisme qui mérite d'être défendu haut et fort (et sans lequel le combat politique de la France insoumise n'aurait plus aucun sens), l'universalisme qui fait qu'il n'y a pas lieu de lui "opposer" la notion de créolisation parce qu'il l'inclut déjà.



Retour Menu Blog

Retour Sommaire principal