ANIMAUX

 

Photographier les chats que l'on croise n'est pas kitsch : c'est un devoir. Surtout s'ils sont dans une de ces situations qu'ils affectionnent et qui nous semblent grotesques (imbéciles que nous sommes !) : perchés sur des choses improbables, fascinés par un objet banal ou inexistant, ...

Baudelaire, qui n'était pas un type excessivement convivial, s'arrêtait en revanche toujours pour caresser un chat croisé dans la rue.

Un chat est une oeuvre d'art sur pattes, un chef d'oeuvre tantôt d'élégance, tantôt de bouffonnerie,... mais toujours un chef-d'oeuvre.

Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime

Tirés comme par un aimant,

Se retournent docilement,

Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement,

Le feu de ses prunelles pâles,

Clairs fanaux, vivantes opales,

Qui me contemplent fixement.

(Le Chat, Spleen et Idéal, LI)

 

Ils prennent en songeant les nobles attitudes

Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,

Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin ;

Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques,

Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,

Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

(Les Chats, Spleen et Idéal, LXV)

Mahomet coupa un pan de sa manche pour ne pas troubler le sommeil de sa chatte Muezza endormie dessus.

Moins félinophile, Athanase Kircher a construit au XVII° un orgue à chats (des pointes reliées aux touches viennent piquer la queue des chats) et en joua devant Philippe II. Idem des flamands chez qui le jet de chats fut longtemps un jeu populaire.

Paradis de Moncrif, un des premiers à écrire un livre à la gloire des chats, raconte notamment que Brinbelle, chatte de l'Hôtel de Guise, demeura fidèle à son époux Ratillon d'Austrasie après qu'un voisin l'eut fait castrer.

En moyenne, le chat passe 70% de son temps à dormir, et 30% du temps qui reste à se toiletter. La proportion consacrée au travail n'est précisée nulle part. Si l'on a pu chanter que "la jeunesse emmerde le Front National", visiblement les chats en ont autant à l'intention du MEDEF.


12 avril 2009 : Arte diffuse un documentaire original, La Voie du Chat, de Myriam Tonelotto.

On y apprend notamment que les chemins de fer brittaniques "salariaient" jadis de nombreux chats, nourris par l'administration pour préserver l'état des câbles de l'atteinte des rongeurs, et qu'ils ont tous été "licenciés" comme inutiles après la privatisation de 1996, les nouveaux patrons, uniquement soucieux de rendement immédiat, n'ayant vu que des animaux de compagnie (un cheminot précise que c'était le plus souvent des chats à demi sauvages et qu'il ne fallait "pas essayer de les caresser si vous vouliez conserver vos dix doigts") là où il y avait en réalité de véritables spécialistes. A l'inverse, au Japon, un patron intelligent qui a relancé une gare pourtant peu fréquentée et qui en outre a eu l'idée de nommer un chat du quartier "chef de gare" pour qu'il soit autorisé à rester là, s'est vu récompenser de ses initiatives saugrenues : des tas de gens prennent désormais cette ligne rien que pour voir le chat trôner là avec sa casquette, et la gare abandonnée fait désormais des bénéfices.

Il est question plus tard d'un "bordel" de chats (il me semble que le mot "cathouse" a justement ce sens) : des gens paient pour passer un moment avec un des chats proposés, le caresser, jouer avec lui, etc. C'est assez sidérant. La tenancière précise bien que tous les chats ne sont pas capables d'exercer cette activité : ils doivent se frotter à n'importe qui, ronronner sur commande, etc ... bref, ce ne sont plus vraiment des chats, il me semble !

Un japonais explique que depuis 1975 environ, le chat n'est plus vraiment apprécié au Japon comme symbole d'indépendance mais comme expression d'une molle affirmation de soi par des adulescents marqués par le concept et l'esthétique du kawaii ("trop mignon !"). Conçu désormais comme un accessoire de mode, kawaii et customisé, le chat se loue parfois à la journée. 70% des chats sont abandonnés au bout de deux ans environ : plus assez kawaii ...

Dans un hôpital (américain ?), le chat Oscar a la particularité de pressentir la mort des patients environ quatre heures avant. Il s'installe sur le lit et y reste jusqu'à la fin, en ronronnant. Perturbé lorsque deux patients meurent en même temps, il va de l'un à l'autre mais finit toujours par choisir celui qui n'a pas de famille autour de lui.

Mark Twain : "Si l'on pouvait croiser l'homme et le chat, l'homme en serait meilleur, mais sûrement pas le chat."

Victor Hugo : "Il rêve, il observe, et toujours, dans tous ses mouvements et dans ses actions, il déploie vis à vis des autres bêtes qui l'entourent des manières d'homme bien élevé qui se serait fourvoyé dans une réunion d'imbéciles."

Dans un autre documentaire, Chats perchés, de Chris Marker, ne pas rater, à la 11° minute, la scène du pigeon qui se transforme en homme.

"Quand je me jouë à ma chatte, qui sçait si elle passe son temps de moy plus que je ne fay d'elle ? Nous nous entretenons de singeries réciproques. Si j'ay mon heure de commencer ou de refuser, aussi a-t-elle la sienne."

(Montaigne, II-12)

Après le chat, l'animal le plus fascinant est ce truc-là :

Il s'agit d'une espèce d'hippocampe (la tête est à droite) déguisé en salade. Sa contemplation mène à l'extase.

La cigogne a son charme également lorsqu'elle trouve un perchoir qui la met judicieusement en valeur et lui confère de la dignité.

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L'hippocampe-feuille (solution)

Retrouvez Phycodurus eques sur son facebook.

 

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