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PEINTURE


Peinture : Art de protéger des surface planes contre les intempéries tout en les exposant à la critique. (Ambrose Bierce, Dictionnaire du Diable)


Evoquant la "scénographie" des expositions, Daniel Arasse observe que l'analyse de Walter Benjamin est désormais dépassée. Benjamin constatait que l'oeuvre d'art étant devenue reproductible, on était passé d'une valeur de culte (l'oeuvre n'est pas ou peu visible, mais on lui rend un culte) à une valeur d'exposition (on ne lui rend plus de culte, mais elle est visible). Avec la plupart des scénographies actuelles, mais aussi avec les conditions de visite (temps limité et/ou foule de visiteurs), l'oeuvre redevient de moins en moins visible et on revient à une valeur de culte, le culte de la mise en scène de l'art. Au lieu d'admirer chaque oeuvre pour elle-même, on rend un culte à la Culture.


TEMPS

Dans la lignée de Daniel Arasse, Nadeije Laneyrie-Dagen, aux Nouveaux Chemins de la connaissance, considère l'évolution de notre regard sur les oeuvres comme un problème de temps : "Il y a eu une époque où les images étaient rares et donc, ces images, il fallait leur faire rendre gorge. Ayant peu d'images, on les regardait, on les re-regardait et on y revenait encore. Donc, ce temps du regard, ce temps fait pour scruter, il existait, et le peintre savait avec évidence pouvoir compter dessus. Aujourd'hui, on fait le Louvre, on fait les Offices, on feuillette, on regarde sur Internet rapidement, en un clin d'oeil, en un coup d'oeil, on voit un tableau, souvent on ne le regarde plus." Elle juge que la visite d'un musée consiste généralement aujourd'hui simplement à "vérifier que les chefs-d'oeuvre sont bien là", sans véritablement prendre le temps d'admirer en quoi ce sont des chefs-d'oeuvre. Elle compare peinture et musique en remarquant que cette dernière, au moins au concert, peut tenir son auditeur "captif" et lui imposer son temps.


IMAGE ET CHRISTIANISME

Tandis que le christianisme d'Orient, après les luttes opposant iconoclastes et iconodules, finissait par donner raison aux seconds et à continuer à considérer l'image comme sacrée, l'Eglise romaine a fait le choix de priver l'image de ce caractère sacré et de l'utiliser ainsi beaucoup plus librement en tant que simple illustration des textes. Gombrich a bien montré comment le choix oriental figeait les représentations dans des codes et empêchait quasiment toute évolution, tandis que le choix occidental allait permettre de multiples expérimentations et une évolution considérable de la peinture.

Grégoire I° le Grand déclarait que les images offraient "une lecture vivante de l'histoire du Seigneur pour tous ceux qui ne peuvent lire." On peut se demander (mais il faudrait pour cela disposer de chiffres concernant la proportion d'analphabètes sous l'Empire romain, puis au Moyen Age, tant en Occident qu'en Orient) dans quelle mesure la régression culturelle produite par les invasions barbares n'est pas (involontairement) responsable des choix de l'Eglise romaine en matière d'images, et donc de l'importance de la peinture occidentale.


ESPACES

J'ai pu constater que le goût du paysage n'était pas une évidence pour tous et je me demande dans quelle mesure, hors de toute considération purement picturale, ce goût ne relève pas chez moi d'une tendance à se projeter dans le lieu représenté. C'est ainsi que, de façon très évidente, lors d'une récente visite au musée d'Orsay, je me suis arrêté sur le Café à Adalia de Tournemine, non pour ses qualités artistiques, mais en me disant qu'il serait fort agréable de déguster quelque consommation dans cet endroit.

Cela ne s'applique d'ailleurs pas qu'à des lieux agréables (voir ma prédilection pour les tableaux représentant des intérieurs d'églises), ni même réels. J'ai pu récemment aussi me "projeter" par exemple dans Furie de flûte grêle, de Marc Jansen, au Palais de Tokyo, malgré son caractère totalement irréel (mais cela reste clairement un espace, au sens géographique, un espace où l'on sent que l'on pourrait circuler).


La Crucifixion de Grünewald, association de hasard, se marie bien avec un blues de John Lee Hooker. Gombrich souligne la taille du Christ par rapport à celle des autres, ce qui illustre la phrase de Saint Jean Baptiste : "Il faut qu'il croisse et que je diminue."


Détail étonnant de la Vierge au Chancelier Rolin de Van Eyck : une des colonnes écrase des lapins (d'où sortent-ils ? du socle ??)


POLYPTIQUE

Palettes sur Sassetta : la reconstitution à travers les siècles des divers éléments d'un retable n'est pas sans évoquer les vignettes Panini.


Le plafond de la Sixtine : 13m X 36m. Quatre ans de travail pour Michel-Ange, seul et peignant dans un inconfort total, sur le dos ou renversé en arrière. Impressionnant. Et en plus le résultat n'est pas trop mal.

***

Brancusi estimait que Michel-Ange, c'était "du bifteck en délire".


Véronèse fut convoqué par l'Inquisition pour son Repas chez Lévi, car cette représentation de la Cène contenait un certain nombre d'éléments saugrenus, en particulier des assiettes situées derrière la tête de certains personnages, comme des auréoles. C'est pourtant amusant, comme idée.


CONSCIENCE PROFESSIONNELLE

Pour s'astreindre à ne pas sortir de chez lui pendant qu'il peignait le Radeau de la Méduse, Géricault s'est rasé la moitié de la tête.


Etrange, et psychologiquement pleine de signification, La Mort de Sardanapale, que Delacroix décrit ainsi : "Son palais est assiégé par des insurgés ... Il est lui-même allongé sur un lit imposant au sommet d'un bûcher sacrificiel immense (qu'on s'imagine déjà l'étrangeté de cette mort à venir, molle et terrible, dans un lit en feu !). Il a ordonné aux eunuques et aux gardes du palais d'égorger ses femmes, ses pages, ses chevaux et ses chiens favoris. Aucun des objets qui a contribué à son plaisir ne doit lui survivre."


Au Salon de 1853, Courbet présenta ses Baigneuses, qui bien évidemment, comme à peu près tout ce qu'il produisit, firent scandale : Napoléon III fut tellement irrité par le tableau qu'il le frappa de sa cravache (le tableau).


Emil Nolde s'inscrivit au NSDAP dès 1934 et se trouva fort désappointé lorsque les nazis le décrétèrent "artiste dégénéré".


LUMIERE

Un visiteur posa un jour à Braque cette question saugrenue :

- Mais d'où vient la lumière dans ce tableau ?

Sans se démonter, Braque lui répondit :

- D'un autre tableau.


FACE A LA CRITIQUE

"Cher Monsieur Dupierreux,

La bêtise est un spectacle fort affligeant, mais la colère d'un imbécile a quelque chose de réconfortant. Aussi je tiens à vous remercier pour les quelques lignes que vous avez consacrées à mon exposition.

Tout le monde m'assure que vous n'êtes qu'une vieille pompe à merde et que vous ne méritez pas la moindre attention. Il va sans dire que je n'en crois rien et vous prie de croire cher monsieur Dupierreux en mes sentiments les meilleurs."

(Magritte, 3 mai 1936)


CUBISME

L'expérience cubiste de Picasso est une belle tentative de voir le réel sous toutes ces facettes. Dans des conditions normales, lorsque nos yeux ou notre esprit regardent quelqu'un, surtout avec amour, il y a pas mal d'angles morts.


PRECURSEUR

Paul Klee peint en 1922 cette Machine à gazouiller, inventant du même coup les Shadoks.



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