"GAUDIE'S RUN" D'HERBERT QUAIN

UN ROMAN PROPHETIQUE ?

 

Romancier gallois injustement considéré comme anglais (quand il n'est pas ignoré), Herbert Quain est l'auteur de romans malheureusement non-traduits en français tels que "The God of the labyrinth", "April March", "The Secret Mirror", "Statements", ... ainsi que d'un délectable roman de politique-fiction intitulé "Gaudie's Run".

Publié en 1959, le roman, qui renvoie dos à dos capitalisme et stalinisme, raconte comment une insurrection citoyenne indépendante de tout encadrement politico-syndical renverse le gouvernement britannique.

Le mouvement décrit dans "Gaudie's Run", que l'on peut difficilement considérer comme annonciateur de soulèvements tels que mai 68, comporte en revanche des points communs nombreux et troublants avec le mouvement de 2003. D'ailleurs, Quain situe l'action de son roman (sans faire pour autant à proprement parler de la science-fiction) en 1995 : mais le choix de la date s'explique en grande partie comme un hommage implicite à Orwell, cité en tête de trois chapitres (dont le premier) sur douze.

Dans l'Angleterre de "Gaudie's Run", comme dans la France de 2003, c'est le désengagement croissant de l'Etat et la marchandisation de tous les secteurs, y compris évidemment la santé et l'éducation, qui met le feu aux poudres. Et comme chez nous, les enseignants jouent un rôle essentiel dans le mouvement, avec cette idée-clef que le salut de l'humanité ne peut venir que de la propagation du savoir et du développement de la réflexion, certainement pas d'un dogme quelqu'il soit.

Clairement inscrit dans la lignée orwellienne, le roman illustre parfaitement l'abrutissement médiatique et la perversion du langage, mais il illustre aussi l'inévitable échec d'une telle manipulation. Il suffit de quelques heures de diffusion aux insurgés occupant la BBC pour détruire des années de propagande libérale, en fournissant des informations jamais fournies auparavant, en posant des questions jamais encore posées à des heures de grande écoute. Sans doute une des scènes les plus réjouissantes et les plus instructives du roman. Autre grand moment, celui où les représentants les plus arrogants du pouvoir politico-économique sont coffrés par leur propre police, déchus de leurs droits civiques et condamnés à des travaux d'utilité publique.

Mais là, on sent que l'imagination prend quelques libertés (trop ?) avec le strict réalisme.

 

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