B
Humphrey BOGART (1899-1957) et
Lauren BACALL (1924-2014)
Outre que Bogart est, comme Clint Eastwood, un de ces acteurs fabuleux dans les rôles cynico-romantiques et les histoires de rédemption, et qu'il a joué dans des chefs-d'oeuvre comme Casablanca ou African Queen (entre autres), j'ai la plus grande sympathie pour le couple Bacall-Bogart, qui a su dire merde au maccarthysme. Parmi les couples d'artistes, généralement préfabriqués, c'est un des rares (avec le couple Tracy/Hepburn) à respirer la sincérité et l'intégrité : on sent qu'il y a là une vraie grande histoire entre deux vrais grands êtres.
"Si vous avez besoin de moi, vous n'aurez qu'à me siffler", disait Lauren Bacall à Bogart dans le film sur le tournage duquel ils se sont connus, Le Port de l'angoisse. A l'occasion de leur mariage, Bogart lui offrit un sifflet en or. Et à la mort de Bogart, Lauren Bacall plaça le sifflet dans son cercueil.
La suite de l'existence de Lauren Bacall est assez sombre. Elle se remarie avec l'acteur Jason Robards, qui s'avère alcoolique et dont elle divorce quelques années après.
Plus triste encore, cette grande actrice, sans doute embarquée dans pareille galère à la suite de quelque erreur de traduction, se retrouve en 1997 au casting du film le plus grotesque de l'histoire du cinéma, aux côtés de blaireaux franchouillards comme Karl Zéro et Alain Delon.
John BOORMAN (né en
1933)
The Tailor of Panama
Dans son commentaire, Boorman explique que Geoffrey Rush ne sachant pas conduire, la voiture était généralement immobile ou poussée par des types, et il observe : "Même en mettant des décors de fond ou en poussant la voiture, il a encore l'air d'avoir peur."
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Excalibur
Le film est magnifique. Dans le même genre mais compte tenu des moyens de l'époque, on peut dire qu'il préfigure splendidement des réussites visuelles récentes comme Le Seigneur des Anneaux.
On notera au passage un détail sans le moindre intérêt : l'acteur Nigel Terry, qui incarne Arthur, est une sorte de sosie de Hugh Grant, question mimiques. Autre similitudes troublantes, certaines scènes (en particulier celle où apparaissent des paysans au travail) ressemblent fortement à des scènes du Sacré Graal. Le problème, c'est que s'il y a inspiration à ce niveau, ce serait, assez curieusement, la version sérieuse de la légende, Excalibur (1981) qui aurait été inspirée visuellement par certaines scènes de sa parodie par les Monty Python (1974).
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Zardoz
Le film est plein de défauts, très inégal, mais les questions qu'il aborde (surpopulation, choix de l'extinction, etc.) sont fascinantes, et certaines scènes sont visuellement très réussies, en particulier celle de la transmission des connaissances et des talents, durant laquelle des images sont projetées sur des visages pour illustrer les éléments culturels ainsi transmis (si je l'explique comme ça, c'est très lourd, alors que justement cette mise en scène fait passer l'idée très simplement, sans un mot). Boorman raconte d'ailleurs dans son commentaire audio qu'un critique, qui avait trouvé le film nul mais cette séquence splendide, avait à l'époque indiqué dans son article la position exacte de la scène afin de permettre à ses lecteurs de n'entrer dans le cinéma qu'au moment de cette scène et sans avoir à se farcir tout le reste du film.
Mais le résultat d'ensemble est malgré tout impressionnant si on considère qu'il s'agit d'un film de science-fiction irlandais, avec le budget et les moyens technique que cela suppose. Pour du bricolage, c'est assez réussi.
La scène à l'intérieur du cristal, dont Boorman admet lui-même qu'elle est trop longue, est pourtant elle aussi visuellement réussie. Ce qui la rend pénible, comme pas mal d'autres passages de ce film, c'est très clairement le traitement du son, ce mélange grotesque de geignements psychédéliques et de bidouillages sonores seventies particulièrement lourds, tout cela étant supposé "faire science-fiction".
John Boorman déclare : "Habiller Sean Connery en mariée n'a pas été une mince affaire, car il s'y refusait" (on le comprend : le résultat est évidemment stupéfiant, avec sa moustache).
BRANTÔME
(1540-1614)
Les Dames galantes valent notamment par la saveur de la langue. On y trouvera par exemple le verbe "se pimplocher" (se maquiller) ou des considérations sur "celles qui sont de volonté putes" mais se contiennent (et ont ainsi selon l'auteur plus grand mérite que celles qui ne le sont pas, "de volonté putes") ou encore sur le fait que Vénus "s'amouracha du dieu Mars (...) encor qu'il fust tout sallaud, tout suant de la guerre d'où il venoit et tout noircy de poussière."
J'ignore si Brantôme a lu les Essais (les livres I et II ayant été publiés en 1580, c'est en tous cas possible), mais il a parfois l'air, à sa façon (bien moins profonde et originale que celle de Montaigne) et sur un domaine plus limité, de s'en inspirer, à la fois dans sa volonté de traiter parfois les différents aspects d'une même question et dans une certaine tendance à la digression ("je me suis un peu extravagué de mon desseing").
Ouvrant son "Premier Discours" consacré aux histoires de cocuage, il admet modestement ne pas prétendre faire le tour d'un tel sujet : "Car tout le papier de la Chambre des Comptes de Paris n'en sçauroit comprendre par écrit la moitié de leurs histoires, tant des femmes que des hommes (...) m'excusant si je n'observe en ce discours ordre ny demy, car de telles gens et de telles femmes, le nombre en est si grand, si confus et si divers, que je ne sçache si bon sergent de bataille qui le puisse bien mettre en rang et ordonnance."
"Voilà pourquoi il fait fort dangereux d'assaillir et attacquer un c... (cocu) armé."
Sur la nécessité de se retirer pour ne point engrosser sa maîtresse, Brantôme dit d'un amant qu'il fallait "qu'il espiat le temps du mascaret quand il devait venir."
Notons ce conseil avisé : "Il ne faut jamais monstrer sa femme nue."
A propos de l'impuissance occasionnelle d'un mari, Brantôme évoque "sa debolesse, flasquesse et mollitude."
A propos d'amants se faisant offrir tant de cadeaux qu'ils en ruinent quasiment la femme : "En quoy tels escrocqueurs et escornifleurs sont grandement à blasmer d'aller ainsi allambiquer et tirer toute la substance de ces pauvres diablesses martellées et encapriciées."
Sur les femmes qui ont un beau mari mais préfèrent prendre un amant laid : “Et volontiers les beaux et honnestes hommes sont un peu plus délicats et moins habiles à rassasier une luxure excessive et effrénée qu’un grand et gros ribaut barbu, ruraud et satyre.”
Il est question plus loin de femmes payant des amants (sans doute rurauds et satyres) "pour s'accoster de leurs chalanderies et se faire fourbir à eux."
"(...) ou bien qu'elle n'ouvrist et dressât (...) boutique d'amour et de putanisme, comme fit Flora, afin de s'enrichir et accumuler force biens et bons moyens, au travail de son corps et branslement de son lict."
"Ah, je ne m'attaque pas à vous, Meray, car vous estes une grande courcière bardable !"
Il est question plus loin d'une dame qui, faisant cela sur un coffre, "se pasma de telle façon qu'elle se laissa tomber derrière le coffre à jambes ribaudaines."
Plus loin encore, d'une qui "faisait de l'austère et reformée, que, quand elle entendait parler d'une putain, elle en esvanouissait soudain ; et, ainsi qu'on faisait ce conte à un grand seigneur devant sa femme, il disait : que cette femme ne vienne donc point céans, car, si elle esvanouit pour ouï parler des putains, elle mourra tout à trac céans pour en voir."
"Il n'y a loy qu'un beau c... ne renverse."
A propos de Marc-Antoine, Brantôme suppose que Cléopâtre, qui avait su jadis séduire César et Pompée, dut se dire que ce serait encore plus facile avec celui-ci et "qu'elle menerait bien autrement son homme, qui estoit fort grossier et sentant son gros gendarme."
Sur les femmes remariées évoquant auprès de leur nouveau mari les performances sexuelles du précédent, il observe que, si certaines les minimisent pour leur faire plaisir et "leur font accroire que les autres n'estoient qu'apprentitz", d'autres "disoient le contraire, et que les premiers faisoient rages, affin de faire efforcer les derniers à faire les ânes desbatés."
Georges BRASSENS
(1921-1981)
Comme Montaigne, Brassens a dit des choses extrêmement belles et profondes sur la plupart des sujets essentiels, à commencer par l'amour et la mort. Comme avec Montaigne, il m'arrive de ne pas être d'accord sur certains points (généralement secondaires) avec Brassens. Mais comme pour Montaigne, son absence de prétention à détenir la vérité fait que ces divergences ne posent aucun problème.
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Brassens disait : "Je suis anarchiste au point de marcher toujours dans les clous, pour ne pas avoir à discuter avec un flic."
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"Ne pas mettre au monde un connard,
C'est malcommode et c'est un art
Que ne pratique pas souvent
La majorité des vivants."
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Il n'y a chez Brassens que très peu de chansons médiocres : le Nombril des femmes d'agent, par exemple, ou Carcassonne, je ne vois guère que ces deux-là, dont la musique est d'ailleurs la même. Mais le début de la première est tout de même un régal langagier digne du Brassens habituel :
"Voir le nombril d'la femme d'un flic n'est certain'ment pas un spectacle
Qui du point de vue de l'esthétique puisse vous élever au pinacle."
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On est frappé par la force comique de certaines situations (les gars du village entourant la naïve Margot, présumant que c'était pour voir son chat) et observations (dans Le Vent : "mais une attention profonde / prouve que c'est chez les fâcheux / qu'il préfère choisir les victimes de ses petits jeux.")
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C'est vrai que Brassens est le plus souvent un auteur clair, classique, mais il y a ça et là quelques vers qui atteignent, par le détournement du langage, à un véritable flou poétique.
"Mais bêtement, même en orage
Les routes vont vers des pays
Bientôt le sien fit un barrage
A l'horizon de ma folie (...)
Et je l'ai vue toute petite
Partir gaiement vers mon oubli."
Le jeu métaphorique mêlant espace et sentiments est moins illustratif que poétique, sans doute parce qu'il s'agit d'une fausse métaphore où rien ne représente rien, où rien n'est symbole d'autre chose, où les deux termes sont à la fois comparé et comparant, ce qui introduit le fameux flou (je dis bien flou, et non confusion ou opacité). Elle part vers un lieu, mais ce lieu est (parce qu'elle choisit de s'y diriger) équivalent à l'oubli. D'ailleurs, suis-je con ! c'est une métonymie et pas une métaphore.
"Lui conter qu'un certain coup de foudre assassin
Dans le mille de mon coeur a laissé le dessin
D'une petite fleur qui lui ressemble."
Ici, le problème du comparé et du comparant est lié au double sens de "coup de foudre", mais c'est surtout la profusion des images diverses entrelacées qui crée le flou (femme-fleur et coeur-cible), ainsi que l'opération surnaturelle d'un coup de foudre gravant une fleur à l'endroit où il tombe.Sans parler de l'alliance de la violence et de la douceur.
"Une petite croix
De trois fois rien du tout
Faisant à elle seule
De l'ombre un peu partout"
Pure image, impossible à visualiser. A cause de l'opposition minuscule/gigantesque. Et toujours cette association espace/sentiments.
Une petite sélection dans cette oeuvre immense.
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Dans une émission de 1964, très certainement à la demande de la femme qui l'interviewe et à laquelle il n'a pas voulu dire non, Brassens chante Les Funérailles d'antan avec sa pipe à la bouche. Idée stupide qu'il n'aurait évidemment jamais eue lui-même. Contraint de garder les dents serrées pour empêcher de choir cette pipe qui parfois glisse latéralement devant lui, il rame comme un beau diable (enfumé), tantôt mal à l'aise et tantôt au bord d'en rire. Cette situation inconfortable l'oblige à ralentir le tempo de la chanson, mais cela étant dit il s'en sort merveilleusement pour conserver du début à la fin (et la chanson est longue !) une articulation parfaite.
Robert BRESSON
Un condamné à mort s'est échappé
Toute l'austère beauté des films de Bresson, mais avec en prime un enjeu qui rend le film passionnant (son Procès de Jeanne d'Arc est moins palpitant : on sait d'avance que l'évasion échouera).
Au Hasard Balthazar
Très beau film, mais la souffrance d'un animal est toujours quelque chose d'assez insoutenable, plus que celle des humains dont la plupart sont des abrutis moralement peu ragoutants, et cela ne m'a jamais semblé aussi vrai qu'en cette année 2022. La plupart des humains sont d'ailleurs tout aussi abrutis ou abjects dans le film de Bresson, mais d'une manière parfois si outrée ou si peu crédible qu'on se dit que l'abruti le plus gratiné de tous est certainement Bresson lui-même, par exemple lorsqu'il fait dire à l'instituteur que "cet âne est rétrograde", pensant caricaturer ainsi l'odieux progressisme.
Quoi qu'il en soit, à mon âge, je n'ai plus besoin qu'on me montre pendant une heure des connards martyriser un âne pour prendre conscience de la bassesse humaine.
Mouchette
Tout aussi bien réalisé, nettement moins pénible, mais avec ici aussi une vision de la femme (toujours plus ou moins "consentante") qui pose un peu problème. Si un flic dit qu'une femme violée "l'a quand même un peu cherché", on dira à juste titre que c'est un connard. Mais si c'est un type bien peigné comme Bresson qui l'exprime avec de belles images, ça ne semble pas gêner grand monde.
L'Argent
Quoique la couleur nuise un peu à ses qualités esthétiques en montrant des voitures et devantures des années 70, c'est un film plutôt passionnant, avec même un personnage assez amusant (l'employé devenu voleur idéaliste après son faux témoignage). Mais la fin du film pose un problème de réalisme (limites du cinéma bressonien : le "modèle" choisi est parfait pour jouer l'innocence au départ, mais bien trop doux et calme pour incarner ensuite quelqu'un qui serait rendu sauvage par l'injustice, la prison, etc.) et de clarté du propos (est-ce la prison qui transforme cet innocent en criminel ? il nous est montré comme prêt à reprendre une vie normale après ses trois ans de prison et c'est le départ de sa femme qui semble en fait tout précipiter, lui ôter tout espoir de retour à la normale ... bref, une fois de plus chez Bresson, ce sont les bonnes femmes qui foutent la merde).
Je ne les commente pas ici, mais les Dames du Bois de Boulogne, Pickpocket et Lancelot du Lac sont également de grandes réussites de Bresson, sur lesquelles j'ai d'ailleurs beaucoup moins de réserves "morales".
Les BRIGADES du
TIGRE
A côté des épisodes plus classiques, quelques autres sont plus originaux, notamment dans la saison 4. "Le Village maudit", avec le seul Terrasson, est suivi par "les Demoiselles du Vésinet", qui met en scène deux vieilles filles féministes aussi sympathiques que rocambolesques, qui tiennent les Brigades du Tigre et l'armée en échec ; Faivre s'agace, les morigène, se fait envoyer bouler : "Vous allez me rendre mon commissaire, et tout de suite ! Sinon, je vous jure, ça va barder ! - Mais nous ne pouvons pas vous le rendre, il est puni."
Plus sombre, "Bandes et contrebandes" présente une alliance assez inattendue entre Brigades du Tigre et anarchistes, présentés pour une fois de manière plutôt positive. Suit un autre épisode léger, "les Enfants de la Joconde", centré sur Pujol, avec Monique Tarbès dans le rôle d'une prostituée gourdasse et geignarde, avec également au début une plaisanterie déplacée de Terrasson.
Dans un épisode plus ancien, Terrasson (ou Pujol ?) reste comme hypnotisé par la rose rouge qui se trouve sur le bureau de Faivre, lequel s'agace évidemment très vite qu'on n'écoute pas ce qu'il dit. Le même Faivre suggère ailleurs à ses trois subordonnés "d'écrire des scénarios pour le guignol du Jardin des Plantes".
Dany BRILLANT
"Il est encore temps
Que je m'en aille avant
Que c'est toi qui me laisse
Au bout de ma tendresse."
Georges-Louis Leclerc, comte de
BUFFON (1707-1788)
On notera d'abord que Buffon pouvait de son vivant passer devant sa statue et arpenter la rue portant son nom.
Expliquant que le cheval est le plus beau des grands animaux, il écrit : "En comparant (...), on verra que l'âne est mal fait, que le lion a la tête trop grosse, que le boeuf a des jambes trop minces et trop courtes pour sa grosseur, que le chameau est difforme et que les plus gros animaux, le rhinocéros et l'éléphant, ne sont pour ainsi dire que des masses informes."
"Les vaches et les boeufs aiment beaucoup le vin, le vinaigre, le sel. Ils dévorent avec avidité une salade assaisonée."
Sur l'oiseau-mouche : "Il meurt aussitôt qu'il est pris et sert après sa mort à parer les jeunes indiennes, qui portent en pendants d'oreilles deux de ces charmants oiseaux."
Michel Pastoureau observe que, lorsque Buffon ne parvient pas à faire entrer un animal dans sa classification (c'est le cas du porc, de l'ours,...), il le prend en grippe, voire "en abomination" et écrit des pages terribles contre lui.
Edgar Rice BURROUGHS
(1875-1950)
Le Cycle de Pellucidar
Depuis longtemps fasciné par les histoires de Terre Creuse, je me suis lancé dans les premiers romans du Cycle de Pellucidar d'Edgar Rice Burroughs, le créateur de Tarzan. C'est non seulement plutôt efficace d'un point de vue narratif, mais également saupoudré d'humour, ce à quoi je ne m'attendais pas. Dès le début, dans la machine devenue incontrôlable qui leur fait traverser la croûte terrestre vers ce qu'ils pensent être une mort certaine au milieu du magma, le narrateur déclare au vieux Perry qui insulte copieusement sa propre invention :
- J'aurais imaginé que, pétri de sainteté comme vous l'êtes, vous auriez prononcé de dévotes paroles pour appeler le Ciel à votre secours, plutôt que de jurer comme un Templier en présence de la Mort.
Michel BUTOR (1926-2016)
Si La Modification est indéniablement un roman intéressant sur le plan expérimental, j'éprouve une véritable fascination pour L'Emploi du temps. J'ignore d'ailleurs si l'on peut vraiment parler ici de Nouveau Roman, et peu importe : c'est tout simplement un très grand roman, avec son univers aussi attachant qu'inquiétant (Bleston, ses "sortilèges" et ses incendies, ses deux cathédrales et ses trois restaurants asiatiques, ses parcs et sa foire itinérante,...), avec ses images d'art (le Vitrail de Caïn, les tapisseries du musée, et surtout l'étrange iconographie naturaliste de la Nouvelle Cathédrale, avec sa Vierge entourée de mouches, son chapiteau des radiolaires ou son chapiteau des échinodermes,...)
Au-delà de l'univers créé, une des grandes forces du roman tient dans sa construction : le narrateur y tient le "journal" de son année à Bleston, commençant à raconter son séjour sept mois après son arrivée, tentant de rattraper ce décalage, finissant par intercaler dans son récit chronologique des événements plus récents, puis le récit de la relecture des pages écrites précédemment, bref tout cela finit par produire une certaine confusion. J'avais d'abord été sensible à la tension créée par le décalage initial et la volonté de l'abolir, de combler entièrement le temps écoulé, de rattraper le présent. Une deuxième lecture (tout aussi agréable et fascinée) me rend plus sensible au second mouvement temporel, rétrograde celui-ci, qui fait remonter le récit vers l'arrière en suivant un autre fil, modifiant la nature de la tension initiale (puisque le problème sera finalement moins de raconter les choses du début à la fin que de combler les vides intermédiaires laissés par un récit de moins en moins chronologique).
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Des essais très intéressants, notamment dans les différents Répertoires, sur Proust, sur Montaigne, sur Villon, sur Beethoven,...